Interview de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, à France Info le 20 juillet 2021, sur la portée de la loi Climat et Résilience.

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Circonstance : Adoption définitive du projet de loi Climat et Résilience par l'Assemblée nationale et le Sénat le 20 juillet 2021

Média : France Info

Texte intégral

MARIE BERNARDEAU
Les années passent et les alertes s'accumulent, se multiplient, l'Agence internationale de l'énergie s'attend à ce que les émissions mondiales de CO2 atteignent un niveau record dans 2 ans, l'institution s'inquiète d'une trop faible part consacrée aux énergies propres dans les plans de relance post-Covid. Bonjour Barbara POMPILI.

BARBARA POMPILI
Bonjour.

MARIE BERNARDEAU
La ministre de la Transition écologique que vous êtes a-t-elle le sentiment de faire suffisamment avancer la lutte contre le réchauffement climatique avec cette loi climat et résilience qui est adoptée aujourd'hui à l'Assemblée et au Sénat ?

BARBARA POMPILI
Oui, on fait énormément, on fait beaucoup, même si jamais vous ne m'entendrez dire que c'est suffisant, parce que c'est un combat de tous les jours, mais cette loi, ce qu'elle a d'important, et c'est ça le tournant de cette loi, c'est qu'elle va faire rentrer l'écologie dans la vie des gens, c'est-à-dire que vous allez, à travers toutes les mesures qui sont là, donner à nos concitoyens la possibilité de devenir des acteurs et de pouvoir, du coup, faire avancer encore plus vite la transition, que ce soit à l'école, puisque l'éducation à l'environnement va être renforcée, que ce soit quand ils sont consommateurs, ils vont voir des étiquettes climat, quand ils vont aller faire leurs courses ils vont pouvoir choisir des produits qui sont meilleurs pour le climat, il va y avoir dans les publicités l'affichage de ces étiquettes, on va enfin pouvoir rénover ses logements de manière simple et avoir les moyens de le faire, on va pouvoir choisir le train plutôt que l'avion, etc., etc., c'est pour vous dire que cette loi c'est un paquet de mesures, qui sont évidemment complémentaires de tout ce qu'on a fait avant, notamment sur les transports, notamment sur le gaspillage et sur l'économie circulaire, en complément du plan de relance. Vous savez, le plan de relance français, c'est 30%, 30 milliards qui sont consacrés à la transition écologique, si c'était comme ça dans tous les pays du monde je peux vous dire qu'on aurait moins de problèmes.

MARIE BERNARDEAU
Loi ambitieuse dites-vous, ce n'est pas tout à fait l'avis des associations de défense de l'environnement, qui ont prévu d'ailleurs de manifester devant l'Assemblée cet après-midi, comme France Nature Environnement et son vice-président Antoine GATET.

ANTOINE GATET
La mission était très claire, c'était des solutions pour baisser de 40% les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, et aujourd'hui on n'y est pas, et l'ambition a changé depuis, c'est-à-dire que depuis ces 2 ans au niveau européen on est passé à une ambition de -55%, on sait au niveau scientifique que ça serait même -65% qu'il faudrait faire, donc on a une urgence climatique qui nécessite une transformation radicale qui n'est pas inscrite dans ce texte. on a tous les jours, et en particulier en ce moment, des traces des effets des changements climatiques, à Madagascar, les inondations en Allemagne, les chaleurs en Amérique du Nord, enfin on a beaucoup d'épisodes qui nous ont rappelé cette urgence, donc on a besoin d'un électrochoc là, de quelque chose d'assez radical au niveau transformation, quelque chose qu'on appelle, nous, de nos voeux depuis très longtemps, et aujourd'hui on est sur une ancienne façon de faire, des petites touches par-ci, par-là, qui est totalement pas compatible avec l'urgence devant laquelle on se trouve.

MARIE BERNARDEAU
BARBARA POMPILI, ce que dit Antoine GATET de France Nature Environnement c'est que la France ne vise même plus les 40% de baisse des émissions de gaz à effet de serre, alors que le Pacte climat de l'Union européenne prévoit -55.

BARBARA POMPILI
Bien sûr que si, bien sûr que si qu'on les vise ces 40%, puisque nous avons même des études qui montrent que, une fois que la loi sera mise en place, effectivement, là, tant qu'elle n'est pas mise en place on n'y est pas, mais quand on aura tout mis en place, on y sera, et on est en train de travailler en complément avec l'Union européenne, puisque l'Union européenne elle met en place des politiques qui sont plus larges que les politiques qu'on met en place au niveau français, par exemple sur les transports aériens on a une mesure dans la loi qui permet d'empêcher l'ouverture et de fermer des lignes quand on peut prendre le train en moins de 2 heures 30, en revanche…

MARIE BERNARDEAU
En l'occurrence une seule ligne finalement, BARBARA POMPILI, puisque c'est conditionné au pourcentage de passagers en transit, la Convention citoyenne pour le climat avait dit moins de 4 heures, c'est passé à 2 heures 30, et en plus il y a une condition, on passe de 23 lignes à une seule finalement.

BARBARA POMPILI
Oui, mais vous savez, moi ce que je veux c'est que ça puisse être appliqué, là on a trois lignes qui seront fermées directement, il y a une ligne qui ne pourra pas être mise en place, qui est la ligne Paris-Strasbourg, et puis ce qu'on veut c'est que les personnes se posent la question, "est-ce que, quand je dois voyager, est-ce que je prends plutôt l'avion ou plutôt le train ?", donc, un, on met en place ces lignes qui ferment, et deux, avec la SNCF on a travaillé pour baisser les prix des billets de train, parce que c'est aussi ça qui compte, c'est aussi l'argent…

MARIE BERNARDEAU
Mais l'idée d'une TVA réduite, pardonnez-moi, sur ces billets de train, n'a pas été retenue, pourtant c'était bon pour le climat, c'était bon pour le portefeuille.

BARBARA POMPILI
Pardon, mais la TVA réduite, le but c'était de baisser les prix des billets de train, là les prix des billets de train ont baissé, donc l'objectif est atteint, et une TVA réduite, regardez ce qui s'était passé quand on l'avait fait avec les restaurateurs, ça ne c'était pas répercuté sur les prix, donc nous on a voulu une mesure efficace, tout de suite, plutôt qu'une mesure symbolique, dont on n'était pas sûr qu'elle serait répercutée sur les prix des billets, donc ça c'est un choix qui a été fait. Mais, ce que je veux vous dire, c'est qu'on a aujourd'hui une complémentarité avec l'Europe, sur les avions on ne va pas commencer à prendre des mesures qui sont uniquement franco-françaises quand elles relèvent de l'Europe, on a besoin de tous les niveaux. Vous parliez tout à l'heure de ce que disait l'Agence internationale de l'énergie, ce qu'on fait nous, en France, on a fermé les dernières centrales à charbon, eh bien le charbon c'est l'ennemi numéro 1 du climat, une centrale à charbon c'est 1 million de voitures, eh bien l'Europe, le G7, avec la France qui a poussé, a demandé à tous les pays du G7 de ne plus financer de centrales à charbon, on a réussi à obtenir ça du Japon, alors que le Japon est le deuxième constructeur, enfin financeur de centrales à charbon dans le monde, ça n'a pas été simple de faire ça, mais là je peux vous dire que l'effet sur le climat il est radical. Eh bien, à la fin de la semaine, je suis au G20, on va faire le même travail, ça va être plus difficile, pour voir avec la Chine, qui finance aussi les centrales à charbon, pour qu'elle arrête de financer les centrales à charbon, donc on fait un travail, au niveau français, avec la loi climat et toutes les mesures autour, puisqu'elle est complémentaire du reste, avec les mesures européennes, et au niveau mondial, c'est un travail de fourmi ou de titan, je ne sais pas, comme vous voulez, mais c'est un travail de longue haleine.

MARIE BERNARDEAU
Si on en revient aux transports, aux voitures par exemple, la France vise toujours l'interdiction des voitures thermiques en 2040, l'Union européenne dit 2035, est-ce qu'on prend du retard ?

BARBARA POMPILI
Alors, sur 2040 on était, il y a 3 ans, on était pionnier, quand on a annoncé qu'on arrêtait les voitures thermiques en 2040 c'était, tout le monde, "holà là, on n'y arrivera jamais", etc. La France a été aussi parmi ceux qui ont dit Ok, on peut descendre jusqu'à 2035, parce que 2035 c'est atteignable aujourd'hui. La question aujourd'hui c'est est-ce qu'on intègre les hybrides ou pas, ça va faire partie du débat avec la Commission européenne et les autres pays européens. Après, sur la voiture, la voiture c'est aussi un élément qu'on prend en compte dans la question de la pollution, dans la loi climat et résilience nous avons des mesures pour instaurer des ZFE, des Zones à Faibles Emissions, ces Zones à Faibles Emissions elles sont mises en place pourquoi ? Parce qu'on a 40 000 personnes qui meurent tous les ans à cause de la pollution de l'air.

MARIE BERNARDEAU
Ça a été long, on en parle depuis 10 ans de ces zones !

BARBARA POMPILI
Eh bien justement, on en parlait, eh bien nous on le fait ; 40 000 personnes, là, grâce à cette loi, eh bien nous aurons enfin des enfants qui auront moins de problèmes de toux, de problèmes respiratoires, nous aurons moins de morts, je vous rappelle que c'est la troisième cause de morts évitables en France, après le tabac et l'alcool, voilà des mesures qui sont dans cette loi, qu'on ne pouvait pas faire au niveau européen, et dont j'espère que j'aurai le soutien de tous ceux qui disent que la loi n'est pas suffisamment ambitieuse pour nous aider à mettre en place, parce qu'entre parler et faire, il y a une différence et nous on fait. 

MARIE BERNARDEAU
L'urgence climatique qui s'est à nouveau rappeler à nous, Barbara POMPILI, avec les inondations en Allemagne, en Belgique, et rendons prégnante, notamment, la question de l'urbanisation, de l'artificialisation des sols. La mesure de la loi climat elle exempte les entrepôts de e-commerce des interdictions de construire, ça veut dire qu'AMAZON a gagné par exemple ?

BARBARA POMPILI
Non, pas du tout. D'abord, dans cette loi climat et résilience on fait plusieurs choses, la première chose c'est qu'on va diminuer par deux le rythme d'artificialisation, ça c'est concret, ça va être des objectifs sur tous les territoires, et je peux vous dire, là encore, que nous avons beaucoup de communes, etc., qui viennent nous voir en disant "holà là, comment on va mettre ça en place ?", donc toute la question de la mise en place est très importante. On n'aura plus de centres commerciaux au niveau des champs, en plein milieu des champs, et pour le reste, pour tous les autres équipements, il y aura une obligation de regarder à chaque fois s'il n'y a pas, notamment des friches qui existent, pour les mettre à la place, et grâce au plan de relance on a mis 300 millions, et là on a doublé, donc on va être à 650 millions d'euros, pour aider les maires à pouvoir construire et à pouvoir réhabiliter des friches plutôt que d'aller construire sur des choses. Voilà, ça c'est du concret, et vous allez voir que sur les entrepôts logistiques, en plus, on est en train de travailler avec eux parce que tout le monde se rend bien compte qu'on ne peut plus continuer à bétonner, y compris les entrepôts logistiques.

MARIE BERNARDEAU
Loi climat et résilience qui doit donc être définitivement adoptée aujourd'hui à l'Assemblée puis au Sénat, merci beaucoup Barbara POMPILI d'avoir accepté l'invitation de France Info ce matin.

BARBARA POMPILI
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 juillet 2021