Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, à France 2 le 23 août 2021, sur la politique économique et la situation en Afghanistan.

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Média : France 2

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Bonjour Bruno LE MAIRE.

AXEL DE TARLE
Bonjour Monsieur le Ministre.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour.

THOMAS SOTTO
Bonjour Caroline ROUX.

CAROLINE ROUX
Bonjour.

THOMAS SOTTO
Vous êtes, Monsieur le Ministre de l'Economie, le premier invité de la saison des 4V, avec Caroline.

-Jingle-

CAROLINE ROUX
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Caroline ROUX.

CAROLINE ROUX
Il paraît que l'homme des bonnes nouvelles, en cette rentrée, c'est vous. Comment se porte l'économie française ?

BRUNO LE MAIRE
L'économie française se porte bien. Elle se porte bien grâce aux Français qui consomment. On a eu les premiers chiffres de consommation des 15 premiers jours d'août, + 15%, y compris dans les restaurants, les factures de cartes bleues ont augmenté de 5% dans la semaine du 9 au 15 août, donc la consommation…

CAROLINE ROUX
Ça veut dire qu'il n'y a pas d'effet du Pass sanitaire su la fréquentation des restaurants ?

BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire qu'après un temps d'adaptation, les Français se sont adaptés, et même s'il y a évidemment des disparités géographiques, eh bien la consommation dans les restaurants a augmenté de 5% entre le 9 et le 15 août, après l'application du Pass sanitaire. On fera un point complet le 30 août. Mais l'économie se porte bien, le niveau de chômage…

CAROLINE ROUX
Est-ce qu'on a retrouvé notre niveau d'avant crise ?

BRUNO LE MAIRE
On a retrouvé le niveau de chômage d'avant crise, ce qui est déjà un exploit, je tiens à remercier toutes les entreprises qui ont embauché massivement, et maintenant notre nouvel objectif c'est de retrouver le niveau d'avant crise, non pas début 2022, comme je l'avais indiqué, mais fin 2021. C'est vraiment la preuve que la croissance française est dans la bonne direction, qu'elle crée des emplois, que notre relance a été efficace, et surtout que toutes les décisions économiques que nous avions prises en début de quinquennat, donnent leur plein effet aujourd'hui et nous permettent de retrouver du dynamisme.

CAROLINE ROUX
Il reste peut-être quelques incertitudes qu'on va essayer d'évoquer ensemble ce matin. La première, au chapitre des incertitudes, il y a naturellement la pandémie, mais aussi le climat social. Est-ce que vous craignez un regain de tension autour notamment du mouvement des antivax, ou plus généralement, est-ce que l'humeur du pays en cette rentrée est une source d'inquiétude, de préoccupation ?

BRUNO LE MAIRE
C'est une source d'attention, toujours, toutes les rentrées sont toujours des moments où il faut être particulièrement attentif. Mais moi je voudrais que l'on regarde quand même…

CAROLINE ROUX
Pas plus cette fois-ci.

BRUNO LE MAIRE
Non, pas plus cette fois-ci. Il faut de la sérénité, il faut de la constance dans la politique que nous appliquons. Elle donne des résultats. Les choix économiques que l'on a faits avec le président de la République depuis 2017, la façon dont on a géré la crise avec la protection d'abord, la relance ensuite, l'investissement dans un troisième temps, protège les Français et nous permet d'avoir un des meilleurs chiffres de croissance de la zone euro. Je pense que tout le monde peut en être fier. Et s'agissant des antivax, il faut évidemment écouter tout le monde, il faut sans relâche expliquer, convaincre, mais enfin je ne voudrais pas qu'on oublie, Caroline ROUX, qu'il y a plus de 47 millions de Français qui sont des primo-vaccinés, et que le peuple français, dans son ensemble, a fait preuve d'un sens des responsabilités face à la crise sanitaire, tout simplement exceptionnel.

CAROLINE ROUX
Sérénité ça veut dire que vous allez relancer les réformes ? Je vous parle de ça naturellement parce que l'embellie, notamment sur le front du chômage, va-t-elle permettre l'application de la réforme de l'assurance chômage, comme prévu au 1er octobre, ou est-ce qu'il faut y aller quand même en douceur ?

BRUNO LE MAIRE
En tout cas, Caroline ROUX, ne comptez pas sur moi pour rester les deux pieds dans le même sabot. Je ne pense pas que je suis aux fonctions que j'occupe pour rester les bras croisés à regarder les choses se faire toutes seules. Les choses ne se font pas toutes seules…

CAROLINE ROUX
Ce n'est pas juste un ministre en campagne en cette rentrée.

BRUNO LE MAIRE
Non, je serai un ministre en campagne pour soutenir le président de la République s'il décide d'être candidat, mais je suis d'abord un ministre dans l'action…

CAROLINE ROUX
D'accord.

BRUNO LE MAIRE
… qui doit s'assurer que les 100 milliards d'euros de la relance sont dépensés, qui doit s'assurer que chaque entreprise, notamment les commerçants, les artisans, les restaurateurs, les hôteliers, le monde de la culture qui auraient les difficultés, continueront d'être soutenus si jamais ils ont besoin de soutien. Je dois être un ministre qui s'assure que l'investissement qui va préparer l'avenir de nos enfants pour les 25 prochaines années, ça fonctionne, que nous nous innovons et que nous investissons. Donc je suis un ministre pour lequel…

CAROLINE ROUX
Vous étiez un ministre, pour reprendre votre expression…

BRUNO LE MAIRE
Simplement, pour terminer Caroline ROUX, mon leitmotiv de ce début de rentrée c'est : de l'action, encore de l'action, toujours de l'action, au service des Français.

CAROLINE ROUX
Jusqu'où l'action ? Parce que vous êtes un ministre qui a réclamé pendant longtemps, pendant des mois, une réforme des retraites. Alors, le président de la République le 12 juillet avait dit " je ne lancerai pas la réforme des retraites tant que l'épidémie ne sera pas sous contrôle, et la reprise bien assurée ". Pour la reprise on y est, est-ce que ça veut dire que les conditions sont réunies à votre avis, ministre de l'Action et de la Réforme ?

BRUNO LE MAIRE
Les conditions sont réunies pour que l'on continue à agir. Le président de la République il a été très clair sur les retraites, il a dit une chose toute simple : nous devons tous travailler collectivement davantage pour sauver notre régime de retraite par répartition et assurer le niveau de vie de nos enfants et de nos petits-enfants. Après, quand est-ce qu'on met en oeuvre cette réforme, je le redis, c'est au président de la République et au Premier ministre, et à eux seuls, de le décider.

CAROLINE ROUX
Mercredi, vous allez vous exprimer à l'université de rentrée du MEDEF, les chefs d'entreprise ont été beaucoup aidés pendant cette période, avec des… à coups de financements publics. Qu'est-ce que vous attendez d'eux ?

BRUNO LE MAIRE
J'attends d'eux en cette rentrée qu'ils embauchent. Qu'ils embauchent massivement des jeunes, qu'ils embauchent massivement des apprentis. Ils l'ont beaucoup fait, c'est vraiment ce que j'attends d'eux, et puis…

CAROLINE ROUX
Parfois ils ont du mal à embaucher.

BRUNO LE MAIRE
Oui, bien sûr, vous avez raison, je pense qu'il faut qu'on regarde ensemble quelle est la bonne solution que nous pouvons trouver pour remédier à cette difficulté aujourd'hui, qui est celle de recrutements, trouver les emplois, les qualifications dont on a besoin, dans beaucoup de secteurs, comme le tourisme, la restauration, l'industrie, c'est devenu difficile. Il faut qu'on se penche ensemble sur ce sujet. Il y a un deuxième sujet dont je ne démords pas, parce que je l'avais dit avant la crise, je le redis après la crise, c'est la meilleure rémunération de ceux qui ont les rémunérations les faibles.

CAROLINE ROUX
Donc il va falloir se reposer la question de l'augmentation des salaires.

BRUNO LE MAIRE
Il faut se reposer la question de la meilleure rémunération. Ça peut passer par les salaires, ça peut passer par les primes, ça peut passer par l'intéressement, la participation, l'actionnariat salarié que nous avons défendu massivement depuis le début de ce quinquennat, mais la croissance, Caroline ROUX, doit profiter à tout le monde, sans exception, même les plus faibles, même les moins qualifiés, tous ceux qui ont été aux avant-postes de la crise, c'est une question qu'on doit se poser collectivement.

CAROLINE ROUX
On a entendu tout-à-l'heure la chronique d'Axel de TARLE, vous parlez de, en gros, la croissance doit profiter à tous. On a vu qu'elle a surtout profité aux fleurons du CAC 40, notamment sur les chiffres du mois d'août. Au 1er semestre ils ont vu leurs profits bondir de 60 milliards d'euros, ça va être compliqué de ne pas vous laisser enfermer dans la critique MACRON président des riches pendant cette campagne.

BRUNO LE MAIRE
Enfin, c'est MACRON président d'une économie qui gagne, c'est d'abord ça. C'est une bonne nouvelle que les entreprises françaises se portent bien. Ensuite, je le redis, parce que j'avais fait cette déclaration en janvier 2020, je le refais aujourd'hui : la meilleure rémunération du travail, la façon dont on répartit les revenus de cette croissance nouvelle, entre le travail et le capital, c'est une vraie question politique, qu'il faut se poser là encore sereinement, mais on ne peut pas laisser de côté tous ceux qui ont un travail à temps très partiel, tous ceux qui ont des contrats précaires, tous ceux qui ont des niveaux de rémunération très faibles…

CAROLINE ROUX
A qui vous le dites, ça ? A qui vous le dites ?

BRUNO LE MAIRE
Je dis d'abord que nous, nous avons fait beaucoup. Nous avons augmenté la prime d'activité, mis en place la prime défiscalisée, l'intéressement, la participation, l'actionnariat salarié…

CAROLINE ROUX
Donc vous dites aux patrons : augmentez les salaires.

BRUNO LE MAIRE
Je dis maintenant, mais faisons chacun notre part du chemin, tout simplement pour que la France reste rassemblée et que lorsque le Français qui se lève le matin, qui travaille, qui a un niveau de rémunération faible, va à son boulot, il se dise : la croissance que monsieur LE MAIRE annonce à 6%, elle est aussi pour moi, pour moi, et il a raison.

CAROLINE ROUX
Plan d'investissement, évoqué toujours le président de la République le 12 juillet dernier, pour préparer la France de 2030. Quel sera le montant de ce plan d'investissement ? On parle de 30 milliards ? Est-ce que ça peut être plus, est-ce que ça peut être moins, Bruno LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
C'est un ordre d'idée, mais c'est le président de la République qui précisera ça…

CAROLINE ROUX
C'est le bon, c'est la bonne fourchette ? 20, 30 ?

BRUNO LE MAIRE
Nous allons nous voir avec le président de la République, dans les prochains jours, pour affiner les derniers points de ce plan. L'objectif c'est, après la protection, après la relance, créer de nouvelles filières industrielles. Vous voyez bien, vous citiez les gens du luxe, on pourrait citer l'agroalimentaire, on pourrait citer l'aéronautique, mais c'est toujours les mêmes qu'on cite depuis 20 ou 25 ans. On pourrait reprendre tous les plateaux de télévision, à chaque fois on dit : regardez le luxe, l'agroalimentaire, le médicament, se portent bien, l'aéronautique. Mais où sont les nouvelles filières industrielles ? Nous voulons créer de nouvelles filières industrielles, et ce plan d'investissement a vocation à aider ces nouvelles filières industrielles, à démarre.

CAROLINE ROUX
On a encore les moyens, après un plan de relance à 100 milliards, de faire un plan d'investissement autour de 30 milliards ?

BRUNO LE MAIRE
Mais, le pire de tout, je le redis, serait de rester les bras croisés, et de se dire " on va continuer à vivre sur nos acquis ". Il ne faut pas vivre sur nos acquis, la France doit se trouver un esprit de conquête, retrouver le goût du risque et se dire, dans l'hydrogène, dans l'intelligence artificielle, dans les biotechnologies, on va créer de nouvelles filières industrielles.

CAROLINE ROUX
Pendant la campagne, on va reparler du rétablissement des finances publiques où on n'en parle plus du tout ?

BRUNO LE MAIRE
Ah, j'en reparlerai.

CAROLINE ROUX
Ah, d'accord. Ok.

BRUNO LE MAIRE
Oui, j'en reparlerai, je vous rassure.

CAROLINE ROUX
Un mot sur l'Afghanistan, vous connaissez bien l'Afghanistan, cela date de vos années passées notamment au Quai d'Orsay, les évacuations se poursuivent on l'a vu à Kaboul, en plein chaos. Jean-Yves LE DRIAN espère lui un gouvernement inclusif des talibans, qui serait une sorte de nouvelle génération, sur laquelle on pourrait en partie s'appuyer. Vous y croyez sincèrement ?

BRUNO LE MAIRE
Je vais vous dire, Caroline ROUX, je me suis rendu à trois reprises à Kaboul au cours des 20 dernières années. Ce qui se passe en Afghanistan est une tragédie. Nous avions chassé les talibans, les talibans sont revenus au pouvoir. Et il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur ce sujet. Les talibans sont nos ennemis, les ennemis de la démocratie, les ennemis de la liberté, les ennemis de l'égalité entre les hommes et les femmes.

CAROLINE ROUX
Ils n'ont pas changé, c'est ça que vous dites à Jean-Yves LE DRIAN ?

BRUNO LE MAIRE
Mais évidemment qu'ils n'ont pas changé, enfin, il faut être très naïf pour penser que les talibans peuvent avoir changé. Moi je voudrais avoir une pensée pour tout ce qui a été fait pendant 20 ans, parce que l'Afghanistan de 2021 n'est pas l'Afghanistan que nous avions trouvé en 2001, il y a des hommes et des femmes qui se sont engagés pour former, pour enseigner, pour que des jeunes filles puissent apprendre à lire et à écrire, pour soigner. Les Français ont fait un travail formidable dans les hôpitaux ; et il y a 90 soldats qui sont morts. Donc nous avons, vis-à-vis de l'Afghanistan, une dette, qui est une dette morale vis-à-vis du peuple afghan, et je considère que ce qui s'est passé avec le départ des troupes américaines, est une tragédie.

CAROLINE ROUX
Une tribune appelle à accorder l'asile sans condition aux femmes afghanes. Est-ce qu'on n'a pas là aussi une obligation morale ?

BRUNO LE MAIRE
Notre obligation, lorsque nous accueillons des réfugiés afghans, comme le président de la République s'est engagé à le faire, c'est les accueillir dans de bonnes conditions. Enfin, ce n'est pas le chiffre qui compte, c'est la manière dont on va les accueillir. La France, elle accueille déjà près de 10 000 réfugiés afghans par an. Mais ensuite, il faut être très concret, il faut avoir le sens des responsabilités, il faut un logement, il faut un toit, il faut un emploi, il faut pouvoir former à la langue, il faut pouvoir enseigner pour les enfants. Donc derrière, c'est une vie qu'il faut construire. Eh bien je préfère qu'on accueille un nombre raisonnable de réfugiés afghans, dans des conditions satisfaisantes, plutôt que de promettre monts et merveilles et de ne pas tenir ses promesses.

CAROLINE ROUX
Merci Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Merci Caroline ROUX.

THOMAS SOTTO
Merci à vous, Caroline, et on vous retrouvera évidemment demain matin, et merci à Bruno LE MAIRE, l'économie se porte bien, nous dit-il, la réforme de l'assurance chômage, il a envie qu'elle se fasse, pour les retraites, ce sera au Premier ministre et au chef de l'Etat de le décider, et puis le plan d'investissement, je crois qu'on peut dire que, vous lui avez fait dire Caroline, on sera autour de 30 milliards, vous êtes dans la bonne fourchette.

CAROLINE ROUX
Oui, c'est ce que l'on a compris.

THOMAS SOTTO
On est dans le vrai, Bruno LE MAIRE. Bon, merci beaucoup. Qui ne dit mot consent.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 août 2021