Texte intégral
PATRICK ROGER
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Patrick ROGER.
PATRICK ROGER
Merci d'être avec nous ce matin. Alors est-ce que la France va mieux ou moins bien ? Pouvoir d'achat, niveau de vie, industrialisation, chômage, Covid : on va voir ça de façon très concrète. Alors de Bercy, Bruno LE MAIRE, vous nous dites que ça va mieux, du moins – comme vous l'écrivez dans ce livre que vous publiez, Un éternel soleil, vous nous direz d'ailleurs quand est-ce que vous avez le temps d'écrire puisqu'il y a beaucoup d'auditeurs qui se posent la question – et si la France allait mieux qu'on ne le croit ? C'est ce que vous allez jusqu'à proclamer cela. À partir de quel constat vous pouvez dire ça alors que certains, des associations disent qu'il y a quasiment près de dix millions de pauvres en France.
BRUNO LE MAIRE
Le paradoxe français, c'est que je démarre le livre en racontant l'histoire d'Annie qui était dans ma circonscription, qui était venue me voir quand j'étais jeune député et que j'ai retrouvé un jour sur un rond-point parmi un groupe de Gilets jaunes. Je vois beaucoup de Français dans mes déplacements qui doutent, qui souffrent, qui sont en grandes difficultés, parfois en difficultés financières et donc j'ai conscience que beaucoup de Français aujourd'hui estiment que la France ne va pas dans la bonne direction. Et quand je regarde ensuite les résultats français, que je me déplace à l'étranger, que je parle de la France, tout le monde me dit : " Vous avez des résultats qui sont spectaculaires ! Vous avez un chiffre de croissance qui tire la croissance européenne vers le haut. Vous avez retrouvé le niveau d'activité économique d'avant-crise trois mois plus tôt que prévu et vous avez un niveau de chômage après la crise qui est inférieur à celui d'avant-crise, donc vous êtes dans la bonne direction. Vous investissez " Le président de la République vient d'investir dans le plan France 2030 dans l'hydrogène.
PATRICK ROGER
Oui, on en reparlera.
BRUNO LE MAIRE
On va en reparler. Donc il y a un paradoxe français. Beaucoup de Français qui ressentent des difficultés et, en même temps, une nation qui est en train de relever la tête. Donc l'objectif de ce livre, c'est de dire aux Français : " Oui, il y a encore des difficultés, j'en ai conscience, mais elles ne sont pas insurmontables. Si on est capable de les sérier, de les trier plutôt que d'en faire une montagne comme le font les extrêmes, nous arriverons à les surmonter. "
PATRICK ROGER
Mais trois ans après le mouvement des Gilets jaunes, c'était il y a trois ans tout juste aujourd'hui, est-ce qu'il n'y a pas une France à double vitesse, Bruno LE MAIRE, encore avec ces Français ? Parce que dans l'étude qui a été publiée hier sur le pouvoir d'achat, on voit que les plus aisés, les plus riches et même les classes moyennes ont vu leur pouvoir d'achat augmenter mais en revanche les autres, les plus modestes, est plutôt en diminution.
BRUNO LE MAIRE
Cette étude, elle est très intéressante et vraiment, je voudrais saluer la qualité du travail qui a été fait et je pense que c'est une bonne base justement pour avoir un diagnostic commun sur la situation de la France. Elle montre quatre choses très simples. La première chose, c'est que les gagnants de la politique d'Emmanuel MACRON ce sont les Français qui travaillent, et ça correspond exactement à ce que nous voulions faire depuis 2017 : valoriser et récompenser le travail. La prime d'activité, les suppressions de cotisations sociales, tout ça a permis au cours du quinquennat d'améliorer la vie des gens qui travaillent et c'est au coeur de notre ambition politique. La deuxième leçon, c'est que tous les Français ont vu leur niveau de vie augmenter – ce sont les chiffres qui sont donnés par cette étude – de 396 euros par an en moyenne contre 76 sous François HOLLANDE et une perte de 15 euros sous Nicolas SARKOZY. Donc c'est bien la preuve que quand on dit que le quinquennat d'Emmanuel MACRON a permis d'améliorer globalement le niveau de vie des Français, c'est une réalité. La troisième chose, c'est que…
PATRICK ROGER
Sauf que, je vous interromps une seconde quand même Bruno LE MAIRE, sur ce point. Sauf que les Français, et dans cette étude il n'y a pas les prix qui se sont envolés au niveau de l'énergie etc.
BRUNO LE MAIRE
Vous avez raison, c'est un point très important.
PATRICK ROGER
Et là qui viennent atténuer un petit peu ce que vous dites.
BRUNO LE MAIRE
C'est un point très important. Je rajoute juste deux éléments de cette étude sur les Français les plus modestes – vous m'avez interrogé là-dessus : moi, je regrette des oublis dans cette étude. Elle ne tient pas compte évidemment ni du revenu d'engagement, ni de l'indemnité inflation parce qu'elles viennent d'être mis en fonction. Elle ne tient pas compte du 100% remboursement de soins dentaires et des lunettes et elle ne tient pas compte non plus de la revalorisation des prestations sociales qui a été décidée en 2018. Je pense que c'est de nature à tempérer ce qui est dit sur les Français les plus modestes. Une dernière chose sur laquelle j'insiste parce que je pense que c'est une question majeure de cette étude. Elle montre, chiffres à l'appui, que si nous n'avions pas dépensé de l'argent public pour protéger les salariés et éviter les faillites, la dette publique française aujourd'hui ne serait pas de 115% mais 10 points supplémentaires, de 126%. Ça valide toute la stratégie économique du gouvernement pendant cette crise. C'est moins cher de protéger que de réparer ensuite.
PATRICK ROGER
Oui. Mais sur ce que je vous disais en fait tout à l'heure…
BRUNO LE MAIRE
Alors sur l'inflation…
PATRICK ROGER
Oui, sur l'inflation. Et d'ailleurs, est-ce que vous craignez un retour de l'inflation ?
BRUNO LE MAIRE
Je suis extrêmement vigilant. Je le dis très simplement : je suis très vigilant sur l'augmentation des prix, très vigilant sur le niveau d'inflation. J'en discute régulièrement avec les autres ministres des Finances européens, avec la présidente de la Banque centrale européenne Christine LAGARDE. Notre évaluation, c'est que cette inflation est temporaire, qu'elle est tirée d'abord par la reprise d'activité très forte en Chine, aux Etats-Unis et en Europe, mais elle appelle la plus grande vigilance et elle appelle surtout des mesures de protection. Ce qu'a annoncé le Premier ministre Jean CASTEX sur le gel des prix du gaz ou le plafonnement des prix de l'électricité, c'est absolument majeur. Je rappelle que s'il n'y avait pas de plafonnement des prix de l'électricité à 4% d'ici le 1er janvier, nous serions exposés à une augmentation de 15%.
PATRICK ROGER
Ce qui veut dire qu'il y aurait de l'inflation. Qu'il y a des ferments de l'inflation en France…
BRUNO LE MAIRE
Ce qui veut dire que l'augmentation des prix de l'énergie est un des facteurs-clés de l'augmentation globale des prix et du sentiment qu'ont beaucoup de Français que ça peut être difficile dans les mois qui viennent et je crois que notre responsabilité à nous, gouvernement, c'est de protéger les Français contre cette augmentation des prix, notamment les prix de l'énergie. Le Premier ministre l'a fait en prenant des mesures très fortes et moi, je me bats de mon côté pour qu'on réforme le marché européen de l'énergie, pour que le prix de l'électricité payé en France ne dépende pas du prix du gaz. Nous, on ne l'utilise pas le gaz, ou très peu. Donc franchement, c'est injuste et d'un point de vue environnemental, ce n'est pas très cohérent, que notre prix de l'électricité produit par des centrales nucléaires dépende du prix du gaz importé de Russie.
PATRICK ROGER
On va parler dans un instant aussi justement des énergies nouvelles, l'hydrogène et l'électricité notamment. D'un point, puisque là vous avez évoqué cette montée globale du niveau de vie pour des Français, est-ce que dans le même temps il y a eu quand même un échec du fameux ruissellement ?
BRUNO LE MAIRE
Il y aurait eu un échec si j'y avais cru. Je crois avoir dit très clairement – je crois que c'était en réponse à une remarque de Jean-Luc MELENCHON au tout début du quinquennat – que je ne croyais pas à la théorie du ruissellement. Je n'y ai jamais cru. Ce n'est pas parce que certains se portent très bien que d'autres vont se porter mieux. Il faut s'occuper de tous les Français sans exception.
PATRICK ROGER
Ça, vous l'avez dit à Emmanuel MACRON ?
BRUNO LE MAIRE
Sans exception et je pense que le président de la République n'a lui-même jamais cru à cette théorie du ruissellement. Quand on augmente les minima sociaux, quand on augmente la prime d'activité pour ceux qui travaillent, quand on baisse les cotisations sociales, quand on fait en sorte que les heures supplémentaires soient défiscalisées, quand on fait en sorte dans la restauration pour rendre les métiers plus attractifs que les pourboires soient défiscalisés, qu'est-ce qu'on fait ? On s'occupe des Français directement, on n'attend pas que ça ruisselle. On s'occupe de chaque Français, en particulier ceux qui travaillent, pour qu'ils puissent vivre dignement de leur activité.
PATRICK ROGER
Bon. Ç'avait été une erreur de mettre ça en évidence lors du début du quinquennat alors, la politique du ruissellement.
BRUNO LE MAIRE
Moi, je n'ai pas entendu de ministre, de membre du gouvernement - à ma connaissance, je peux me tromper - parler de ruissellement. En tout cas à la tribune de l'Assemblée nationale, dès le début du quinquennat, j'ai vraiment marqué très clairement que je ne croyais pas à cette théorie et que toute notre politique - c'est ce que nous avons fait depuis près de cinq ans avec le président de la République - consistait à s'occuper de chaque Français. Vous voyez, quand on met en place le revenu d'engagement, on est critiqué par certains qui nous disent : " C'est de l'assistanat ", mais pas du tout ! C'est tendre la main à des jeunes qui sont très éloignés du marché du travail, qui n'ont pas de qualification, pas de formation, certains qui sont parfois un peu paumés, qui ont perdu leurs repères. On va s'occuper d'eux, on va les chercher et on les accompagne vers le travail Ce n'est pas du ruissellement, c'est du volontarisme.
PATRICK ROGER
Oui. Donc les riches ont plus gagné. Les dividendes explosent actuellement, pas les salaires. Est-ce qu'il faudrait une augmentation, des augmentations des salaires ?
BRUNO LE MAIRE
Il faut des augmentations de salaires dans les secteurs où il y a des tensions sur le recrutement. J'en ai parlé encore hier avec mes amis de la restauration, de l'hôtellerie. C'est un secteur qui a été bien protégé pendant la crise, qui est essentiel à notre culture et je dirais essentiel à notre bonheur commun. On voit bien qu'il a du mal à recruter. Il faut rendre ces métiers plus attractifs. On ne peut pas se retrouver avec des dizaines de milliers d'emplois qui ne sont pas pourvus dans les restaurants, dans les bars, dans les hôtels. Et pour rendre ces métiers plus attractifs, il y a deux choses qui sont très importantes à mes yeux. La première, c'est le niveau de rémunération. Ils sont en négociations et j'espère que ces négociations dans le secteur de l'hôtellerie-restauration se concluront par des augmentations significatives de salaires. L'autre point très important, c'est offrir des perspectives de carrière. Un gamin qui commence dans la restauration qui va être serveur, il faut pouvoir lui dire : d'ici trois ans ou quatre ans, tu vas évoluer. On a tous envie d'évoluer dans la vie, il n'y a pas de raison que ce ne soit pas le cas aussi dans…
PATRICK ROGER
Il faut encourager toutes les branches à cette augmentation en fait des salaires.
BRUNO LE MAIRE
Pas toutes les branches, je suis très clair. Uniquement les secteurs dans lesquels il y a des tensions de recrutement, des tensions de main-d'oeuvre. Je sais très bien – hier, je ne répondais à une question de Fabien ROUSSEL qui est le candidat communiste à la présidence de la République. Il dit : " Il faut augmenter tous les salaires massivement ", mais on a fait ça dans le passé. Salaires très généraux sur le papier…
PATRICK ROGER
Oui, mais il y a des dividendes qui explosent d'un côté, il y a les plus riches qui gagnent…
BRUNO LE MAIRE
Mais qu'est-ce qui se passe ensuite, Patrick ROGER ?
PATRICK ROGER
Regardez Jean-Luc MELENCHON, il dit : " Emmanuel MACRON reste le président des riches ", donc vous serez le ministre des riches alors, des plus riches.
BRUNO LE MAIRE
Emmanuel MACRON est le président de tous les Français. Mais notre politique a consisté à valoriser le travail et l'étude qui vient de sortir montre qu'effectivement, les gagnants de ce quinquennat sont les Français qui travaillent. C'est une façon d'orienter le pays vers ce qui est bon pour lui, c'est-à-dire que l'ensemble des Français puissent travailler davantage pour que nos enfants et nos petits-enfants aient un meilleur niveau de vie que le nôtre. Moi je crois profondément à cette politique, je pense qu'elle est juste et je pense qu'elle est efficace.
PATRICK ROGER
Bon alors, vous défendez votre bilan avant les perspectives et la suite. Vous en voulez alors aux déclinistes ? Parce que vous, vous êtes un optimiste. Je pense en fait à Marine LE PEN, à Eric ZEMMOUR et même à votre famille LR. Votre ancienne famille.
BRUNO LE MAIRE
Je suis plus volontariste qu'optimiste. Je ne suis pas un optimiste béat. Une fois encore, je vois les difficultés des Français tous les jours dans ma circonscription, je le vois dans mes déplacements mais je crois profondément dans l'avenir de mon pays. Et ce que je reproche aux déclinistes, à ceux qui insistent toujours sur ce qui va mal, sur ce qui est difficile, c'est que dans le fond j'ai le sentiment qu'ils ne croient pas dans la France et qu'ils ne sont pas les héritiers de cette France qui a plusieurs siècles d'histoire derrière elle, qui a traversé des moments difficiles, qui s'est toujours relevée et qui a toujours su inventer son avenir. La responsabilité de la politique, ça n'est pas d'encenser le passé, c'est d'inventer l'avenir. C'est de construire un avenir commun.
PATRICK ROGER
Oui, mais c'est aussi de faire des constats, de dire qu'il y a des choses qui ne vont pas, non ?
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr.
PATRICK ROGER
Ils peuvent le faire, il y a des choses qui ne vont pas.
BRUNO LE MAIRE
Il ne faut pas non plus qu'à partir d'une difficulté qui doit être réglée, on puisse en déduire que toute la nation française est foutue parce que c'est ça que font les déclinistes. Ils prennent une difficulté, ils mettent une loupe grossissante au-dessus de cette difficulté et ils en font le résumé de la situation française.
PATRICK ROGER
Oui, mais attendez, Bruno LE MAIRE, en même temps, ce sont peut-être des lanceurs d'alerte, souvenez-vous, il y a quelques années, vous qui connaissez bien l'économie, certains disaient : il nous faut un pays sans usines, aujourd'hui, vous prônez en fait l'inverse, il fallait arrêter le nucléaire, aujourd'hui, vous prônez l'inverse, comme quoi, il y a besoin parfois d'alertes, non ?
BRUNO LE MAIRE
Je suis tout à fait d'accord, sauf que l'alerte sur le nucléaire, moi-même, je l'ai lancée il y a plusieurs années, j'ai toujours considéré que le nucléaire était un atout français, qu'il fallait le développer, je constate que le seul président de la République depuis des années qui ait eu le courage d'annoncer l'ouverture de nouvelles centrales nucléaires s'appelle Emmanuel MACRON, donc tout ça est bien l'idée d'un pays qui est porté…
PATRICK ROGER
Même si c'est lui qui a confirmé aussi la fermeture de Fessenheim ?
BRUNO LE MAIRE
C'est l'idée d'un pays qui invente son avenir plutôt que d'avoir toujours le regard dans le rétroviseur ; vous savez, j'aime l'histoire, j'aime la mémoire française, j'aime des grandes figures de l'histoire française, mais j'essaye d'en tirer de la force pour inventer avec les Français un avenir commun, ce que font les déclinistes, c'est l'inverse, c'est de fantasmer un passé qui très souvent n'a existé que dans leurs rêves, pour fermer les portes de l'avenir aux Français. C'est l'inverse de ce qu'on demande à un responsable politique…
PATRICK ROGER
Eh bien, oui, mais alors pourquoi les Français, dans les intentions de vote sont aussi hauts alors justement derrière ces personnes…
BRUNO LE MAIRE
Parce que je crois qu'il y a eu effectivement des erreurs qui ont été faites, qu'il faut les corriger, et que quand on fait une erreur, ça prend peu de temps, la corriger prend beaucoup plus de temps, ce que vous dites sur les usines est très juste, il y a eu un discours dont nous avons tous été complices…
PATRICK ROGER
Ce n'est pas si vieux, il y a une quinzaine d'années…
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas si vieux, il y a une quinzaine d'années, qui consistait à dire : mais dans le fond, l'industrie, c'est dépassé, c'est une des erreurs économiques les plus graves qui était commise en France au cours du dernier siècle, faire croire aux Français qu'on pouvait avoir une grande nation sans industrie, c'est un mensonge, c'est une faute politique, et c'est une erreur économique, pour rattraper cette erreur, qui nous a amené de 20% de part de l'industrie, notre PNB, à un peu plus de 10%, ça demande un travail colossal, que nous avons engagé à partir de 2017 avec le président de la République, en baissant les impôts sur les industries, en formant, en qualifiant, en ouvrant de nouvelles centrales nucléaires, en proposant ce plan France 2030, pour ouvrir de nouvelles filières industrielles, mais soyons honnêtes avec les Français, ça prendra 10 ans pour retrouver nos capacités industrielles telles que nous les avons connues il y a quelques décennies.
PATRICK ROGER
10 ans, c'est court finalement si vous y arrivez, chapeau, quoi, c'est ce que disent en fait certains…
BRUNO LE MAIRE
Je pense, je pense que nous pouvons…
PATRICK ROGER
Compte tenu de la concurrence internationale…
BRUNO LE MAIRE
Je pense que nous pouvons, en 10 ans, retrouver une part de l'industrie de notre PNB très significativement supérieure aux 10 ou 11% que nous avons aujourd'hui.
PATRICK ROGER
Oui, alors, ça, c'est ce fameux plan de relance France 2030, il y a un secteur qui est – enfin, il y en a beaucoup, mais – qui est particulièrement touché c'est la filière automobile aussi, et dans ce plan de relance, par exemple, les TPE, PME des services de l'automobile, ça représente plus de 500.000 emplois en France, ne sont pas vraiment pris en compte dans tout le travail de transformation écologique, sociale, qui est à l'oeuvre. Est-ce que vous comptez ouvrir des aides par exemple à l'ensemble des sous-traitants ?
BRUNO LE MAIRE
Alors, d'abord, c'est un excellent exemple, l'industrie automobile, parce que c'est l'industrie qui est confrontée à la révolution technologique qui est la plus importante, on passe du véhicule thermique, un siècle de véhicules thermiques, au véhicule électrique, donc il faut changer toutes les chaînes de production, ce n'est pas les mêmes moteurs, ce n'est pas les mêmes fabrications, ce n'est pas les mêmes technologies, il y a des sous-traitants que vous citez qui effectivement vont être en difficulté, parce qu'il y a moins de commandes, je pense en particulier aux fonderies, le plan sur lequel nous travaillons et sur lequel le président République s'exprimera d'ici quelques semaines vise justement à soutenir tout le monde, des grands donneurs d'ordres, STELLANTIS et RENAULT, jusqu'aux petites PME…
PATRICK ROGER
Donc ils ne sont pas oubliés…
BRUNO LE MAIRE
Au contraire, la priorité, ce sont les PME, la priorité ce sont les sous-traitants, les grands donneurs d'ordre, ils ont les reins suffisamment solides pour avoir des stratégies à 10 ans, mais chaque entreprise industrielle sous-traitante fait l'objet de la plus grande attention du gouvernement. Il y a certaines entreprises qu'il faut réinventer, parce que les commandes ne sont suffisantes, elles n'y survivront pas telles qu'elles sont, il y en a d'autres sur lesquelles nous nous battons pour qu'elles restent ouvertes à tout prix, chacune des entreprises fait l'objet au ministère de l'Economie et des finances avec Agnès PANNIER-RUNACHER, qui est la ministre déléguée à l'Industrie, qui fait un travail remarquable sur ce sujet-là, avec les services du CIRI, d'un accompagnement personnalisé.
PATRICK ROGER
L'hydrogène fait partie, parce que vous avez parlé de l'électrique, mais l'hydrogène ça fait partie également des plans d'avenir…
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr.
PATRICK ROGER
1,9 milliard hier de mis sur la table à Béziers.
BRUNO LE MAIRE
L'objectif c'est quoi ? c'est, il va y avoir des entreprises et des usines qui vont devoir fermer parce qu'il y aura moins de commandes, parce qu'elles appartiennent au monde du véhicule thermique, mais nous voulons plus que compenser cela par l'ouverture de nouvelles usines, une gigafactory de batteries électriques à Douvrin dans le Nord, plus de 1000 emplois pour PSA, cinq gigafactory d'hydrogène, des milliers d'emplois, c'est ce qu'a annoncé le président de la République hier, en investissant au total 9 milliards d'euros sur la filière hydrogène, pour être demain l'une des grandes nations productrice d'hydrogène vert, on a un atout clé, que chacun doit bien comprendre, c'est le nucléaire. Une factory qui fait, une fabrique, qui fait de l'hydrogène, avec de l'électrolyse, consomme énormément d'électricité, si cette électricité est carbonée, eh bien votre hydrogène il n'est pas très vert, nous on a une chance, on a nos centrales nucléaires, donc on a de l'électricité décarbonée pour faire tourner ces gigafactory de production d'hydrogène et être un des premiers pays producteur au monde d'hydrogène vert, c'est aussi des milliers d'emplois à la clé, c'est cette transition qu'il faut arriver à accomplir et à accompagner.
PATRICK ROGER
Et ce monde des TPE et des PME peut s'adapter peut s'adapter, parce que les Allemands sont déjà en route, vous connaissez bien l'Allemagne.
BRUNO LE MAIRE
C'est parfois les projets des TPE et des PME. McPHY, qui fait justement de l'électrolyse à Belfort, c'est une PME, ce n'est pas une gigantesque entreprise…c'est une PME.
PATRICK ROGER
Un mot de la pression fiscale, puisqu'on parle des entreprises, elle se desserre, elles ont bénéficié, les entreprises, de 25 milliards à peu près de baisse de prélèvements, mais les impôts de production restent quand même encore plus élevés en France.
BRUNO LE MAIRE
Ils restent plus élevés, mais nous les avons baissés, nous sommes la première majorité à avoir baissé ces impôts.
PATRICK ROGER
Oui, je viens de le dire, d'accord, mais est-ce que vous allez plus loin ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il y a un point qui est très important pour la reconquête industrielle, c'est la visibilité fiscale, c'est important pour les ménages, c'est important pour les entreprises. J'ai dit en 2017 nous vous ramènerons l'impôt sur les sociétés à 25% pour toutes les entreprises et 15% pour les PME, promesse tenue. J'avais dit en 2017 nous baisserons les impôts de production, ils sont sept fois plus élevés qu'en Allemagne, promesse tenue, 10 milliards d'euros de baisse. J'avais indiqué que nous baisserions les cotisations patronales, promesse tenue. Donc, toutes les promesses que nous avons faites aux entreprises, pour leur permettre de mieux réussir et de réussir dans la compétition mondiale, elles ont été tenues. Quand on voit le chiffre de croissance aujourd'hui de la France, ça ne s'explique pas uniquement par la relance, par la protection, ça s'explique aussi par les décisions structurelles que nous avons prises en début de mandat.
PATRICK ROGER
Oui, promesse de réforme des retraites, promesse…
BRUNO LE MAIRE
Et je confirme que cet impôt de production il reste plus élevé qu'en Allemagne, moi je suis tout à fait ouvert à des baisses supplémentaires d'impôt de production dans les années qui viennent.
PATRICK ROGER
D'un mot, puisque vous parlez des promesses, promesse non tenue, celle de la réforme des retraites.
BRUNO LE MAIRE
Oui, ça fait partie des regrets dont je parle dans mon livre, je pense que…
PATRICK ROGER
Oui, oui, vous l'évoquez.
BRUNO LE MAIRE
On a un devoir d'honnêteté vis-à-vis des Français, l'honnêteté c'est reconnaître leurs difficultés, c'est reconnaître ce que nous avons réussi et ce sur quoi, aussi, nous n'avons pas réussi, c'est comme ça, je pense, qu'on gagne la confiance du peuple français, en faisant preuve d'honnêteté, y compris dans le bilan de ce que nous avons fait.
PATRICK ROGER
A propos des plans d'investissement, évidemment ils sont entérinés en ce moment entre le Sénat et l'Assemblée nationale, certains disent que c'est un peu le budget du Père Noël, qu'est-ce que vous leur répondez ? Ce sont notamment aussi vos amis, ou anciens amis LR.
BRUNO LE MAIRE
Non, c'est le budget du futur, le budget qui permet de construire le futur de la France. Mais les LR nous ont très vertement critiqués…
PATRICK ROGER
Ils disent c'est un budget électoraliste, parce qu'évidemment…
BRUNO LE MAIRE
Oui, très bien, qu'ils nous disent dans ce cas-là à quoi est-ce qu'ils veulent renoncer, c'est-à-dire qu'ils viennent expliquer clairement aux Français, parce que vous savez un débat, c'est un débat très concret, on met de l'argent sur la police, ils veulent retirer l'argent pour le Beauvau de la sécurité porté par Gérald DARMANIN. Nous mettons beaucoup d'argent sur la justice, ils veulent retirer l'argent nécessaire pour que la justice aille plus vite. Nous mettons effectivement 34 milliards d'euros dans un plan d'investissement sur l'hydrogène, la réindustrialisation du pays, s'ils ne veulent pas investir dans l'avenir du pays, qu'ils nous le disent, mais c'est les mêmes, Patrick ROGER, qui nous ont dit qu'on avait cramé la caisse, or…
PATRICK ROGER
Avec le ?quoi qu'il en coûte?.
BRUNO LE MAIRE
Or l'étude qui vient de sortir montre que, au contraire, nous avons protégé la caisse des Français, parce que si nous n'avions pas dépensé cet argent public nous aurions eu des centaines de milliers de chômeurs, des dizaines de milliers de faillites d'entreprises, et l'étude qui vient de sortir montre très clairement que dans ce cas-là, la dette publique aurait explosé. Donc l'argent que nous avons mis sur la table c'est un investissement.
PATRICK ROGER
Cela dit, il n'y a pas eu la même dépense d'argent par exemple en Espagne ou en Allemagne et il n'y a pas eu des faillites en cascade.
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais rappelez-moi le taux de croissance de l'Allemagne en 2021.
PATRICK ROGER
Oui. Alors à propos du Covid…
BRUNO LE MAIRE
Moitié moins que celui de la France.
PATRICK ROGER
A propos du Covid, hausse de cas positifs et en ce moment. On voit des mesures chez nos voisins européens, par exemple des mesures de confinement aux Pays-Bas, même couvre-feu. Est-ce que la France pourrait prendre de telles mesures ? Ç'a été écarté pour l'instant mais tout de même.
BRUNO LE MAIRE
Nous devons tout faire pour éviter de nous retrouver dans la situation où nous étions l'année dernière. Je le dis vraiment de la manière la plus personnelle possible. Quand vous êtes ministre de l'Economie, vous n'avez qu'une envie : c'est que les commerçants puissent ouvrir leurs magasins, que les grands magasins puissent accueillir les Françaises et les Français à Noël pour qu'ils achètent leurs cadeaux de Noël, que les restaurants puissent être pleins pendant les périodes de fêtes, que les hôtels puissent accueillir des réservations. Moi, j'ai envie que ça tourne pour les Français et j'ai envie que ça marche pour les Français.
PATRICK ROGER
Donc il n'y aura pas de reconfinement.
BRUNO LE MAIRE
Mais non, mais j'ai connu ces moments où vous êtes obligé de rassembler tous les secteurs dont je viens de parler, leur dire : voilà, la situation sanitaire est tellement dramatique, qu'on est obligé de fermer. Je ne veux pas revivre ça, et aucun Français ne veut revivre ça.
PATRICK ROGER
Donc vous prenez l'engagement qu'il n'y aura pas de reconfinement.
BRUNO LE MAIRE
Non, je demande à chaque Français, avec beaucoup de gravité, de prendre conscience que pour lui-même, pour ses proches, pour tous les personnels soignants qui sont épuisés, pour notre économie, pour le restaurateur du coin chez lequel il a l'habitude d'aller, il faut prendre ses responsabilités, respecter les gestes barrières et se faire vacciner, c'est la meilleure protection.
PATRICK ROGER
Ce qui veut dire que vous n'écartez pas effectivement l'hypothèse d'un reconfinement, alors, s'il y avait de nouveau des tensions…
BRUNO LE MAIRE
Mais je ne suis pas ministre de la Santé…
PATRICK ROGER
Ah non, mais vous êtes ministre de l'Economie !
BRUNO LE MAIRE
Non non, mais ce n'est pas moi qui prends ces décisions, ce n'est pas ma responsabilité, ma responsabilité comme n'importe quel citoyen, c'est de dire : ne revivons pas les heures difficiles du confinement. Prenons nos responsabilités, ça nous permettra d'éviter d'avoir à prendre des mesures dures, dont personne ne veut. Mais cette responsabilité-là est entre les mains de chacun d'entre nous. Ce n'est pas le gouvernement, c'est chacun d'entre nous qui doit se faire vacciner, qui doit respecter les gestes barrières, qui doit pratiquer cette distanciation qui permet de nous protéger contre le virus.
PATRICK ROGER
Oui, et on est à un moment critique là, charnière, peut-être, en ce moment ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien ça repart. Oui, c'est maintenant que ça se joue, parce qu'on sait bien que c'est au jour, le jour, que l'on améliore ou on détériore la situation sanitaire.
PATRICK ROGER
Parce qu'on ne pourra pas relancer le quoi qu'il en coûte, que vous avez évoqué tout à l'heure.
BRUNO LE MAIRE
Mais nous n'en sommes pas là du tout, c'est précisément ce que je veux éviter. L'économie française redémarre, elle redémarre vite, elle redémarre fort, on voit bien que les chiffres sont bons, que les chiffres de l'emploi qui sont pour moi les plus importants sont bons, que, je le dis à tous ceux qui ne croient pas dans l'avenir de la France, nous sommes en train de sortir d'une période de chômage de masse, et nous avons la possibilité de parvenir pour la première fois depuis un demi-siècle au plein emploi, ce qui paraissait totalement impossible en France, est désormais une vraie possibilité, donc…
PATRICK ROGER
Même s'il y a quand même 6 millions de personnes, si l'on prend en fait l'ensemble des catégories, qui sont à Pôle emploi ou au chômage partiel.
BRUNO LE MAIRE
Moi je prends, bien sûr, on peut discuter à chaque fois des chiffres, je regarde juste la tendance, nous avons créé un million d'emplois sur la durée du quinquennat, 500 000 au cours de la dernière année, le plein emploi qui paraissait un objectif totalement hors de portée de la France depuis un demi-siècle, devient à nouveau possible. Donc, faisons vraiment en sorte que ça devienne possible, si ça ne l''est pas pour nous, au moins pour nos enfants.
PATRICK ROGER
Encore deux petites questions. Sur les LR qui sont actuellement en train de débattre jusque début novembre, début décembre, est-ce que vous trouvez vous aussi qu'ils se sont radicalisés, les LR ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas porter de jugement sur les débats des Républicains. Vous avez des candidats qui sont respectables. Ce qui me frappe, c'est qu'un certain nombre de grands enjeux qui concernent directement les Français sont à peine effleurés. Je pense à la place que prennent les géants du numérique et la régulation indispensable des géants du numérique. Je pense aux conditions climatiques, très peu de propos là-dessus alors que c'est une priorité absolue, donc je regrette que le débat ne soit pas un peu plus vaste. Je pense qu'il mériterait d'avoir une focale un peu plus large.
PATRICK ROGER
Oui. Tout à l'heure avec Elisabeth LEVY, on a évoqué un rapport sur l'immigration et le coût des migrants de 10 milliards pour la France.
BRUNO LE MAIRE
Je ne peux pas confirmer ce coût. Là aussi, je pense que la meilleure façon d'apaiser le débat politique, et en même temps d'élever le débat politique, c'est de prendre les sujets avec le plus de sérieux possible, en distinguant les cas. Ce n'est pas la même chose d'être un migrant en situation illégale qui coûte à la France et, à partir du moment où il est en situation illégale qui doit quitter le territoire français, ou d'être un migrant en situation légal qu'est accueilli légalement sur le territoire, qui cotise à la Sécurité sociale parce qu'il travaille et dont le coût, par définition, sera moindre. Donc essayons plutôt que de faire des généralités de traiter des sujets avec le plus de précision possible.
PATRICK ROGER
Quand est-ce que vous avez le temps d'écrire pour votre livre Un éternel soleil ? Vous l'avez écrit quand ?
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas mon premier livre donc on ne va pas être surpris. Je fais toujours la même réponse, c'est-à-dire tôt le matin et en utilisant mes congés. Chacun fait ce qu'il veut de ses congés et il se trouve que moi, pendant mes congés, notamment mes congés d'été, j'écris. J'ai écrit ce livre. Je ne vois pas pourquoi on reprocherait à un ministre d'utiliser ses congés pour écrire et faire part de ses convictions.
PATRICK ROGER
Merci Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Merci Patrick ROGER.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 novembre 2021