Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être venue répondre à mes questions dans ce studio. Vous êtes ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion. De nombreuses questions à vous poser ce matin mais d'abord, cette information qui nous tombe à l'instant, qui vient de nous parvenir, les tout derniers chiffres du chômage : 8,1 % selon le Bureau international du travail, c'est quasi-stable. C'est 0,1 point de plus que le mois dernier. Globalement on est sur une tendance qui vous satisfait, j'imagine.
ELISABETH BORNE
Alors ce que nous dit l'INSEE, c'est d'abord une bonne nouvelle puisque le nombre de Français qui ont un travail n'a jamais été aussi élevé depuis 1975. Le paradoxe, vous l'avez dit, c'est que le taux de chômage ne baisse pas. Pourquoi ? C'est parce qu'avec la reprise économique, le nombre important d'offres d'emploi, certaines personnes qui ne cherchaient plus de travail se sont remis à chercher.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce que vous voulez dire, c'est qu'il y a plus de chômeurs officiels, c'est-à-dire il y a plus de personnes qui vont vraiment chercher un emploi.
ELISABETH BORNE
Sont comptées comme chômeurs parce qu'elles cherchent un emploi alors qu'elles avaient pu y renoncer. Par exemple les étudiants qui avaient prolongé leurs études du fait de la crise qui, aujourd'hui, cherchent un emploi.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc pour être très claire, puisque c'est évidemment assez compliqué, ce que vous nous dites c'est qu'il n'y a jamais eu autant de Français qui ont un job…
ELISABETH BORNE
Oui.
APOLLINE DE MALHERBE
Et pour autant, en effet, il y a une très légère hausse du chômage, ce qui paraît un peu contre-intuitif.
ELISABETH BORNE
Il est quasi-stable, en tout cas il ne baisse pas, et c'est parce qu'effectivement, comme il y a beaucoup d'offres d'emploi, il y a des gens qui se remettent à chercher un travail.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ce n'est pas aussi parce qu'Emmanuel MACRON leur a mis la pression tout simplement ? Quand on a entendu le président de la République qui disait, je vous cite sa phrase, lorsqu'il s'était exprimé à la télévision la semaine dernière : ? Les demandeurs d'emploi qui ne démontreront pas une recherche active d'emploi verront leurs allocations suspendues. ? Donc tout le monde s'est précipité pour montrer qu'il cherchait un emploi ?
ELISABETH BORNE
En tout cas ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait un maximum de Français qui aient un travail. Il y a beaucoup d'entreprises qui cherchent à recruter aujourd'hui et qui n'y arrivent pas, donc c'est bien qu'il y ait beaucoup de Français qui soient prêts à prendre ces emplois. Effectivement, on fera tout pour qu'ils puissent accéder à ces emplois et qu'on puisse aussi répondre aux besoins des entreprises, parce que ce serait quand même paradoxal que la reprise économique soit freinée parce que les entreprises ont des emplois et qu'elles ne trouvent pas de salariés.
APOLLINE DE MALHERBE
Là, vous nous parlez de la question de la pénurie. On va y revenir dans un instant mais je voudrais juste qu'on soit bien clair là-dessus. Quand je vous demande ? est-ce que c'est parce qu'Emmanuel MACRON leur a mis la pression ?, vous dites quand même oui.
ELISABETH BORNE
Je peux vous assurer qu'effectivement…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais d'ailleurs, vous devez…
ELISABETH BORNE
Non, non. Enfin ce qu'on souhaite, c'est qu'effectivement les Français cherchent des emplois. Ça tombe bien, il y en a.
APOLLINE DE MALHERBE
? Ça tombe bien, il y en a ? mais pour autant, on le voit bien, il y a un grand nombre d'offres qui ne sont pas pourvues aujourd'hui. On le sait bien dans le secteur des transports, dans l'hôtellerie-restauration. On parle d'un million d'offres d'emploi d'un côté et de trois millions de chômeurs de l'autre. Comment on fait pour qu'il y ait plus d'adéquation entre ces deux-là ?
ELISABETH BORNE
Alors d'abord, onb propose beaucoup de formations pour les demandeurs d'emploi. Vous savez qu'on n'a jamais investi autant dans la formation des demandeurs d'emploi. On a 15 milliards d'euros sur le quinquennat, on va quasiment doubler la part des chômeurs qui peut bénéficier d'une formation pour avoir les compétences dont les entreprises ont besoin, puis on accompagne mieux les demandeurs d'emploi. Moi j'ai demandé par exemple à Pôle emploi de recontacter chaque demandeur d'emploi de longue durée pour proposer un accompagnement, une immersion en entreprise, une formation. Donc je vous dis, on veut tout faire pour qu'un maximum de Français trouve un emploi et qu'on réponde aux besoins des entreprises.
APOLLINE DE MALHERBE
Elisabeth BORNE, trouver un travail c'est bien, mais qu'un travail paye c'est quand même mieux. On le voit bien dans tous les indicateurs, le président a beau redire ce matin dans le journal La Voix du Nord qu'en moyenne, le pouvoir d'achat a augmenté - sauf que c'est une moyenne, en effet. Mais quand on regarde dans le détail, les plus modestes, pour eux ça s'est accentué au contraire, la perte de pouvoir d'achat. Quand on a fait cet indicateur sur RMC, qui montre que quand on gagne 2 000 euros par mois pour autant on ne s'en sort pas, et que le 10 du mois on se retrouve avec 55 euros dans sa poche, 55 euros pour le reste du mois, qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce que vous allez dire aux patrons : ?Augmentez les salaires et faites-le vraiment ? ?
ELISABETH BORNE
Alors ce qu'on dit très clairement, c'est que notamment dans les secteurs où les entreprises cherchent des salariés, n'en trouvent pas et où, par ailleurs, on peut avoir - et c'est le cas notamment dans les hôtels-cafés-restaurants - des grilles de salaires où les premiers niveaux sont en dessous du SMIC. Alors évidemment les salariés sont payés au SMIC : quand vous rentrez dans ces secteurs, vous êtes compensé, vous êtes au SMIC mais ça veut dire que pendant des années, vous n'avez pas d'autre perspective que de toucher le SMIC, donc ce n'est pas très motivant. Moi j'ai réuni fin septembre les organisations patronales et syndicales du secteur des hôtels-cafés-restaurants en leur demandant d'engager des négociations pour améliorer l'attractivité de leurs emplois.
APOLLINE DE MALHERBE
Ils les ont engagées ces négociations, mais est-ce que vous allez aller plus loin ? C'est-à-dire leur dire : ? Je ne vous demande pas juste poliment de le faire, je vous impose de le faire ? ?
ELISABETH BORNE
Alors je leur ai dit très clairement qu'on les a accompagnés dans la crise. Vous savez par exemple, l'activité partielle pour ce secteur c'est 8 milliards d'euros. Donc on a été à leurs côtés pendant la crise et on attend aujourd'hui qu'ils améliorent aussi l'attractivité des emplois, ce qui passe notamment par des augmentations de salaires.
APOLLINE DE MALHERBE
Elisabeth BORNE, quand on regarde nos voisins avec cette menace de cette cinquième vague qui est à nos portes, la Belgique a rendu obligatoire à nouveau le télétravail. Est-ce que c'est une décision que vous pourriez prendre ?
ELISABETH BORNE
Alors ça n'est pas envisagé aujourd'hui parce que la situation n'est pas la même que ce qu'on avait, par exemple, il y a un an. Vous savez qu'aujourd'hui, 90 % des adultes sont vaccinés. On a par ailleurs un protocole sanitaire très strict en entreprise, qui impose notamment le port du masque quand on est dans des espaces de travail partagé. C'est vrai qu'il y a eu un certain relâchement, donc moi j'appelle tout le monde à se remobiliser, à bien porter le masque en entreprise et on va augmenter les contrôles de l'inspection du travail.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous n'allez pas redire, comme vous aviez pu le dire dans les deux dernières années : ? On passe à une journée, deux journées, trois journées obligatoires de télétravail par semaine. ?
ELISABETH BORNE
On a aujourd'hui d'autres armes, notamment la vaccination et les Français ont répondu présent. Il faudra le moment venu qu'ils fassent leur troisième dose mais, en tout cas, c'est une nouvelle façon de nous protéger, mais il faut aussi appliquer les gestes barrières et porter le masque en entreprise.
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc pour ce qui est du masque en entreprise, on a bien compris que ce n'était pas demain la veille qu'on devrait le quitter. Pour l'instant, vous maintenez l'obligation.
ELISABETH BORNE
Là je pense qu'il faut vraiment le porter davantage. Il faut se remobiliser et respecter les gestes barrières.
APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais qu'on poursuive sur la question de la négociation salariale du côté des fonctionnaires. Ça fait partie des négociations que vous avez également encouragées. On a entendu que le syndicat FO a quitté la conférence salariale. Trois autres syndicats se posent la question. Où est-ce qu'on en est et quel est l'avenir ?
ELISABETH BORNE
C'est plutôt ma collègue Amélie de MONTCHALIN qui suit ça, mais on est aussi attentif, notamment sur les salaires les plus modestes à ce qu'il y ait effectivement une préservation du pouvoir d'achat des fonctionnaires. Donc c'est comme pour les salariés, je vous dis, on est très attentif pour les plus bas revenus dont le pouvoir d'achat a progressé dans le quinquennat.
APOLLINE DE MALHERBE
? Les plus bas revenus dont le pouvoir d'achat a progressé ?, comment vous pouvez dire ça alors que les chiffres, quand on regarde par exemple l'étude IPP qui dit que c'est, en effet, le pouvoir d'achat qui a augmenté en moyenne mais pas pour les plus modestes.
ELISABETH BORNE
Non. Ce que nous dit l'IPP, c'est que les 5 % de Français les plus modestes selon leurs évaluations pourraient avoir un pouvoir d'achat qui a stagné. C'est des sujets compliqués qui peuvent faire débat selon les méthodes. Ce que je peux vous dire, c'est que notamment pour ceux qui travaillent et ceux qui travaillent et qui ont des bas revenus, c'est ceux qui ont eu le pouvoir d'achat qui a le plus progressé, avec par exemple la suppression de certaines cotisations sociales, avec la revalorisation de la prime d'activité. Vous savez, pour un salarié qui est au niveau du SMIC, il a un 13ème ou un 14ème mois de plus depuis le début du quinquennat.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ce qui est quand même très frappant quand on vous entend, pardon Elisabeth BORNE, c'est qu'en effet au regard des chiffres, et on entend bien que le président de la République n'arrête pas de répéter que le pouvoir d'achat a augmenté, mais ça c'était avant ces augmentations de prix. Quand vous regardez ces témoignages qu'on entend chaque jour de gens qui disent : ? Ecoutez, moi je ne m'en sors pas, je n'ai toujours pas allumé le chauffage. ? On est aujourd'hui à mi-novembre et les gens n'ont toujours pas allumé leur chauffage.
ELISABETH BORNE
C'est clair qu'il y a un sujet sur l'énergie…
APOLLINE DE MALHERBE
Et ce sont des gens qui travaillent. Je précise que ceux qui nous appellent, c'est des gens qui travaillent et qui ne s'en sortent pas.
ELISABETH BORNE
Il y a une flambée des prix de l'énergie sur lequel on a eu beaucoup d'actions pour effectivement protéger le pouvoir d'achat des Français. Ç'a été une aide exceptionnelle sur le chèque énergie, vous savez, pour les près de 6 millions de ménages qui le touchent. C'est le gel de la hausse des prix sur le gaz. C'est le plafonnement de la hausse de l'électricité, puis donc c'est l'indemnité inflation : 100 euros pour tous ceux qui gagnent moins de 2 000 euros par mois.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous savez combien de chômeurs ont perdu leur allocation après ne pas avoir fait la démonstration, pour reprendre les mots d'Emmanuel MACRON, d'une démarche active de recherche d'emploi ?
ELISABETH BORNE
Ce que je peux vous dire, c'est que quand on fait des contrôles, la majorité des demandeurs d'emploi cherche activement un emploi. Il y a à peu près 15 % qui ne sont pas suffisamment actifs dans leur recherche d'emploi, qui peuvent avoir une sanction donc, une suppression temporaire de leur allocation.
APOLLINE DE MALHERBE
Pouvez-vous nous dire Elisabeth BORNE ce matin si les contrôles ont été renforcés, s'il y a eu davantage de contrôles ces dernières semaines pour s'assurer que les chômeurs cherchent un emploi ?
ELISABETH BORNE
Alors je vous confirme qu'on renforce les contrôles. On va augmenter de 25 % le nombre de contrôles. Moi je le redis, quand on renforce l'accompagnement des demandeurs d'emploi, quand on leur propose des formations, c'est normal qu'on s'assure que les demandeurs d'emploi cherchent activement un emploi au moment où il y a beaucoup d'emplois à pourvoir.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Elisabeth BORNE d'être venue dans ce studio, ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion. Je rappelle ces chiffres qui sont donc tombés ce matin : 8,1 %, ça c'est les chiffres du chômage. En revanche, en effet, jamais autant de Français n'ont eu un emploi depuis 1975. Merci Elisabeth BORNE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 novembre 2021