Texte intégral
Bonjour à toutes, bonjour à tous,
Je suis très heureuse d'être parmi vous ce matin pour ouvrir votre séminaire sur le thème, " Sens et croissance ", qui manifestement préoccupe beaucoup de décideurs puisqu'il fait écho aux interrogations du cercle des économistes d'Aix-en-Provence auprès desquels je suis intervenue la semaine dernière.
Et demander à la ministre de l'Industrie d'ouvrir un séminaire sur le thème de la croissance et du sens est un symbole fort.
Un symbole fort car après 30 ans de désindustrialisation, nous avons fait, avec le président de la République, de la reconquête industrielle une priorité économique.
Un symbole fort parce que les Français ont découvert avec stupéfaction, ces derniers mois, les retards et les manques accumulés par l'Europe et la France. Je pense évidemment aux principes actifs des médicaments, si vous vous souvenez des tensions d'avril 2020. Je pense également à la crise que nous traversons en ce moment sur les semi-conducteurs. Les semi-conducteurs sont l'arbre qui cache toute la forêt des tensions d'approvisionnement sur des productions à faible valeur ajoutée. Se dire que la France risque d'arrêter des usines parce qu'elle ne sait pas fabriquer des roulements à bille est assez stupéfiant. Cela montre que la sixième puissance mondiale n'est ni autonome dans sa production ni souveraine dans ses approvisionnements.
Et puis, c'est un symbole fort car au-delà de la crise sanitaire qui a effectivement disrupté beaucoup de chaînes de production, beaucoup de modes de fonctionnements normaux, nous faisons face à une transformation digitale et environnementale qui est un mouvement de fond qui s'est accéléré avec la crise sanitaire. C'est une véritable révolution industrielle, susceptible de redistribuer les cartes entre nations.
Alors, quand on redistribue les cartes, soit on est dans l'approche de la menace et du risque, soit on est dans l'approche des atouts et des opportunités. J'ai la conviction que si on joue bien les cartes, on peut adopter une approche des opportunités et reconquérir les parts de marché que nous avons perdues. Ça ne veut pas dire que la partie sera facile.
Ce contexte, il réinterroge le dogme de chaînes de productions et d'approvisionnement mondiales sous l'angle de la résilience. Il montre tous les coûts cachés de la délocalisation et il réinterroge de manière plus globale le rôle de l'industrie dans nos sociétés. La place de l'industrie sera au coeur de la discussion que nous aurons dans les prochains mois avec les Français. Ce qui est en jeu, c'est notre indépendance économique et nos emplois.
1) Ma conviction, c'est que l'industrie est la colonne vertébrale de notre économie. Ça ne fait pas tout, mais ça permet de tenir l'ensemble du corps. Et pour avoir une croissance forte, il faut une industrie forte.
Je rappelle que l'industrie, c'est plus des deux tiers de nos exportations, pour un secteur qui pèse, suivant les agrégats que vous prenez, 10 à 12% de notre économie. L'industrie, c'est plus des deux tiers de notre recherche et développement. C'est plus des deux tiers du dépôt de brevet, etc. Et on le voit, le paradigme d'une économie qui serait fabless dans une société post-industrielle a vécu. C'était ce paradigme qui était développé au début des années 2000. Un pays sans usines, sans production, sans ouvriers : c'est un modèle qui est ni souhaitable ni soutenable.
Pas soutenable parce que séparer la recherche et développement de la production, c'est une vue de l'esprit. La recherche et développement, elle, se nourrit de ce qu'on apprend dans la production et elle s'améliore d'autant plus qu'on produit. De la même manière, fonder son business model sur des innovations et uniquement sur des innovations, c'est oublier que c'est souvent les produits matures qui sont le moteur de l'autofinancement, qui permettent d'innover et de se positionner sur des productions nouvelles.
Et puis, ce n'est pas souhaitable car ce modèle a eu des conséquences démographiques et sociales majeures : un million d'emplois perdus entre 2000 et 2016 dans l'industrie. La carte de ces emplois perdus, si vous prenez une perspective politique, c'est la carte de l'abstention et c'est la carte de la montée des extrêmes. Vous avez une vraie congruence. Et on l'a vu avec la crise des gilets jaunes : c'est révélateur de territoires et de Français qui se sentent abandonnés par les grandes métropoles. Car derrière un site industriel qui ferme, ce sont les services en appui du site mais aussi le petit café, le commerçant du coin qui sont déstabilisés. Et à terme, c'est la classe dans l'école primaire qui ferme, faute d'élèves, parce qu'il n'y a plus assez de jeunes couples installés dans le territoire.
À contrario, on s'aperçoit que l'industrie apporte une réponse aux fractures sociale et territoriale.
La fracture territoriale d'abord. Soixante-dix pour cent des emplois industriels sont implantés dans des villes de moins de 20.000 habitants. Évidemment, vous ne mettez pas une usine au milieu d'une grande métropole. Un emploi industriel, c'est trois à cinq emplois induits, souvent dans les services. L'Industrie, ce n'est pas le moteur de l'emploi, c'est le moteur qui induit l'emploi au travers des services.
Et puis, la fracture sociale : les industriels proposent des emplois stables, bien rémunérés et souvent à plus de deux fois le SMIC, avec la possibilité de faire carrière sans avoir un bagage académique élevé. Et fait nouveau, c'est dans l'industrie que va se faire la transition écologique et énergétique. C'est dans l'industrie que sera mis au point le moteur décarboné, c'est dans l'industrie que seront conçus des nouveaux matériaux biosourcés. C'est dans l'industrie que seront inventés les processus de recyclage chimique de certains matériaux de base.
2) Dans ce contexte, la réindustrialisation est une priorité absolue : priorité pour la souveraineté économique, priorité pour appuyer les services et priorité pour la croissance de l'emploi.
Sur l'impulsion du président de la République, nous avons initié, il y a 4 ans, un effort soutenu pour réindustrialiser le pays, notamment à travers une politique d'attractivité et de compétitivité volontariste. Ma nature, c'est de voir le verre à moitié plein, même si je sais qu'on peut le regarder comme à moitié vide. Nous avons mené une réforme fiscale importante : baisse de la fiscalité du capital, baisse de l'impôt sur les sociétés, baisse des impôts de production. Cette réforme, ce n'est pas pour faire des cadeaux, mais tout simplement parce que l'on sait que dans une compétition mondiale, il faut ne pas être singulièrement décalé par rapport aux autres en matière de coût de production et que, dans cette balance, la fiscalité du capital, l'impôt sur les sociétés et les impôts de production pèsent sur les entreprises qui produisent en France.
Et puis nous avons également fait un effort significatif en matière de simplification et de prévisibilité du droit du travail. Les recours ont été diminués par deux, devant le Prud'homme, dans certaines juridictions. Alors là aussi, on peut parler du verre à moitié plein et du verre à moitié vide ; moi, je vais voir le verre à moitié plein, avec l'accélération des procédures administratives pour construire ou étendre des sites de production, par exemple, comme nous venons de le faire avec la loi Accélération pour simplification de l'action publique qui a été votée en décembre dernier.
Et cette action, elle a porté ses fruits. Puisque pour la première fois depuis 2001, nous avons recréé des emplois industriels nets en 2017, en 2018 et en 2019. En 2020, malheureusement, à cause de la crise de la covid, ce n'est pas exactement ce que nous disent les chiffres. Pourtant, 2020 est la troisième année consécutive où la France est sur la première place du podium au baromètre EY, des investissements industriels étrangers pour les projets industriels, en Europe. Et excusez du peu, en 2020, nous accueillons autant de projets industriels que l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni réunis. Il se passe quelque chose en France, nous sommes clairement sur un chemin possible de réindustrialisation.
3) Pour sortir de cette crise sanitaire, l'enjeu c'est d'amplifier ces résultats, d'accélérer notre politique de reconquête industrielle et d'appuyer encore plus fort pour provoquer un choc de réindustrialisation. Et c'est le sens du plan de relance.
Le plan de relance, ce n'est pas un plan de soutien à la consommation ; c'est un plan de soutien à l'offre, c'est un plan de modernisation de l'offre, c'est un plan d'accélération de l'innovation pour la transition écologique et pour la digitalisation. C'est un plan qui vise à nous muscler pour être plus fort en 2030, en faisant le pari que cela va nourrir la croissance immédiate. Donc, nous consacrons 35 milliards d'euros à l'industrie sur les 100 milliards d'euros du plan France Relance.
Dans ce cadre, nous faisons face à deux risques qui sont aussi des opportunités. Le premier, c'est la digitalisation. Vous avez évoqué les GAFA, on peut parler aussi des BATC, les GAFA, ils reposent sur un système financier très puissant, effectivement nourri par l'épargne des Américains, mais aussi du reste du monde. Les BATC reposent sur un coût du capital extrêmement faible, puisque c'est une autre forme d'accès au financement, mais ça marche aussi très bien en Chine. La digitalisation, c'est des gains de productivité massifs, en particulier dans des pays qui ont un coût du travail élevé. C'est une amélioration drastique des conditions de travail.
Cela signifie que les femmes peuvent entrer en production parce que finalement, il n'est plus question de soulever des charges ou d'avoir de la force, il est question de piloter des machines à commande numérique, des robots, des cobots et de faire preuve de rigueur et d'esprit d'équipe dans une entreprise.
C'est également un modèle qui permet de transformer des modèles industriels en modèles de services, grâce à la proximité avec le marché et les clients et, ainsi, en donnant une plus forte résilience à ces modèles industriels. Parce que vous allez pouvoir développer plus vite, vous allez pouvoir répondre plus vite aux attentes de vos clients ; vous allez pouvoir prototyper plus vite, ce que ne permet pas un modèle avec des chaînes de production mondialisées où vous devez attendre de rapatrier un outillage ou des composants depuis la Chine ou d'autres pays d'Asie.
Pour moi, c'est une ruse de l'histoire, si on s'en empare. Et mon inquiétude aujourd'hui, c'est qu'il faut vraiment s'emparer de ce sujet et opérer un changement d'esprit dans les entreprises. Se saisir de la 5G, par exemple. La 5G, c'est probablement une transformation de modèle. Bien sûr qu'elle va nous procurer plus de confort dans notre vie d'individu particulier, avec nos téléphones. Mais ce n'est pas ça, la 5G. La 5G, c'est la capacité à traiter immédiatement énormément de données qui remontent par des objets connectés, ouvrant ainsi des perspectives massives de transformation de business, à condition de s'en emparer aujourd'hui et pas demain. Et c'est ce que font les Coréens, c'est ce que font les Chinois et c'est ce que font les Américains. C'est aussi savoir utiliser les startups de la tech pour accélérer les PME. Les entreprises à taille intermédiaire qui existent depuis 20 ans, depuis 30 ans, depuis 50 ans, pour certaines qui sont centenaires, doivent pouvoir tirer profit de ces nouvelles intuitions technologiques pour accélérer leur modèle. C'est cela, le « Tech in Fab » que nous cherchons à développer.
Le deuxième risque qui est une opportunité, c'est la transition écologique et énergétique. Puisqu'au fond, de quoi est-il question ? De réinventer de A à Z notre manière de produire et nos systèmes de logistique. C'est une gigantesque source de développement économique dans un contexte où l'Europe semble légèrement en avance sur l'hydrogène décarboné, par exemple, ou sur les matériaux. Pour y parvenir, nous avons des mécanismes de marché qui commencent à fonctionner. Le prix du carbone monte, et c'est une très bonne chose. Mais si on regarde la réalité des choses, nous sommes sur un rythme trop lent et l'inaction risque d'avoir un coût économique et social ravageur si en 2030, le tissu industriel n'a pas totalement engagé sa décarbonation. À 150 euros de la tonne de carbone, sans changement, vous n'aurez plus d'usines chimiques, sidérurgiques ou de matériaux de base en France et en Europe. Et c'est là que nous devons faire face en mettant en place des soutiens publics pour accélérer la transition vers une décarbonation totale.
Mais il faut aussi agir beaucoup plus fort sur deux leviers. Le premier levier, c'est l'investissement dans l'innovation, c'est le shift que je viens d'évoquer. Nous devons agir dans un cadre européen pour mettre au point les technologies bas carbone et capitaliser sur nos savoir-faire. Nous ne devons pas être dupes du fait que, certes, les Etats-Unis sont peut-être partis un peu après nous, mais ils sont en train d'accélérer à une vitesse stupéfiante et nous devons, au niveau européen, construire les bons partenariats pour accélérer et faire la somme de toutes nos forces.
Et le deuxième levier, c'est le rétablissement d'une concurrence loyale avec ces mêmes grandes puissances. C'est évidemment l'enjeu du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, dont on est conscient qu'il doit toucher à la fois les productions primaires en Europe, mais également penser les exportations en dehors de l'Europe. Il faudrait que ce soit dans les deux sens pour faire payer aux marchandises qui arrivent sur le marché européen et qui ont un fort contenu carbone là où, en Europe et en France, on impose des normes drastiques qui ne sont pas toujours respectées par nos concurrents hors Europe. Mais c'est également toute la réglementation, la normalisation sur laquelle nous agissons, pour distinguer les produits qui respectent des conditions environnementales et sociales exigeantes des produits qui ne les respectent pas. Parce que ça, c'est de la concurrence déloyale.
Les deux ruptures que je viens d'évoquer permettent d'accompagner la seule tendance à même de durablement relancer notre croissance : une valeur ajoutée plus forte en termes de durabilité, d'empreinte environnementale et de standards sociaux.
4) Et cette croissance n'a de sens, et elle n'est souhaitable et acceptable par la population, que si elle est mieux partagée, mieux partagée sur les territoires, mieux partagée entre les Français, entre tous les habitants de notre pays.
Le creusement des inégalités qui a été généré par la crise a été plus marqué hors de France. Dans notre pays, les mécanismes d'amortissement mis en place par le Gouvernement, couplés avec notre modèle social, certes coûteux et exigeant, mais qui se révèle extrêmement puissant dans les moments de crise, a mieux protégé les Français. Elles se sont tout de même creusées dans l'économie informelle parce qu'on ne peut pas rembourser de l'argent qui n'a pas été déclaré…
En tant que responsable politique, je veux dire que si on veut mieux partager la croissance, l'Etat agit pour vous, avec le plan de Relance. Vous pouvez légitimement vous demander ce que le Plan de Relance peut faire pour vous. Et puis il y a aussi ce que vous pouvez faire pour votre pays et pour la relance de la France. Et là, il y a un ensemble de mesures dont vous pouvez vous saisir et que vous pouvez prendre.
C'est cet appel à l'action que je fais aujourd'hui.
Dans vos relations clients - fournisseurs ou donneurs d'ordre – sous-traitants, il faut faire bouger les attitudes court-termistes qui consistent à aller chercher le meilleur prix sur des contrats les plus courts possibles et en poussant au maximum la trésorerie du côté du sous-traitant. On connaît tous ça. Il se trouve que j'ai moi-même travaillé dans la sous-traitance automobile, vous l'avez mentionné, j'ai été prise entre mon donneur d'ordres qui essayait de me faire porter tous les investissements et mes sous-traitants à qui j'imposais des contraintes difficiles, notamment quand il fallait atteindre des objectifs de cash à la fin de l'année ou à la fin du 30 juin. Reconnaissons la réalité et travaillons dès maintenant à améliorer nos relations donneurs d'ordres – sous-traitants.
Créons des partenariats, donnons de la visibilité aux sous-traitants, permettons-leur de monter en compétences et en productivité, mais en les accompagnant. Ce n'est pas possible en un an, en deux ans, mais c'est possible en cinq ans.
Il faut aussi faire travailler plus d'entreprises françaises. On le voit par exemple dans les solutions d'industries du futur. Souvent, les entreprises me disent “mais il n'y a pas d'écosystèmes d'industries du futur en France.” Si, il y en a un ! Il est en développement, il n'est pas complètement structuré, mais il existe. Et à chaque fois que vous vous posez la question de choisir entre un sous-traitant étranger et un sous-traitant français, commencez par regarder s'il existe une solution française, posez-vous juste cette question, et après mettez-les mettez en compétition. Tout le monde peut entendre qu'il faut choisir les meilleurs pour développer son entreprise, et en suivant cette démarche, vous rendrez un grand service à la France parce que vous ramènerez progressivement la valeur vers le territoire français. Et la croissance nourrit la croissance.
La deuxième mesure concerne la politique de ressources humaines. C'est d'abord la question du recrutement et de l'inclusion des jeunes, des personnes éloignées de l'emploi, des personnes en situation de handicap. Le Gouvernement a fait du soutien massif pour vous accompagner dans cette dimension, mais c'est absolument essentiel que les personnes éloignées de l'emploi puissent retrouver une activité. Et c'est être entrepreneur de sa vie que de pouvoir, au travers de son travail, s'émanciper. Vous êtes entrepreneur de votre vie et c'est ce modèle-là aussi de société que nous voulons porter.
C'est aussi garantir des conditions de travail et une employabilité de qualité pour vos salariés. Faire en sorte que les invisibles qui travaillent dans votre entreprise sans en être les salariés soient également correctement traités. Je pense aux personnes qui font le ménage le matin et le soir et dont finalement, personne ne se pose la question des horaires qu'ils font. Est-ce qu'on ne pourrait pas organiser un tout petit peu différemment leurs services pour leur rendre leurs conditions de travail plus acceptables et leur vie de famille plus facile ?
Tous ces petits mouvements font un tissu industriel, un tissu économique et un tissu social plus relié, plus partenarial et plus créateur de valeur in fine. Évidemment, dans cette même optique, il y a le mentorat. On s'est aperçu que le capital relationnel des jeunes est le principal obstacle dans leurs projections professionnelles. Pour un stage de troisième en règle générale, les parents appellent la famille et leurs amis pour que leur enfant trouve un stage. Donc, il va être dans un modèle de reproduction sociale. Si cet enfant a des parents chômeurs, il y a assez peu de chances qu'il ait un stage de troisième très intéressant. Et pourtant, rien ne dit qu'il n'a pas énormément de talent. Le mentorat, c'est une façon peu coûteuse, très engageante et probablement très gratifiante de rendre service à votre pays.
Qu'il s'agisse de leur stage de troisième, de leur parcours, ou de leurs choix d'orientation professionnelle, beaucoup de jeunes se censurent parce qu'ils n'imaginent pas possible d'aller dans une autre région, parce qu'ils n'imaginent pas qu'ils peuvent faire une classe préparatoire plutôt qu'aller à l'université, parce qu'ils n'imaginent pas que l'apprentissage est probablement l'un des meilleurs modèles d'insertion, parce qu'ils ne le savent pas que lorsque vous faites une école de production, par exemple, vous avez cinq à six offres d'emploi à la sortie de votre école de production.
Voilà le type de modèle que nous on veut porter. L'alternance, l'apprentissage, la formation professionnelle, mais avec une vision d'excellence.
Dernier point : le partage de la valeur. Le partage de la valeur, vous l'avez mentionné, c'est tous les mécanismes d'intéressement, de participation, d'actionnariat des salariés, de statuts aussi des freelances qui ont tendance à se développer autour des entreprises. On peut comprendre que le salariat évolue. On est parfois un peu stupéfait de voir que beaucoup de freelances respectent très exactement une série de tâches qui leur sont données. Ça ressemble quand même beaucoup à du salariat et je pense que ces thématiques-là méritent d'être vraiment posées.
La responsabilité sociale des entreprises, c'est la performance future de l'entreprise. La performance financière, c'est le reflet du passé. La RSE, elle, vous donne des indications sur votre marque employeur. Elle vous donne des indications sur votre capacité à fidéliser les clients. Elle vous donne des indications sur les risques que vous risquez de rencontrer dans votre développement, risque réputationnel, risque au regard de votre empreinte environnementale, d'une norme qui pourrait tomber parce que vous ne l'avez pas anticipée et c'est pour ça que c'est absolument essentiel et totalement core business aujourd'hui.
Et puis, je vais faire un plaidoyer pour plus de cohérence dans nos raisonnements économiques. Nous voulons une industrie, nous voulons des usines, nous voulons de l'emploi. Il va falloir accepter que des sites industriels s'installent en France. Cela vaut mieux que d'importer des produits fabriqués à l'autre bout de la planète dans des conditions sociales et environnementales déplorables.
Et je veux dénoncer ici l'hypocrisie, voire le cynisme, qui consiste à interdire des productions en France ou en Europe sous prétexte qu'elles sont polluantes, tout en acceptant des importations massives du bout du monde, produites dans ces conditions environnementales et sociales déplorables.
Mesdames et messieurs, vous l'avez compris, je pourrais vous parler longuement de l'industrie, parce que sans industrie forte, il n'y a pas de moteur de croissance durable. La position que je défends devant vous est évidemment un parti pris et je pense que c'est une bonne chose que la journée commence ainsi.
Sans industrie forte, il n'y a pas de service fort. L'industrie et les services ont des destins liés. D'ailleurs, les modèles et les lignes de démarcation sont en train de s'estomper entre les deux secteurs. L'activité industrielle crée des emplois dans les services. L'industrie a besoin de plus en plus de services. Les modèles serviciels deviennent industriels. L'industrie développe des modèles serviciels. Il faut donc que notre économie marche sur ces deux jambes.
Nous en avons besoin pour répondre au défi de l'urgence climatique, pour résorber les fractures sociales et territoriales et pour être plus forts face aux crises. Les crises, elles peuvent être sanitaires, géopolitiques, cyber. Et en tout état de cause, on a appris qu'il fallait s'y préparer.
Enfin, dans la croissance responsable que l'on veut construire, on crée aussi de la fierté. La fierté et la confiance sont deux ingrédients essentiels de la croissance et ce sont des ingrédients essentiels du sens que nous voulons donner à notre économie. Je veux que l'on rompe d'urgence avec le sentiment de déclassement d'une partie de notre population et pour cela, vous avez un rôle-clé à jouer. Et je veux pouvoir compter sur vous parce que je sais que vous êtes en avant-garde de ce mouvement. Je vous remercie.
Source : ministère de l'industrie, le 15 novembre 2021