Entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat au tourisme, au Français de l'étranger et à la francophonie, avec France Inter le 5 août 2021, sur la coopération sanitaire avec la Grande-Bretagne, les touristes américains, le tourisme en France confronté à l'épidémie de Covid-19 et le passe sanitaire pour les expatriés.

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  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'Etat au tourisme, au Français de l'étranger et à la francophonie

Texte intégral

Q - Notre invité est le secrétaire d'Etat chargé du Tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Jean-Baptiste Lemoyne, bonjour.

R - Bonjour.

Q - On s'est réveillé avec une bonne nouvelle ce matin : le Royaume-Uni va supprimer, dimanche prochain, la quarantaine imposée jusqu'ici aux voyageurs vaccinés en provenance de France métropolitaine. Nous étions l'exception en Europe. Au gouvernement, vous dénonciez une discrimination. Comment avez-vous fait, Jean-Baptiste Lemoyne, pour faire plier Boris Johnson ?

R - Non, mais les contacts ont été permanents depuis le début, parce que sur des éléments tout simplement scientifiques, rationnels, eh bien, on voit qu'il y avait une capacité à remettre des règles ordinaires, et pas extraordinaires par rapport à ce qu'ils faisaient aux autres pays européens.

L'autre bonne nouvelle, qui est venue hier soir, c'est que nous avons aussi interconnecté nos dispositifs informatiques anticovid, entre celui du NHS, l'Autorité de santé en Angleterre et au Pays de Galle, avec également TousAntiCovid, ce qui va permettre à nos Français de l'étranger, par exemple établis en Grande-Bretagne, de pouvoir très facilement obtenir leur passe sanitaire, c'est l'autre bonne nouvelle d'hier soir, je tenais à le souligner aussi aujourd'hui.

Q - Qu'est-ce qui coinçait ? Pourquoi la France était restée comme ça, sur cette liste noire, finalement ?

R - Ecoutez, maintenant je n'ai pas le nez sur le rétroviseur, mais plutôt devant. Ce qui est important, c'est que ça va permettre, aussi, à un tourisme britannique, peut-être de revenir en France, parce que l'on a pu regarder qu'au mois de juillet, c'est ça qui nous manquait. Par exemple sur les clientèles européennes et internationales, on le voit d'ailleurs avec une moindre fréquentation sur la Bretagne, sur la Normandie, et les Britanniques aussi sont friands par exemple du Bassin Dordogne, Lot, donc c'est une bonne nouvelle, ils auront moins d'appréhension peut-être pour revenir, parce qu'ils savent que désormais ils ne seront pas empêchés de revenir avec cette quatorzaine.

Q - En revanche, ça paraît un peu moins facile avec Joe Biden. La France a ouvert grand ses portes aux touristes américains, l'inverse n'est toujours pas vrai. Alors, la Maison Blanche assure cette nuit qu'elle est en train de travailler à un plan pour ouvrir ses frontières aux vaccinés étrangers. On peut y croire, vraiment, ce serait pour quand ? Ça se compterait en jours, en semaines, est-ce que vous en savez plus Jean-Baptiste Lemoyne ?

R - Eh bien écoutez, les Etats-Unis sont pleinement souverains. Maintenant, avec Jean-Yves Le Drian, le Président de la République aussi, nous ne cessons d'insister auprès des autorités américaines sur cette capacité qu'ils ont aussi à se rouvrir, puisque nous-mêmes nous l'avons fait pour les vaccinés du monde entier, indépendamment de leur pays de provenance, qu'ils viennent d'un pays qui soit sûr ou moins sûr d'un point de vue sanitaire, parce qu'on considère que le vaccin, c'est la clé, et que ça diminue les risques pour tout le monde. Donc, j'espère que ça se comptera dans une poignée de jours, mais naturellement c'est aux autorités américaines de le décider.

Q - Mais justement, pourquoi on n'a pas fait donnant-donnant ? On ouvre notre porte s'ils ouvrent la leur, s'ils ne le font pas, on la ferme.

R - Faire donnant-donnant, ça veut dire aussi la double peine pour nous, ça veut dire que non seulement effectivement nous sommes privés d'aller aux Etats-Unis, mais qu'on se prive nous-mêmes de recevoir cette clientèle américaine, pour laquelle l'envie de France est intacte, on l'a mesuré, les Américains, je peux vous le dire, depuis le mois de juin, sont déjà de retour. Et on se réjouit de les revoir, d'ailleurs, sur certaines destinations, Paris, Côte d'Azur, etc., même si cela reste encore embryonnaire, timide. Et donc, pourquoi encore une fois s'infliger nous-mêmes une double peine ? Le tourisme ça fait aussi tourner l'économie touristique de nos territoires, et d'ailleurs à Paris, destination dont ils sont friands, hélas, on est encore dans une situation encore complexe.

Q - Oui, il y a des retours d'Américains à Paris, vous le disiez, mais enfin certains hôtels préfèrent fermer, tellement il y en a peu, en moyenne 60 à 70% de chiffre d'affaires en moins par rapport à l'avant-Covid. Est-ce qu'il y aura des aides pour ces professionnels ?

R - Nous maintenons notre dispositif d'aides, on en est depuis le début de la crise à 36 milliards d'euros mis en place en soutien à l'économie touristique, à tous ces entrepreneurs, ces entreprises, et un tiers de ces aides d'ailleurs ont été en soutien de prestataires touristiques de Paris et de l'Ile-de-France.

Cela montre combien cette destination est importante et combien elle a souffert aussi. Je veux dire que l'Etat a été là, on continuera d'être là au rendez-vous, et puis naturellement, il faudra travailler le moment venu aussi à la relance de cette destination. Nous l'avons fait avec une destination comme Lourdes aussi, deuxième ville hôtelière de France qui a été gravement touchée avec ce Covid. Là, il relance les destinations, eh bien, tout ça on va le faire aussi avec Paris et l'Ile-de-France. Il y a d'ailleurs une offre, vous l'avez vu, qui est formidable, qui s'est renouvelée. On a en tête l'hôtel de la Marine, la Collection Pinault. Je le dis d'ailleurs à tous vos auditeurs, Paris se découvre aussi au mois d'août ! Mais oui ! De façon privilégiée, il y a de magnifiques spectacles. Regardez aux Invalides, l'histoire de France etc., C'est aussi un appel que je lance.

Q - On va quitter Paris, Jean-Baptiste Lemoyne, parce qu'il y a du monde évidemment ailleurs, au bord de mer, à la montagne, du Covid aussi, Plan blanc déclenché en Corse, en PACA, en Occitanie, Guadeloupe reconfinée. Est-ce que vous conseillez à ceux qui ne sont pas encore partis d'annuler leurs vacances, comme certains le font déjà, notamment pour la Guadeloupe ? Est-ce qu'il faut changer de destination, Jean-Baptiste Lemoyne ?

R - Vous évoquez plusieurs territoires, et les choses ne sont pas pareilles selon qu'on les prenne. Par exemple en Guadeloupe, au regard de la progression de l'épidémie, d'un taux de vaccination qui est plus faible, des mesures très strictes qui ont été prises de confinement, c'est-à-dire de couvre-feu à partir de 20h00 aussi, de confinement dans un rayon de 10km, des bars fermés. Donc, on voit que l'offre touristique ne peut pas être la même. Peut-être un tourisme affinitaire, celui des Ultramarins qui visitent leur famille, leurs proches se maintiendra-t-il, mais on le voit, ça va être compliqué pour la fin de la saison touristique par exemple en Guadeloupe. C'est pour cela aussi qu'avec Sébastien Lecornu, nous avons travaillé à remettre...

Q - Le ministre des outre-mer.

R - Nous avons travaillé à remettre des dispositifs économiques de soutien. On a assoupli l'accès au fonds de solidarité, et tout ça est très important pour les aider à passer le cap.

Q - Donc, concrètement, vous dites qu'il vaut mieux annuler, si on a un billet pour la Guadeloupe pour aller passer ses vacances au bord de la plage, il vaut mieux annuler ?

R - Ecoutez, en tous les cas, on le voit, la capacité à faire du tourisme est plus compliquée, et surtout pour les personnes qui ne sont pas vaccinées, on demande des motifs impérieux. Et les motifs impérieux, cela exclu les motifs de loisirs, c'est vraiment des motifs comme leur nom l'indique, qui sont très particuliers. S'agissant d'autres territoires, plutôt en métropole, on a effectivement des taux d'incidence parfois qui sont importants, et le Président de la République d'ailleurs, hier, répondant à des questions, vous le savez, en direct...

Q - Oui, sur les réseaux.

R - ... le précisait. Par exemple, en région Sud, dans le département du Var où il est, il y avait un taux d'incidence qui dépassait les 400, et en temps normal on aurait dû fermer certaines activités, mais aujourd'hui, parce qu'il y a ce passe sanitaire qui bientôt sera étendu, on est en capacité de maintenir ouvertes des activités, et donc finalement de proposer une expérience de vacances ou de tourisme, qui est presque intacte, dès lors qu'on fait attention, qu'on montre qu'on est vacciné, ou bien qu'on se teste régulièrement pour rentrer dans le passe sanitaire. C'est ce qui fait que cet été pour l'instant se déroule bien, les résultats sont bons.

Si on prend, par exemple l'hôtellerie, l'hôtellerie de plein air, les gîtes, je peux vous dire qu'on est, sur le mois de juillet, à des niveaux de réservations qui sont supérieurs à ceux de 2019, et c'est valable, encore une fois je prends un réseau d'hôtels par exemple comme Logis Hôtels, + 6% par rapport à 2019...

Q - C'est une bonne saison.

R - C'est une bonne saison à ce stade. L'espoir est toujours là pour le mois d'août, pour l'arrière-saison. Mais cela veut dire que nous devons collectivement continuer à faire attention, prendre les précautions, respecter les gestes barrières. Il y a aussi cet aspect préventif sur lequel j'insiste, parce qu'il y a des petits relâchements du quotidien qui parfois peuvent conduire au pire.

Q - Une bonne saison malgré la météo, malgré le Covid. Quid des Français expatriés à l'étranger qui vivent dans des pays sur liste rouge. Quelles seront les règles pour entrer en France ? Vous aviez promis de valider le dispositif cette semaine, on en est où ?

R - ça y est, c'est opérationnel depuis lundi dernier. Nous avons mis en place, avec Jean-Yves Le Drian cette cellule au Quai d'Orsay. Nous avons une centaine de personnes qui ont été redéployées vers cette mission, qui ont été recrutées, et les Français établis hors de France, qui justement ont été vaccinés dans d'autres pays, avec des vaccins homologués par l'Union européenne ou équivalents...

Q - Donc pas le vaccin chinois, ni le vaccin russe ?

R - ...nous envoient leur certificat de vaccination...

Q - Ni le vaccin chinois, ni le vaccin russe, on est bien d'accord.

R - C'est uniquement effectivement les vaccins homologués pour l'instant, ou leur équivalent, ça comprend par exemple en revanche le Covishield, qui était beaucoup utilisé en Afrique. Ils nous envoient leur certificat de vaccination, nous on saisit ces informations, on leur envoie en retour un QR Code, et ça leur permet donc d'avoir le passe sanitaire, comme tout Français résidant en France. C'est donc effectivement un gros travail. Je veux dire par exemple quelques chiffres, pour vous donner un ordre d'idée : la montée en puissance du dispositif, il y a deux jours 1500 QR Code envoyés, hier 3000 QR Code envoyés et beaucoup de demandes qui arrivent. On en est aujourd'hui à 20.000 demandes qui sont arrivées.

Je le dis à tous ces Français, nous allons leur envoyer le plus vite possible ; mais il y a également beaucoup de demandes qui sont arrivées.

Q - Jean-Baptiste Lemoyne, dernière question en quelques mots. Qu'en est-il pour les milliers d'étudiants qui vivent dans des pays où la vaccination n'est toujours pas ouverte aux jeunes ? Ils sont, pour certains sans visa, ils ne peuvent pas rentrer, on a des témoignages de jeunes très angoissés. Vous leur dites quoi, ce matin ?

R - Je leur dis deux choses.

Concernant les étudiants, je veux leur dire que le principe est acquis, le principe est acté, que nous accueillerons les étudiants internationaux qui sont inscrits dans les établissements. Le principe est acté, donc qu'ils ne s'inquiètent pas. Je sais que c'est très angoissant, je vois les messages, comme vous, et nous allons annoncer dans les prochains jours les modalités pratiques qui leur permettront de venir.

Et deuxième chose, il y a, au-delà du public des étudiants internationaux, je veux le dire, il y a également des touristes internationaux qui sont présents sur le sol national en ce moment même où je vous parle, et le 9 août va entrer en vigueur le passe sanitaire étendu. Et donc, je vous annonce que justement, notre objectif c'est que dès le 9 août, ces touristes présents sur le sol national puissent aussi commencer à obtenir des passes sur le même modèle que les Français établis hors de France. Nous mettons en place là aussi un dispositif dédié, évolutif, qui va monter en puissance pour faire face à ces demandes.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 août 2021