Entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat au tourisme, aux Français de l'étranger et à la francophonie, à RTL le 11 août 2021, sur les touristes aux Antilles et l'épidémie de Covid-19, les chiffres du tourisme en France et le passe sanitaire.

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  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'État au tourisme, aux Français de l'étranger et à la francophonie

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Vous êtes secrétaire d'Etat chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. En Martinique, les touristes sont invités à quitter le territoire en raison de la crise sanitaire : est-ce que le message a été entendu ?

R - Oui, et d'ailleurs déjà dès le 30 juillet, les entreprises du voyage avaient émis des recommandations pour proposer aux clients qui avaient réservé sur ce territoire de décaler, de reporter ou d'aller sur d'autres destinations. Je suis en lien en permanence avec le préfet, avec mon collègue aux Transports Jean-Baptiste Djebbari, et je peux vous dire que cela se fait en bon ordre. Vous savez, il n'y a pas de date couperet. Donc les tours opérateurs, les compagnies s'organisent, elles se mettent en situation, éventuellement, de mettre plus de sièges sur les vols retour, avec des appareils plus gros. Tout cela se fait en bon ordre.

Q - Les touristes sont-ils indemnisés ? Ceux qui doivent, soit annuler leur voyage, soit l'interrompre ?

R - Dès lors que vous prenez votre voyage, dans le cadre d'un voyage à forfait avec une agence de voyage, un tour operateur, justement vous avez cette capacité à être remboursé, ou à vous voir proposer en tous les cas d'autres destinations. C'est important parce que cela valorise aussi le rôle de ce que l'on appelle l'intermédiation, les agences de voyages. Alors que, quand vous faites vous-même votre déplacement, que vous achetez votre billet d'un côté, votre hébergement de l'autre, etc..., il faut négocier compte tenu des conditions commerciales de chacun des prestataires que vous avez choisis et c'est forcément plus compliqué.

Q - Le message est-il le même pour les touristes en Guadeloupe où la situation sanitaire n'est pas meilleure ?

R - Le message est, dans ces territoires, de faire effectivement très attention. La priorité c'est la santé, vous l'avez vu. Les taux d'incidence sont très forts, et donc par conséquent, prudence extrême ! On a rétabli d'ailleurs les motifs impérieux pour les personnes non vaccinées ; on va faire le point tout à l'heure en Conseil de défense sur la situation épidémique globale. Mais notamment avec un focus sur les Outre-mer : les autorités locales et les préfets sont amenés à prendre les mesures proportionnées. Il faut laisser avant tout la priorité au sanitaire, c'est aujourd'hui l'essentiel.

Q - C'est un nouveau coup dur pour le tourisme local aux Antilles après une saison d'hiver déjà gâchée ?

R - On est dans la basse saison en ce moment, donc ce n'est pas là que se fait la majorité du chiffre d'affaires. Néanmoins on continue à être aux côtés, en soutien économique des acteurs du tourisme aux Antilles. Je rappelle que deux milliards d'euros ont été mis en place avec les fonds de solidarité, l'activité partielle, les prêts garantis par l'Etat, et compte tenu de la situation, il y a quelques jours, on a encore pris des mesures de soutien pour mettre fin à la dégressivité dans le secteur du tourisme aux aides qui étaient mises en place.

Donc on retourne au taux d'indemnisation qui prévalait au mois de juin. C'est normal, on doit les aider à passer ce cap difficile, et puis après on travaillera au rebond lorsque la situation sera maîtrisée.

Q - Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat en charge du tourisme, où en est-on du bilan touristique justement à mi-saison au niveau national, est-ce que les hôteliers font le plein ?

R - Globalement c'est un été qui fonctionne bien, et même très bien. Je vous donne quelques chiffres. En Occitanie, on est avec des nuitées, au mois de juillet, qui sont supérieures de 9% à celles de 2019, et 2019 était une année record ; je pourrais continuer en vous citant les chiffres en région Sud, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, les nuitées françaises, 17 points au-dessus de celles de 2019. Le retour des Américains qui font plus 326% par rapport à l'été dernier sur cette région Sud. Rodolphe Delord, au zoo de Beauval me disait qu'ils avaient fait un record absolu au mois de juillet dernier, avec 300 000 visiteurs.

Donc il y a des indicateurs qui sont très intéressants. Néanmoins il ne faut pas cacher que sur certains territoires, par exemple Paris, l'Ile-de-France, cela reste très compliqué parce que les clientèles internationales lointaines comme les Asiatiques, comme les Russes, etc..., ne sont pas là et ne seront pas là je pense avant plusieurs mois. Là aussi, on a mis un tiers des 36 milliards d'euros du soutien au tourisme sur l'Ile-de-France, compte tenu de cette situation particulièrement dégradée, avec le tourisme d'affaires qui n'a pas vraiment encore repris.

Mais on a une clé pour réussir l'été et pour réussir l'arrière-saison, c'est le vaccin. Encore une fois, je le dis, vaccinez-vous, c'est ça qui fait qu'on pourra continuer l'été avec des activités en toute sécurité sanitaire, et donc faire réussir aussi l'été de nos professionnels.

Q - On va y revenir. Vous espériez 50 millions de touristes étrangers cet été, on y sera, on y est ?

R - "C'est à la fin du bal qu'on paie les musiciens", donc on verra à la fin de l'année où on en est parce que ce chiffre, c'est un objectif pour l'ensemble de l'année 2021. On a vu des Européens de proximité qui sont plus présents qu'ils ne l'étaient l'année dernière, et même qu'ils ne l'étaient il y a deux ans - qui était, encore une fois, une année record-. On voit plus de Belges, on voit plus de Néerlandais. Ce sont des constats qui sont positifs, parce que nous avons fait aussi la promotion de la destination France. Néanmoins, il y a des clientèles qui vont encore manquer à l'appel pendant plusieurs mois, je vous le disais, les Asiatiques, les Russes. En revanche, ce retour des Américains, et on a mis d'ailleurs en place...

Q - Enfin, le retour des Américains... Washington vient de placer la France sur la liste noire.

R - Cela date d'il y a quelques jours, mais depuis le mois de juin - parce que depuis le mois de juin il y a déjà eu huit semaines -, je peux vous dire qu'on les a vus revenir, et cela a été, vraiment pour certaines destinations comme la Côte d'Azur, très significatif.

D'ailleurs, on a mis en place nous-mêmes un dispositif pour que ces personnes, ces Canadiens, ces Américains vaccinés, puissent eux-mêmes avoir leur passe sanitaire parce que ce n'est pas une petite affaire, quand vous venez de loin et qu'il faut faire face aussi à ce nouveau dispositif en France. Nous sommes donc équipés, désormais depuis lundi : nous délivrons à ceux qui sont vaccinés leur QR Code, ainsi leur voyage peut se dérouler normalement.

Q - Voilà, avec le vaccin et pas un test, on est bien d'accord ?

R - Dès lors qu'ils sont vaccinés, on leur transmet le QR code qui vaut passe sanitaire.

Q - Alors, le passe sanitaire justement, l'application de ce passe en plein été dans les restaurants, les bars. Est-ce que cette application s'est faite sans heurts pour l'instant ?

R - Alors, j'étais en déplacement il y a deux jours dans les Landes, à Vieux-Boucau, j'ai pu rencontrer les restaurateurs. Et ils m'ont fait part, en tous les cas globalement, d'un très bon déroulé. Il y avait seulement une journée de recul, mais manifestement... Enfin, ils voient que c'est la clé, encore une fois, pour sauver l'été, pour rester ouverts. Parce que souvenez-vous, avec des taux d'incidence comme on les connaît parfois dans certains départements, il y a quelques mois, quelles étaient les mesures qu'on avait à disposition dans la palette pour freiner l'épidémie ? C'était des fermetures administratives, c'était des couvre-feux, c'était ce type de mesures. Et donc, par conséquent, ça se passe dans de bonnes conditions.

Ce sont des professionnels de la régulation des flux, alors cela demande un peu plus, parfois, de ressources humaines. Il a fallu recruter quelqu'un pour vérifier à l'entrée, etc... Mais en tous les cas, les retours que j'ai des professionnels sont globalement très positifs.

(...)

Q - Est-ce qu'on n'est pas en train de revivre le scénario de l'été dernier, mais en pire, Jean-Baptiste Lemoyne ? L'épidémie est déjà repartie alors qu'on n'est même pas à la mi-août. On a l'impression de revivre un cauchemar, on a l'impression qu'on ne s'en sortira pas.

R - Alors, cette épidémie, c'est l'inattendu permanent. Le virus, vous l'avez vu, il mute. Les variants, divers et variés depuis l'été dernier, on a eu la collection automne-hiver et maintenant on a la collection printemps-été. Pardon d'être un peu léger, mais c'est vrai qu'ils apparaissent et donc on doit faire face à ces variants qui mutent. Ce que je veux dire, c'est que par rapport à l'été dernier, on a une grande différence...

Q - On a le vaccin.

R - On a le vaccin, voilà, exactement. Et regardez l'impact, c'est que les personnes vaccinées ont douze fois moins de chances justement de tomber malades et d'être hospitalisées.

Q - Oui, sauf que quand on regarde la réalité, les hôpitaux commencent à être saturés.

R - Mais c'est pour ça qu'on prend toutes les mesures adéquates, encore une fois, avec des évacuations sanitaires où c'est nécessaire, avec le déclenchement des plans blancs. Mais c'est fondamental, le vaccin, il change quand même la donne. Et c'est ce qui permet justement de pouvoir continuer à avoir un été en toute sécurité sanitaire. Mais clairement, l'été repose entre nos mains. Si nous ne maintenons pas également les gestes barrières, forcément cela va mal se passer. Il est important de, également, au-delà du vaccin, d'insister sur la prévention, les gestes barrières, se laver les mains... faire attention, c'est ça. Ce sont ces gestes du quotidien, qui font qu'on va s'en sortir ensemble.

Q - On aura une généralisation des restrictions à la rentrée, autrement dit des confinements, parce que là, on voit, on a des mesures territorialisées, on a quatre régions de métropole qui ont activé le plan blanc. On a l'impression de revivre les mêmes choses une nouvelle fois. Est-ce que ce sont les prémices à quelque chose de plus dur à la rentrée ?

R - Regardez, vous employez le mot de confinement. Il n'est utilisé pour l'instant justement que sur des territoires comme les Antilles, où le taux de vaccination est très faible par rapport à la métropole : il est de l'ordre de 20/22%, alors qu'en métropole on est désormais, je vous le disais, plutôt autour de... on a plus de 50 % des Français vaccinables qui l'ont été. Donc c'est monté très fort en puissance, et dans ces territoires où il y a malheureusement une vaccination encore insuffisante, il a fallu utiliser les outils que nous utilisions il y a quelques mois, et c'est pour ça que...

Q - On n'ira pas vers des mesures plus dures ? Je vous repose la question. Vous avez un Conseil sanitaire en fin de matinée, vous y participez, Jean-Baptiste Lemoyne. Il n'est pas question d'aller plus loin dans les restrictions ?

R - La logique, à ce stade, c'est - dès lors que nous avons justement mis en place le passe sanitaire -, c'est de s'assurer que chacun, soit parce qu'il est vacciné, soit parce qu'il se fait tester, ne soit pas un danger pour l'autre, en allant dans les commerces, en fréquentant un certain nombre de lieux. Donc le passe sanitaire, c'est ce qui permet justement, d'éviter des mesures extrêmes. Et naturellement, il faudra toujours tenir compte de l'évolution de la pandémie. Ce que je note, c'est que ceux qui étaient en avance de phase par rapport à nous, en Europe, ont plutôt passé un pic, et par conséquent on espère que nous aussi...

Q - On suive le même chemin.

R - On va s'engager là-dessus. On est plutôt sur un plateau haut pour l'instant, il faut se dire les choses. Et c'est pourquoi j'insiste sur finalement le fait que chacun détient une parcelle de la victoire contre ce variant et contre ce virus.

Q - Nous sommes enfin en train de sortir durablement de cette crise sanitaire, avait dit Jean Castex au mois de mai : il avait parlé un peu trop vite ? Dernière question.

R - Non, mais vous savez, le mois de mai n'est pas le mois de juin, qui n'est pas le mois de juillet, et c'est vrai que, regardez...

Q - C'était une phrase assez définitive quand même !

R - Oui mais, comme je vous le disais, le virus c'est l'inattendu permanent. Lorsqu'au mois de juillet, tout le monde s'engageait dans les réouvertures d'activité, etc..., personne ne pensait que ce variant Delta apparaîtrait et ferait autant de dégâts. Finalement la marque de fabrique de ce gouvernement, c'est le pragmatisme. L'été est là, on voit qu'il est compliqué par ce variant, mais l'Etat est là aussi, il est mobilisé. Nous sommes sur le pont, le Président de la République nous réunit et nous prenons les décisions qui conviennent.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 août 2021