Texte intégral
ALEXANDRA BENSAID
Bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
ALEXANDRA BENSAID
Après le pic de 2020, le chômage continue de reculer. C'est ce que nous disent les chiffres du troisième trimestre. Alors Elisabeth BORNE, de quoi parle-t-on ? Est-ce que c'est plus d'embauches, plus d'entrées en formation, peut-être plus de radiations ? Les demandeurs d'emploi sortent des registres de Pôle Emploi mais par quelle porte ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, on a eu un nombre record d'embauches au troisième trimestre, vous savez, plus de 2,5 millions d'embauches en CDD de plus d'un mois ou en CDI, donc c'est un record depuis vingt ans. Donc effectivement, on a une reprise économique qui est très dynamique et on voit une baisse du nombre de demandeurs d'emploi sans activité : 200 000 sur le troisième trimestre donc c'est une bonne nouvelle. Ça montre que des dispositions qu'on a mis en place pendant la crise pour protéger les entreprises, pour protéger les emplois et puis aussi le plan de relance portent leurs fruits.
ALEXANDRA BENSAID
Ça veut dire que donc vous nous dites il y a plus d'embauches que du reste, que de formations même que de radiations, et c'est aussi l'effet du ?quoi qu'il en coûte?.
ELISABETH BORNE
C'est l'effet du ?quoi qu'il en coûte? clairement. Si on a pu protéger les emplois, c'est ce qui permet au moment où l'économie repart que les entreprises en profitent pleinement.
ALEXANDRA BENSAID
On est aujourd'hui à moins de 8 % de taux de chômage. Est-ce que 7 % de taux de chômage, finalement, vous y croyez avant la fin du quinquennat ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi je ne vais pas m'avancer sur ce chiffre mais je me rappelle que quand je suis arrivée à la tête du ministère du Travail à l'été 2020, on nous annonçait 10-11 %. Ecoutez, on voit que la stratégie a porté ses fruits et effectivement on est revenu au niveau de chômage d'avant la crise sanitaire.
ALEXANDRA BENSAID
Dans votre réforme de l'assurance chômage, il reste deux mesures que vous n'avez pas encore enclenchées : une sur la dégressivité, l'autre sur les conditions d'accès. Est-ce qu'avec ces chiffres vous considérez que désormais vous pouvez les mettre en oeuvre ?
ELISABETH BORNE
Alors effectivement la réforme de l'assurance chômage, l'objectif c'est d'encourager le travail à un moment où la reprise économique est très dynamique. Il y a finalement quatre dispositions, deux qui sont déjà rentrées en vigueur. C'est le bonus-malus pour inciter les entreprises à proposer des contrats plus longs et donc de meilleure qualité. C'est un nouveau mode de calcul de l'allocation chômage qui est en vigueur depuis le 1er octobre et il y a deux dispositions dont on avait dit qu'elles évolueraient avec l'amélioration de la situation économique. C'est la durée nécessaire pour bénéficier d'une allocation chômage et puis la dégressivité pour les salaires les plus élevés. Donc aujourd'hui effectivement, les critères sont remplis puisqu'on a eu un nombre très important d'embauches sur les quatre derniers mois, et puis qu'avec ces 200 000 demandeurs d'emploi de moins sur le dernier trimestre, effectivement on satisfait aussi le critère. On est à près du double de la baisse qui était nécessaire pour que les deux dispositions rentrent en vigueur. Ça veut dire qu'à partir du 1er décembre, il faudra avoir travaillé six mois et non plus quatre mois pour bénéficier d'une allocation chômage et également que la dégressivité s'appliquera au-delà du sixième mois et non pas du huitième mois comme aujourd'hui.
ALEXANDRA BENSAID
Donc ça veut dire que vous durcissez, et ça c'est pour les plus hauts salaires, la dégressivité. Ce n'est pas pour tous les demandeurs d'emploi.
ELISABETH BORNE
La dégressivité, c'est pour les salaires au-delà de 4,5 SMIC. Et donc ça veut dire qu'effectivement, à un moment où la reprise est très dynamique, je le redis, où les entreprises embauchent massivement, où il y a même beaucoup d'entreprises qui ont des difficultés pour recruter, c'est le moment pour encourager le travail et c'est l'objectif de la réforme de l'assurance chômage.
ALEXANDRA BENSAID
Alors vous dites encourager le travail, Elisabeth BORNE. On a quand même aujourd'hui, toutes catégories confondues, près de six millions de demandeurs d'emploi pour – j'ai regardé – un million d'offres sur Pôle emploi ce matin. Six embauches sur dix sont des contrats de moins d'un mois. Vous durcissez ces conditions d'accès, les allocations vous les faites baisser mais est-ce que c'est si facile de trouver un emploi stable ?
ELISABETH BORNE
Alors on accompagne les demandeurs d'emploi, vous savez, comme on ne l'a jamais fait pour les aider effectivement à retrouver un emploi, et mon objectif c'est bien ça. Pôle emploi d'ici la fin de l'année va recontacter chaque demandeur d'emploi de longue durée pour proposer un accompagnement, une mise en situation en entreprise ou une formation et on n'a jamais mis autant d'argent pour former des demandeurs d'emploi, précisément pour qu'ils aient des compétences qui leur permettent de trouver un emploi, de répondre aux offres des entreprises. Avec le Premier ministre, on a annoncé fin septembre 800 millions d'euros supplémentaires pour former les demandeurs d'emploi, et l'objectif c'est bien que tous les demandeurs d'emploi puissent bénéficier de la reprise économique et qu'ils puissent trouver un emploi.
ALEXANDRA BENSAID
Mais il n'y a pas assez d'offres pour tous les demandeurs d'emploi.
ELISABETH BORNE
Il y a beaucoup d'offres d'emploi et on l'a vu avec la baisse du nombre de demandeurs d'emploi. L'objectif c'est que ça continue, que chacun puisse retrouver un emploi.
ALEXANDRA BENSAID
Quel est le message ? Il y a toute une littérature qui dit : il ne faut pas rester longtemps dans les registres de Pôle emploi parce que c'est là où on s'enlise, où on va devenir un chômeur de longue durée. Est-ce que le message de cette réforme, qui durcit donc les conditions d'accès, qui baisse les allocations, c'est : « il faut vite prendre un emploi, peut être n'importe lequel, mais en tout cas vite répondre à une offre » ?
ELISABETH BORNE
Ce qui est certain, c'est qu'il faut rester le moins longtemps possible au chômage, et c'est pour ça aussi que dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi, on veut les remettre en situation en entreprise. Mais moi je vous le dis, quand vous me dites « on durcit les conditions… »
ALEXANDRA BENSAID
Le mot ne vous plaît pas, « durcir » ? C'est quand même ce qui est en train de se passer. C'est ce que vous faites.
ELISABETH BORNE
Pour tous ceux qui travaillent de façon continue, la réforme ne change rien. Les seuls dont l'allocation baisse, c'est ceux qui gagnent plus au chômage que pendant les périodes où ils ont travaillé. Et pour ceux qui ont du mal à retrouver un emploi, ils sont indemnisés plus longtemps et, comme je vous l'ai dit, on les accompagne mieux notamment en leur permettant de se former aux métiers qui recrutent.
ALEXANDRA BENSAID
C'est quand même une réforme qui va permettre de faire des économies, Elisabeth BORNE. Quatre milliards d'euros.
ELISABETH BORNE
C'est une réforme qui va permettre aux demandeurs d'emploi de retrouver un emploi.
ALEXANDRA BENSAID
Allez, on parle des jeunes. Lundi, des associations et des syndicats ont écrit à Emmanuel MACRON. Ils s'inquiètent du revenu d'engagement pour les 16-25 ans les plus précaires. C'est ce que le chef de l'Etat avait annoncé le 12 juillet et, depuis, rien. Il ne s'est rien passé. Alors si cette mesure doit voir le jour, il reste une semaine dans le calendrier parlementaire. Est-ce que ce revenu d'engagement va arriver avant jeudi prochain ou jeudi prochain, Elisabeth BORNE ? Ou est-ce qu'il est enterré ?
ELISABETH BORNE
Moi ce que je peux vous dire, c'est qu'avec ces associations on partage le même objectif : c'est qu'aucun jeune ne reste sur le bord de la route et c'est bien pour ça qu'il y a un peu plus d'un an maintenant, on a lancé le plan 1 jeune 1 solution. C'est 9 milliards d'euros sur 2020 et 2021. Il y a trois millions de jeunes qui ont pu trouver un emploi, une formation, un apprentissage ou un accompagnement. C'est ce qui permet que le taux de chômage soit au plus bas depuis douze ans, mais effectivement malgré la reprise, on sait qu'il y a de nombreux jeunes qui ne peuvent pas retrouver seul un emploi, donc on veut les accompagner encore mieux, on va poursuivre…
ALEXANDRA BENSAID
C'est ce que vous voulez mais est-ce que ça va arriver ?
ELISABETH BORNE
On va poursuivre nos efforts en 2022 pour aider ces jeunes à choisir un métier, à se former et puis à retrouver le plus vite possible un emploi, avec une allocation pour ceux qui s'engagent dans ces parcours et qui en ont besoin. Donc effectivement, on avance sur ce sujet et il y aura des annonces très prochainement.
ALEXANDRA BENSAID
Donc d'ici la semaine prochaine puisque c'est visiblement la seule fenêtre qu'il reste. Cependant, on parlait d'une enveloppe de, un à deux milliards pour ce revenu d'engagement et aujourd'hui l'enveloppe elle serait de 500 millions d'euros. Est-ce qu'il y a une logique à revoir à la baisse le dispositif que vous portiez ?
ELISABETH BORNE
Vous savez, il y a plus de quatre milliards d'euros pour accompagner les jeunes dans le budget pour 2022. Donc vraiment, on continue à mettre le paquet malgré la reprise économique pour accompagner ces jeunes qui ne peuvent pas retrouver seul un emploi.
ALEXANDRA BENSAID
Elisabeth BORNE, cette nuit les sénateurs ont voté une proposition de loi qui instaure des quotas de femmes aux postes de direction des grandes entreprises. Ça va changer quoi ce texte ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, c'est une avancée importante pour toutes les femmes. Vous savez, il y a encore beaucoup d'inégalités dans le monde professionnel entre les femmes et les hommes. C'est pour ça qu'on a mis en place depuis 2019 l'index sur l'égalité professionnelle pour accélérer la réduction des écarts de salaires. Et puis avec cette proposition de loi ; on va introduire des quotas de femmes pour les postes à plus hautes responsabilités dans les entreprises. Donc c'est 30 % d'ici cinq ans, 40 % d'ici les huit prochaines années.
ALEXANDRA BENSAID
C'est loin, c'est 2030. On laisse le temps aux entreprises.
ELISABETH BORNE
Vous savez, moi j'ai été chef d'entreprise. On ne peut pas du jour au lendemain décréter que son comité exécutif ou son comité de direction - souvent on recrute dans ces comités de direction des salariés qui sont dans l'entreprise, donc c'est pour ça que moi j'ai souhaité qu'on donne des objectifs sur les cadres dirigeants dans les entreprises - et donc effectivement, il faut que les femmes aient toute leur place dans ces fonctions de responsabilité. Aujourd'hui vous savez, il y a 18 % de femmes dans les comités exécutifs du CAC 40 alors qu'il y a un tiers de femmes parmi les cadres. Donc il faut donner maintenant des obligations pour que les femmes aient toute leur place dans les entreprises.
ALEXANDRA BENSAID
Et là on parle du top niveau. Qu'est-ce qui se passe pour les femmes tout en bas ?
ELISABETH BORNE
Alors c'est aussi une préoccupation évidemment, les femmes sont sur-représentées dans les bas salaires. Je pense que c'est un sujet sur lequel on pourra faire évoluer l'index égalité pro pour, effectivement, s'assurer qu'on n'a pas une sur-représentation des femmes dans les bas salaires.
ALEXANDRA BENSAID
Ce qui est le cas pour l'instant.
ELISABETH BORNE
Ce qui est le cas aujourd'hui.
ALEXANDRA BENSAID
Elisabeth BORNE, la ministre du Travail, merci d'avoir été sur France Inter.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 octobre 2021