Interview de Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, à RTL le 10 novembre 2021, sur la réforme de l'assurance-chômage.

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Texte intégral

YVES CALVI
Bonjour Elisabeth BORNE.

ELISABETH BORNE
Bonjour.

YVES CALVI
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur RTL. Vous êtes notre ministre du Travail. Travail, le mot a été prononcé 20 fois, 20 fois par Emmanuel MACRON hier soir, le président qui au cours de sa prise de parole, de près de 30 minutes, s'est félicité de la mise en place de la réforme de l'assurance chômage, et d'ailleurs nous avons beaucoup de questions ce matin sur les modalités d'application. Mais je vous propose tout d'abord d'écouter la question de Cédric, un auditeur qui nous ça spontanément téléphoné.

CEDRIC
Bonjour Monsieur CALVI, bonjour Madame la Ministre. Alors moi, j'aurais une question assez simple : j'aimerais savoir comment concrètement allez-vous contrôler les demandeurs d'emploi ?

YVES CALVI
Et c'est une question que tout le monde se pose Elisabeth BORNE.

ELISABETH BORNE
Alors, on va intensifier les contrôles, et c'est bien normal, alors qu'on accompagne, comme on ne l'a jamais fait, les demandeurs d'emploi, qu'on a proposé des formations, là aussi comme on n'a jamais fait, qu'on s'assure que les demandeurs d'emploi cherchent effectivement du travail. Et donc effectivement des conseillers de Pôle emploi vont vérifier qu'un demandeur d'emploi, auquel on a levé tous les freins pour sa recherche d'emploi, eh bien, par exemple répond à des offres d'emplois, se rend à des entretiens d'embauche, peut participer aussi à des sessions de recrutement, ou suit les formations qui lui ont été proposées.

YVES CALVI
Mais, excusez-moi, ce n'est pas déjà le cas ? Parce que ce qui est troublant dans ce cas-là, c'est que ça ne soit pas fait aujourd'hui.

ELISABETH BORNE
Je vous confirme que Pôle emploi fait des contrôles, mais ils vont s'intensifier. En 2019, Pôle emploi a fait de l'ordre de 400 000 contrôles, et dans les 6 prochains mois ils vont faire 250 000 contrôles, donc une augmentation de 25 %. Et puis spécifiquement, sur les secteurs en tension, toutes ces entreprises qui n'arrivent pas à recruter.

YVES CALVI
Avec un renfort pour faire justement ces nouveaux contrôles ou ces contrôles supplémentaires pour être très clair ?

ELISABETH BORNE
Alors, les conseillers, ils sont là, et donc évidemment pendant l'année 2020 on a vécu une période particulièrement…

YVES CALVI
J'entends bien.

ELISABETH BORNE
… et donc on va intensifier ces contrôles, avec les conseillers dont c'est le rôle.

YVES CALVI
Je vais au bout de la logique, si on refuse un job, on n'a plus du tout droit aux aides et aux allocations ?

ELISABETH BORNE
C'est une réponse graduée, si je peux dire, c'est-à-dire que la première fois on va supprimer temporairement votre allocation, par exemple pendant un mois, puis si effectivement ça recommence, ça peut être 2 mois, et ça peut aller jusqu'à la radiation.

YVES CALVI
Il y a beaucoup d'inquiétudes, nous allons écouter maintenant un autre auditeur, Philippe, qui est ingénieur en Moselle.

PHILIPPE
Bonjour Yves, bonjour Madame la Ministre. Voilà, je suis ingénieur à la recherche d'un emploi. Si demain on me propose un poste à 50 km de chez moi, et que je refuse, est-ce que je risque de perdre mes indemnités ?

YVES CALVI
Voilà, on rentre dans la réalité des choses.

ELISABETH BORNE
Oui oui, mais je pense que c'est important de répondre à des questions très concrètes.

YVES CALVI
Bien sûr.

ELISABETH BORNE
Le demandeur d'emploi, il définit avec ses conseillers, le type d'offre d'emploi auquel il doit répondre, et s'il a été précisé qu'on cherche une offre dans les 20 km, il n'y aura pas de problème.

YVES CALVI
D'accord. Donc on évalue les choses de façon raisonnable, c‘est ça ?

ELISABETH BORNE
On évalue les choses de façon raisonnable, et en amont, on précise quel type d'emploi le demandeur d'emploi recherche, donc c'est en fonction de ces critères qu'on vérifie ensuite que le demandeur d'emploi a bien répondu à des offres. Et puis je vous dis, c'est une évaluation qui se fait sur plusieurs mois, de regarder si le demandeur d'emploi a bien répondu à des offres, a été, s'est rendu à des entretiens d'embauche, a suivi des formations, a participé à des sessions de recrutement.

YVES CALVI
Combien d'offres ?

ELISABETH BORNE
Ce n'est pas…

YVES CALVI
Il y a un chiffre minimal ?

ELISABETH BORNE
Non non mais c'est, je dirais, c'est une évaluation sur plusieurs mois, ce n'est pas un couperet, c'est de s'assurer, et je vous dis, on a investi comme on ne l'a jamais fait, dans la formation des demandeurs d'emploi, c'est 15 milliards sur le quinquennat.

YVES CALVI
Oui.

ELISABETH BORNE
On a encore récemment renforcé l'accompagnement des demandeurs d'emploi pour lever vraiment tous les freins à la recherche d'emploi. Donc c'est naturel qu'on s'assure effectivement que le demandeur d'emploi répond bien à des offres.

YVES CALVI
Alors, il y a beaucoup d'emplois non pourvus, absolument, mais est-ce qu'il ne faut pas tout simplement les revaloriser et les rendre plus attractifs, ce qui veut dire aussi un effort sur les salaires ?

ELISABETH BORNE
Il y a effectivement un paradoxe, auquel moi je ne peux pas me résoudre, qu'on ait à la fois beaucoup d'entreprises qui cherchent à recruter et qui n'y arrivent pas, et un nombre encore élevé de demandeurs d'emploi. Donc évidemment il y a un travail qui se fait avec les branches, par exemple celles dont les minima de branches sont inférieurs au Smic, ou les branches qui ont des efforts à faire sur l'attractivité des métiers, ce travail on le fait avec les branches, et dans le même temps il faut aussi que les demandeurs d'emploi répondent aux propositions, aux offres d'emplois qui sont disponibles.

YVES CALVI
Que dites-vous à ces chefs d'entreprise, notamment des restaurateurs, ça m'a été très régulièrement dit, qui disent « je cherche absolument à recruter, je n'y arrive pas. Ou alors ceux qui viennent me disent : oui je veux bien, mais vous ne me déclarez pas ».

ELISABETH BORNE
Enfin, je ne sais pas si c'est…

YVES CALVI
Je ne veux pas en faire une généralité, je suis obligé de vous dire…

ELISABETH BORNE
Oui, je pense qu'il ne faut pas non plus verser dans les caricatures, mais je pense qu'effectivement il y a beaucoup d'entreprises qui cherchent à recruter, qui adaptent aussi leurs offres, pour les rendre attractives, c'est parfois retravailler les propositions sur l'organisation du travail, éviter d'avoir des coupures, par exemple de demander aux salariés de travailler le midi puis d'avoir une pause et de retravailler le soir, et de travailler toutes les soirées, eh bien parfois ça peut être compliqué effectivement pour un demandeur d'emploi. Donc il y a un travail à faire sur l'attractivité de l'emploi qui est proposé, mais on s'assure aussi qu'on a des viviers de demandeurs d'emploi qui sont formés ou qui ont déjà travaillé dans ces métiers, qu'on peut leur proposer des formations complémentaires quand c'est nécessaire. On va booster toutes les propositions de mise en situation en entreprise, permettre aux entreprises d'avoir des formations sur mesure, donc c'est tout le travail qu'on fait. L'objectif c'est bien qu'on réponde à la fois aux besoins des entreprises, et que ce manque de salariés ne vienne pas brider la reprise économique. Et puis en même temps qu'on s'assure qu'un maximum de demandeurs d'emploi retrouve un travail.

YVES CALVI
Un mot s'il vous plaît sur la réforme des retraites. Elle est reportée. C'est l'échec du Président et de ce premier quinquennat ?

ELISABETH BORNE
Alors, moi j'entends…

YVES CALVI
Il doit y en avoir un second ?

ELISABETH BORNE
Quand j'entends dire ça, vous savez, je me demande si on a oublié qu'il y a eu une crise sanitaire. Vous savez que cette réforme, le débat était engagé au Parlement, elle a même été votée à l'Assemblée nationale, ensuite on a été stoppé par la crise sanitaire. Vous aurez compris que cette réforme, le président de la République, le gouvernement y tient, que c'est clair qu'on va devoir travailler plus longtemps, qu'on veut aussi un système plus juste, la fin des régimes spéciaux, une convergence entre les différents régimes, qu'on veut aussi que les Français qui ont travaillé toute leur vie aient une pension qui soit effectivement à niveau. Donc cette réforme ça sera une priorité pour 2022 et ça sera certainement dans le débat des prochains mois.

YVES CALVI
Merci Elisabeth BORNE d'avoir pris la parole ce matin sur RTL, pour ces précisions, concernant les annonces faites hier par le président de la République. Bonne journée à vous.

ELISABETH BORNE
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 novembre 2021