Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de l'industrie, à BFM Lyon le 7 septembre 2021, sur la relance de l'économie et la politique industrielle.

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Média : BFM

Texte intégral

ALINE PICARD
Notre invitée ce matin, c'est Agnès PANNIER-RUNACHER, bonjour. Merci d'être avec nous.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Aline PICARD.

ALINE PICARD
Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes la ministre en charge de l'Industrie. Avec vous, ce matin, on va évoquer beaucoup de sujets, vous êtes à Lyon notamment ici pour parler du plan de relance de l'économie, plan de relance qui doit permettre à notre économie de rebondir. Alors justement, où en est-on aujourd'hui, est-ce que les objectifs sont remplis ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, l'économie va beaucoup mieux que ce qu'on aurait pu espérer il y a seulement un an. Je rappelle qu'il y a seulement un an, tout le monde s'attendait à ce que l'économie s'effondre. On est aujourd'hui sur une trajectoire de croissance qui est prévue à 6%, 6 % de croissance. On a un niveau de chômage qui est revenu à celui qui était de février 2020, c'est-à-dire le plus bas niveau de chômage depuis une dizaine d'années avant crise. Donc c'est des performances assez incroyables. Mais ce n'est pas le fait du hasard, c'est le fait d'une politique voulue par le président de la République, qui a permis, 1°) : de prendre les mesures d'urgence extrêmement rapides et efficaces pour préserver l'emploi, c'est le chômage partiel, c'est le fonds de solidarité, parce que le fonds de solidarité, c'est préserver l'emploi des indépendants, des commerçants, des artisans. Et de protéger les entreprises pour qu'elles puissent redémarrer. Ça fonctionne. Et puis, la deuxième chose, c'est le plan de relance, vous l'avez dit, nous avons aujourd'hui déployé la moitié du plan de relance, 50 milliards d'euros, c'est du jamais vu depuis la deuxième guerre mondiale. Et si je prends le sujet de l'industrie, qui est celui que je pilote, c'est plus de 2.000 entreprises pour la région Rhône-Alpes, plus de 10.000 entreprises en France, c'est une entreprise sur trois qui a un projet de modernisation, de décarbonation, de relocalisation, soutenu par le plan de relance.

ALINE PICARD
Alors, vous venez le dire, le plan de relance qui a bénéficié à de nombreuses entreprises, ici, en Auvergne-Rhône-Alpes, l'Auvergne-Rhône-Alpes, qui est d'ailleurs la première région industrielle de France, contrairement par exemple… les entreprises, pardon, industrielles qui ont tenu bon malgré tout ici, contrairement notamment au secteur des services par exemple. C'est sur elles justement que vous voulez vous appuyer pour relancer l'économie ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, parce que l'industrie, c'est la colonne vertébrale de l'économie, ce n'est pas toute l'économie, mais ça tient l'économie. Lorsque vous créez un emploi industriel, en règle générale, ça se passe dans un territoire périphérique, dans le monde rural, dans les villes de moins de 20.000 habitants, parce qu'on ne met pas une usine au milieu de Lyon ou au milieu de Paris, et ça induit d'autres emplois. Vous avez les emplois de services autour de l'usine, mais vous avez le petit commerçant et le café du coin, et puis, vous devez mettre une classe de plus à l'école du village. Donc tout ça, c'est de l'emploi, et puis, c'est de l'emploi sur des territoires qui ont longtemps été abandonnés par trente ans de capitulation industrielle. Donc oui, nous mettons toute notre énergie dans la bataille de la réindustrialisation, le Premier ministre parle d'un choc de réindustrialisation nécessaire, c'est aussi un sujet de souveraineté économique ; on l'a vu pendant la crise, lorsqu'on ne sait pas fabriquer des médicaments, des masques, des respirateurs, enfin, je pense que les Français ont été incroyablement perturbés…

ALINE PICARD
Oui, on a beaucoup dépendu de l'étranger, notamment de l'Asie…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement. Et donc aujourd'hui, il faut reconnaître cette situation, ce qu'avait fait le président de la République depuis quatre ans, ce n'est pas nouveau, cette politique de reconquête industrielle, ça prend du temps, ça se déploie dans le temps, et au fond, ce plan de relance, qui va être suivi d'un plan d'investissement, qui va nous permettre d'aller de l'avant, d'aller notamment investir massivement dans les nouvelles technologies, l'hydrogène, la décarbonation, sont des éléments majeurs pour réindustrialiser notre pays.

ALINE PICARD
Alors, Laurent WAUQUIEZ, président d'Auvergne-Rhône-Alpes, a dit hier, justement : j'ai une conviction, l'industrie est la première source de créations d'emplois, visiblement, vous partagez ce point de vue.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je dirais que ce n'est pas une source de créations d'emplois directes en nombre massif, encore une fois, mais comme une colonne vertébrale, ça tient tout le reste. Et donc ça induit de l'emploi sur les territoires. Il n'y a pas de hasard, entre 2000 et 2016, nous avons détruit un million d'emplois industriels. Les gouvernements précédents ont détruit un million d'emplois industriels. En 2017, en 2018, en 2019, on recrée de l'emploi industriel, parce que nous avons mené une politique déterminée pour l'industrie. Une politique déterminée, c'est un agenda de réformes fiscales qui permet aux entrepreneurs de prendre des risques et de réussir, c'est des réformes du code du travail qui permettent de recruter, c'est ça l'enjeu derrière. Et c'est un pays qui aujourd'hui est la première destination pour les investisseurs étrangers en matière de projets industriels, devant l'Allemagne, le Royaume-Uni ou l'Espagne. Jamais on n'aurait imaginé ça il y a seulement cinq ans.

ALINE PICARD
Donc votre objectif, c'est de relocaliser, vous avez l'évoqué, c'est possible de le faire ici, chez nous, d'amener des entreprises à s'installer ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, c'est possible, bien sûr, on ne relocalisera pas tout, il y a des productions à faible valeur ajoutée où on aura du mal à être compétitif, et pour le pouvoir d'achat des Français, à un moment, il faut choisir. Mais il y a des productions sur lesquelles on est très compétitif, à condition d'y mettre les moyens. Je pense à la santé par exemple…

ALINE PICARD
Lesquels par exemple ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Dans le domaine de la santé, en Auvergne-Rhône-Alpes, on a des pépites, on a BIOMERIEUX, on a LCI MEDICAL, on a FLORIOT, enfin, on a évidemment SANOFI à Marcy l'Etoile, on a la plateforme du Roussillon qui va produire des nouveaux principes actifs. Appuyons-nous sur les forces de ces entreprises et laissons-les relocaliser des productions de principes actifs, de vaccins, de dispositifs médicaux. C'est ça notre politique, et aujourd'hui, on a plus d'une centaine de projets de relocalisation dans le domaine de la santé, par exemple.

ALINE PICARD
Alors, ici, la métropole de Lyon, métropole écologiste, lance un manifeste pour une industrie qui s'engage pour l'environnement. L'industrie verte, ça, ça peut marcher, selon vous, c'est un peu l'avenir ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Surtout, l'industrie, c'est là où vous avez les solutions de la transition écologique et énergétique. J'ai l'habitude de dire : l'industrie, c'est un peu moins de 20% des émissions de gaz à effet de serre, donc ce n'est pas l'essentiel, l'essentiel des gaz à effet de serre, ils sont émis par nos activités quand nous nous logeons, quand nous nous transportons, 82%, par l'agriculture aussi. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas décarboner l'industrie, nous nous y employons. Mais il faut aussi faire, adresser les 82% d'émissions de gaz à effet de serre qui restent, et ça, c'est l'industrie qui va nous y aider, parce que le moteur décarboné, les matériaux de construction pour avoir une empreinte environnementale moins forte quand on se loge, les techniques pour que notre agriculture soit plus respectueuse de l'environnement, c'est dans l'industrie qu'on va les mettre au point, en recherche et développement, en innovation, et ensuite, en production, puisqu'il va falloir produire pour ces autres secteurs. Donc oui, industrie rime avec écologie, et puis surtout, lorsque vous réindustrialisez, vous diminuez l'empreinte carbone, parce qu'en fait, on produit en France avec une empreinte carbone beaucoup moins forte qu'en Allemagne, qu'en Pologne ou qu'en Chine. Notre électricité est quasiment à 100% décarbonée, c'est la force du nucléaire, notamment, qui est une électricité… qui produit une électricité décarbonée. Donc un stylo, n'importe quoi produit en France est produit avec une empreinte carbone moindre, et on économise sur la logistique pour transporter le produit jusqu'en France. Donc c'est tout à fait congruent, c'est à la fois gagner des emplois, et améliorer notre empreinte environnementale.

ALINE PICARD
Eh bien, merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER d'avoir été avec nous ce matin. Je suis obligée de vous couper malheureusement, on est un petit peu serré au niveau du timing. En tout cas, merci beaucoup, Agnès PANNIER-RUNACHER, qui est donc la ministre en charge de l'Industrie.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2021