Texte intégral
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie.
Je centrerai mon propos sur France 2030 et sur le programme d'investissements d'avenir, mais je reviendrai aussi sur la politique économique que nous avons menée depuis quatre ans, car les propos que nous venons d'entendre appellent quelques réponses précises et rigoureuses.
Pendant plusieurs décennies, tous les gouvernements ont négligé l'industrie française, en la laissant s'affaiblir et délocaliser ses productions. Ces dizaines d'années de capitulation industrielle ont conduit la France à vider des territoires entiers de leurs richesses, à détruire massivement des emplois, à perdre sa souveraineté dans des secteurs clés comme la santé ou l'électronique.
Afin de rompre avec ce déclin, le Président de la République a déployé une stratégie volontariste et déterminée pour la réindustrialisation de la France et la localisation en France d'industries nouvelles et performantes. Nous n'avons pas peur de le dire, le Gouvernement assume la vocation industrielle de la France : c'est un enjeu de puissance économique et d'autonomie stratégique, mais c'est également une vision politique. L'industrie est la colonne vertébrale de notre économie : elle ne prend pas toute la place, mais elle assure la cohésion de notre tissu économique. Ainsi, 70% des emplois industriels se situent dans des villes de moins de 20 000 habitants, en zone rurale et périphérique, dans des territoires parfois abandonnés.
L'industrie crée de la richesse dans ces territoires, et offre des emplois attractifs, avec proportionnellement trois fois moins de salariés payés au SMIC que dans l'ensemble du secteur privé.
L'industrie, c'est également 20% des émissions de gaz à effet de serre, mais 100 % des solutions pour décarboner nos activités – car c'est bien l'industrie qui mettra au point les réponses décarbonées dans les domaines de la mobilité, de la construction, de l'agriculture, des solutions qui pourront être accessibles à des millions, voire des milliards de citoyens français et étrangers.
La stratégie du Président de la République a d'abord visé à rendre son attractivité au site France. Il était temps ! Cela passe par la baisse de la fiscalité, afin de retrouver un niveau de prélèvements obligatoires proche de celui de nos concurrents européens : c'est pourquoi nous avons diminué l'impôt sur les sociétés, la fiscalité du capital et les impôts de production – pour ces derniers, la baisse atteint 10 milliards. C'est inédit. Cela passe également par les ordonnances travail, qui ont permis de créer des centaines de milliers d'emplois et de recréer de l'emploi industriel. Cela passe enfin par l'action menée par le Gouvernement pour simplifier les procédures administratives, grâce à la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC), à la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), et à la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP). (Mme Anne-Laure Blin, rapporteure pour avis, proteste.)
Cette stratégie repose également sur des investissements dans l'innovation, comme en témoignent la loi de programmation de la recherche ou le quatrième plan d'investissements d'avenir. Le PIA, vous le savez, a été engagé il y a plus de dix ans ; il a traversé plusieurs législatures et s'est révélé un outil pertinent pour soutenir le cycle de vie de l'innovation, depuis l'émergence d'une idée jusqu'à la diffusion d'un produit ou d'un service nouveau. Les électrolyseurs de la société McPhy, qui devrait démarrer dans les mois prochains la construction de sa première gigafactory à Belfort, ou encore le développement des usines d'éoliennes offshore à Saint-Nazaire et à Cherbourg, ont fait partie des paris technologiques soutenus par le PIA ; les résultats, ce sont des centaines d'emplois qualifiés qui contribuent à notre transition écologique.
Ces avancées ont été permises par un soutien massif et structurant à notre écosystème d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation, dont l'impact est démontré par notre progression dans le classement de Shanghai ou par notre place gagnée, au cours des dernières années, en tête du capital-risque européen.
Je rappelle ici que plus de cinquante start-up du programme French Tech 120 ont été accompagnées par les investissements d'avenir ; une vingtaine d'entre elles font partie du Next 40.
C'est pour ces raisons que le Gouvernement a lancé l'an dernier un quatrième volet du PIA, doté de 20 milliards d'euros. La logique en était double : d'une part, poursuivre et approfondir le soutien aux écosystèmes d'innovation ; d'autre part, et cette vision d'un État stratège est nouvelle, élaborer un volet dirigé vers les marchés clés de demain, la 5G, les batteries électriques ou encore l'alimentation durable et les systèmes agricoles du futur, pour lesquels j'ai annoncé vendredi dernier, en compagnie de Julien Denormandie et Frédérique Vidal, un accompagnement de 880 millions d'euros.
Et ces politiques ont porté leurs fruits : des centaines de milliers d'emplois ont été créés dans tous les secteurs, notamment dans l'industrie. La France est devenue le pays le plus attractif pour l'investissement industriel en Europe, avec 624 projets de relocalisation.
Enfin, nous rompons avec trente années de capitulation industrielle. Les faits sont têtus.
Il était temps.
La période si particulière que nous venons de vivre nous a montré que nous pouvions être beaucoup plus ambitieux : le rythme de l'innovation et de son transfert vers l'industrie s'accélère dans des proportions inouïes, sous l'effet des révolutions numérique et environnementale à l'oeuvre dans le monde. Disposer d'une industrie forte et compétitive, ancrée dans nos territoires, ce qui a été la politique du Président de la République depuis plus de quatre ans, est assurément la clé pour rester maîtres de notre destin.
France 2030 fixe une ambition forte : préparer la France de demain en accélérant l'investissement dans les secteurs industriels d'avenir et en accompagnant la mutation de tout notre tissu productif. C'est la condition sine qua non pour préserver notre modèle social et atteindre demain le plein emploi.
Ce plan est inédit à plus d'un titre : par l'importance des moyens financiers que le Gouvernement vous propose d'adopter ce matin ; par son rapport au risque comme condition essentielle de sa réussite ; par son mode d'élaboration, puisqu'il est issu d'un travail collectif associant étudiants, chercheurs, universitaires, responsables d'organisations professionnelles, syndicats, entrepreneurs, filières, investisseurs, parlementaires et administrations. N'oublions pas que ce plan s'appuie sur plus d'un an de concertations autour du pacte productif, et qu'il a fait l'objet de très nombreuses consultations publiques ces trois derniers mois.
Il ne s'agit pas d'être leaders partout, mais de choisir des priorités – décarboner, mieux se soigner, mieux manger, mieux se déplacer – et de concentrer sur celles-ci des moyens d'une ampleur inédite, avec deux objectifs centraux : être capables de prendre des risques pour financer des innovations de rupture ; être particulièrement attentifs à rendre ces soutiens accessibles à des acteurs émergents, start-up, PME et ETI porteuses de véritables innovations. Nous accompagnons ces petites entreprises, mais elles ont vocation à devenir les grands groupes de 2030 et 2040.
Prenez une entreprise comme Metex, soutenue par l'État depuis sa création en 1999 ; elle a crû et racheté à Amiens une filiale d'une multinationale japonaise industrielle afin de la redynamiser et de la transformer en pionnière de la chimie verte. Voilà le résultat que nous souhaitons démultiplier et accélérer avec France 2030.
Dans le cadre de France 2030, dix objectifs ont été fixés. Précis, ils témoignent d'une vision d'État stratège qui a longtemps manqué à la France. Il s'agit d'abord de développer les énergies propres et la transition vers une économie décarbonée, dans une logique de complémentarité entre les technologies bas carbone – le nucléaire, avec 1 milliard d'euros, l'hydrogène vert et les énergies renouvelables, avec 2,3 milliards – et la décarbonation de notre industrie, avec 5 milliards. Un deuxième ensemble d'objectifs a trait à l'accompagnement du verdissement de secteurs essentiels, comme l'industrie automobile – nous espérons produire en France, à l'horizon 2030, près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides, grâce à un soutien public de 2,6 milliards d'euros. France 2030 investira par ailleurs 1,2 milliard dans la production de l'avion bas carbone.
Un troisième ensemble d'objectifs concernent l'accompagnement des filières alimentaire et agroalimentaire, pour une alimentation saine, durable et traçable, pour 1,5 milliard.
Nous voulons également retrouver notre position de leader dans certains secteurs. Je pense à la production de contenus culturels et créatifs, avec 600 millions d'euros.
Le plan France 2030 intègre également les efforts publics déjà annoncés par le Président de la République en matière de santé : 3 milliards d'euros seront investis pour produire vingt biomédicaments d'ici à 2030, en particulier contre le cancer.
Enfin, nous voulons ouvrir de nouvelles frontières : 1,5 milliard d'euros permettront à la France de prendre toute sa part dans la nouvelle aventure spatiale, et 300 millions permettront d'investir le champ des fonds marins.
Pour atteindre ces dix objectifs, France 2030 doit aussi investir pour créer les conditions du succès : sécuriser l'accès aux matières premières critiques pour les nouvelles technologies que nous développons ; déployer des solutions nationales en matière de numérique et de machines intelligentes, qui seront au coeur des productions à lancer pour rester durablement compétitifs ; former les femmes et les hommes qui seront indispensables au développement de ces nouvelles filières industrielles.
Ce plan est sans surprise doté d'un budget sans précédent : 30 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 4 milliards d'euros de fonds propres. Ces investissements doivent aboutir à une augmentation de la croissance potentielle, de la richesse créée sur nos territoires et des emplois en France.
Pour y arriver, nous avons choisi trois principes simples : excellence, sélectivité et transparence. Nous assumons également notre soutien marqué à l'industrialisation des innovations, et pas seulement aux innovations elles-mêmes, comme l'amendement no 2389 qui vous est soumis le traduit bien.
Pour assurer la cohérence de cette démarche avec celle du programme d'investissements d'avenir, une gouvernance unifiée nous a paru nécessaire ; nous proposerons également de regrouper les crédits au sein de la même mission budgétaire. Cela facilitera en outre votre travail de suivi.
Pour investir sur le long terme, la visibilité est nécessaire. C'est pourquoi il est proposé que l'intégralité des autorisations d'engagement de France 2030 soient inscrites dès cette loi de finances initiale pour 2022. Il est également proposé d'inscrire les 3,5 milliards d'euros de crédits de paiement qui pourront être engagés dès le début de l'année 2022. Je vous rassure, monsieur Brun : la qualité d'exécution du plan de relance le montre, les crédits seront déployés en temps et en heure.
Vous l'avez compris, France 2030 est un plan gagnant-gagnant : gagnant pour l'environnement, gagnant pour notre indépendance, gagnant pour les entreprises innovantes, gagnant pour l'industrie. La volonté première du Président de la République est bien que tous les Français profitent de ce plan, pour leur emploi comme dans leur vie de tous les jours, puisque nous traçons ici aussi les conditions d'une vie meilleure au quotidien. L'ambition d'un pays n'est valable que si elle profite à tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 22 novembre 2021