Texte intégral
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je suis avec Agnès PANNIER-RUNACHER la ministre déléguée chargée de l'Industrie, bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Christophe JAKUBYSZYN.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'était une très belle journée hier pour l'industrie française, en tout cas en termes de com., parce qu'effectivement 3,5 milliards d'investissements, alors c'est l'occasion effectivement de faire un peu le résumé de ces investissements sur une année, beaucoup de jolis coups, notamment le chinois dans la batterie électrique, on était avec la patronne de PROCTER & GAMBLE pour la France avec cette usine d'Amiens qui va être élargie, agrandie, belle moisson, mais on se dit toujours est-ce que ça suffit quand on voit la part de l'industrie dans le PIB, 10% on est ric-rac, on est passé en dessous, est-ce qu'on en fait assez Agnès PANNIER-RUNACHER ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, déjà on est au-delà de 10%, mais vous avez raison, il faut continuer à redévelopper l'industrie, et c'est ce que fait le gouvernement depuis 2017. Je rappelle qu'entre 2000 et 2016 nous avons systématiquement détruit de l'emploi dans l'industrie, en 2017, en 2018, en 2019, on en recrée. Vous parlez des investissements étrangers en France, en 2020, année, d'un point de vue économique, particulièrement compliquée, nous accueillons plus de projets industriels que le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne réunis, donc oui il se passe quelque chose, oui il faut pousser, et on le voit dans le plan de relance, nous poussons avec des soutiens aux entreprises qui créent de l'emploi, c'est conditionné évidemment à des créations d'emplois, à de la protection de l'emploi, à des investissements de modernisation, à un désinvestissement de décarbonation, mais tout cela porte ses fruits, des investisseurs étrangers viennent en France et les Français continuent à investir, nous avons accompagné près de 2000 projets avec le plan de relance. Donc, il faut pousser, et c'est maintenant que ça se passe.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, il y a un débat économique, un débat d'experts, qu'on a eu hier entre Jean-Marc DANIEL et Nicolas DOZE notamment, Jean-Marc DANIEL qui nous dit " mais les investissements étrangers en France, à terme, c'est autant de dividendes, de valeur ajoutée, qu'on rendra aux investisseurs étrangers, et donc c'est une mauvaise nouvelle pour le pays"», voilà ce que dit Jean-Marc DANIEL.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, c'est très décalé avec la réalité, parce que c'est des créations d'emplois. Il y a aujourd'hui près d'un salarié sur six, ce qui n'est pas rien, qui travaille pour une entreprise étrangère, à capitaux étrangers. Et puis je me permettrais de souligner une chose pour Jean-Marc DANIEL, les entreprises du CAC40, françaises, vous avez regardé leur base actionnariale, combien de dividendes partent aujourd'hui à l'étranger…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Beaucoup, c'est 40, 50% pour le CAC40.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense que ce n'est pas la bonne approche, la bonne approche c'est effectivement de faire en sorte de réconcilier les Français avec l'investissement dans les entreprises, parce que c'est une façon, pour les Français, d'avoir plus de poids dans leurs entreprises, mais c'est également d'être accueillants avec les investisseurs étrangers, dès lors qu'ils jouent le jeu, dès lors qu'ils jouent le jeu et qu'ils jouent le jeu du réinvestissement, dès lors qu'ils jouent le jeu d'avoir une politique sociale acceptable, responsable, on a tout intérêt à attirer des investisseurs étrangers, et c'est pour ça que notre politique le permet aujourd'hui et que nous avons réussi à créer de l'emploi.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais c'est vrai qu'il faut marcher sur les deux jambes, qu'il faut aussi que les entreprises françaises aillent investir à l'étranger pour effectivement tirer profit aussi, des compétences, des technologies, qui peuvent être situées à l'étranger.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous nous avons une vision qui est ouverte, mais régulée de l'économie, c'est-à-dire, oui il faut partir à l'étranger, oui il faut accompagner des PME qui peuvent aller vendre leurs marchandises à l'étranger ou faire des partenariats avec des entreprises de qualité et du coup offrir de meilleurs produits, de meilleurs services, de meilleures solutions, mais inversement il ne faut pas être naïf, il ne faut pas que la commande publique ne choisisse les marchandises que sur la base du meilleur prix, parce que de cette manière on va décourager les Français qui ont parfois des marchandises de meilleure qualité d'un point de vue environnemental ou qui respectent des règles du jeu plus strictes que des étrangers. Donc c'est cet équilibre-là que nous poussons, et qui aujourd'hui, si on regarde l'économie, alors que nous sortons de la crise la plus importante depuis celle de 1929, la plus importante, trois fois plus impactante que celle de 2008-2009…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Pas de même nature parce que c'était une sorte de off-on, alors que la crise de 29 elle était plus structurelle, mais bon, c'est un autre débat !
AGNES PANNIER-RUNACHER
On est d'accord, c'était des déséquilibres économiques, là c'est une crise sanitaire qui induit, qui empêche de travailler, néanmoins, en termes d'impact sur la richesse, et je pense que tout le monde le comprend, c'est une crise absolument massive, eh bien notre économie ne se porte pas si mal, pas si mal, nous tablons sur un rebond de croissance de l'ordre de 5%, certains analystes, économistes, disent « non, non, ça ira plus loin », et nous sommes aujourd'hui sur une reprise qui est soutenue, dont les deux facteurs limitant sont la possibilité de recruter, la possibilité de recruter, ce qui veut dire qu'aujourd'hui la question de l'emploi c'est qu'il y a trop d'offres d'emploi par rapport à la demande, et c'est la possibilité effectivement d'avoir accès aux matières premières à des conditions acceptables.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Avec les pénuries qui nous frappent. Plusieurs questions dans tout ce que vous venez de dire. Vous dites la capacité parfois à trouver les compétences et les Français qui veulent travailler, est-ce qu'on n'a pas parfois trop aidé, pardon de poser une question très politiquement incorrecte, mais c'est ce que nous disent certains patrons, c'est ce que nous disent aussi des agences d'intérim qu'on a reçues cette semaine, les gens n'ont plus envie de travailler, c'est-à-dire qu'en fait ils se disent… d'abord ils ont goûté au repos, ils ont goûté à une forme de chômage partiel, et ils ne sont pas pressés de reprendre le travail.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je crois qu'il y a un facteur psychologique qui a accompagné la Covid, et moi beaucoup de chefs d'entreprise me disent " certains de mes salariés ont peur de reprendre le travail, ont peur de se retrouver dans des foules, au milieu de personnes, et donc il faut réactiver sa progressivement ", mais soyons clairs, tout le travail que nous menons aujourd'hui justement pour faire en sorte de sortir de cette crise, par justement la reprise du travail, va dans le sens d'un retour au travail de l'ensemble des Français, le " quoi qu'il en coûte " était justifié parce qu'on était en crise sanitaire et que les gens étaient empêchés de travailler, lorsque vous n'êtes plus empêché de travailler, eh bien il faut accompagner vers le travail, peut-être offrir des formations, parce qu'il peut y avoir des reconversions, parce que c'est des périodes où les gens ont réfléchi, et ça je pense que c'est plutôt positif que les gens souhaitent éventuellement se réorienter et progresser, en revanche… c'est le sens aussi de la réforme de l'assurance chômage, c'est de ne pas avoir une incitation, de ne pas s'enfermer dans le non-travail.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que c'est aussi le sens de la réforme des retraites qui refait surface, on parle maintenant d'une réforme plus classique, avec notamment on passerait l'âge de départ à la retraite de 62, 63, à 64 ans, est-ce que c'est aussi une manière, au-delà d'équilibrer les comptes, de faire travailler les Français davantage, est-ce que les Français ne travaillent pas assez ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que l'enjeu c'est surtout, de la réforme des retraites, c'est qu'elle n'est pas équilibrée, et lorsqu'un régime de retraites n'est pas équilibré, ce que vous êtes en train de dire c'est que les jeunes vous leur mentez, ils cotisent, mais ils n'auront pas leur retraite à due concurrence des personnes qui prennent leur retraite aujourd'hui, et donc ça ce n'est pas acceptable, et fondamentalement, le premier élément de la réforme des retraites, c'est une question de justice sociale.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que ce n'est pas aussi une question - on a en parlé de la même manière aujourd'hui avec Nicolas DOZE et Jean-Marc DANIEL - une manière de faire travailler davantage les Français ? Quand vous regardez le temps de travail dans une vie, pour les Français, vous savez que c'est là où la France pèche, c'est là où on n'est pas au niveau des autres pays et donc où on est handicapé.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous avez raison, mais il y a deux manières, massives, d'augmenter le temps travaillé, l'âge d'entrée sur le marché du travail, c'est-à-dire qu'il faut que les jeunes arrêtent de galérer pour trouver un emploi, et ça c'est un élément de politique publique et c'est pour ça qu'on a fait ce dispositif qui est extrêmement efficace, « Un jeune, Une solution », et c'est la sortie du marché du travail. A quoi sert de repousser l'âge de la retraite si à 58 ans, à 59 ans, on vous explique que finalement ce n'est peut-être pas une si bonne idée de continuer à travailler et que vous n'avez qu'à aller au chômage et vous ferez le pont jusqu'à la retraite, et l'emploi des séniors est également un sujet très important, c'est ça les deux manières d'augmenter massivement le travail, ce n'est pas nécessairement de repousser l'âge de la retraite. L'âge de la retraite, c'est un sujet d'équilibre des comptes, entre ceux qui financent avec leurs cotisations et ceux qui reçoivent leur retraite, et là il faut de la justice sociale.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va reparler de l'industrie, de l'attractivité. On a vu que dans l'électrique, notamment les batteries, on était allé quand même très vite pour essayer de rattraper le retard, alors il y a encore du travail, mais on a vu avec les accords signés notamment hier par STELLANTIS, par RENAULT aussi, qui va construire dans les Hauts-de-France les deux usines de fabrication de batteries. La santé, on en est où Agnès PANNIER-RUNACHER ? Parce que la crise a montré que… nous a fait prendre conscience que beaucoup de… qu'on ne fabriquait plus de médicaments, qu'on les avait délocalisés, et deuxièmement que sur les vaccins on n'a pas été capable de fabriquer un vaccin français jusqu'à présent.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Jusqu'à présent, mais comme nous le savons tous SANOFI est en phase 3 sur un vaccin qui a l'air d'être efficace, mais sur la santé, c'est quoi le diagnostic, que s'est-il passé avant que le président de la République soit élu ? Entre 2005 et 2015 la France a divisé par deux sa part de marché mondiale…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est vrai.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Divisé par deux, c'est massif, depuis 2017 nous avons dû reprendre le sujet en augmentant la possibilité, par exemple de financer des molécules innovantes, puisque nous étions dans la situation, non seulement il y avait des pénuries de médicaments, mais en plus les molécules innovantes pour traiter des cancers, pour traiter la sclérose en plaques, arrivaient en Allemagne, arrivaient en Belgique, arrivaient aux Pays-Bas, n'arrivaient pas en France, parce que pour des raisons comptables, on ne les finançait pas, c'est inacceptable. Aujourd'hui le président de la République a pris le sujet en main, vous avez eu un premier Conseil stratégique des industries de santé qui a permis de faire des avancées majeures…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y en aura un deuxième aujourd'hui, cet après-midi !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il y en aura un deuxième aujourd'hui, hier soir le président de la République a levé le voile sur certaines mesures pour, par exemple, accélérer l'accès de ces molécules innovantes aux marchés, c'est plus de 500 jours, en France, là où dans certains pays européens c'est 120 jours, imaginez la perte de chance pour les patients, c'est ça qui est aussi extrêmement choquant dans un pays comme la France qui est une des grandes puissances mondiales. Donc, aujourd'hui, nous mettons sur la table le paquet, pas seulement pour faire en sorte de mieux rémunérer les molécules, mais c'est surtout de faire en sorte que les laboratoires, les Biotechs, les start-up, parce que vous avez beaucoup de PME dans ce métier-là, puissent investir en France, produire en France, et fournir des molécules aux Français.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On a entendu tout à l'heure le PDG de MODERNA qui est en train de réfléchir où est-ce qu'il va implanter son futur centre de recherche et sa future usine, vous allez réussir à le convaincre de venir en France ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
On a plusieurs projets, MODERNA est évidemment en discussion avec nous, mais vous savez nous on va choisir les projets qui créent le plus d'emplois et qui sont les plus larges en termes de nature des molécules, moi ce qui m'intéresse ce n'est pas forcément d'avoir un seul laboratoire, c'est d'avoir des sites qui fabriquent, qui aient le maximum de possibilités de fabrication de molécules innovantes.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Allez, dernière question. Ce week-end une sorte de salon " Made in France " à l'Elysée avec les produits français que vous avez sélectionnés, votre coup de coeur, vous, Agnès PANNIER-RUNACHER, vous faisiez partie du comité de sélection, un produit par département je crois.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, tout à fait. Donc, en fait non seulement on a fait un produit par département, mais on a eu plusieurs coups de coeur, ce qui nous a permis d'arriver au-delà de 120 produits…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le vôtre ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi j'avoue que je reste fascinée par l'industrie lourde, et coup de coeur pour les blooms de ASCOVAL, ASCOVAL c'est une aciérie électrique qui a failli fermer en 2018…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Les blooms, redites-nous.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les blooms ce sont ces barres qui servent ensuite à fabriquer des rails, en l'occurrence pour ASCOVAL, ils ont transformé en 18 mois leur fabrication pour permettre de récupérer de la ferraille et fabriquer des rails pour la SNCF, avec Hayange, et ça je trouve que c'est une histoire industrielle merveilleuse et c'est un coup de chapeau pour les salariés de cette entreprise.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais on ne pourra pas acheter des blooms sur le salon du « Made un France » ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, mais vous pourrez les admirer sur vos rails de chemin de fer.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre déléguée chargée de l'Industrie, d'avoir été avec nous dans « Good Morning Business » ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 juin 2021