Entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat au tourisme, aux Français de l'étranger et à la francophonie, avec TV5 Monde le 1er juin 2021, sur les élections consulaires, la vaccination des Français établis hors de France, la situation politique au Mali et la francophonie.

Prononcé le 1er juin 2021

Intervenant(s) : 
  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'Etat au tourisme, aux Français de l'étranger et à la francophonie

Média : TV5

Texte intégral

Q - Merci d'être sur TV5 Monde, la chaîne des Français établis hors de France. Ces Français qui viennent de voter. Des élections consulaires qui avaient été reportées d'un an, mais très attendues, notamment par Emmanuel Macron, et par la majorité présidentielle. Vous êtes en mesure de nous annoncer les résultats ?

R - Tout à fait. Les Français établis hors de France ont pu voter, le week-end dernier, à l'urne, ou de façon anticipée par internet, quelques jours auparavant. Aujourd'hui, c'est une grande satisfaction de savoir qu'il y a plus de Français qui ont voté en 2021 qu'en 2014, ils ont été 205.000 à se déplacer ou à voter par internet ; ils étaient 176.000, il y a sept ans. On est donc sur une augmentation du nombre de votants de l'ordre de 16%, c'est donc un motif de satisfaction.

C'est aussi la satisfaction de voir que ce vote a pu se dérouler dans de bonnes conditions. Nous sommes encore dans cette période de pandémie mondiale et pouvoir tenir des bureaux de votes, pas loin de 350 dans près de 150 pays, sachant qu'il y a encore un certain nombre de restrictions de circulation, ici et là. Cela a été des négociations jusqu'au bout de la part de nos postes, les consuls, les ambassadeurs, etc... Et donc, la satisfaction du devoir citoyen accompli pour les électeurs, du devoir accompli, également, pour le réseau consulaire qui a permis la bonne tenue du scrutin.

Q - À part deux ou trois circonscriptions à Madagascar...

R - Exactement. Sur 130 circonscriptions dans lesquelles les Français votaient, trois ont dû voir le scrutin reporté à l'automne ou d'ici la fin de l'année : deux circonscriptions en Inde, compte tenu de la situation sanitaire, une circonscription à Madagascar compte tenu du maintien du confinement strict à Tananarive, la capitale. Pour ces trois circonscriptions, le vote aura donc lieu un peu plus tard.

Q - Vous êtes un peu le ministre de l'intérieur des Français établis hors de France, Jean-Baptiste Lemoyne, donc vous pouvez nous annoncer les résultats, et notamment pour La République En Marche qui n'était pas présente jusqu'ici.

R - C'est vrai que c'est une satisfaction pour la majorité présidentielle parce que, jusqu'à maintenant, nous étions très peu présents dans les conseils consulaires ; et pour cause : les élections avaient eu lieu en 2014, Emmanuel Macron n'avait pas encore créé ce mouvement qui fédère, réunit les bonnes volontés issues de la droite, de la gauche, du centre et de la société civile.

Avec ces élections, c'est une entrée très importante et massive dans les conseils consulaires, puisque nous avons 75 conseillers des Français de l'étranger qui ont été élus, là où nous n'en avions que dix dans les conseils consulaires sortants. Donc, vous voyez la progression, et si on y ajoute les délégués consulaires qui sont les grands électeurs et qui participeront à la désignation des six sénateurs représentant les Français établis hors de France au mois de septembre, nous atteignons 91 conseillers et délégués consulaires. C'est donc un grand motif de satisfaction pour cette majorité présidentielle et la reconnaissance d'un engagement.

Je peux vous dire que ces femmes et ces hommes qui ont été élus, ce sont des gens qui ont la main sur le coeur, qui sont très engagés dans la vie associative, locale, dans les sociétés d'entraide, dans l'enseignement du français, etc... Je crois qu'ils ont su séduire par leur engagement. C'est aussi une reconnaissance de l'action conduite par le gouvernement : depuis 14 mois, à la demande du Président de la République, l'Etat a été là, à leurs côtés, en soutien aux écoles avec des bourses supplémentaires, 50 millions d'euros. Avec aussi une aide sociale de 50 millions d'euros pour mettre en place ce que l'on appelle l'aide "SOS COVID". Parce qu'en France, on a un certain nombre de filets de sécurité, mais vous allez dans un certain nombre de pays, ces filets de sécurité n'existent pas. Il était donc bien de pouvoir donner cette aide de 150 euros par mois par personne qui puisse venir en soutien.

Par ailleurs, le soutien en matière médical : la vaccination des Français établis hors de France, dans un certain nombre de pays, c'est la France elle-même qui contribue à l'envoi de ces vaccins, qui organise la vaccination. J'étais à Madagascar, il y a quelques semaines, on peut en parler, et nous faisons cela dans un nombre croissant de pays.

Q - Cela veut dire quoi ? 20% des Français établis hors de France qui n'avaient pas de vaccination locale et qui pouvaient être vaccinés grâce à cette aide directement de la métropole ?

R - C'est cela. 80% des Français établis hors de France s'inscrivaient dans les stratégies vaccinales de leur pays de résidence. C'est le cas notamment en Europe où ils ont accès aux mêmes vaccins homologués etc. Mais il n'en restait pas moins qu'il y avait 20% de nos compatriotes qui étaient dans des pays où les stratégies vaccinales ne les prenaient pas forcément en compte, ou bien ces stratégies vaccinales étaient incomplètes, parce qu'il n'y avait pas l'accès aux vaccins homologués par l'Union européenne.

Dans ces pays-là, nous avons assumé d'organiser l'acheminement des vaccins. J'ai par exemple fait en sorte que l'on envoie très vite 5000 doses de Moderna en Inde face à la situation sanitaire pour vacciner nos compatriotes. Nous avons envoyé 6000 doses de Janssen à Madagascar et j'ai pu, par exemple, visiter le centre de vaccination établi par l'ambassade à Tananarive, c'est formidable ! Je peux vous dire qu'il ne désemplit pas, on en est à 3000 rendez-vous pris. C'est donc une vraie réponse et un vrai service public d'avoir fait cela.

Q - Oui, il fallait accompagner la vaccination locale pour que les Français ne soient pas privilégiés par rapport aux populations, comme à Madagascar, par exemple.

R - Vous avez tout à fait raison et c'est un engagement fort du Président de la République, il l'a redit lors de son déplacement en Afrique du Sud il y a quelques jours : nous devons participer pleinement aux stratégies permettant d'approvisionner en vaccins tous les pays dans le cadre de l'initiative COVAX. COVAX, qu'est-ce que c'est ? Ce sont 92 pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire qui sont aidés pour recevoir ces vaccins. Et la France prend sa part dans cet effort : d'ici la fin du mois de juin, on a 500.000 doses qui vont partir dans COVAX et cela permet - par exemple, à Madagascar, les premières doses COVAX sont arrivées - cela permet qu'à la fois la vaccination des Français se fasse, à la fois la vaccination des nationaux malgaches se fasse.

Q - Pour éviter un sentiment anti-français...

R - Oui, et puis tout simplement, il faut être lucide : on ne sortira pas de cette pandémie mondiale tant que tout le monde n'aura pas très largement acquis cette immunité collective. Et donc, il n'y a pas d'un côté les pays du Nord qui seraient vaccinés et les pays du Sud qui n'y auraient pas accès, compte tenu du coût de cette vaccination. C'est pour cela qu'il faut être solidaire et il faut travailler ensemble à ce qu'on s'en sorte ensemble. Soit on réussit ensemble, soit on échoue ensemble.

Q - Vous êtes aussi en charge de la francophonie. La situation au Mali, deux coups d'Etat en neuf mois, le Président qui menace de retirer nos troupes. Au fond, c'est la francophonie qui est en recul, aussi ? L'influence francophone ?

R - Je ne sais pas si c'est la francophonie. La francophonie, c'est le fait de partager cette langue et je crois qu'il y a une bonne dynamique, partout sur le continent africain de ce point de vue-là, et le Président le dit souvent : le barycentre de la francophonie va être désormais quelque part du côté du fleuve Congo. Mais ce qui est préoccupant, et le Président l'a dit, c'est effectivement ce coup d'Etat dans le coup d'Etat, et la CEDEAO en a d'ailleurs tiré des conclusions en suspendant le Mali pour l'instant. Je rappelle l'attachement de la France à ce que la transition se déroule et permette d'aller à des élections telles que programmées sans qu'il n'y ait de retard de calendrier pour que des instances démocratiquement désignées puissent officier et présider aux destinées du pays.

Q - C'est un message fort, qui pourrait être porté au prochain sommet de la Francophonie à Djerba ? Cette stabilité politique en Afrique ?

R - Ce qui est sûr, c'est que la francophonie, c'est l'attachement à une langue, mais c'est aussi l'attachement à des principes, à des valeurs. Nous avons d'ailleurs fêté, il y a quelques mois, la déclaration de Bamako, justement, qui avait trait à tous ces aspects de gouvernance. Et donc, oui, la francophonie doit participer aussi à une gouvernance qui soit inclusive, qui prenne en compte l'ensemble des citoyens.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juin 2021