Interview de Mme Olivia Grégoire, secrétaire d'État à l'économie sociale, solidaire et responsable, à France 2 le 28 octobre 2021, sur la baisse du chômage, l'inflation, le pouvoir d'achat des Français et la question climatique.

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Média : France 2

Texte intégral

CAROLINE ROUX
Bonjour Olivia GREGOIRE.

OLIVIA GREGOIRE
Bonjour.

CAROLINE ROUX
C'est vrai, une fois n'est pas coutume, nous allons débuter cette interview par une bonne nouvelle : la baisse du chômage, 10% de chômeurs en moins sur un an, c'est l'effet Macron ou c'est l'effet de la reprise post-Covid ?

OLIVIA GREGOIRE
Un peu des deux, et dans cet ordre. C'est d'abord et avant tout les responsabilités que l'Etat français a prises au coeur de la crise, avec notamment le maintien de l'emploi, le chômage partiel, les aides d'Eta, plus de 230 milliards d'engagements. C'est aussi la reprise mondiale, et nous allons en parler, qui sur tous les continents, est en train de démontrer sa puissance. Ça n'est pas pour rien que nous avons une pénurie d'énergie, ça n'est pas pour rien, et on vient d'en parler, qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre, c'est aussi un signal de reprise extrêmement forte. On aurait pu être là ce matin pour commenter des chiffres du chômage incommensurables…

CAROLINE ROUX
Le mur des faillites, dont on avait parlé.

OLIVIA GREGOIRE
Le mur des faillites, que d'aucuns attendaient, et c'est vrai qu'on est plutôt là ce matin pour commenter un chômage qui est en deçà des 8%.

CAROLINE ROUX
Avec la réserve qui a été énoncée à l'instant par François BEAUDONNET, c'est-à-dire des contrats courts, une précarité des contrats, du travail.

OLIVIA GREGOIRE
Je crois qu'il faut laisser un peu la tendance s'installer. D'abord c'est assez récent, on est en sortie de crise, il y a énormément d'emplois stables et de CDI à pourvoir dans les entreprises, et il y a énormément de CDD qui vont se transformer en CDI aussi. Un chômage à moins de 8%, c'est une des meilleures nouvelles de ces 10 dernières années. On a le droit de prendre quelques minutes peut-être dans ce pays pour s'en réjouir aussi.

CAROLINE ROUX
Eh bien c'est fait.

OLIVIA GREGOIRE
Oui.

CAROLINE ROUX
Et quand il y a une bonne nouvelle, parfois il y a une mauvaise nouvelle derrière. La confiance des Français dans l'économie, a baissé. Pourquoi, eh bien tout simplement parce qu'ils craignent la hausse des prix et une hausse des prix qui s'installerait, une spirale inflationniste, comme on dit. Est-ce que vous la redoutez aussi ?

OLIVIA GREGOIRE
Les Français sont lucides et les Français sont intelligents. Ils se rendent bien compte que la reprise est là, ils le voient bien dans leurs courses du quotidien, ils le voient à la pompe, on en a parlé longuement les semaines passées. Ils vont le voir aussi, et moi j'ai un discours de vérité, à la boulangerie, au supermarché, dans les jours qui viennent.

CAROLINE ROUX
Ça ne va pas s'arrêter.

OLIVIA GREGOIRE
Ça ne va pas s'arrêter. Nous sommes extrêmement attentifs. Spirale, le mot est beaucoup trop fort à l'heure où on parle, on ne parle pas de spirale inflationniste, on surveille cette inflation. Cette hausse des prix est quand même un signal extrêmement positif, encore une fois ça veut dire que ça repart.

CAROLINE ROUX
Ça va durer, mais vous considérez que l'on est dans une parenthèse, c'est quelque chose de temporaire, ou est-ce qu'il va falloir s'installer durablement dans ce déséquilibre ?

OLIVIA GREGOIRE
Vous savez, moi je travaille avec Bruno LE MAIRE à Bercy, on suit ces signaux de façon extrêmement forte. Présager de là où nous en serons dont 9 mois ou 12 mois, n'est pas dans notre méthode. On suit ça de très près, on regarde, on agit, vous avez vu, 3,8 milliards d'investissements, 100 € par…pour 38 millions de Français dans les semaines qui viennent. On agit, on regarde.

CAROLINE ROUX
Et ça peut se renouveler ça ? Parce qu'on se dit, alors, une prime c'est formidable, imaginons que la…

OLIVIA GREGOIRE
On va déjà commencer par payer la première, parce qu'elle n'est pas encore décaissée.

CAROLINE ROUX
Non, elle n'est pas encore décaissée, et surtout elle va être décaissée par les PME, enfin, par les entreprises elles-mêmes.

OLIVIA GREGOIRE
Oui. Et ?

CAROLINE ROUX
Eh bien, " et ? ", c'est-à-dire qu'ils vous disent : ce n'est pas normal que ce soit nous qui devions taper dans notre trésorerie.

OLIVIA GREGOIRE
Non non non, il n'y a pas de taper dans la trésorerie. Moi je suis une ancienne chef d'entreprise, je sais exactement combien coûte une fiche de paie, je sais aussi que nous sommes en train de discuter, et Alain GRISET notamment, avec les éditeurs de logiciels, il s'agit de rajouter une ligne, « indemnité inflation », et les entreprises seront intégralement couvertes…

CAROLINE ROUX
Oui, mais c'est eux qui vont avancer.

OLIVIA GREGOIRE
Ça va être assez concomitant. On est en train de travailler dessus à Bercy.

CAROLINE ROUX
C'est important ça.

OLIVIA GREGOIRE
C'est très important.

CAROLINE ROUX
Ça veut dire que ça peut se faire de manière simultanée quasiment ?

OLIVIA GREGOIRE
Vous savez, on n'a pas manqué à nos responsabilités depuis des mois, que ce soit le fond de solidarité, le PGE, on sera au rendez-vous, mais c'est l'Etat qui paie, 3,8 milliards d'euros, et qui compensera intégralement les PME. Ne faisons pas croire que ce serait les entreprises qui paieraient tout ça à la place de l'Etat.

CAROLINE ROUX
Mais, sur le principe du Chèque inflation, et vous avez raison, il y a tout un tas de gens qui vous écoutent ce matin et qui sont ravis de l'avoir, on se dit : si l'inflation continue, on va faire des Chèques inflation comme ça, ou est-ce qu'il va falloir trouver des solutions à long terme ? Ça c'est une solution d'urgence ?

OLIVIA GREGOIRE
Ça, c'est une solution conjoncturelle, qui va avec ce que nous faisons depuis 2017 en matière de pouvoir d'achat. Un chiffre : 330 € en moyenne par an, gagnés par français en matière de pouvoir d'achat depuis 2017. Ce n'est pas un chiffre de Bercy, c'est un chiffre institutionnel, qui est validé par les plus grands instituts. On a fait énormément de choses pour le pouvoir d'achat, il ne faut quand même pas l'oublier, on parle des salaires, de l'augmentation des salaires, qui a baissé, a supprimé en l'occurrence la cotisation assurance maladie et chômage ? Qui a mis en place la prime PEPA, la prime d'activité a augmenté, c'est nous. Donc je peux vous dire qu'on est sur le sujet structurel depuis 2017, là c'est à un coup de pouce, c'est une aide conjoncturelle, décaissons-là…

CAROLINE ROUX
Qui n'est pas forcément appelée à se renouveler.

OLIVIA GREGOIRE
Au moment où je vous parle, aujourd'hui le 28 octobre, nous ne sommes pas dans cet état d'esprit. 100 € par Français ça doit permettre, Jean CASTEX l'a dit, de couvrir notamment la hausse du carburant, qui est estimé entre 80 et 90 € dans l'année qui vient.

CAROLINE ROUX
On est d'accord que si, pardon d'insister lourdement, mais c'est assez nouveau, même Geoffroy ROUX de BEZIEUX a dit : attention, c'est assez dangereux d'accompagner l'inflation comme ça, à coup de chèques. Si cela se poursuit, si les Français qui sont inquiets sur l'augmentation des prix, si cela se poursuit au-delà même de la présidentielle, on ne va pas distribuer des chèques aux Français pour accompagner l'inflation.

OLIVIA GREGOIRE
Non, enfin je… Les mêmes qui aujourd'hui s'inquiètent d'un chèque, nous vendaient une baisse des taxes et vendaient d'autres solutions qui coûtaient 4 fois plus cher, des milliards, pour voir 5, 10 centimes de baisse sur votre plein naissance. Nous on fait un coup de pouce, décaissons-le, et vous savez, quand vous êtes au gouvernement, ce qui est mon cas, vous êtes rivé sur l'action du quotidien, vous n'êtes pas vous dire, et vous le savez, au mois de juin où en sera… On est aujourd'hui…

CAROLINE ROUX
Gouverner c'est prévoir, vous vous souvenez.

OLIVIA GREGOIRE
Gouverner c'est prévoir, mais gouverner c'est décider. On a un problème conjoncturel, on agit avant Noël ou on en reparle au mois de mars, si l'inflation est encore galopante, mais ça n'est pas notre état d'esprit de faire des chèques, et certainement pas en amont des élections.

CAROLINE ROUX
Vous écrivez un… Ce n'est pas dans l'état d'esprit de faire des chèques en amont des élections ?

OLIVIA GREGOIRE
Non.

CAROLINE ROUX
Non.

OLIVIA GREGOIRE
Non, je trouve les attaques à cet endroit, soit stupides, pour tout vous dire, soit…

CAROLINE ROUX
Ça vous est reproché, de cramer la caisse comme le dit Valérie PECRESSE, avant les élections.

OLIVIA GREGOIRE
Ça fait un mois… Je laisse madame PECRESSE à ses expressions hasardeuses, cette même dame qui est aujourd'hui donc retournée à LR. LR, un exemple, le projet de loi de finances vient d'être voté en première lecture, 20 amendements Les Républicains, 18 octobre, 20 amendements, 33 milliards d'euros de dépenses. Alors, avant qu'on vienne me faire des leçons, commencer par balayer chez soi.

CAROLINE ROUX
Vous les avez écrits, un livre, Olivia GREGOIRE…

OLIVIA GREGOIRE
Oui.

CAROLINE ROUX
Ça s'appelle : " Et après ? Pour un capitalisme citoyen ". Alors, capitalisme citoyen, il va falloir expliquer ce que c'est. Vous défendez notamment l'idée que la rémunération n'est plus le seul critère pour l'emploi.

OLIVIA GREGOIRE
Je défends l'idée que dans la rémunération, et on ne fait partie d'une génération où ça a été le cas de beaucoup d'indépendants, il y a un fixe, la rémunération, le salaire fixe, et il y a souvent des primes à côté, du variable. Ces primes, elles peuvent prendre plusieurs formes, notamment la participation, l'intéressement. Ces dispositifs sont très intéressants pour augmenter le pouvoir d'achat, pour augmenter l'argent sur le compte en banque à la fin du mois. Je dis : ça fait par exemple pour la participation, 50, 60 ans qu'on n'y a pas vraiment touché, qu'on n'a pas rénové ce qu'on appelle la clé de répartition, pour l'intéressement c'est pareil. Je travaille, je propose quelques approches nouvelles pour augmenter ces primes et faciliter pour les PME dont vous parliez, qui connaissent des usines à gaz sur ces sujets, et faire en sorte que les Français puissent les toucher, notamment dans les petites et les moyennes entreprises, parce que c'est moins le cas que dans les grandes.

CAROLINE ROUX
L'idée ce serait d'installer une sorte de capitalisme vertueux. Quand on pense à la COP26 qui va s'ouvrir et qui va débuter à la fin de la semaine, qui débutera précisément lundi, " la finance n'est pas contre le climat ", c'est ce qu'a martelé hier Bruno LE MAIRE. Vous croyez que la finance peut sauver le climat, en tout cas peut les aider à lutter contre le réchauffement climatique ?

OLIVIA GREGOIRE
J'ai une certitude, c'est qu'on ne fera rien en matière climatique sans des acteurs financiers. Certains ont eu des postures très morales, moralisantes, manichéennes, je suis pour, je suis contre, moi je suis ni pour ni contre, j'ai une perception très lucide : sans les acteurs financiers, sans les investisseurs, sans les banques du monde entier, on ne fera pas bouger les lignes.

CAROLINE ROUX
Mais ils jouent le jeu vraiment ? Où on est dans le green washing comme on dit ?

OLIVIA GREGOIRE
Non, c'est un peu pareil. Ça prend un peu de temps d'aligner des centaines de pays du monde. Nous le faisons autour d'Emmanuel MACRON, autour d'une coalition notamment qu'il a bâtie en 2017, où plus de 30 Etats du monde se sont alignés pour arrêter d'investir, par exemple dans le charbon. Ça vous savez, ça ne fait jamais la Une des 20h00, c'est agréable d'en parler, mais ça n'est pas en criant, en brandissant des pancartes où en ayant des actions très spectaculaires, qu'on fait bouger les lignes les investisseurs du monde entier. Ça demande du temps, ça demande des discussions…

CAROLINE ROUX
Comment est-ce qu'on fait bouger les investisseurs ?

OLIVIA GREGOIRE
On met en place des coalitions, on met en place des référentiels, on se met d'accord, des Etats-Unis à la Chine, pour par exemple commencer à arrêter d'investir dans certaines énergies fossiles…

CAROLINE ROUX
Le problème c'est que par exemple, voyez, sur la COP26…

OLIVIA GREGOIRE
… On est en train de le faire.

CAROLINE ROUX
… les Chinois ne viendront pas. Les Russes ne viendront pas.

OLIVIA GREGOIRE
Alors, vous qui êtes très précise, les Russes et les Chinois viendront, et ce n'est pas sympa pour leurs délégations.

CAROLINE ROUX
Oui, mais les présidents ne viendront pas.

OLIVIA GREGOIRE
Les présidents ne seront pas là, mais vous savez, on ne coche pas une liste de présence, on n'est pas à l'école, ce qui est important c'est que les acteurs, les délégations sont là, chinoises, russes, indiennes, on n'en parle pas, avec le président, les Américains, l'ensemble des continents sont là, pour faire bouger les lignes. S'il y avait un bouton magique pour dire, et je le dis dans mon livre, la finance tout de suite, du jour au lendemain, change, on aurait appuyé dessus.

CAROLINE ROUX
Depuis longtemps.

OLIVIA GREGOIRE
Ça demande un peu de temps, mais le temps n'est pas lâcheté.

CAROLINE ROUX
Vous êtes peut-être la seule dans le gouvernement qui ait un livre préfacé par Emmanuel MACRON, non ?

OLIVIA GREGOIRE
Alors, ça je suis la seule…

CAROLINE ROUX
Voilà.

OLIVIA GREGOIRE
Mais jusqu'à peut-être demain, et…

CAROLINE ROUX
On verra.

OLIVIA GREGOIRE
En revanche, c'est parce que c'est un sujet qui, je pense, intéresse.

CAROLINE ROUX
En tout cas vous étiez au coeur de cette aventure des Marcheurs. Elle sera plus compliquée cette campagne-là, la prochaine.

OLIVIA GREGOIRE
C'est toujours plus compliqué quand on est sortant. On a un bilan à défendre, vous le savez on ne gagne pas avec un bilan. On peut perdre avec un mauvais bilan, à nous d'être capable de proposer un nouveau chemin pour ces 5 années, notamment en matière de pouvoir d'achat, mais pas uniquement, sur tous ces enjeux d'écologie aussi, où vous le verrez on aura à coeur de le démontrer, on aura fait beaucoup, pendant que beaucoup parlaient.

CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Olivia GREGOIRE.

OLIVIA GREGOIRE
Merci à vous.

CAROLINE ROUX
C'était votre dernière matinale, parce que vous partez pour un heureux événement.

OLIVIA GREGOIRE
Oui.

CAROLINE ROUX
Alors, reposez-vous bien.

OLIVIA GREGOIRE
Oui, c'est gentil, merci Caroline ROUX.

CAROLINE ROUX
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 novembre 2021