Interview de M. Olivier Dussopt, ministre des comptes publics, à Public Sénat le 31 mai 2021, sur la politique économique du gouvernement face au déficit budgétaire et à la dette.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Notre invité politique ce matin, c'est Olivier DUSSOPT. Bonjour.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous. Ministre chargé des Comptes publics. On est ensemble pendant 20 minutes, pour une interview en partenariat avec la Presse quotidienne régionale, représentée par Pascal JALABERT. Bonjour Pascal.

PASCAL JALABERT
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Du groupe Ebra, les journaux régionaux de l'Est de la France. On commence par quelques questions d'actualité, avant de parler longuement de la dette et du déficit. Mais d'abord cette traque, des heures de traque en Dordogne, pour rechercher un ancien militaire, condamné à plusieurs reprises pour violences conjugales. Il s'est introduit au domicile de son ex-campagne, malgré un bracelet électronique. Après les féminicide d'Hayange et de Mérignac, est-ce qu'il y a clairement des failles dans le suivi des auteurs de violences conjugales ?

OLIVIER DUSSOPT
Je n'ai pas pour habitude de m'exprimer sur une affaire en cours, ça n'est pas ma responsabilité, ça n'est pas mon périmètre ministériel. La première chose que je veux dire, c'est d'abord le soutien, le plein soutien à toutes les forces de sécurité qui sont mobilisées, en formant le souhait et le voeu que cet individu puisse être très rapidement arrêté et ainsi mis hors d'état de nuire. C'est aussi une pensée de compassion et de soutien, une policière municipale a été grièvement blessée il y a quelques jours, vous l'avez rappelé, des femmes sont décédées sous les coups de leur ex-conjoint et c'est à elles et à leurs proches qu'il faut qu'il faut penser. Nous renforçons les moyens, nous l'avons dit, les moyens de la police, les moyens de la justice, et nous devons toujours faire mieux en la matière. Malheureusement, tant qu'il y aura un fait, tant qu'il y aura un féminicide, tant qu'il y aurait une violence, il y aura du travail, et je pense qu'il faut à la fois continuer à renforcer, toujours et encore renforcer, avec la plus grande, comment dire, la plus grande objectivité et la plus grande distance possible, non pas pour être insensible, simplement pour nous ne jamais sombrer dans une forme de dérive ou de récupération.

ORIANE MANCINI
Et justement, un mot sur cette policière municipale, Pascal.

PASCAL JALABERT
Oui, donc c'est en Loire-Atlantique, une policière municipale attaquée par une personne radicalisée, déséquilibrée, on ne sait pas trop. Comment faut-il protéger ces policiers, faut-il les armer systématiquement ?

OLIVIER DUSSOPT
Si j'ai bien lu les différents articles, les différents comptes-rendus, la policière municipale, à qui on souhaite évidemment le plus prompte et le meilleur des rétablissements, semblait être armée, puisque j'ai cru lire que l'assaillant était parti avec son arme. Cela montre que toutes les réponses ne sont pas dans l'armement Il y a de la formation, nous la renforçons aussi. Et puis au-delà, il faut faire en sorte que, point par point, étape par étape, nous puissions toujours mieux les protéger. Mais je le répète, le ministre de l'Intérieur, le ministre de la Justice, font un travail formidable, nous les accompagnons, nous leur donnons les moyens je crois nécessaires pour faire monter en puissance leur différents services ou leurs différentes forces, et les réponses à apporter. Dire que tout peut être résolu en l'espace de quelques heures, n'est jamais vrai. C'est un travail de longue haleine et c'est à ce travail de longue haleine qu'il faut se consacrer.

ORIANE MANCINI
Alors, on va parler de votre périmètre ministériel, il y a beaucoup de choses à dire sur la dette, le déficit, le budget. D'abord vous avez annoncé ce week-end une aggravation du déficit public à 220 milliards, c'est un record, c'est 47 milliards…

OLIVIER DUSSOPT
C'est le déficit de l'Etat, le déficit budgétaire de l'Etat.

ORIANE MANCINI
Et c'est 47 milliards de plus que prévu initialement. Comment vous expliquez cette différence ?

OLIVIER DUSSOPT
Pour deux raisons. La première raison c'est qu'en 2020 nous avions prévu des moyens pour répondre à la crise, et l'impact de la crise a été moins difficile, moins grave que prévu. Il a été majeur, la récession est à 8 %, c'est absolument historique, mais les prévisions que nous avions faites, notamment au mois de juillet et au mois de septembre, étaient encore plus négatives, et donc nous avions été très prudents avec Bruno LE MAIRE, en inscrivant plusieurs dizaines de milliards d'euros d'aides d'urgence. Une partie de ces aides n'ont pas été consommées, autour de 29 milliards d'euros, nous les avons reportées sur l'année 2021, et à l'occasion de cette loi de finances rectificative que nous présenterons mercredi matin en Conseil des ministres, nous intégrerons ses 29 milliards d'euros de dépenses dans le budget 2021. Et par ailleurs, le président de la République a pris un engagement, le Premier ministre l'a détaillé de manière extrêmement précise, et qui consiste à dire que nous n'arrêtons pas les aides du jour au lendemain. La reprise économique, la reprise d'activité, le déconfinement, tout ça se fait de manière progressive, et nous ferons en sorte que l'extinction des aides d'urgence qui est la règle, lorsque la crise se termine, il faut que les aides d'urgence s'éteignent, que cette extinction soit très progressive. Le fonds de solidarité, par exemple, reste totalement en vigueur pour l'activité du mois de mai, et va être dégressif avec une prise en compte des pertes de chiffre d'affaires au cours des mois de juin, de juillet, d'août. Pour l'activité partielle, nous allons progressivement réintroduire un reste à charge pour les employeurs, et nous allons faire là aussi sur 4 mois, avec une montée progressive, et je précise que pour les secteurs les plus touchés, l'événementiel, la restauration, les cafés hôtels restaurants, nous allons différencier, distinguer les calendriers, et faire en sorte que les secteurs qu'on appelle protégés, les fameux secteurs S1, S1 Bis, maintenant entrés dans le langage presque courant, soient protégés plus longtemps et en tout cas de manière différenciée. Cela représente 15 milliards d'euros, et donc c'est comme ça…

ORIANE MANCINI
On va revenir sur ces aides…

OLIVIER DUSSOPT
… les 45 milliards.

ORIANE MANCINI
… sur ces aides et sur le budget rectificatif, mais du coup vous assumez de creuser le déficit, il va être de 9,4%…

OLIVIER DUSSOPT
Au lieu des 9 prévus en loi de finances initiale.

ORIANE MANCINI
C'est ce qu'a annoncé Bruno LE MAIRE. La dette, elle va être de combien ?

OLIVIER DUSSOPT
La dette va s'établir autour de 117,2%, soit légèrement plus que ce que nous avions prévu. Tout ça, ce sont des chiffres, à l'instant où nous parlons, qui tiennent compte à la fois des reports de crédits que j'ai évoqués, des 15 milliards d'euros que nous ajoutons pour permettre de financer la sortie dégressive des aides, le Fonds de solidarité, les exonérations de cotisations, l'activité partielle. Ça tient compte aussi de prévisions de croissance, nous avons revu notre prévision il y a quelques semaines pour tenir compte du quasi confinement du mois d'avril avec une croissance à 5%, et donc au fil de l'année…

ORIANE MANCINI
Que vous maintenez ?

OLIVIER DUSSOPT
Que nous maintenons, bien évidemment.

ORIANE MANCINI
C'est réaliste de maintenir une croissance à 5 % dans ces conditions ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est prudent et réaliste. Beaucoup nous disaient : vous êtes un peu prudents, vous êtes un peu pessimistes. Nous avons vu au début de l'année que la reprise est là, le rebond est possible, il est même très possiblement très fort, mais il y a ici ou là quelques fragilités, les entreprises du bâtiment peinent à s'approvisionner en matières premières parce que la reprise est mondiale. Ça peut aussi être un motif de fragilité, mais nous avons suffisamment d'indicateurs pour penser que cette prévision de 5% est atteignable, et nous mettons tout en oeuvre pour l'atteindre, notamment avec le déploiement du plan de relance.

PASCAL JALABERT
Cette dette qui est supérieure donc à notre richesse nationale, puisque vous venez de l'annoncer, 117 %, comment on ma rembourse et est-ce qu'au fond elle ne va pas devenir perpétuelle ?

OLIVIER DUSSOPT
Avec du temps. Avec du temps, parce qu'effectivement la dette est importante. Nous bénéficions, si je puis dire, d'un contexte qui fait que les emprunts que nous avons dû faire en 2021 et les emprunts que nous faisons en 2021, pardon 2020 et 2021, nous les faisons à des taux qui sont des taux extrêmement bas, ils ont été négatifs, ils sont légèrement positifs, mais ils nous permettent de faire face. La France a toujours tenu ses engagements et nous continuerons à les tenir, à honorer nos engagements, à honorer nos créanciers. Nous allons prendre du temps, nous allons aussi améliorer et porter, soutenir la croissance, c'est l'objet du plan de relance, c'est l'objet de tous les soutiens à l'investissement que nous faisons, c'est notamment l'objet de tout ce que nous faisons dans le domaine industriel, avec un objectif qui est de générer de la croissance et donc des recettes pour faire face à nos engagements, et un engagement qui est de ne pas augmenter les impôts.

ORIANE MANCINI
Et on va revenir juste sur le remboursement de la dette, mais d'abord on va rester sur les dépenses, et ce budget rectificatif que vous présentez donc mardi en Conseil des ministres. Il y a 15 milliards de mesures d'urgence, c'est ça…

OLIVIER DUSSOPT
C'est ça.

ORIANE MANCINI
…pour les secteurs encore en difficulté, l'hôtellerie, la restauration, vous l'avez dit, le tourisme aussi. Est-ce que, juste pour être clair, ce sont des mesures uniquement pour les entreprises dans ce budget, ou il y aura aussi des mesures pour les particuliers ?

OLIVIER DUSSOPT
Dans ces 15 milliards d'euros, de millions d'urgences, il y a trois grands chapitres : le remboursement des exonérations de cotisations, remboursement par l'Etat à la Sécurité sociale, il y a le financement du fonds de solidarité, qui permet aux entreprises de maintenir leur activité, de maintenir, de se maintenir en attendant la sortie de crise, et il y a le financement de l'activité partielle. L'activité partielle, elle est souvent vue comme une mesure en faveur des entreprises. C'est avant tout une mesure en faveur des salariés. C'est cette activité partielle financée à un niveau extrêmement important, qui permet de faire face et de maintenir les emplois, de maintenir les compétences et de maintenir le pouvoir d'achat. Il faut avoir en tête quand en 2020, nous avons connu une récession absolument historique, avec une perte de croissance, une croissance négative de 8 %, et dans le même temps, le pouvoir d'achat des ménages français a tenu, il a légèrement augmenté de 0,4 %, y compris parce que nous avons baissé les impôts, je pense à la taxe d'habitation ou à l'impôt sur le revenu, sur la première et la seconde tranche. Et donc c'est avant tout une mesure pour les ménages. Il y a d'autres mesures dans ce budget que nous finançons, des engagements qui ont été pris par le gouvernement, par le président de la République, je pense par exemple au passeport que le président de la République a annoncé, pour permettre aux familles de financer, de cofinancer l'adhésion, la licence dans un club sportif. Nous mettons une centaine de millions d'euros à disposition du ministère des Sports pour le mettre en oeuvre. Je pense à la question de l'hébergement d'urgence, nous avons fait le choix de ne pas revenir à l'étiage habituellement connu en période estivale, en matière d'hébergement d'urgence, et de rester sur un niveau non seulement hivernal, mais renforcé avec les 40 000 places crées à l'occasion de la crise Covid. Donc nous faisons face, avec un budget qui par ailleurs porte aussi des mesures pour les ménages, porte soit par le PLF, soir par le PLFSS, des droits nouveaux. Donc nous faisons face à cette crise-là, et nous essayons avec ce PLFR, d'apporter les crédits nécessaires pour permettre à l'économie et donc aux Français, de sortir de ce tunnel. Nous espérons que le bout du tunnel soit là, évidemment sous réserve que la situation sanitaire continue à s'améliorer, mais c'est un espoir partagé, notamment par la vaccination.

ORIANE MANCINI
Vous le voyez comment le bout du tunnel ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous espérons qu'il soit le plus rapide possible. Je dis parfois que c'est tentant de donner une date, mais que c'est aussi imprudent, et donc il faut être extrêmement attentif…

ORIANE MANCINI
Et le bout du tunnel, il marquera la fin du quoi qu'il en coûte ?

OLIVIER DUSSOPT
Le bout du tunnel doit marquer la fin du quoi qu'il en coûte, mais je l'ai dit, de manière très progressive, nous n'allons pas lâcher les entreprises, nous n'allons pas gâcher les efforts faits par les finances publiques, et donc par les français depuis mars 2020, pour quelques semaines ou quelques mois, ça serait dommage d'avoir soutenu l'économie comme nous l'avons fait et de ne pas le faire jusqu'au bout pour quelques jours ou quelques semaines.

PASCAL JALABERT
Oui, vis-à-vis de vos craintes, faudra-t-il des réformes, je pense notamment à relancer une réforme de financement des retraites, sans être le big bang qui était annoncé ?

OLIVIER DUSSOPT
Ce n'est pas vis-à-vis des financiers qu'il faut continuer les réformes, c'est vis-à-vis de la soutenabilité de nos finances publiques. Il y a la question des retraites, nous sommes nombreux à le dire, Elisabeth BORNE le rappelait hier, cette réforme, dans son esprit reste essentielle. Le système actuel est illisible, avec une quarantaine de régimes particuliers, avec une pénalisation des carrières hachées, avec une pénalisation pour ceux qui font des carrières partagées entre le public et le privé, et par ailleurs il n'est pas soutenable financièrement et la crise a encore aggravé le déficit prévisionnel du système de retraite.

PASCAL JALABERT
Donc ça peut intervenir cette année, une petite réforme des retraites ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est le président de la République qui le décidera et qui le tranchera. C'est une réponse je crois que vous avez entendue à plusieurs reprises. Mais il n'y a pas que la réforme des retraites, il y a d'autres chantiers qui sont ouverts, nous devons par exemple, pardon parce que c'est un peu technique, mais réorganiser la fonction, la politique d'achat de l'Etat et de ses opérateurs. Nous devons améliorer le versement d'un certain nombre de prestations, c'est-à-dire garder les mêmes droits, voire les améliorer, mais avec des systèmes qui permettent de prendre en compte la réalité des revenus, ce qu'on appelle la contemporanisation des revenus, autant de chantiers qui sont ouverts. Et puis dans les prochaines semaines, l'Assemblée nationale aura l'occasion de se saisir d'une proposition de loi, de deux propositions de loi, une portée par Laurent SAINT-MARTIN et Eric WOERTH, et autre portée par Thomas MESNIER, pour la Commission des finances et la Commission des affaires sociales, avec une réforme de la gouvernance des finances publiques, de la manière dont on élabore le budget, de la manière dont on trace des perspectives sur plusieurs années pour avoir plus de lisibilité et plus de maîtrise.

ORIANE MANCINI
Ça veut dire un budget pluriannuel, pour être clair.

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons déjà des lois de programmation pluriannuelles, mais avec la volonté de renforcer cet aspect programmatif, de manière à avoir une vraie maîtrise, une vraie lisibilité.

ORIANE MANCINI
Puisqu'on est dans le dans les questions de remboursement, on connaît votre position sur la réforme des retraites, vous nous l'avez rappelée, est-ce que l'augmentation du temps de travail c'est une piste qui est envisageable ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons beaucoup, beaucoup fait, les différents gouvernements, à la fois pour protéger les 35 heures et permettre à celles et ceux qui le souhaitent ou qui en ont besoin, de travailler un peu plus, c'est le cas avec l'exonération de fiscalité sur les heures supplémentaires, cela avait été décidé sous Nicolas SARKOZY, remis en cause par François HOLLANDE, et je considère, tout en prends ma part de responsabilité, que c'était une des décisions qui avait marqué le divorce entre les classes moyennes et la gauche de gouvernement au début du quinquennat de François HOLLANDE. Nous l'avons permis. Il y a des accords pluriannuels sur le temps de travail qui sont autorisés, il y a toutes les possibilités qui existent pour permettre aux entreprises qui en ont besoin, et aux salariés qui le souhaitent, de travailler un peu plus que les 35 heures, de manière tout à fait encadrée…

ORIANE MANCINI
Qui restera la base légale.

OLIVIER DUSSOPT
Et je crois qu'il y a un certain nombre de réformes, qu'on qualifie parfois de totémiques, qui peuvent parfois être inutiles. Donc les possibilités, les marges de manoeuvre sont largement suffisantes aujourd'hui.

ORIANE MANCINI
Sur la Fonction publique, puisque c'est un domaine que vous connaissez bien, est-ce que la baisse du nombre de fonctionnaires, c'est enterré, il n'y aura pas de baisse du nombre de fonctionnaires ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons fait un certain nombre de réductions d'effectifs dans la Fonction publique d'Etat au début du quinquennat. La crise et un certain nombre…

ORIANE MANCINI
Beaucoup moins que promis par Emmanuel MACRON.

OLIVIER DUSSOPT
Beaucoup moins que prévu effectivement. La décision… Un certain nombre de décisions prises, je pense par exemple au maintien des classes et des écoles dans les zones rurales, que le président de la République avait annoncé à l'occasion du Grand débat national, la crise que nous avons connue, avec la nécessité par exemple d'augmenter les effectifs de Pôle emploi pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la crise, tout cela nous amène aujourd'hui à viser en 2021 comme en 2022, une stabilité des emplois de l'Etat. C'est ce à quoi nous nous sommes engagés dans le projet doit finances pour 2021, et c'est ce que nous respecterons en 2022.

ORIANE MANCINI
Donc, stabilité pour la Fonction publique d'Etat. Pour la Fonction publique territoriale, qu'est-ce que vous demandez aux collectivités ?

OLIVIER DUSSOPT
La Fonction publique territoriale est à la main des collectivités, je sais que lorsque les collectivités locales réalisent des économies sur leurs dépenses de fonctionnement ça se traduit souvent par des non-remplacements de départs à la retraite, il y a par ailleurs une loi que je connais bien, celle de transformation de la Fonction publique, qui s'applique et qui oblige d'une certaine manière les collectivités locales à délibérer sur le temps de travail de leurs agents, dans l'année qui suit l'élection, c'est le cas pour les communes et les intercommunalités jusque à la fin du mois de juin, dans un certain nombre de communes, dans un certain nombre d'intercommunalités, le temps de travail est inférieur aux 35 heures, et donc les nouveaux accords doivent permettre de travailler ces 35 heures.

ORIANE MANCINI
Guillaume PELLETIER, hier et disait qu'il fallait mettre fin à l'emploi à vie dont la Fonction publique territoriale, est-ce que pour vous c'est une bonne solution ?

OLIVIER DUSSOPT
Je crois que Guillaume PELLETIER a dit beaucoup de bêtises hier, et ce n'est peut-être pas la plus grave qu'il ait dit au cours de l'interview qu'il a donnée. L'emploi à vie, c'est l'emploi du statut, et je le dis en sachant pertinemment que le statut n'est pas une protection absolue, et que vous pouvez être radié des cadres de la Fonction publique. La loi que j'ai évoquée, donne là aussi beaucoup de marge de manoeuvre dont les employeurs publics, tous confondus, peuvent se saisir sur le recours à des contractuels et des contrats longs, sur le recours à des CDI, des Contrats à Durée Indéterminée, et le recours à des contrats de projets. Cette loi je la défends et Amélie de MONTCHALIN la met en oeuvre aujourd'hui est beaucoup de talent, parce que c'est une loi qui a…

ORIANE MANCINI
Mais on ne touche pas à l'emploi à vie…

OLIVIER DUSSOPT
… apporté des droits, elle a apporté des droits aux contractuels. Un exemple : depuis le 1er janvier 2021, dans le secteur public, les contrats courts, les CDD, des cours de un an ou moins d'un an, sont accompagnés d'une prime de précarité, comme c'était dans le privé depuis très longtemps, parfois les réformes de la Fonction publique permettent, par un alignement des droits, de renforcer les droits des agents publics, et c'est bien comme ça.

ORIANE MANCINI
Dernière question sur ce remboursement de la dette. Est-ce qu'il faut qu'on s'inquiète pour notre épargne ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne crois pas. Il faut la… l'épargne il faut la mobiliser, au contraire, il faut investir, il faut consommer…

PASCAL JALABERT
Comment on fait pour pousser les Français à la dépenser…

OLIVIER DUSSOPT
C'est par la confiance.

PASCAL JALABERT
Il y a eu 416 milliards d'épargnés…

OLIVIER DUSSOPT
C'est par la confiance, dès lors que la croissance économique est la, dès lors que la vie peut reprendre, libérés des contraintes sanitaires, je suis convaincu que les Français vont se rattraper, tant pour la consommation que pour le reste.

PASCAL JALABERT
Et les entreprises, elles n'ont pas tiré tout leur argent du premier plan de relance…

ORIANE MANCINI
Mais juste, attendez Pascal, juste sur la relance…

PASCAL JALABERT
Ah pardon.

ORIANE MANCINI
… sur l'épargne, parce que vous dites « je ne crois pas », est-ce que vous misez sur une confiance des Français, comme vient de le dire Pascal, mais est-ce que vous allez taxer l'épargne à un moment, pour rembourser ?

OLIVIER DUSSOPT
La marque de fabrique de ce gouvernement, c'est de refuser l'augmentation de la fiscalité, et c'est même de baisser la fiscalité.

ORIANE MANCINI
Donc l'épargne ne sera pas taxée, ce n'est pas par là que passera un remboursement de dette…

OLIVIER DUSSOPT
Nous ne voulons pas créer d'impôts et nous ne voulons pas augmenter les impôts. Entre le début et la fin du quinquennat, les impôts auront baissé de 50 milliards d'euros, 25 pour les ménages et 25 pour les entreprises, et c'est sur cette ligne là que nous voulons continuer.

PASCAL JALABERT
Les entreprises n'ont pas tiré tout l'argent du premier plan de relance. Comment mieux les inciter à le faire maintenant et faut-il un vrai second plan ?

OLIVIER DUSSOPT
A l'heure où nous parlons, il y a plus de 36 milliards d'euros qui sont engagés sur les 100 milliards, et donc nous tenons nos objectifs. L'objectif que nous nous sommes fixés avec Bruno LE MAIRE, est que la moitié du plan de relance soit décaissée à la fin de l'année 2021, pour qu'en 2022 le solde vienne et que le plan de relance soit mis en oeuvre. Il y a presque un tiers des entreprises industrielles qui vont être accompagnées, il y a des centaines de milliers d'apprentis qui ont été recrutés grâce aux aides que nous avons mises en oeuvre, des centaines de milliers de jeunes de moins de 26 ans. Je me déplace dans tous les départements, j'en ai visité 35 en l'espace de quelques semaines, et je peux vous assurer que le plan de relance est bien mis en oeuvre. Vous dites " ça n'est pas été suffisamment mobilisé ", et pourtant, sur l'aide à l'industrie, des dispositifs qu'on appelle industrie du futur, territoire d'industrie, numérisation des PME, les appels à manifestation d'intérêt, les appels à projets sont déjà épuisés, et à l'occasion des modifications, du PLFR que j'aurai à présenter mercredi au Conseil des ministres, nous rechargeons ces dispositifs à hauteur d'un milliard d'euros, en partenariat souvent avec les régions pour Territoires d'industrie, parce qu'il y a plus de demandes qu'il n'y avait de crédits, c'est plutôt bon signe, et ça montre que les entreprises se sont saisies des Plans de relance.

PASCAL JALABERT
Ça veut dire que c'est 2022 qui va être la vraie année de la relance.

OLIVIER DUSSOPT
C'est 2021 et 2022. La Commission européenne dit que nous aurons la croissance de tous les pays de la zone euro la plus forte en 2021, à plus de 5%, donc elle est plus optimiste que nous au sein du gouvernement, et que nous aurons aussi la croissance la plus forte à plus de 4 % en 2022. Tout ça est porté à la fois par la confiance des chefs d'entreprise, elle s'exprime dans différentes études, et par la mise en oeuvre du plan de relance qui marche bien, qui avance bien. Au cours de l'été, le président de la République l'a dit, nous allons faire un point, un bilan, nous allons regarder là où il serait nécessaire de soutenir des investissements, peut-être à plus long terme, comment est-ce qu'on les finance, est-ce que c'est par l'Etat, par la mobilisation de tel ou tel financement bancaire, est-ce que c'est par l'Union européenne pour construire des filières à l'échelle européenne ? Tout ça nous allons faire dans les temps qui viennent, mais nous avons une priorité absolue, c'est faire en sorte que le plan de relance de 100 milliards d'euros soit engagé, et nous y veillons quotidiennement.

ORIANE MANCINI
Et justement, puisqu'on parle du plan de relance, les 27 Etats membres ont approuvé jeudi soir, ça y est, le plan de relance européen. Quand la France verra-t-elle les 40 milliards ?

OLIVIER DUSSOPT
Désormais, l'Union européenne a le droit de mobiliser les marchés pour financer son plan de relance de 750 milliards d'euros, dont 390 de subventions aux Etats. Le premier acompte pour la France devrait intervenir au mois de septembre, comme nous l'avons dit lors de la présentation du programme de …

ORIANE MANCINI
Pas avant ?

OLIVIER DUSSOPT
… à hauteur de 5,1 milliards. Si c'est avant, c'est très bien et c'est tant mieux, mais nous avons prévu septembre par prudence, évidemment si ça peut aller plus vite nous en serons très satisfaits…

ORIANE MANCINI
Mais ça peut être dès cet été ?

OLIVIER DUSSOPT
A la fin de l'année nous nous dirons à la Commission européenne quels sont les éléments du plan de relance que nous avons engagés, pour demander un deuxième versement. L'objectif fait qu'effectivement la France, d'ici 2023/2024, parce que c'est toujours avec un petit temps de décalage, puisse percevoir 40 milliards d'euros de ce plan.

ORIANE MANCINI
Ça sera combien le versement de septembre ?

OLIVIER DUSSOPT
L'acompte, tel qu'il est prévu dans l'accord est à 5,1 milliards.

ORIANE MANCINI
On va parler des dépenses de santé, puisqu'évidemment il y a eu beaucoup de dépenses de santé liées au Covid, dépenses de santé à proprement parlé, les masques, les tests, les vaccins, à combien vous voulez les chiffrer aujourd'hui ces dépenses ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons prévu que le projet de loi de finances de la Sécurité sociale engage 4,5 milliards pour faire face aux dépenses du Covid, et nous savons que ça sera plus important, puisque…

ORIANE MANCINI
Beaucoup plus important, puisque devant la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, le directeur de la Sécurité sociale il évoque un surcoût de 9 à 10 milliards, par rapport aux 4 milliards que vous aviez prévus.

OLIVIER DUSSOPT
C'est exactement cela.

ORIANE MANCINI
C'est votre chiffre.

OLIVIER DUSSOPT
C'est exactement cela. Il y a un surcoût lié au fait que les hôpitaux sont très mobilisés et que nous continuons à les accompagner et à renforcer leurs moyens. Il y a un coût lié à la campagne de vaccination, et il y a un coût lié à la campagne de tests. Lorsque le projet de loi de finance de la Sécurité sociale…

ORIANE MANCINI
Juste, le chiffre, c'est quoi, 14 milliards ?

OLIVIER DUSSOPT
13,5, donc on n'est pas loin. Mais lorsque le projet de financement la Sécurité sociale a été examiné par l'Assemblée, et par le Sénat, nous ne connaissions pas, à ce moment-là, la date de disponibilité des vaccins, ni leur coût. Le coût de la campagne de vaccination un peu plus de 5 milliards d'euros. Le coût de la campagne de tests, des tests PCR qui sont gratuits en France et au Danemark, et nulle part ailleurs, gratuits pour tous, nous sommes les deux seuls pays à faire la gratuité totale, c'est 5 milliards d'euros aussi. Donc évidemment il y a un surcoût et ce surcoût nous avons eu l'occasion de le dire devant la Commission des Finances et de l'Assemblée, et le directeur de la Sécurité sociale là aussi rappelé.

PASCAL JALABERT
Vous allez rembourser les collectivités locales qui ont engagé beaucoup d'argent pour la vaccination ou alors vous allez faire du cas par cas ?

OLIVIER DUSSOPT
D'abord, le ministre de la Santé a indiqué que, au niveau des ARS, il y avait des fonds disponibles pour financer, cofinancer les centres de vaccination, donc il y a cet engagement qui est pris, et le ministère de la Santé le tiendra. Il faut par ailleurs dire que les collectivités locales sont des acteurs de l'action publique qui ont été extrêmement bien protégés. D'abord leurs impôts ont beaucoup moins baissé que prévu. On nous annonçait…

ORIANE MANCINI
Mais juste sur coût de la vaccination, Olivier DUSSOPT, elles vont le voir quand le remboursement des frais engagés pour la vaccination, les collectivités ?

OLIVIER DUSSOPT
Le ministre de la Santé a indiqué que plus de 120 millions d'euros étaient à disposition des ARS. Je ne connais pas le calendrier de remboursement, mais il ne faut pas s'arrêter à la seule question de la vaccination. Je le répète, dans le cadre des mesures d'urgence et du plan de relance, ce sont presque 10 milliards d'euros qui sont engagés pour les collectivités, pour garantir leurs recettes. C'est la première fois que nous avons garanti un minimum de recettes fiscales et domaniales, pour les accompagner. Entre l'été 2020 et l'été 2021, en plus des mesures classiques de soutien à l'investissement, nous avons ajouté 2 milliards de DSI, la Dotation de Soutien à l'Investissement local, soit pour la relance, soit pour la rénovation thermique. Je pourrais citer les aides aux autorités organisatrices de mobilité et l'ensemble des projets de collectivités soutenus par l'Etat. Les collectivités ont vu leur situation se dégrader en 2020, beaucoup moins que celle de l'Etat et de la Sécurité sociale, en moyenne, de manière très générale, elles ont un compte de résultats qui est à l'équilibre là où l'Etat a vu sa situation se dégrader de plusieurs dizaines de milliards d'euros.

ORIANE MANCINI
On va parler politique pour terminer, il nous en reste peu de temps. On va parler des régionales, puisque finalement les discussions de la majorité avec les présidents sortants elles se sont limitées à Renaud MUSELIER et à la région Sud…

OLIVIER DUSSOPT
Elles se sont limitées à faire barrage au Front national (sic).

ORIANE MANCINI
Est-ce que vous, l'homme de gauche, vous regrettez qu'il n'y ait pas eu de discussions formelles avec des présidents de gauche sortant ?

OLIVIER DUSSOPT
Un certain nombre de présidents de gauche sortants, ou présidentes, n'ont pas souhaité ces discussions. Nous verrons au soir du 1er tour qu'elle est la configuration au second, et…

PASCAL JALABERT
Si on prend Bourgogne Franche-Comté, par exemple, où il y a un fort risque RN…

OLIVIER DUSSOPT
Il faudra faire barrage au Front national. Et je souhaite que Denis THURIOT, le candidat de la majorité, issu de la gauche, je le rappelle, mais qui a su dépasser, qui a su rassembler, qui a su être dans un dépassement au niveau régional, je souhaite qu'il soit en tête, et je souhaite qu'au second tour, toutes les forces politiques, et notamment les forces sociale-démocrates se rassemblent derrière lui, s'il est en tête, de la même manière que si d'autres candidats et si la présidente sortante était mieux placés, nous saurons aussi prendre nos responsabilités.

ORIANE MANCINI
Ça veut dire la soutenir, Marie-Guite DUFAY.

OLIVIER DUSSOPT
La soutenir, mais je pense que Denis THURIAU fait une très bonne campagne.

ORIANE MANCINI
Et est-ce que quand même ce n'est pas révélateur le fait que finalement il y ait des accords plus avec la droite et quasiment aucun d'ailleurs avec la gauche ? Est-ce que ce n'est quand même pas révélateur d'une majorité qui penche clairement à droite ? Est-ce que ça, ça vous dérange, vous ?

OLIVIER DUSSOPT
Ça n'est pas le cas, et c'est une ritournelle que les uns et les autres, vous vous engagez et vous répéter à longueur de temps.

ORIANE MANCINI
C'est assez factuel.

OLIVIER DUSSOPT
Ça n'est absolument pas factuel. Nous avons fait barrage au Front national dans la Région sud, et ce qui compte pour moi dans la politique c'est ce que nous faisons. Vous avez, moi j'ai été engagé au Parti socialiste pendant 20 ans, je n'ai aucun regret et j'ai beaucoup de souvenirs, des souvenirs qu'à chaque réunion de section on me disait que le jour où on aurait une vraie Sécurité sociale, c'est parce que les prothèses dentaires, les prothèses auditives, les lunettes, pourraient être à la portée de tout le monde. Nous avons fait le reste à charge zéro, il se met en place. C'est le souvenir de discussions avec des syndicalistes retraités, notamment la CFDT, mais pas seulement, qui disaient : le jour où on sera vraiment costaud en matière de protection, c'est quand on aura créé une 5ème branche pour financer l'autonomie, la dépendance. C'est fait. Ce que nous avons fait dans le domaine de l'éducation et du dédoublement, c'est-ce que la gauche aurait dû faire depuis longtemps, et donc ce qui m'intéresse c'est le fond, ce qui m'intéresse c'est la capacité à rassembler et c'est celle que le président de la République porte aujourd'hui. Ce qui m'intéresse aussi, c'est le second tour. L'ADN de la majorité c'est faire barrage à l'extrême-droite, et je pense que dans un certain nombre de régions, vous avez cité la Bourgogne, on pourrait penser à la Bretagne, même si le risque FN est un peu moins important, il faudra qu'il y ait des rassemblements, en tout cas nous y serons tous prêts.

ORIANE MANCINI
Mais là, vous ne citez que des régions de gauche. Vous êtes prêt aussi…

OLIVIER DUSSOPT
C'est la question que vous me posez.

ORIANE MANCINI
Non mais vous soutenez, c'est-à-dire qu'on a entendu un peu l'aile gauche de la majorité qui n'était pas forcément contente de cet accord avec Renaud MUSELIER.

OLIVIER DUSSOPT
C'est toujours compliqué pour des militants qui ont construit leur engagement, dans une opposition à un personnel politique, autour de Renaud MUSELIER, de Christian ESTROSI, de franchir le cap, et ça mesure, ça laisse mesurer combien cette décision est difficile et combien elle est aussi responsable.

ORIANE MANCINI
Et pour vous, ça ne sera pas un problème de soutenir un président de droite s'il y a un risque RN dans une région ?

OLIVIER DUSSOPT
Mais nous l'avons toujours fait, et de la même manière que j'attends des hommes et des femmes, de droite comme de gauche, qui soutiennent la majorité lorsqu'il y a un risque Front national et que nous sommes mieux placés pour l'emporter.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup.

OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
Merci Olivier DUSSOPT d'avoir été notre invité ce matin.


Source : service d'information du gouvernement, le 1er juin 2021