Déclaration de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de l'industrie, sur les efforts en faveur de l'industrie chimique, à Paris le 20 octobre 2021.

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Circonstance : Remise des Prix Pierre Potier

Texte intégral

Monsieur le Président du Jury du Prix Pierre Potier,
Monsieur le Président de France Chimie, cher Luc,
Mesdames et Messieurs,
Chers lycéennes et lycéens,


Je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui pour conclure la cérémonie de remise des Prix Pierre Potier et de voir dans cette salle ces lycéennes et lycéens engagés autour d'une de nos filières d'excellence, la chimie.

Cette cérémonie vient célébrer le talent et l'audace de la chimie française, un siècle après la création de France Chimie. Depuis Henri Moissan et Marie Curie, la filière chimie française demeure à la pointe de l'excellence scientifique.

Cet engagement pour toujours se projeter dans l'avenir, nous l'accompagnons avec le plan d'investissement France 2030 présenté la semaine dernière par le Président de la République. Le plan renoue avec l'esprit de conquête qui a fait de la France un grand pays d'ingénieurs et un grand pays d'industrie. Certes nous avons traversé 40 années de capitulation industrielle mais nous voyons aujourd'hui qu'en donnant un cadre plus attractif à nos industriels et en prenant une part de risque dans leurs projets nous sommes capables de développer une industrie moderne et conquérante. C'est ce que nous allons faire avec France 2030.

Les lauréats d'aujourd'hui sont les meilleurs exemples de ce que la filière prépare pour la décennie à venir et ils méritent à ce titre toutes nos félicitations.

Je tiens à remercier la Fondation de la Maison de la Chimie et France Chimie de soutenir ce prix qui éclaire les meilleures initiatives de la filière en matière de performance environnementale et de développement durable. A l'heure où cet enjeu devient un levier central de compétitivité et de différenciation concurrentielle, ce sont ces initiatives qui permettront à la filière de rester en pointe dans le jeu mondial. C'est cela qu'a vocation à accompagner France 2030.

1/ Les initiatives industrielles qui rendent possibles la transition écologique sont nécessaires et nous en avons besoin pour réaliser nos ambitions.

Après la crise sanitaire, qui a réaffirmé l'enjeu crucial de résilience de nos chaînes de valeur, nous connaissons aujourd'hui une crise d'approvisionnement énergétique qui touche toutes les filières en Europe, notamment la chimie. C'est un problème de dépendance aux énergies fossiles. Problème duquel nous sommes partiellement abrités grâce au nucléaire, mais partiellement seulement.

Face à cette situation, dont je mesure l'impact pour la filière, j'ai réuni aux côtés de Barbara Pompili les membres les plus exposés au coût de l'énergie : je tiens à vous affirmer notre engagement pour trouver avec vous les meilleures solutions pour passer ce cap.

Cette situation montre par ailleurs que le choix français d'une transition énergétique équilibrée entre renouvelables et nucléaires est le bon. Nous avons défendu la neutralité technologique dans la transition à Bruxelles et nous continuerons à défendre cette approche, qui sort confortée de la situation actuelle, par rapport à ceux qui ont voulu croire à une sortie du nucléaire en le remplaçant temporairement par du gaz, énergie fossile émettrice de gaz à effet de serre. Il est pour nous fondamental que la capacité des Etats-membres à intervenir pour pallier les insuffisances du marché et pour choisir leur mix énergétique soit reconnue.

Cette situation de crise énergétique illustre également la pertinence des choix que nous avons faits avec France Relance et que nous poursuivons et approfondissons avec France 2030. Ce plan d'investissement ambitionne de préparer l'industrie française aux défis de la prochaine décennie. Et s'il est un défi auquel nous devons nous préparer c'est le défi climatique. Parce qu'il y a urgence à agir pour respecter nos engagements, et parce que le cadre que nous construisons au niveau européen est un cadre où la décarbonation va devenir un enjeu de compétitivité.

France 2030 complète ainsi le paquet climat européen " Fit for 55 ", pour faire de la France un des pays les plus avancés en Europe, avec 5 milliards dédié à la décarbonation du tissu industriel, qu'il s'agisse des grands bassins d'industrie lourde ou des PME.

Avec France 2030, nous consacrerons 4 milliards d'euros pour la décarbonation des secteurs les plus émetteurs : acier, ciment, aluminium, chimie lourde, en visant une réduction de 8Mt/an, soit un tiers de l'objectif que nous devons réaliser en 2030. Nous serons le premier Etat-membre à déployer à cette échelle des outils innovants de soutien pour accompagner les investissements lourds nécessaires pour ces secteurs et les protéger de la volatilité des prix du carbone.

Une des filières clés dans notre stratégie de transformation et d'innovation est l'hydrogène. Je sais pouvoir compter sur la filière chimique française pour jouer son rôle dans cette stratégie, à la fois comme consommatrice d'hydrogène, mais également pour développer les solutions utiles pour maîtriser ce vecteur énergétique décarboné.

Nous n'oublierons pas non plus les territoires. Tirant pleinement partie du succès de France Relance, qui a déjà permis avec 99 projets de réduire de 1.3Mt nos émissions, nous poursuivrons cette action pour tous les projets de notre tissu de PME et d'ETI.

France 2030 porte une ambition : faire de la France une économie verte qui a son destin industriel en main. Comme l'a réaffirmé le Premier Ministre à Saint-Nazaire le 30 août dernier, notre Gouvernement " assume la vocation industrielle de notre pays ". Nous allons donc accélérer la conversion écologique de notre économie et de notre tissu productif. Nous le ferons en améliorant notre empreinte globale et en renforçant notre tissu industriel.

Première filière exportatrice en 2020, la filière chimie a un rôle crucial à jouer. Transformer les procédés de création et de transformation de la matière, c'est la chimie. Permettre un recyclage efficient et propre, passera par la chimie. Créer des énergies durables qui sont produites localement pour assurer notre indépendance, est encore de la chimie.

Ce sont ces objectifs qui ont été récompensés ce soir par le prix Potier. Ce sont ces ambitions qui sont au coeur du plan de relance.

2/ Chimie et résilience : reconquérir notre autonomie stratégique

Réaffirmer notre vocation industrielle c'est aussi tirer pleinement les conséquences de nos pertes de parts de marché ces dernières années et prendre le parti de reconstruire notre souveraineté. C'est pourquoi nous avons soutenu les projets de localisation et de relocalisations d'activités industrielles critiques par le biais d'appels à projets aux niveaux national et territorial, pour une enveloppe totale de 1 milliard d'euros.

Dans ce dispositif, votre filière a été à l'honneur, dans chacune des grandes plateformes : de Tavaux à Fos et du Havre à Chalampé. Car vous jouez un rôle essentiel pour produire les bases pharmaceutiques, les polymères biosourcés, ou les composants des batteries, sur lesquelles nos filières aval doivent pouvoir compter.

Ces projets, c'est aussi de l'innovation. Parmi les sujets prioritaires, il y a notamment la revalorisation des déchets et les biotechnologies industrielles. Autant de domaines dans lesquels la filière chimie à un rôle à jouer et sur lesquels vous avancez vite : j'ai présenté le 8 octobre dernier les principales lignes de la Stratégie d'Accélération " chimie biosourcée " qui a vocation à accompagner cet effort d'innovation. Je ne peux que vous en féliciter et vous inciter à continuer et à vous saisir de tous les instruments que nous mettons à votre disposition.

Avec France 2030, nous allons poursuivre ces efforts, avec un effort spécifique sur les métaux critiques de notre industrie, à hauteur d'un milliard d'euros, et sur le recyclage chimique et plus généralement les polymères de demain, à hauteur de 500M€.

Ce Gouvernement est celui qui s'est le premier doté d'une véritable loi sur l'économie circulaire, marquant notre ambition pour une consommation plus durable des ressources et donnant de la visibilité aux filières pour s'adapter aux nouvelles attentes des consommateurs et mieux protéger les écosystèmes.

Il est crucial de nous adapter à cette nouvelle ambition : nous allons développer et industrialiser des technologies innovantes de recyclage des plastiques, notamment dans le prolongement des innovations financées par le programme d'investissements d'avenir, en vue de favoriser l'incorporation du plastique recyclé dans les produits.

La filière chimie a un rôle tout particulier à jouer dans cette ambition.

3/ Enfin, il n'y aurait pas de sens à préparer 2030 sans miser sur la jeunesse et l'attractivité des métiers dans l'industrie.

Et quel meilleur exemple que le Prix Potier des Lycéens ? Grâce au prix, durant l'année scolaire écoulée, plus de 5000 élèves de toute la France ont découvert et travaillé sur des projets menés dans le secteur de la chimie en faveur du développement durable. Et sans doute ces lycéens et lycéennes ont changé leur regard sur la chimie, et plus largement sur l'industrie : ce que nous faisons au travers de ce prix avec 5000 élèves nous devons le faire plus largement avec tous nos jeunes scolarisés pour que vous soyez totalement parties prenantes de la transformation que nous devons mener. Nous devons aussi vous donner les moyens de réussir.

C'est pourquoi l'insertion économique des jeunes figurait en bonne place dans le plan de relance avec des dispositifs puissants en faveur de l'apprentissage, de l'embauche des jeunes et de la formation dans les secteurs stratégiques. C'est pourquoi France 2030 se donne 2.5Mds€ pour investir dans les compétences et métiers d'avenir et faire en sorte que vous ayez accès à des formations de grande qualité, par exemple avec la création de 1000 chaires de collaborations industrielles à l'horizon de la décennie.

Attirer les jeunes dans l'industrie est un combat qui m'est très cher. Aussi, je veux m'adresser à vous les lycéennes et lycéens présents : l'industrie est un secteur extraordinaire, qui offre des emplois de qualité. C'est un secteur où votre défi est de changer notre manière de produire, un défi essentiel pour notre planète. C'est un secteur où l'on a la fierté de travailler. Construire des transports décarbonés, développer des matériaux innovants et biosourcés, construire une industrie numérique, propre, et sûre, voilà ce que vous pouvez réussir.

Et pour cela, j'ai besoin que vous vous engagiez, comme vous l'avez fait lors du Prix Potier des Lycéens. J'ai besoin que vous en parliez à vos camarades pour leur faire découvrir ce secteur souvent mal connu et mal aimé. Je compte sur vous. Nous allons poursuivre notre effort pour le Mentorat des jeunes mais aussi pour développer les écoles de la deuxième chance et les écoles de production, pour que chacun ait sa chance, et que pour tous les jeunes les carrières dans notre industrie soient une chance, une promesse d'emploi stable, bien rémunéré et de conditions de travail de qualités.

Et j'ai particulièrement besoin des jeunes femmes. Encore aujourd'hui, il y a trop de stéréotypes et trop peu de femmes dans la chimie, et plus généralement dans l'industrie.

Cela commence dès les études, avec seulement 30% des filles se dirigent vers une section scientifique. Et cela empire ensuite, puisque moins de 20 % des élèves intégrant des classes préparatoires de mathématiques, de physique ou de sciences, sont des femmes.

Pour toutes ces raisons, la féminisation de l'industrie est un combat que je mène depuis mon entrée dans le Gouvernement. C'est autant une question de société, car ces métiers sont mieux rémunérés et offrent des perspectives d'évolution qu'une question de compétitivité car nous aurons besoins de tous les talents pour construire l'industrie de demain.

Comme nous l'enseigne Marie Curie, " Nous devons persévérer et surtout avoir confiance en nous-mêmes. Nous devons croire que nous sommes doués pour quelque chose et que nous devons l'atteindre. ". C'est à cette confiance que j'appelle nos jeunes et c'est à cette persévérance que j'appelle la filière chimie, pour construire 2030 ensemble.


Source https://www.francechimie.fr, le 16 novembre 2021