Interview de Mme Nadia Hai, ministre de la ville, à Radio J le 2 juillet 2021, sur la vaccination contre le coronavirus et les questions d'immigration et de laïcité.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Radio J

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER
Nadia HAI, bonjour.

NADIA HAI
Bonjour !

CHRISTOPHE BARBIER
Vous êtes ministre déléguée à la Ville et vous êtes élue dans les Yvelines, à Trappes. Vous étiez députée avant de devenir ministre. Le gouvernement, a-t-on appris, prépare un texte de loi pour obliger les soignants à se faire vacciner, pourquoi maintenant ? Parce qu'on a peur de l'épidémie ou parce que ça bloque vraiment, la vaccination des soignants ?

NADIA HAI
Eh bien, manifestement aujourd'hui, nous constatons que le personnel soignant notamment dans les EHPAD n'est pas suffisamment vacciné pour pouvoir protéger le public qu'il soigne tous les jours.

CHRISTOPHE BARBIER
Et on n'arrive pas à les convaincre ?

NADIA HAI
Eh bien visiblement non, pas encore avec toutes les campagnes que nous mettons en place avec tout le service logistique aujourd'hui qui est disponible, tous les vaccins aussi, les doses qui sont disponibles, nous constatons manifestement qu'il n'y a pas assez de personnes qui sont vaccinées. Donc le Premier ministre a décidé de mettre ce débat sur la table et donc il y a une grande consultation qui est en train d'avoir lieu et je pense que c'est très bien de voir comment aujourd'hui nous allons inciter nos concitoyens à se faire vacciner et comme nous savons que la vaccination, c'est le meilleur rempart contre ce virus, eh bien, voilà nous appelons tout le monde à la responsabilité et tout le monde à se faire vacciner.

CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu'il faut donc s'attendre plus tard si notamment, si le variant Delta continuait à se répandre, à d'autres obligations par exemple pour les enseignants qui vont être confrontés aux jeunes à la rentrée et puis peut-être pour les Français lambda mais qui sont âgés ou qui sont fragiles et qui ne veulent pas se faire vacciner ?

NADIA HAI
J'espère que nous n'arriverons pas à ce type de décision mais toujours est-il que la vaccination, c'est ce qui nous permettra de sortir de la crise sanitaire que nous connaissons et d'en finir avec ce virus. Moi, je pense aussi à ces millions de Français qui sont allés se faire vacciner et qui n'en peuvent plus, qui n'en peuvent plus de ces contraintes, qui n'en peuvent plus du port du masque. Et donc voilà pour s'en sortir, il faut se faire vacciner, donc j'appelle là aussi une fois encore une fois à la responsabilité de chacun.

CHRISTOPHE BARBIER
Dans les villes et notamment dans les quartiers sensibles où vous déployez votre activité, est-ce que la vaccination a du mal à progresser ?

NADIA HAI
La vaccination progresse dans des quartiers, c'est vrai que les chiffres sont en dessous de la moyenne nationale mais il faut savoir que dans les quartiers, il y a une grande partie de la jeunesse de notre pays qui habite les quartiers, donc des chiffres que nous voyons sont liés à plusieurs phénomènes mais il n'y a pas d'inquiétude à avoir sur la vaccination dans les quartiers. Là où il y a des difficultés s'agissant de désertification médicale et donc de non accès aux soins, eh bien, nous mettons en place des dispositifs d' " aller vers ", des centres de vaccination mobiles pour là aussi inciter nos concitoyens à se faire vacciner.

CHRISTOPHE BARBIER
C'est-à-dire le vaccin va aux patients si le patient ne vient pas au vaccin !

NADIA HAI
Exactement, c'est tout à fait ça !

CHRISTOPHE BARBIER
On n'a pas toujours les moyens dans certains quartiers de partir en vacances, de partir loin. Est-ce que vous avez prévu quelque chose pour occuper cette jeunesse qui a déjà été très éprouvée par le confinement et qui se retrouve presque confinée dans sa ville parce qu'on n'a pas l'argent pour partir loin ?

NADIA HAI
Eh bien, c'est tout à fait le constat que nous faisons pour une grande partie aujourd'hui des habitants qui habitent dans des territoires fragiles et prioritaires et donc nous ne pouvons pas accepter ce fait-là puisque nous savons à quel point, vous l'avez dit, ils ont été éprouvés par la crise sanitaire et à quel point c'est difficile et donc nous avons mis en place un programme estival qui est interministériel avec l'Éducation nationale, avec le ministère de la Culture, le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Ville pour permettre à ces enfants d'avoir un été festif d'apprentissage mais surtout aussi un temps d'accélérateur de sortie de crise pour les jeunes qui sont aujourd'hui en attente d'insertion professionnelle ou d'orientation scolaire.

CHRISTOPHE BARBIER
L'été pour aller vers l'emploi en quelque sorte ?

NADIA HAI
Exactement, aussi pour mieux rebondir !

CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que vous avez des signes du terrain, des médiateurs, des associations, des signes alarmistes sur le thème " attention ça chauffe, ils n'en peuvent plus, ça va exploser " ?

NADIA HAI
Alors, il y a des signes qui ne sont pas encore alarmistes mais des signes qui appellent notre vigilance et notre attention et surtout notre action. Oui, effectivement, il y a un impact sur la santé mentale et notamment des plus jeunes de cette crise, de ces différentes périodes de confinement qui ont conduit à un isolement et à une rupture du lien social et pour cela, nous avons décidé effectivement d'agir, de mettre beaucoup plus d'éducateurs et de médiateurs sur le terrain, nous avons décidé de renforcer les moyens alloués aux associations de proximité pour pallier justement ces difficultés et ce qu'ils rencontrent et le constat qu'ils font aujourd'hui de notre jeunesse.

CHRISTOPHE BARBIER
Dans une interview à Elle, le président de la République s'inquiète, il s'inquiète d'une société de plus en plus racialisée. Est-ce aussi votre diagnostic de terrain ?

NADIA HAI
Ce que constate le président de la République, c'est que nous avons pour certains pris l'habitude de se présenter selon nos différences.

CHRISTOPHE BARBIER
Je suis blanc, je suis noir, je suis maghrébin.

NADIA HAI
Exactement.

CHRISTOPHE BARBIER
Je suis immigré, etc.

NADIA HAI
Exactement Alors que normalement ça devrait être " je suis journaliste, je suis femme politique ". Donc là, ce qu'il faut qu'on arrive à faire, c'est inverser cette tendance là pour créer une véritable unité qui ne soit pas basée sur nos différences mais qui soit basée autour des valeurs qui nous rassemblent.

CHRISTOPHE BARBIER
Mais ce n'est pas une affaire d'intellectuels dans les universités, ce débat ? C'est la réalité du terrain, se définir par sa couleur de peau ?

NADIA HAI
Ce n'est pas toujours la réalité. Heureusement, ça concerne une minorité de notre société et de notre pays mais il faut … ça peut être des signaux inquiétants par la suite parce qu'il peut y avoir cet effet d'entrainement et on voit effectivement des collectifs qui naissent ou des propos tenus sur des plateaux télé qui n'ont pas véritablement leur place aujourd'hui dans notre République surtout quand on veut créer cette unité nationale et cette unité nationale, elle se construit autour de valeurs qui nous rassemblent et non pas autour de nos différences qui nous divisent.

CHRISTOPHE BARBIER
Alors une députée Les Républicains du Doubs, Annie GENEVARD, s'est émue cette semaine des danses traditionnelles qui accompagnent certains mariages à la mairie. Alors elle a précisé sa pensée, elle voulait dire que ça choque la population quand on voit à la sortie d'un mariage des cultures étrangères s'inviter dans la fête. Est-ce que la racialisation, ça ne commence pas aussi parfois par le refus d'oublier sa culture d'origine ?

NADIA HAI
Mais là, manifestement il y a un mélange total des genres et des sujets ! Moi, je suis désolée, je trouve ces propos-là quand même complètement scandaleux et, pardonnez-moi l'expression, mais on nage en plein délire ! Enfin je veux dire mêler la danse et des traditions a finalement un phénomène racialisé, idéologique, construit, c'est complètement délirant, cette histoire ! Donc moi, je veux continuer effectivement à danser le Madison, à danser le rock ou danser le chaâbi marocain et je crois que Madame GENEVARD se trompe complètement de combat. Vous savez, on dit souvent que la gauche a perdu sa boussole, eh bien, je crois qu'une partie des LR commencent sérieusement à perdre la sienne !

CHRISTOPHE BARBIER
En revanche, dans un mariage à la mairie, pas de drapeaux étrangers ?

NADIA HAI
Bah écoutez à partir du moment où l'ordre républicain est respecté et je crois que quand il y a une manifestation publique, elle doit être soumise à autorisation donc des autorités. Si l'ordre républicain est respecté, que les autorisations sont données, il n'y a pas lieu d'intervenir sur la fête que peuvent aujourd'hui …

CHRISTOPHE BARBIER
Mais à la mairie, c'est la République française, dans la mairie !

NADIA HAI
Dans la mairie, c'est la République mais vous savez, la fonction publique, l'Etat est neutre, la société ne l'est pas, elle n'est pas laïque. On ne va pas imposer aujourd'hui à nos concitoyens des mesures de neutralité parce que là encore une fois, on a cette approche racialisée des choses et ça, je crois que c'est véritablement le fond du problème.

CHRISTOPHE BARBIER
Alors vous avez lancé une initiative " portraits de France " qui vise à célébrer la mémoire de héros français issus de l'immigration dans tous les domaines, des soldats, des artistes, des sportifs, il y a plusieurs centaines d'exemples. Est-ce que ça, c'est aussi une manière de lutter contre la racialisation ? Ce ne sont pas des noirs, des blancs, des Maghrébins, ce sont des Français ?

NADIA HAI
C'est pour envoyer juste un message très clair. La République, elle est une et indivisible, elle est aussi riche de sa diversité. La République a plusieurs visages, des personnes qui ont donné de leur amour, de leur temps, de leur énergie parfois jusqu'au péril de leur vie pour épouser les valeurs de la République et je crois que chacun aujourd'hui dans notre pays doit se sentir appartenir à la République et doit se reconnaître et, je crois, les 318 portraits permettent finalement à chacun de trouver le parcours, la personne qui va justement lui rappeler quelque chose et donc se sentir appartenir à la République.

CHRISTOPHE BARBIER
Le forum " génération égalité " organisé par l'ONU s'est tenu à Paris sur la cause de la femme. Dans les quartiers, cette cause de la femme, elle régresse ou elle progresse ?

NADIA HAI
Alors avec beaucoup de satisfaction, elle progresse. Elle progresse effectivement lentement parce qu'il y a encore un problème pour les femmes d'occuper l'espace public mais surtout d'être visibles, toutes ces femmes agissantes dans nos quartiers, eh bien, elles n'ont pas encore la visibilité nécessaire. Mon rôle et mon but, mon objectif, c'est de les rendre visibles et c'est ce que je fais en accompagnant toutes les initiatives portées par des associations et aussi en soutenant de manière très forte l'entreprenariat au féminin.

CHRISTOPHE BARBIER
C'est par l'entreprise, par l'économie qu'en fait, cette cause de la femme va faire un grand bond en avant ?

NADIA HAI
C'est le fait de les rendre autonomes, indépendantes et qu'elles puissent affirmer haut et fort leurs droits et participer finalement à la société, c'est tout l'objectif aujourd'hui aussi de mon ministère, j'ai placé vraiment cette cause comme priorité dans le soutien que nous faisons aux associations, le soutien que nous faisons à toutes les instances qui accompagnent l'entreprenariat. Cette cause des femmes, effectivement, je suis féministe, je suis féministe de mère en fille, depuis des décennies, des générations et donc j'y tiens, je veux que les femmes reprennent toute leur place dans la société !

CHRISTOPHE BARBIER
Dans la présidentielle qui va s'ouvrir et pour défendre la liberté de la femme, on ne va pas échapper à un nouveau débat sur le port du voile islamique.

NADIA HAI
Ecoutez, le port du voile … parce que bien souvent certains qui veulent s'attaquer au phénomène de séparatisme passent par le port du voile. Je crois qu'en s'attaquant aux femmes voilées, ce n'est pas comme ça qu'on réglera la question du séparatisme. Pour régler la question du séparatisme, de l'islam politique, de l'islamisme, il faut s'attaquer au mal profond, il faut s'attaquer à l'influence étrangère, il faut s'attaquer à ces écoles de soutien scolaire qui se transforment en prêches salafistes. S'attaquer aux femmes voilées, c'est un faux débat, c'est contre-productif, ça ne sert à rien et surtout ça stigmatise une partie de la population. Elles ont le droit, c'est une liberté individuelle de la France à laquelle je suis profondément attachée, de porter le voile ou de ne pas le porter.

CHRISTOPHE BARBIER
On a vu dans les élections régionales la gauche se réunir en Ile-de-France avec des polémiques sur une certaine radicalisation, un rapport aux valeurs républicaines qui créent parfois de la polémique. Est-ce que pour vous dans les mois qui viennent, un des dangers politique, c'est celui-là, une gauche républicaine qui se dissout dans une gauche qui l'est moins ?

NADIA HAI
Eh bien, de toute façon, ce que nous observons mais ce constat, nous faisons à gauche, nous commençons à le faire à droite sur une autre forme d'extrémisme et une autre forme de pensée, je crois vraiment que notre objectif qui est le nôtre, celui de la majorité, c'est d'être dans cette unité, d'être dans celle de la défense au fond des valeurs de la France et de ces libertés individuelles. Donc voilà nous avons décidé d'occuper ce schéma-là et j'espère que nous serons beaucoup plus nombreux à le faire. J'invite vraiment tous ces formations politiques à nous rejoindre dans ce combat parce que pour ces sujets-là, la division est un mal profond, c'est délétère et ça tue.

CHRISTOPHE BARBIER
Le recul du Rassemblement national, le RN n'a pas fait de bons scores aux régionales. Pour vous, c'est un trompe-l'oeil ou c'est un mouvement de fond, c'est-à-dire, ça y est, l'extrême droite va disparaître ?

NADIA HAI
Vous savez, je l'espère, que cette extrême droite disparaisse et mon engagement politique, c'est ce qui m'a fait entrer dans la vie politique, c'est de combattre le Front national parce que l'extrême droite, là aussi, véhicule une idéologie nous ne pouvons pas accepter ni tolérer dans notre pays. Donc oui effectivement, il recule, c'est avec une immense satisfaction, ils ont perdu des cantons, ils n'ont pas accédé à des régions telles qu'ils le croyaient. Le Front national s'affaiblit, je crois que nous y sommes pour beaucoup parce que nous sommes le parti aujourd'hui de la majorité présidentielle qui avons toujours combattu l'extrême droite et nous avons constaté que nous étions parfois un peu seuls dans ce combat-là. Donc je suis très satisfaite que le Front national recule.

CHRISTOPHE BARBIER
Que dites-vous ce matin à un jeune qui a 18 ans qui est issu de l'immigration, qui pourrait voter pour la première fois l'année prochaine et qui n'a pas envie d'y aller ?

NADIA HAI
Eh bien, je l'incite à aller voter, il faut aller voter !

CHRISTOPHE BARBIER
Quel intérêt pour lui ?

NADIA HAI
Eh bien parce que c'est la meilleure arme, s'il ne vote pas, d'autres le feront à sa place, c'est tout simplement ça, la réalité. Si on ne va pas voter, on donne sa décision, son bulletin de vote à quelqu'un d'autre et ce quelqu'un d'autre décidera à sa place. Donc si on veut s'engager, si on veut que les choses changent, il faut voter voilà, c'est le seul message que je peux lui apporter parce qu'il a certainement quelque part une idée, une défense aussi des valeurs. Eh bien, il faut qu'il aille voter pour justement porter cette idée et ces valeurs.

CHRISTOPHE BARBIER
Et vous l'année prochaine, est-ce que vous serez candidate à un nouveau mandat de députée ou est-ce que vous vous dites : " j'ai fait de la politique pendant 5 ans, je continuerai mon action qui avait commencé avant par d'autres biais. La politique ça va, j'ai fait le tour " ?

NADIA HAI
J'ai beaucoup aimé mon mandat de parlementaire, je suis très attachée aussi à cette fonction de ministre. Donc là aujourd'hui l'heure est à la tâche ; je suis aujourd'hui ministre de la Ville, nous avons plein de sujets sur la table et sur lesquels nous avons une action très forte avec mon cabinet et nos administrations. Donc la question évidemment, elle se posera. En tout cas, je suis là, je soutiendrai le président Emmanuel MACRON tant que ça sera évidemment possible de le faire et la question, elle se posera dans les prochaines semaines mais j'ai beaucoup, beaucoup apprécié ce mandat de parlementaires aussi qui font avancer les choses, malheureusement là aussi, manquent un peu de visibilité sur toute l'action que font nos parlementaires ; je tiens vraiment à leur rendre un hommage appuyé à votre antenne.

CHRISTOPHE BARBIER
Nadia HAI, vous étiez la dernière invitée de la saison pour « En toute franchise », on se retrouvera à la rentrée. Merci beaucoup et bonnes vacances même si les ministres n'en auront pas beaucoup !

NADIA HAI
Merci à vous et bonnes vacances !


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 juillet 2021