Interview de M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à Public Sénat le 27 octobre 2021, sur l'augmentation des prix des produits alimentaires, les aides aux agriculteurs, la relance économique dans le domaine agricole et la grippe aviaire.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Notre invité politique ce matin, il s'installe, je vous en prie Monsieur le ministre, bonjour.

JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, Julien DENORMANDIE, évidemment, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, et on est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale représentée par Eric RICHARD, bonjour Eric.

ERIC RICHARD
Bonjour Oriane, bonjour Julien DENORMANDIE.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être venu spécialement pour cette interview, Eric RICHARD journaliste à " La Nouvelle République du Centre-Ouest. " On va commencer avec l'actualité et vos dossiers, actualité chargée Julien DENORMANDIE, et bien sûr il y a cette inquiétude autour des prix. Alors, on a beaucoup parlé de l'inquiétude autour des prix de l'énergie, du gaz, de l'électricité, du carburant, mais il y a aussi une inquiétude autour de l'envolée des prix des matières premières, la farine, le beurre, le lait, comment vous comptez aider les Français à y faire face, est-ce que des dispositifs vont être prévus par le gouvernement ?

JULIEN DENORMANDIE
D'abord il y a une situation, et vous avez raison de le dire, qui est une situation de reprise économique, cette reprise économique très intense, un peu partout à travers le monde, mais enfin singulièrement en France, il faut le dire, on a une croissance parmi les plus fortes, si ce n'est la plus forte d'Europe, et cette situation elle concourt à cette fameuse inflation des prix. Face à ça il y a plusieurs choses qu'il nous faut faire, il y a d'abord apporter des soutiens conjoncturels, je pense à l'indemnité inflation décidée par le Premier ministre et qui est, à mes yeux, extrêmement importante, et dans la simplicité de la mise en oeuvre, et dans le fait qu'elle touche un très grand nombre de nos concitoyens. Ensuite, il y a des réponses plus structurelles, je pense dans l'alimentaire, et vous l'avez dit, il y a un enjeu qui est très important, qui est de s'assurer que les hausses de coûts elles ne se fassent pas au bénéfice de certains et au détriment d'autres, je m'explique. Aujourd'hui on sait bien que dans les négociations commerciales, agricoles, agroalimentaires, qui amènent aux prix in fine qu'on paye dans nos supermarchés, en fait vous avez trois entités, d'abord l'agriculteur qui produit, ensuite l'industriel, et enfin la grande distribution, et on sait que jusqu'à présent il y avait très peu de transparence dans ce qui se passait à l'intérieur, d'ailleurs on appelle ça " la boîte ", " la boîte de négociations ", ça veut tout dire, il n'y avait pas assez de transparence à l'intérieur, et donc on a adopté, voté d'ailleurs à l'unanimité par les deux Chambres, et l'Assemblée, et le Sénat, adopté une nouvelle loi, qui s'appelle EGalim 2, qui entre en fonctionnement, dès la semaine dernière, elle est entrée en fonctionnement, et qui vise à donner plus de transparence. C'est très important pour moi, parce que ça permettra de s'assurer que quels soient les effets de l'inflation, on s'assure que ça ne soit pas des hausses indûment perçues par certains au détriment des autres. Et donc, vous voyez…

ORIANE MANCINI
Donc, clairement, il ne faut pas que les distributeurs fassent de la marge avec l'augmentation de ces prix, c'est ça que vous dites ?

JULIEN DENORMANDIE
Ce que je veux dire c'est que, quand vous avez des augmentations de coûts, il importe que ça soit à chaque fois justifié. On le voit aujourd'hui, on sait bien que tout augmente en termes de matières premières, du bois en passant par l'acier, et en passant par un certain nombre de matières premières, mais ce qui est très important c'est que dans ces négociations, à chaque fois ça soit le juste prix et la juste rémunération des uns et des autres, et on sait que ça n'a pas toujours été le cas. Donc il faut apporter des mesures conjoncturelles, de soutien au pouvoir d'achat, et des mesures plus structurelles, comme ce que nous avons fait sur EGalim 2.

ORIANE MANCINI
Mais ça veut dire qu'il n'y aura pas pour aider les Français, on a bien compris sur les mesures structurelles, conjoncturelles, mais concrètement, les gens qui demain vont payer leur baguette plus chère, parce que c'est ce qui va arriver, est-ce qu'il y aura une aide pour eux ou est-ce que vous considérez que l'indemnité inflation de 100 euros ça prend en compte l'augmentation du prix de la baguette aussi ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors, vous avez vu que le gouvernement a mis en place, non pas une, mais plusieurs aides conjoncturelles, d'abord sur le gaz avec ce bouclier tarifaire, ensuite sur l'électricité, pour limiter la hausse de l'électricité, qui sinon se serait envolée en termes de prix, maintenant avec cette indemnité inflation, qui comme l'a présentée le Premier ministre d'ailleurs, n'est pas une indemnité ciblée uniquement sur le pétrole, mais une indemnité ciblée sur ces inflations.

ORIANE MANCINI
Donc il n'y aura pas d'aide en plus ?

JULIEN DENORMANDIE
Au moment où je vous parle il y a déjà toutes ces aides qui ont été mises en place, ensuite on est un gouvernement qui s'adapte. J'insiste sur un dernier point…

ORIANE MANCINI
Ça veut dire que les aides ne sont pas exclues, si vous voyez que les prix de la farine, du beurre, du lait, augmentent, vous pouvez augmenter cette indemnité ?

JULIEN DENORMANDIE
Encore une fois on est un gouvernement, vous savez, qui est très pragmatique, notre objectif c'est d'aider les Français quand ils en ont besoin, c'est ce que nous avons fait, qui sur le gaz, qui sur l'électricité, qui sur cet effet inflation du moment, et puis j'insiste sur un autre point qui moi me paraît fondamental, parce que quand on parle de pouvoir d'achat, souvent, on parle tout de suite chèque ou indemnisation, ou support conjoncturel. La vraie réponse à ce pouvoir d'achat c'est quoi ? C'est évidemment l'accès au travail, c'est évidemment la rémunération du travail, et moi je suis très fier d'appartenir à un gouvernement qui a réussi à faire en sorte que le taux de chômage diminue à 7,6%, ce n'était plus vu depuis plus de 10 ans, on a créé depuis 2017 entre 800.000 et 1 million d'emplois. La vraie réponse au pouvoir d'achat c'est et ça restera toujours l'accès au travail et la bonne rémunération du travail.

ERIC RICHARD
Dans le détail de l'indemnité inflation, que vous évoquiez, ça concerne combien de personnes dans le secteur agricole et comment vont se passer les choses, pour les salariés on imagine au mois de décembre, pour les exploitants, un petit peu plus tard ?

JULIEN DENORMANDIE
Ça va passer par le truchement de la MSA, qui est…

ORIANE MANCINI
La Mutualité Sociale Agricole.

JULIEN DENORMANDIE
La Mutualité Sociale Agricole, qui fait un boulot absolument formidable, et je voudrais vraiment profiter de votre question pour saluer le travail de ces agents, de ces élus aussi. La MSA, vous savez, c'est un acteur de proximité, un acteur social, dont on ne parle pas suffisamment, mais qui est très important sur nos territoires, on vient d'ailleurs d'adopter la nouvelle convention d'objectif et de gestion pour donner les moyens à la MSA de mettre en place cette indemnité inflation, pour mettre en place aussi quelque chose dont on a peu parlé, mais qui arrive dès le mois prochain, qui est la revalorisation des retraites, petites retraites agricoles, avec des propositions de loi qui ont été adoptées, là aussi avec une très large unanimité des parlementaires, et qui va permettre de revaloriser les retraites, notamment les retraites les plus petites, du monde agricole. On sait que c'était un gros gros enjeu, une grosse attente aussi, c'est chose faite, et donc ça arrive pour les retraites de novembre payées décembre, et ça c'est fait aussi par la MSA, donc il faut leur donner des moyens, c'est ce que nous faisons.

ORIANE MANCINI
Et, juste, l'indemnité inflation, c'est quel mois du coup pour les agriculteurs ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors je ne peux pas vous dire si ce sera décembre ou juste après, mais c'est évidemment le plus rapidement possible, et par le truchement de la MSA.

ERIC RICHARD
Alors on a justement beaucoup engagé ces dernières années dans les filières de qualité, dans la filière bio notamment, on sait que le prix, le prix pour le consommateur, est au centre aussi de ces dispositifs et de ces enjeux, justement l'inflation ne risque pas de bouleverser un peu la donne et pourquoi pas, peut-être, de décourager les consommateurs vers ces produits plus chers ?

JULIEN DENORMANDIE
Ça a toujours été le cas, qu'il y ait de l'inflation ou pas de l'inflation, il y a toujours eu ce que moi je qualifie parfois de cette cohabitation des contraires, c'est-à-dire qu'en tant que citoyen on demande toujours plus, et c'est bien légitime, que ce soit de transition écologique, que ce soit de transition nutritionnelle, bref, on demande toujours plus de qualité, écologique, nutritionnelle, de valeur alimentaire, et en parallèle le même citoyen, lorsqu'il devient consommateur, ne fait pas toujours un acte d'achat conforme à ses demandes. La réalité c'est que ça ne peut pas être l'agriculteur qui finance lui-même, sur son compte de résultats, l'ensemble de ces transitions. Dit autrement, si on demande à nos agriculteurs de produire avec une meilleure qualité, cette qualité elle doit être justement rémunérée. Alors, une fois que j'ai dit ça, ça veut dire que toutes celles et ceux qui en ont les moyens, que leur acte de consommation soit conforme à leur demande citoyenne, c'est très important, ce n'est pas toujours le cas, je crois qu'on en a tous conscience, premier point. Deuxième point, il faut aider celles et ceux qui le souhaiteraient à pouvoir avoir ces produits de qualité et qui n'ont pas la capacité financière, ça renvoi à la première question dont nous avons débattu. Et enfin, troisième point, il faut que l'Etat accompagne les agriculteurs dans l'investissement pour plus facilement produire et continuer à monter en qualité, et c'est ce que nous faisons massivement, à la fois avec France Relance, à la fois avec France 2030, songez que France Relance c'était 1,2 milliard, France 2030 c'est plus de 2 milliards que nous investissons dans ces modèles agricoles, et c'est aussi ce que nous faisons à travers la Politique Agricole Commune, les responsabilités doivent être partagées.

ORIANE MANCINI
On va parler de tous ces sujets de France relance et de la PAC, mais juste une dernière question sur les prix, parce qu'il y a aussi le prix des engrais azotés qui augmente, qui flambe même, en même temps que le gaz qui sert à leur fabrication, forcément, et ça provoque de l'inquiétude chez les agriculteurs qui se demandent s'ils auront les moyens de fertiliser leurs champs, qu'est-ce que vous leur répondez à ces agriculteurs ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors, on est en lien très très étroit avec le monde agricole sur ce sujet, il y a deux points. Il y a le sujet prix, tout en sachant que le prix, tout est corrélé, que ce soit les engrais ou que ce soit la vente, à la fin, par exemple des céréales qui sont produites. Mais, au-delà même de la question du prix, qui est un sujet très important et qu'on suit avec beaucoup beaucoup d'attention avec les professionnels, il y a un deuxième sujet, c'est l'accessibilité à ces engrais. Alors en France on a de la chance, c'est qu'on est un pays qui est producteur d'engrais, ça nécessite aussi de pouvoir importer un certain nombre de matières premières pour les produire, mais enfin, on a des usines de production d'engrais, donc on suit, avec la filière, de très près la situation pour être sûr que nous ayons la capacité d'avoir accès à ces engrais, parce que quand on parle de culture, une culture, l'engrais c'est la nourriture des plantes, donc c'est absolument essentiel, sur la France on a cette capacité, on a " cette souveraineté ", mais il faut y faire très attention, et c'est ce sur quoi nous sommes en train de travailler avec l'ensemble des professionnels pour être sûr que les engrais soient accessible à nos agriculteurs, et c'est ça ma priorité.

ORIANE MANCINI
Il y a quand même une question sur les importations…

JULIEN DENORMANDIE
Après, je me permets juste, après ce sujet des engrais il dépasse largement la France, et moi c'est un débat que je porte au niveau européen, et au niveau international, parce que quand bien même on arrive à assurer la souveraineté française pour les engrais qui, vous l'aurez compris, est ma priorité, ça renvoie au débat de l'accès à ces engrais à l'échelle internationale, et si demain vous avez des pays qui n'ont pas accès à ces engrais, ça fait des chutes drastiques de production et ça peut avoir des conséquences dramatiques à l'échelle internationale sur l'accès à l'alimentation, donc c'est un sujet que je considère prioritaire, sur lequel nous travaillons beaucoup, à l'échelle nationale, mais aussi à l'échelle internationale.

ORIANE MANCINI
Et justement une dernière question là-dessus, sur l'échelle européenne notamment, puisque la Confédération européenne des producteurs de maïs demande à la Commission de suspendre les tarifs douaniers qui frappent les importations de solutions azotées depuis 2019, vous soutenez cette demande, vous ?

JULIEN DENORMANDIE
On a porté, avec certains de mes collègues, ce sujet au niveau européen, quelles que soient les solutions techniques, là il y a une solution que vous évoquez, il y a peut-être d'autres solutions, mais on a porté lors du dernier Conseil des ministres qui a eu lieu il y a 10 jours, ce sujet à la table du Conseil européen, en disant attention on a là un vrai sujet de souveraineté française, vous l'aurez compris moi je suis très impliqué avec mes équipes et les professionnels pour assurer notre souveraineté, mais aussi européenne, mais aussi internationale, je pense par exemple que la FAO, qui est l'organe, onusienne si je puis dire, sur la question alimentaire, doit aussi se saisir de ce sujet des engrais, parce qu'une pénurie d'engrais à l'échelle mondiale a des conséquences alimentaires absolument dramatiques, et donc c'est un sujet, je le redis, absolument prioritaire à mes yeux, à l'échelle nationale d'abord, mais aussi à l'échelle internationale.

ORIANE MANCINI
Et on va parler de France Relance, vous en parliez Eric…

ERIC RICHARD
Alors on est aujourd'hui, je crois, à 2,8 milliards fléchés vers ce plan, vous aviez évoqué une révolution agricole, une nouvelle révolution, la troisième en quelque sorte, on a aussi beaucoup parlé, durant la crise, de la reconquête de l'indépendance alimentaire, de la souveraineté, ce sont des sujets sensibles, est-ce que c'est toujours, je dirais, autant d'actualité, autant l'objectif ?

JULIEN DENORMANDIE
Complètement. Vous voyez, on vient de parler des engrais, sur les engrais, moi ma priorité c'est notre souveraineté, alors on a de la chance d'avoir un tissu industriel, on sait aussi qu'on a un défi, c'est comment on arrive demain à créer plus d'engrais qui émettent moins de gaz à effet de serre, par exemple, et donc on a une capacité d'innovation pour être souverain dans la filière engrais, mais en plus souverain dans une filière engrais qui puisse faire une innovation telle que l'impact sur les émissions de gaz à effet de serre soit réduits et donc être à la pointe sur ce sujet. On va investir, dans France 2030, sur ces nouvelles filières d'engrais, par exemple, c'est un élément très concret. Deuxième exemple tout aussi concret, on sait aujourd'hui qu'on a une priorité c'est de reconquérir notre souveraineté dans les protéines, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que, vous savez, dans nos élevages, par exemple, beaucoup de l'alimentation de nos élevages est constituée en fait, par exemple du soja importé, il vient d'où ? il vient d'Amérique du Sud, et il est fait avec des méthodes de production qui parfois concourent à de la déforestation, ou à de la dégradation de la biodiversité, et ça fait 50 ans qu'on a laissé filer la chose, ça fait 50 ans qu'il y a eu un système organisé, vraiment, à l'échelle internationale, où, en gros, le continent américain a dit aux Européens, " faites votre Politique Agricole Commune, à une condition, vous restiez dépendants de nos protéines ", et on a laissé la chose s'installer. Jusqu'à il y a quelques années, pendant ce quinquennat, où on a lancé avec les professionnels un grand plan protéines, on investit plus de 120 millions d'euros pour reconquérir notre souveraineté protéique, concrètement, remettre des cultures de soja, remettre des cultures de légumineuses, et ça marche très bien, on a aujourd'hui plus de 50 projets de filières qui ont d'ores et déjà été déposés et qu'on finance. Alors ça prendra un temps certain, mais c'est une détermination totale de ma part, il n'y a pas de pays fort sans agriculture forte, il n'y a pas de pays souverain sans agriculture souveraine, et donc il faut investir massivement dans cette souveraineté.

ERIC RICHARD
Justement, dans ce plan de relance il y a aussi…

JULIEN DENORMANDIE
…France 2030.

ERIC RICHARD
Voilà, voilà ; il y a aussi un axe majeur, c'est la profession elle-même, ce sont les professionnels. Alors on sait que l'agriculture est une profession vieillissante, la moitié à peu près de l'effectif actuellement au travail ne le sera plus d'ici une dizaine d'années, je dirais qu'est-ce qu'on dit aux entrants, parce qu'on sait que malgré tout de plus en plus c'est difficile que les enfants succèdent, qu'est-ce qu'on dit aux jeunes qui sont susceptibles de rejoindre la profession, et il le faudra bien ?

JULIEN DENORMANDIE
D'abord, être agriculteur, ou travailler dans l'agroalimentaire, c'est d'abord un métier de passion, et cette passion, vous connaissez très bien nos territoires, vous la voyez tous les jours, c'est un métier de passion, mais la passion elle ne peut pas tout, et la passion elle ne peut jamais se substituer à la rémunération, et donc quand vous êtes un jeune, et que vous voulez vous installer, la question que vous vous posez c'est « j'ai besoin d'avoir la juste rémunération pour être père, mère de famille, pour pouvoir élever mes enfants et vivre convenablement ». Et donc, au-delà de la passion, le deuxième sujet, c'est la rémunération, et ça renvoie à ce que je disais tout à l'heure par exemple sur la loi EGalim 2, elle est essentielle cette loi, il faut assurer la juste rémunération de nos agriculteurs, elle est d'autant plus essentielle que si vous n'avez pas une rémunération, vous ne pouvez pas investir dans les transitions, dans la qualité, etc. Et le troisième élément, au-delà de la rémunération, c'est que moi je pense qu'il il faut aussi se prémunir face à un risque, qui est un risque très présent pour nos agriculteurs aujourd'hui, qui est le risque du changement climatique. Prenons un jeune qui s'installe. Quand vous vous installez, vous investissez, parfois plusieurs centaines de milliers d'euros, si les deux, trois, quatre, cinq années après votre installation vous vous prenez une sécheresse, une grêle…

ORIANE MANCINI
Et on va parler de tout ça.

JULIEN DENORMANDIE
Un gel, eh bien vous ne pouvez pas vous installer sereinement, et ça c'est la grande réforme de l'assurance-récolte, qu'on est en train de porter, et qui est essentielle, mais essentielle à mes yeux, notamment pour l'installation des jeunes.

ORIANE MANCINI
Et justement Emmanuel MACRON il a promis de 600 millions d'euros, justement, par an, pour indemniser les agriculteurs victimes de catastrophes climatiques, cette promesse est-ce qu'elle s'est traduite concrètement ou comment elle va se traduire concrètement ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors elle va se traduire concrètement par un projet de loi que je présenterai en Conseil des ministres le 1er décembre qui sera débattu à l'Assemblée nationale mi-janvier et probablement au Sénat quelques jours ou quelques semaines juste après. Ce projet de loi c'est quoi, c'est la refonte de ce système de protection et de couverture des risques, c'est-à-dire de rendre accessible la possibilité aux agriculteurs d'avoir un système qui le couvre des risques quand vous avez, par exemple le gel terrible qu'on a subi il y a quelques mois ou ces événements de sécheresses à répétition. Et donc on aura ce projet de loi qui serait adopté je l'espère janvier, février.

ORIANE MANCINI
Avant la fin de la coupure parlementaire.

JULIEN DENORMANDIE
Voilà en tout cas avant la fin de la coupure parlementaire. Ensuite ce projet de loi, il donne les fondations de ce nouveau dispositif, ensuite on aura plusieurs mois pour détailler, parce que c'est des réformes incroyablement techniques, pour détailler tous les paramètres, et puis ensuite cette réforme elle entrera en application, conformément à ce qu'a annoncé le président de la République, au 1er janvier 2023, c'est-à-dire au moment où rentre en vigueur la nouvelle Politique Agricole Commune. Donc le système il doit être mis en place au 1er janvier 2023 et d'ailleurs la traduction budgétaire indiqué par le président de la République se retrouvera donc dans le projet de loi de finances fin 2022 pour…

ORIANE MANCINI
Du prochain quinquennat, c'est-à-dire qu'il a des assurances que quel que soit le futur président, si Emmanuel MACRON n'est pas réélu les agriculteurs verront quand même la couleur…

JULIEN DENORMANDIE
Exactement et je vous en remercie de votre question parce que en fait ce projet de loi que je présente dans les tous prochains jours, il rend, il crée un point de mon retour. Il crée ce nouveau dispositif et donc ce nouveau dispositif quoi qu'il advienne dans les prochains mois, ce sera forcément lui qui sera mis en place en 2023 et c'est ça qui est à mes yeux est extrêmement important. J'étais pas plus tard qu'hier soir en en réunion avec l'ensemble des acteurs pour justement finaliser la rédaction de ce projet de loi et je le dis avec beaucoup d'humilité, mais vraiment beaucoup de convictions, je pense que le jour où on aura finalisé cette réforme assurancielle, de protection des risques, ce sera probablement la réforme la plus structurante pour le monde agricole depuis la mise en place de la politique agricole commune.

ORIANE MANCINI
Et justement une question sur cette politique agricole commune puisque l'autorité environnementale estime que la déclinaison française de la PAC pour 2023-2027 ne prend pas suffisamment en compte le juste niveau des enjeux environnementaux. Est-ce que vous allez revoir votre copie ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors elle ne dit pas exactement ça, on pourrait en parler des heures. Elle interroge les ambitions l'environnementales, c'est évidemment son rôle, je le regarde avec beaucoup de sérieux et d'ailleurs cet avis est rendu public et on va faire même une consultation du public sur cet avis, donc on fait ces travaux en en toute transparence. Moi j'attire juste l'attention collégiale sur un point, à notamment toutes celles et ceux qui disent que la politique agricole commune n'accompagnerait pas suffisamment la transition agroécologique, cette nouvelle politique agricole commune elle va très loin. Et d'ailleurs la Commission européenne elle-même a un organe d'études, cet organe d'études a établi que du fait de l'ambition de cette politique agricole commune et des transitions, la production au niveau européen allait diminuer de 12 à 13 %, que les prix allaient augmenter et qu'au même moment parce qu'il y a certaines impasses à des moments donnés, les importations allaient augmenter significativement. Et donc moi je dis quelles que soient nos ambitions si on veut aller encore plus vite dans ces transitions et si on veut aller plus loin dans ces transitions aujourd'hui il faut absolument revoir un point, non pas la politique agricole commune mais nos politiques commerciales. Pourquoi ? parce que aujourd'hui si nous on fait une transition, mais si au même moment on continue à importer aussi facilement des produits qui n'auraient pas l'autorisation d'être produit chez nous, quel est le sens de cela à la fois pour accompagner nos agriculteurs dans ces transitions, si leur produit est en compétition avec d'autres, quel est le sens même environnemental, parce que quand vous importez un produit que vous n'auriez pas autorisé, l'impact environnemental est très forte et quel est l'enjeu de souveraineté ? Donc moi ma priorité aujourd'hui, c'est de faire avancer le sujet au niveau de la politique commerciale et ce sera une priorité de la présidence française du Conseil…

ORIANE MANCINI
Et qui commence en janvier. Le temps fils Julien DENORMANDIE, on a encore quelques questions, d'abord sur la grippe aviaire, même si je sais que vous n'aimez pas qu'on l'appelle comme ça.

JULIEN DENORMANDIE
Influenza.

ORIANE MANCINI
Est-ce qu'il y a encore des foyers de grippe aviaire aujourd'hui ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors on est sorti de l'épisode très intense de l'année dernière et au moment où je vous parle il y a 4 foyers qui ont été détectés sur le sol métropolitain, mais des foyers dans des basses-cours, pas des foyers dans des élevages.

ORIANE MANCINI
Dans quel département ?

JULIEN DENORMANDIE
Des basses cours ou dans des flux migratoires des oiseaux sauvages. Et donc aujourd'hui on a toujours le statut indemne d'influenza aviaire, mais on est passé du risque faible à ce qu'on appelle au risque modéré. Ça veut dire quoi le risque modéré, c'est-à-dire que sur un certain nombre de territoires on protège les animaux pour qu'ils soient moins en contact et moins en risque vis-à-vis de cette influenza aviaire. Ce qu'il faut voir c'est qu'aujourd'hui on est déjà plusieurs pays limitrophes européens qui sont touchés par l'influenza aviaire et donc on a…

ORIANE MANCINI
Ça veut dire des inquiétudes.

JULIEN DENORMANDIE
Ça veut dire n'énorme vigilance, énorme vigilance. Ça veut dire aussi que tout ce dont on ait convenu l'année dernière avec les professionnels pour mieux se prémunir doit être mis en oeuvre, je salue vraiment la responsabilité des professionnels et le rôle de l'Etat qui est là pour les accompagner mais c'est un sujet qu'on suit avec une extrême vigilance au jour le jour.

ORIANE MANCINI
Et juste dans quels départements ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors c'est très diffus parce que c'est des basses-cours et des oiseaux sur les flux migratoires, mais c'est des sujets qu'on suit, quels que soient les départements en fait ça ne veut pas dire grand-chose. Le signe donné par ces cas, c'est que le virus d'influenza aviaire est présent dans les migrations des oiseaux et un oiseau migrateur il peut arriver n'importe où à n'importe quel moment. Et donc il nous faut avoir une énorme vigilance.

ORIANE MANCINI
Et autre question rapidement, il y a 2 foyers de fièvre catarrhale ovine qui ont été recensés en Corse, en Haute Corse et en Corse du Sud, il y a 10 jours, la maladie qui n'avait pas été recensée en Corse depuis 2017, on en est où aujourd'hui ?

JULIEN DENORMANDIE
Je crois qu'on en a même 3 si ma mémoire est bonne au moment où je vous parle. Donc on a des dispositifs de suivi épidémiologique et de suivi sanitaire vis-à-vis de cette, ce qu'on appelle la FCO et on le suit là aussi de très près, c'est des maladies qui sont différentes de l'Influenza aviaire y compris dans le traitement. Par exemple pour la FCO, il existe un vaccin, là où sur l'influenza aviaire, il n'existe pas encore de vaccin homologué.

ORIANE MANCINI
Mais qui est difficile d'accès.

JULIEN DENORMANDIE
Vous avez raison de le souligner, c'est d'ailleurs un des enjeux qu'on a en ce moment avec les nouvelles réglementations pour voir comment on continue à rendre accessibles ces vaccins pour cette fièvre catarrhale ovine, c'est là aussi un sujet évidemment qu'on suit de près.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup. On avait encore beaucoup de questions mais malheureusement le temps file. Vous reviendrez nous voir.

JULIEN DENORMANDIE
Avec grand plaisir.

ORIANE MANCINI
Merci Julien DENORMANDIE d'avoir été notre invité ce matin.

JULIEN DENORMANDIE
Merci beaucoup, bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 octobre 2021