Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur l'action du Gouvernement en faveur de la souveraineté énergétique française.
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l'auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l'issue du débat, l'auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
(…)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de représenter aujourd'hui le Gouvernement pour aborder cet enjeu crucial de la souveraineté énergétique de la France. Barbara Pompili m'a chargée de la représenter, puisqu'elle est en ce moment même en déplacement aux côtés du Président de la République pour promouvoir la filière hydrogène.
M. François Bonhomme. Elle fait campagne !
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Pour faire évoluer notre mix énergétique et atteindre la neutralité carbone en 2050, le Gouvernement s'est fixé une ligne claire – j'ai même presque entendu dire qu'elle était "incontestable" dans le discours précédent… (Sourires.)
Le levier essentiel pour renforcer notre souveraineté énergétique consiste à sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Ces énergies fossiles importées représentent près des deux tiers de notre consommation énergétique, 63% pour être exacte, alors que notre production d'électricité est, elle, largement décarbonée.
Les travaux inédits par leur ampleur et extrêmement approfondis que RTE a rendus à la fin du mois d'octobre présentent plusieurs options, mais une constante apparaît dans tous les scénarios : la neutralité carbone en 2050 suppose d'ici là une sortie des énergies fossiles. Si cet horizon peut paraître lointain, c'est dès aujourd'hui que nous devons préparer l'avenir.
La stratégie du Gouvernement est claire. Elle repose sur un triptyque : efficacité énergétique, développement des énergies renouvelables, relance du nucléaire.
Pour sortir des énergies fossiles, le premier pilier de notre action consiste en la sobriété énergétique et en la réduction globale des consommations d'énergie, en complément des mesures de soutien au pouvoir d'achat que nous avons mises en place avec l'augmentation du chèque énergie de 100 euros, les boucliers tarifaires pour le gaz et l'électricité, et les indemnités inflation de 100 euros pour 38 millions de ménages.
Nous visons en 2050 une baisse de la consommation d'énergie de 40% par rapport à celle d'aujourd'hui, conformément à la stratégie nationale bas-carbone. Il s'agit d'un défi d'une ampleur considérable, mais nous sommes actuellement sur le bon chemin, notamment grâce aux politiques menées depuis 2017, qui commencent à porter leurs fruits.
Nous avons par exemple engagé cette démarche à travers la massification de la rénovation énergétique des logements, avec le succès de MaPrimeRénov', qui traitera entre 700 000 et 800 000 dossiers cette année. Nous l'avons également engagée en renforçant les exigences sur la consommation d'énergie des bâtiments neufs, avec la nouvelle réglementation environnementale pour les bâtiments, la RE2020. Nous avons aussi mis en place un soutien à des projets d'efficience énergétique dans l'industrie.
Toutefois, pour sortir des énergies fossiles, et parallèlement à la réduction de notre consommation totale d'énergie, il faudra électrifier divers usages dans la mobilité, le chauffage ou encore l'industrie. Ainsi, selon les différentes hypothèses des scénarios établis par RTE, la consommation d'électricité va croître d'ici à 2050 de 30% à 60%, en cas de réindustrialisation forte du pays.
L'électricité viendra ainsi remplacer les énergies fossiles importées, avec un effet positif sur notre indépendance énergétique comme sur nos émissions de gaz à effet de serre. Cela suppose toutefois de bâtir un système électrique permettant de produire, en 2050, de manière sûre, compétitive, et décarbonée, entre 650 térawattheures et 750 térawattheures d'électricité, contre moins de 500 térawattheures actuellement.
Pour relever ce défi, le deuxième pilier de l'action gouvernementale consiste à accélérer le développement des énergies renouvelables (EnR). Nous avons déjà progressé : aujourd'hui, 25% de notre électricité est produite par des EnR, contre 21% en 2018. Mais il sera nécessaire de doubler les capacités de production d'EnR d'ici à 2030, et de les accroître encore davantage d'ici à 2050.
Nous devons donc accélérer le développement de toutes les énergies renouvelables dès aujourd'hui pour tenir nos objectifs de décarbonation, en particulier lors des quinze prochaines années, au cours desquelles la capacité de production nucléaire va décroître avec l'arrivée en fin de vie d'une partie du parc, avant la mise en service de nouvelles centrales.
Sur l'éolien terrestre, il nous faudra atteindre en 2050 entre deux et quatre fois la capacité actuellement installée, pour atteindre alors plus ou moins le niveau d'équipement actuel de l'Allemagne.
Nous devons également développer massivement l'éolien en mer, avec pour objectif d'avoir mis en service entre 2 000 et 4 000 éoliennes offshore à l'horizon de 2050.
Nous déploierons également le photovoltaïque, en visant une multiplication entre sept et douze des capacités installées d'ici à 2050, ce qui mobilisera plusieurs dizaines de milliers d'hectares de toitures et de sols, dans le respect de nos objectifs de lutte contre l'artificialisation de ces derniers.
Au-delà du système électrique, le biogaz sera aussi une énergie importante, en se substituant progressivement au gaz naturel pour les usages résiduels. L'objectif est que le biogaz représente au moins 10% du gaz consommé en 2030, contre 1% aujourd'hui.
En somme, l'ensemble des énergies renouvelables jouera un rôle essentiel pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Mais notre souveraineté énergétique passe également par la constitution de filières industrielles compétitives en France.
Avec le plan France Relance, nous mobilisons 7 milliards d'euros pour développer l'hydrogène décarboné. Pour aller plus loin encore, le plan d'investissement France 2030 prévoit des soutiens complémentaires envers la filière hydrogène, mais aussi les EnR et l'intégration des systèmes énergétiques.
Le nucléaire est le troisième pilier de notre politique de souveraineté énergétique. Aujourd'hui, il est largement majoritaire dans notre mix électrique. À l'horizon de 2050, il en constituera encore un socle important en complément des énergies renouvelables. RTE confirme dans son rapport que la relance des capacités de production nucléaire permettra aux Français de disposer à l'horizon de 2050 d'une électricité compétitive.
Le Président de la République a annoncé la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, en invitant la filière industrielle à s'y préparer. L'objectif est de permettre, à partir de 2035, la poursuite de l'électrification des usages et le remplacement d'une partie des réacteurs existants qui arriveront en fin de vie.
Si la part du nucléaire dans le mix électrique décroîtra mécaniquement au fil des fermetures des réacteurs, la mise en service de nouveaux réacteurs, débutant dans une quinzaine d'années, permettra de conserver un socle significatif de nucléaire de manière à optimiser notre mix.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà la ligne du Gouvernement. Mettre fin à notre dépendance aux énergies fossiles et renouveler nos capacités de production électrique est un réel défi, comme nous n'en avons pas connu depuis un demi-siècle. Mais c'est aussi une opportunité historique pour renforcer l'indépendance énergétique de notre pays et la résilience de notre économie. Je sais qu'ensemble, nous saurons la saisir.
- Débat interactif -
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique. Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Madame la ministre, nous partageons tous et toutes, dans cet hémicycle, l'idée que la reconquête d'une souveraineté énergétique constitue un enjeu majeur pour notre pays. La question à laquelle nous devons répondre à travers ce débat est celle des leviers pour la rendre effective.
La privatisation des acteurs du secteur de l'électricité et le démantèlement des opérateurs publics historiques ont conduit à une perte de contrôle de l'État sur la production et la distribution de l'énergie. Les conséquences pour les consommateurs ne sont pas celles qui avaient été promises : même sans compter les dernières envolées des prix, les tarifs de l'électricité ont augmenté de 60% depuis l'ouverture du marché en 2007.
L'État, démuni face à la volatilité structurelle de ce marché, en est réduit à devoir sortir son carnet de chèques à chacun de ces dérapages. Pour certaines énergies, comme le gaz, nous sommes même devenus dépendants de pays étrangers.
Face à ces constats, il est illusoire d'imaginer un quelconque retour de souveraineté sans véritable contrôle public. Celui-ci doit passer par la mise en place d'un service public de l'énergie, géré dans l'intérêt général et financé exclusivement par des fonds publics.
Ce service public pourrait notamment intervenir pour initier un vaste plan d'économies d'énergie, bien mieux que des opérateurs privés qui n'ont aucun intérêt à nous amener vers la sobriété énergétique. De même, ce service public serait le mieux placé pour relever l'indispensable défi du développement des énergies renouvelables.
Le développement anarchique de projets conduits par des acteurs privés sans tenir compte des intérêts des territoires concernés suscite une résistance grandissante chez nos concitoyens. Deux exemples de projets d'installation d'éoliennes dans mon département de la Loire me semblent très parlants.
D'un côté, un projet à proximité des communes de Cherier, La Tuilière et Saint-Just-en-Chevalet, provoque une véritable résistance des élus locaux et de la population. C'est un groupe énergétique étranger qui le porte, dans un total déni de démocratie.
De l'autre côté, le projet des "Ailes de Taillard", sur les communes de Burdignes et Saint-Sauveur-en-Rue, porté dans une démarche participative par la communauté de communes, une association citoyenne et un acteur industriel, a permis d'obtenir une vraie adhésion des riverains.
C'est bien ce second type de modèle qu'il faut suivre pour donner une nécessaire acceptabilité à cette énergie : un projet pensé avec les citoyens et les élus, dont le territoire bénéficiera.
Aussi, à rebours du projet Hercule,…
Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.
M. Jean-Claude Tissot. … quel que soit le nom que vous voudrez lui donner, envisagez-vous, madame la ministre, d'aller vers ce service public de l'énergie, outil majeur pour une reconquête de la souveraineté énergétique de notre pays ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, j'invite chacun d'entre vous à respecter son temps de parole. Notre ordre du jour étant très chargé, il nous faut veiller à essayer de ne pas finir trop tard.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Votre question, monsieur le sénateur, comporte beaucoup d'éléments.
En matière de souveraineté, je persiste à dire que l'élément fondamental consiste dans une moindre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. Je vous ai ainsi exposé notre volonté de faire un véritable effort à la fois en matière de sobriété, et donc de réduire nos consommations, et en matière de substitution, pour aller vers une plus grande part d'énergie décarbonée, à commencer par l'électricité. Nous voulons construire une trajectoire électrique ambitieuse, en ce qui concerne tant le nucléaire que les énergies renouvelables.
Évidemment, le grand fournisseur historique qu'est EDF a toute sa place dans cette politique, dans ses rôles de distribution comme de production.
Ensuite, vous demandez comment les énergies renouvelables peuvent trouver une place dans ce débat sur la souveraineté. Je partage le point de vue qu'elles doivent être territorialisées au maximum, et que le débat local doit avoir lieu dans les conditions les plus apaisées possible.
Barbara Pompili a proposé dix mesures qui permettront de renforcer l'acceptabilité de l'éolien. Certaines sont d'ailleurs dans la droite ligne de la loi Climat et résilience, lors de l'examen de laquelle a été votée la mise en place de commissions régionales de l'énergie qui permettront de discuter de la diffusion des énergies renouvelables sur le territoire régional et à l'échelon intercommunal.
Certaines de ces dix mesures pour l'éolien sont très concrètes, comme la consultation obligatoire du maire avant l'implantation de chaque projet éolien, la réalisation d'une cartographie des zones propices au développement de l'éolien, ou encore l'instruction donnée aux préfets d'étudier la compatibilité des projets avec le patrimoine et les paysages de façon stricte, pour faire en sorte que l'on ne puisse installer l'éolien que là où c'est justifié et pertinent, et qu'il ne soit pas possible de le faire sans concertation approfondie – cela est également vrai pour le solaire.
Enfin, les projets citoyens que vous citez dans votre question seront soutenus.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Evrard.
Mme Marie Evrard. Madame la ministre, la question de l'énergie est revenue depuis quelques mois au cœur des débats, dans un contexte de reprise économique mondiale. Face à la hausse des prix, 5,8 millions de ménages vont bénéficier le mois prochain d'un chèque énergie exceptionnel de 100 euros, et c'est une bonne nouvelle.
Entre partisans du nucléaire et défenseurs des énergies renouvelables, la politique énergétique du Gouvernement est équilibrée. Celle-ci repose, d'une part, sur le développement des énergies renouvelables et, d'autre part, sur le rôle essentiel accordé au nucléaire.
Cette position équilibrée a été rappelée la semaine dernière par le Président de la République. "Pour garantir l'indépendance énergétique de la France […] et atteindre la neutralité carbone en 2050, nous allons pour la première fois depuis des décennies relancer la construction de réacteurs nucléaires et continuer de développer les énergies renouvelables."
Lors de la présentation du plan France 2030, un investissement de 1 milliard d'euros a été annoncé pour le développement de technologies de rupture dans le domaine du nucléaire.
Cela passe par le développement de réacteurs de petite taille, plus connus sous l'acronyme anglo-saxon SMR (Small Modular Reactors), dont la puissance de 50 mégawatts à 250 mégawatts est dix fois moins importante que celle d'une centrale classique.
Notre pays dispose de son propre projet, baptisé Nuward. Alors que les experts de RTE expliquent dans leur rapport Futurs énergétiques 2050 que la construction de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinente, je voudrais savoir, madame la ministre, quelle place peuvent occuper les SMR dans les années à venir pour favoriser notre souveraineté énergétique. Comment ces projets vont-ils se coordonner avec l'arrivée au terme de ses capacités de notre parc de réacteurs nucléaires ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice, à court terme, comme vous l'avez dit, nous protégeons le pouvoir d'achat des Français à l'aide de l'augmentation du chèque énergie par un chèque énergie exceptionnel de 100 euros, et au moyen de la prime inflation.
À moyen terme, notre objectif est à la fois l'efficacité et la décarbonation. Pour l'atteindre, nous allons effectivement programmer la construction de nouvelles capacités de production, dans les domaines tant des énergies renouvelables que du nucléaire.
Au sein de la technologie nucléaire, nous visons un mix diversifié afin d'éviter toute dépendance à une technologie unique.
À l'horizon 2050, plusieurs de ces technologies sont envisageables.
La technologie de grande puissance EPR est déjà éprouvée en Europe et en Chine. Nous bénéficions à ce titre d'un premier retour d'expérience la concernant, et elle est déjà adaptée au réseau de distribution français.
Une autre technologie est constituée par les petits réacteurs modulaires SMR, dont la puissance est plus réduite et le développement actuel moins avancé. À plus long terme, les SMR pourraient présenter des avantages grâce à leur conception compacte, plus simple, et à leur modularité permettant des économies au stade de la conception, avec une part plus importante de préfabrication standardisée. Ces atouts pourraient permettre aux SMR de venir compléter une offre nucléaire de grande puissance. Ils sont aussi susceptibles de répondre aux besoins de sites isolés ou de zones dans lesquelles le développement du réseau électrique est insuffisant.
Le soutien apporté par le plan France Relance puis par France 2030 aux phases d'avant-projet et au développement du projet français de SMR doit permettre d'avancer dans cette voie innovante pour en démontrer la faisabilité, préalable à toute perspective d'intégration au mix électrique, en France ou à l'étranger.
La relance à court terme d'un nouveau programme nucléaire en France reposera sur des technologies éprouvées telles que l'EPR. Le SMR français pourra compléter dans un second temps l'offre nucléaire du mix énergétique, dans le cadre d'un déploiement industriel à l'horizon 2040.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Madame la ministre, la souveraineté énergétique de notre pays se fonde notamment sur notre maîtrise de la technologie nucléaire. Elle nous permet d'obtenir une électricité décarbonée et nous assure une production stable dont nous conservons le contrôle.
Le contexte géopolitique actuel nous rappelle que l'indépendance énergétique est un vrai levier de souveraineté et même d'indépendance politique.
Afin d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2019-2023 prévoit de réduire la part de l'énergie nucléaire à 50% du mix électrique de notre pays. Dès son adoption, je faisais partie de ceux qui doutaient de son réalisme et de son équilibre sur le long terme.
Force est de constater que notre politique énergétique doit souvent faire face à des injonctions contradictoires. La fermeture de la centrale de Fessenheim, guidée plus par des considérations politiques que par des réalités techniques ou de sûreté, en est le parfait exemple.
M. François Bonhomme. Bien sûr !
M. Franck Menonville. Elle fait peser le risque de tensions sur notre approvisionnement et nous contraint à repousser par là même la fermeture des dernières centrales à charbon.
En effet, RTE vient de publier des scénarios à l'horizon de 2050 qui font apparaître qu'on ne peut pas se passer du nucléaire, même avec un développement très ambitieux et nécessaire des énergies renouvelables dans le cadre des usages électriques.
Les dernières annonces présidentielles relatives au déploiement de réacteurs de quatrième génération pour assurer le renouvellement du parc actuel vont d'ailleurs dans ce sens.
Madame la ministre, à quelle échéance comptez-vous réactualiser cette PPE, et quelle place y tiendra le Parlement ? L'énergie mérite un vrai débat parlementaire. Ne mérite-t-elle pas aussi un ministère dédié, afin de porter une véritable politique énergétique cohérente et de long terme ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Ça, c'est envoyé !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. La programmation pluriannuelle de l'énergie actuellement en vigueur a été adoptée en avril 2020, comme vous le savez.
Elle couvre la période 2019-2028 et définit les mesures de politique énergétique permettant d'atteindre l'objectif de la neutralité carbone en 2050, au moyen de la réduction de la consommation d'énergie, de la diversification du mix énergétique, du développement des énergies renouvelables et de la réduction de l'usage des énergies fossiles.
C'est dans ce cadre qu'a été pilotée la fermeture des quatre dernières centrales à charbon. Deux sont déjà très engagées, au Havre et à Saint-Avold. La fermeture de celle de Gardanne aura lieu dans un deuxième temps. S'agissant de la centrale de Cordemais, comme vous le savez, elle est liée à l'alimentation en électricité de la pointe bretonne, et la poursuite de son activité n'a donc aucun rapport avec la fermeture de Fessenheim.
La loi relative à l'énergie et au climat promulguée en novembre 2019 prévoit qu'une loi de programmation de politique énergétique et climatique sera adoptée d'ici à la mi-2023, puis que la PPE sera adaptée un an plus tard, soit à la mi-2024. La prochaine PPE couvrira les périodes 2024-2033. Le Parlement sera donc étroitement associé aux choix énergétiques à l'avenir, en application, donc, de la loi Énergie et climat.
Afin d'alimenter les réflexions, le Gouvernement a lancé le 2 novembre dernier une concertation ouverte à tous sur internet autour de douze grands thèmes de la stratégie française sur l'énergie et sur le climat. Depuis le début du mois de novembre, les premiers groupes de travail technique avec les parties prenantes ont démarré. Ils se poursuivront jusqu'à l'automne 2022. À l'issue du débat parlementaire sur la loi de programmation, la PPE fera l'objet au deuxième semestre 2023 d'une concertation préalable sous l'égide d'un garant et de la Commission nationale du débat public.
Comme vous le voyez, le Parlement sera désormais totalement associé aux grands choix énergétiques français.
M. Stéphane Piednoir. C'est nouveau !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Madame la ministre, ma question s'inscrit dans la ligne ouverte par Franck Menonville.
À la veille de la présidence française de l'Union européenne (PFUE), nous voyons paraître des articles passionnants, comme notamment celui de votre collègue ministre de l'économie, qui propose de réformer le marché européen de l'énergie.
C'est une excellente idée, mais il faudrait être un petit peu plus précis et plus clair sur les ambitions du Gouvernement, à condition naturellement d'être certain que le ministre parle bien au nom de celui-ci…
En matière de souveraineté énergétique de la France, la question majeure demeure celle de la capacité de financement que le marché européen de l'énergie, tel qu'il est organisé aujourd'hui, donne à nos deux grandes filières. La filière nucléaire, à laquelle je crois profondément, est riche de différentes promesses, à condition naturellement de pouvoir être financée. Il reste encore à prouver que la filière éolienne maritime est compétitive.
Or il y a deux obstacles à cette capacité de financement : la sortie de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (Arenh) et la taxonomie. Sur ces deux sujets, madame la ministre, quels sont vos objectifs de succès pour la PFUE ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Longuet, comme vous l'avez dit, la formation des prix dans le marché européen de l'électricité est élaborée au moyen d'une méthode collective fondée sur le coût marginal de production.
Ce système permet d'optimiser le fonctionnement du réseau électrique européen en faisant appel à chaque instant au moyen de production le moins cher à l'échelle de la plaque européenne, au bénéfice de l'ensemble des consommateurs. Comme les marchés sont interconnectés à l'échelle européenne, c'est donc le prix du dernier moyen de production appelé dans l'ensemble de l'espace qui établit le prix du marché.
En ce moment, il s'agit en général d'une centrale au gaz, ce qui lie le prix de marché de l'électricité au prix du gaz. Cette situation persistera probablement tant que les moyens de pointe fossiles seront nécessaires pour assurer l'équilibrage du système.
La persistance de prix élevés sur ces marchés est préoccupante. C'est la raison pour laquelle la France plaide pour une évolution de l'articulation entre l'amont et l'aval du marché européen de l'électricité, pour que le prix payé par le consommateur reflète les coûts de production du système électrique et du mix national, et non le prix marginal fossile.
La France estime que cette démarche est tout à fait compatible avec le fonctionnement du marché européen de gros. L'ensemble du Gouvernement – je vous rassure sur ce point – est très mobilisé pour faire avancer ce sujet crucial auprès de l'Union européenne et des États membres, maintenant et bien sûr pendant la présidence française de l'Union européenne.
Barbara Pompili, Bruno Le Maire et moi-même – je me suis rendue au Conseil "Énergie" à Luxembourg il y a quelques semaines –, nous portons ainsi conjointement les demandes de la France dans les instances européennes qui relèvent de nos compétences.
Nous souhaitons établir un lien plus fort entre le prix payé par les consommateurs et le coût de production de la composante bas-carbone du mix électrique national.
Nous souhaitons également introduire dans la directive européenne le droit pour les consommateurs d'avoir accès à des contrats de fourniture d'électricité offrant une certaine stabilité des prix.
Enfin, nous plaidons pour que la Commission européenne aboutisse sur le sujet de la taxonomie, en y intégrant tous les moyens de production décarbonés.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour la réplique.
M. Gérard Longuet. Je me réjouis de vos annonces concernant la taxonomie, à condition que vous obteniez en effet des résultats. Je vous rappelle que le système du coût marginal calculé sur la dernière centrale à charbon ou à lignite allemande est simplement absurde. S'il y a des pays européens qui refusent l'énergie moderne et décarbonée, c'est leur problème, et ils n'ont pas à nous le faire payer ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, nous en convenons tous, il est urgent de développer davantage, plus vite et plus fort, de nouveaux modes de production d'électricité, qui soient renouvelables et compétitifs, qui contribuent à notre indépendance énergétique et qui renforcent la résilience de notre système électrique.
La faisabilité technique d'un mix électrique décarboné, sans nouveau nucléaire, 100% renouvelable, d'ici à 2050, est possible ! Si certains aiment accuser l'éolien de tous les maux, il est pourtant l'une des clés majeures de la transition.
M. Daniel Gueret. Quand il y a du vent !
M. Daniel Salmon. Tous les scénarios prospectifs de transition énergétique, ceux de la RTE, de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, dite Agence de la transition écologique) ou de l'association négaWatt, ainsi que les prévisions d'investissement à moyen ou à long terme pour les EnR intègrent l'éolien comme élément clé incontournable.
Il s'agit d'une filière qui crée de l'activité économique et de l'emploi sur tout le territoire, du sous-traitant au développeur-exploitant, en passant par les bureaux d'études, l'ingénierie ou les constructeurs de turbines. Aujourd'hui, en France, le tissu industriel éolien regroupe plus de 900 entreprises et près de 23 000 emplois. Les perspectives et les opportunités des prochaines années sont immenses.
Concernant l'éolien en mer, le premier parc offshore situé à Saint-Nazaire va être inauguré dans quelques mois, vingt ans après ceux des Anglais, des Belges ou des Danois ! Notre pays est pourtant idéalement configuré pour son développement, puisqu'il possède la deuxième surface maritime mondiale, avec quelque 11 millions de kilomètres carrés de zone maritime.
Globalement, l'éolien montre un retard préoccupant sur les objectifs que nous nous sommes fixés. Sans même aller jusqu'à un scénario d'énergies 100% renouvelables, les objectifs de la PPE nous somment d'atteindre en capacité installée le double de la situation actuelle. Dans les six prochaines années, nous devons passer de 17,8 gigawatts en 2021 à 34,1 gigawatts en 2028.
L'État doit être davantage proactif dans l'accompagnement de cette énergie nouvelle. Comment, madame la ministre, la puissance publique compte-t-elle agir pour rattraper ce retard et favoriser un développement harmonieux dans les territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Salmon, je vous rejoins : le rapport RTE démontre à nouveau que les énergies renouvelables sont indispensables pour atteindre la neutralité carbone. Quel que soit le scénario, il nous faudra développer de façon très volontariste toutes les énergies renouvelables, y compris l'éolien terrestre et l'éolien en mer.
L'éolien terrestre contribue déjà à la lutte contre le réchauffement climatique. RTE a calculé qu'en 2019, les parcs photovoltaïque et éolien français ont permis d'éviter l'émission de 22 millions de tonnes de CO2 en se substituant à des moyens fossiles.
L'éolien contribue aussi à notre sécurité d'approvisionnement. En 2020, l'éolien terrestre a représenté 8% de notre production électrique nationale, ce qui en fait la troisième source derrière le nucléaire puis l'hydroélectricité, et devant les centrales à gaz.
Enfin, il crée des emplois sur notre territoire. La filière éolienne représente plus de 22 000 emplois directs et indirects à la fin de 2020. Le Gouvernement souhaite donc poursuivre le développement de l'éolien terrestre et de l'éolien en mer pour atteindre les objectifs ambitieux de la PPE.
À cette fin, pour le terrestre, nous avons mis en place cet été un nouveau dispositif d'appels d'offres pour la période 2021-2026, qui permettra de lancer au moins 25 gigawatts de nouveaux projets terrestres photovoltaïques et de petite hydroélectricité durant les cinq années à venir.
Nous travaillons bien sûr à maintenir l'acceptabilité des énergies renouvelables. La ministre de la transition écologique a ainsi annoncé, au début du mois, dix mesures pour garantir un développement responsable de l'éolien terrestre, dont la mise en place d'un médiateur de l'éolien, des contrôles systématiques du bruit, des expérimentations pour réduire les nuisances liées au balisage, ou la création d'un fonds de sauvegarde du patrimoine naturel et culturel alimenté par les développeurs éoliens.
L'appropriation des projets par les territoires passera aussi par une planification adaptée à chaque filière, à travers les comités régionaux de l'énergie qui associeront largement les élus locaux et permettront à l'éolien de se déployer dans la concertation.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Ni renouvelable ni durable : le nucléaire est, n'en déplaise à certains, coûteux et dangereux. Il faut donc consacrer nos investissements d'aujourd'hui à de véritables énergies d'avenir.
Mme Sophie Primas. Oh là là…
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Une seule question, madame la ministre : peut-on parler de la souveraineté énergétique française sans remettre en cause le marché européen de l'énergie, en continuant de vendre nos fleurons industriels énergétiques et en voulant démembrer l'entreprise historique, EDF ? (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Je l'ai indiqué en répondant à la question précédente, monsieur le sénateur Gay, le Gouvernement souhaite réviser les modalités de fixation des prix sur le marché européen de l'énergie, afin que le tarif tienne compte du mix énergétique, donc du mode de production sur le territoire national, et non seulement du prix marginal facturé à l'échelle européenne.
Nous travaillons également, bien évidemment, au maintien d'EDF comme acteur majeur de notre transition écologique et énergétique. Cette entreprise a vocation à poursuivre l'exploitation de notre parc nucléaire et à développer massivement les énergies renouvelables, les capacités de stockage ainsi que les réseaux intelligents.
La priorité du Gouvernement est qu'EDF dispose de capacités accrues d'investissement pour qu'elle puisse participer pleinement à la transition énergétique dans ses différentes composantes, tout en restant une entreprise intégrée et publique. Cette démarche s'inscrit dans une vision plus large de l'État, consistant à sécuriser le maintien des installations nécessaires au succès de nos ambitions climatiques afin de corriger, je l'indiquais, les imperfections du marché de l'électricité.
Dans ce contexte, l'État entretient avec la Commission européenne, depuis plusieurs mois, des échanges approfondis, afin de convenir d'un projet équilibré de réorganisation d'EDF. Des progrès substantiels ont été réalisés lors de ces discussions, mais celles-ci n'ont pas encore abouti à un accord global. Nous les poursuivons donc.
Nous avons toujours pour objectif la mise en œuvre d'une réforme, protectrice pour les consommateurs et respectueuse des intérêts d'EDF, de la régulation du parc nucléaire français existant et du parc hydroélectrique de cette entreprise. Au cours des derniers mois, le Gouvernement a mené de nombreuses réunions bilatérales avec les organisations syndicales réunies en intersyndicale, afin de concevoir avec celles-ci une approche commune de cette réforme. Selon l'avancée de nos futurs échanges avec la Commission, de nouvelles concertations seront menées auprès de ces organisations.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, ma question était : poursuivons-nous la libéralisation du secteur de l'énergie ? Cette question vous est posée parce que, on le voit bien, l'organisation du marché européen, qui n'est pas de votre fait puisqu'elle date de 2002, ne fonctionne plus, alors que nous avons l'énergie la moins chère et la plus décarbonée, grâce à notre parc nucléaire ! (Marques d'assentiment sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Bravo !
M. Fabien Gay. Les Français sont en train de payer le prix de l'Europe libérale, puisque le tarif de l'électricité est fixé en fonction de celui du gaz ; voilà la réalité ! (M. Franck Menonville applaudit.) On marche sur la tête ! Nous n'y arriverons donc pas si nous ne sortons pas du marché européen de l'énergie.
En outre, comment un État qui entend parler de la question de souveraineté peut-il s'amputer d'un certain nombre de fleurons industriels ? Inutile de remonter à Alstom et à General Electric : nous sommes en ce moment en train de scinder Engie en deux, puisque la filiale Equans de ce groupe va être rachetée par Bouygues, l'autre partie devant être – on l'évoquait déjà, dans cet hémicycle même, voilà deux ans – rachetée par Total. Mais comment conduirez-vous la transition énergétique lorsque vous n'aurez plus aucun levier ?
Enfin, vous souhaitez démembrer l'entreprise EDF, main dans la main de la Commission européenne. Mais comment pourrez-vous investir, par exemple, dans le nucléaire et dans les petits EPR, lorsque vous aurez isolé le nucléaire dans ce que l'on appelle EDF Bleu, lorsque vous aurez scindé l'entreprise en trois et que vous aurez privatisé la filière Enedis, celle qui rapporte aujourd'hui de l'argent ? Vous n'aurez plus du tout d'argent pour investir, notamment dans la filière nucléaire et dans la transition énergétique !
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Fabien Gay. Bref, vous faites exactement le contraire de ce qu'il faudrait faire pour conquérir la souveraineté énergétique française, c'est-à-dire sortir le secteur de l'énergie des mains rapaces du privé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – M. Alain Chatillon applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. En juin 2020, madame la ministre, la commission des affaires économiques du Sénat alertait sur le risque inflationniste du secteur de l'énergie lié à la sortie de crise. Ce risque s'étant désormais réalisé, il témoigne de la situation de dépendance énergétique de notre pays. En effet, rappelons-le, 67% de notre consommation finale d'énergie est encore issue de combustibles fossiles, carbonés et importés.
La poursuite de l'essor des énergies renouvelables est une première partie de la réponse, comme le démontre le rapport de RTE publié le 25 octobre dernier, mais la relance du nucléaire est l'autre pendant de la réponse.
Alors que, depuis les années 1970, l'énergie nucléaire a contribué à éviter, à l'échelle mondiale, l'émission de gaz à effet de serre à hauteur de 63 gigatonnes de CO2, il serait impensable de ne pas s'appuyer sur cette énergie pour décarboner et électrifier notre économie et il serait plus que regrettable qu'elle ne figure pas dans la taxonomie européenne.
À cet égard, les dernières annonces présidentielles vont dans le bon sens et permettent de replacer l'atome au cœur de la transition énergétique, mais nous ne pouvons que déplorer le temps perdu dans ce secteur pourtant crucial.
Par ailleurs, nombre d'incertitudes subsistent : quels seraient le nombre de réacteurs envisagés et leur rythme de déploiement ? Comment garantir la maîtrise des coûts et éviter un "Flamanville bis" ?
Si la France peut mettre fin à sa dépendance énergétique et retrouver sa souveraineté en la matière en sortant des énergies fossiles, cela devra passer par une stratégie additive alliant production d'EnR et relance du nucléaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Moga, je vous rejoins très largement sur la question des orientations. Nous en avons trois.
La première consiste à baisser la consommation grâce à des efforts de sobriété, car c'est ainsi que nous nous en sortirons. Mon secteur, la rénovation énergétique des bâtiments, constitue d'ailleurs un levier prometteur, grâce auquel on peut engendrer une véritable baisse de la consommation d'énergie, tout en allégeant d'ailleurs les factures des ménages.
Second objectif : développer les énergies décarbonées et, en la matière, nous n'opposons pas les énergies renouvelables et le nucléaire, nous avons besoin des deux. C'est du reste ce que montrent très clairement les scénarios de RTE.
Dans la trajectoire consistant à diminuer notre consommation globale d'énergie, mais à augmenter notre consommation d'électricité, qui remplacera des énergies fossiles, il faut soutenir massivement les renouvelables et relancer le programme nucléaire.
Nous le savons, cette énergie fera durablement partie de notre mix énergétique.
Le Président de la République s'est exprimé sur cette relance du programme nucléaire ; il précisera les choses dans les jours ou dans les semaines qui viennent.
Toutefois, je l'indiquais précédemment, nous nous appuierons, pour cela, sur les technologies éprouvées, en particulier celle de l'EPR, qui, de même que la technologie des SMR, est soutenue par le plan France Relance et par France 2030. Ce programme permet également de soutenir le plan d'excellence de la filière, afin de renforcer la capacité de celle-ci à livrer, de façon opérationnelle et dans les délais, les technologies requises.
C'est cet ensemble de politiques publiques – ensemble clair, cohérent et permettant de se projeter à moyen et long termes – qui nous permettra d'atteindre la neutralité carbone en 2050.
En effet, M. le sénateur Gremillet citait la COP de Glasgow dans son introduction et nous avons réaffirmé, à cette occasion, l'ambition de l'Accord de Paris. Nous devons solidifier la trajectoire à l'horizon 2050 et les énergies renouvelables y contribueront.
Pour ce qui concerne la taxonomie européenne, je le répète, nous souhaitons que toutes les énergies décarbonées y figurent.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Madame la ministre, j'ai une pensée pour tous nos concitoyens qui peinent à remplir leur cuve de fioul, qui éteignent leur chauffage et qui redoutent l'arrivée de leurs factures. Le fait n'est pas nouveau, mais il est douloureux…
En cette période automnale, nos mairies, nos centres communaux d'action sociale (CCAS) et nos départements se mobilisent, comme chaque année, au service des plus fragiles. Mes chers collègues, notre souveraineté énergétique consiste aussi en ceci : continuer d'agir au plus près, afin que tout un chacun puisse disposer d'une énergie suffisante pour mener une vie décente. Pourtant, cette "énergie nécessaire" est pourtant en train d'évoluer.
Vous l'avez rappelé, madame la ministre, nos besoins en électricité auront augmenté de plus de 15% d'ici à 2035 et de plus de 35% d'ici à 2050. L'accroissement de sobriété énergétique auquel nous nous sommes engagés est lent et nous sommes assez loin de l'objectif de 40% d'énergies renouvelables d'ici à 2030. Or cet engagement nous oblige.
Dans ce contexte, je m'interroge sur le projet de renouvellement d'un tiers de nos contrats de concessions hydroélectriques en 2023 et de possibles ouvertures de ces ouvrages à la concurrence, à la découpe. Compte tenu des besoins croissants, la tentation est en effet grande de privatiser ces concessions et d'accélérer à tout va la production hydroélectrique, sans respecter les multiples usages partagés : le loisir, l'approvisionnement local et les usages agricoles.
Les acteurs de l'hydroélectricité s'inquiètent légitimement du changement de gouvernance, radical, technocratique et totalement libéralisé, qui pourrait se profiler.
Madame la ministre, à quelques jours de la présidence française de l'Union européenne et, il faut le rappeler, soixante-dix ans après la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), quelles initiatives européennes comptez-vous prendre pour assurer la protection de notre modèle national de production hydroélectrique, qui fait la fierté de notre pays ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Roux, en ce qui concerne votre premier point – la protection du pouvoir d'achat –, la lutte contre la précarité énergétique fait partie de nos priorités. Je rappelais, à cet égard, le chèque énergie exceptionnel de 100 euros et l'indemnité inflation.
Par ailleurs, en tant que ministre chargée du logement, je mène avec les associations un travail sur la lutte contre la précarité énergétique, notamment en faisant en sorte que les ménages les plus modestes puissent avoir accès à des bouquets de travaux qui leur permettent de rénover leur logement et en incitant les propriétaires bailleurs à rénover les passoires thermiques. En effet, en général, on trouve dans ces logements nos concitoyens les plus modestes, dont les factures peuvent être extrêmement élevées.
La seconde partie de votre question porte sur l'hydroélectricité. Cette source d'énergie fait évidemment partie de notre mix énergétique. Il s'agit d'une énergie renouvelable flexible et compétitive, très importante pour le développement économique et le dynamisme de nos territoires.
Selon le droit français, les concessions hydroélectriques échues doivent être renouvelées par mise en concurrence. Or plusieurs concessions sont arrivées à échéance entre la fin de 2011 et aujourd'hui, sans que la procédure concurrentielle ait été engagée, les gouvernements successifs s'étant donné le temps de préparer la mise en concurrence avec l'ensemble des acteurs.
Ce retard ayant été constaté par la Commission européenne, celle-ci a engagé un contentieux en 2015 et, en mars 2019, elle a mis en demeure la France, ainsi d'ailleurs que d'autres pays européens, de respecter le droit communautaire en matière d'attribution des droits d'exploitation de l'hydroélectricité.
Cette situation nuit aux investissements dans le secteur, elle est source d'incertitude pour les entreprises, les salariés et les collectivités. C'est pourquoi le Gouvernement a engagé des discussions avec la Commission européenne pour trouver une solution.
Dans le cadre des réflexions menées autour de la réorganisation du groupe EDF, le Gouvernement explore également la voie consistant à attribuer sans mise en concurrence les concessions à une structure publique dédiée, contrôlée par l'État ; c'est le régime de la quasi-régie, qui s'accompagne d'exigences fortes faisant l'objet d'échanges avec la Commission. Aucun accord n'a encore été trouvé, aucune décision n'a encore été prise, mais ce sujet reste très fortement soutenu par le gouvernement français.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Madame la ministre, la hausse actuelle des prix de l'électricité est directement liée à leur indexation sur le prix des énergies fossiles, qui se répercutent sur les coûts de production.
Bien que, en France, cela ne représente que 6% de l'électricité produite, la libéralisation du marché européen de l'énergie affecte les factures des particuliers et des entreprises, et remet en cause notre indépendance énergétique. Nous dépendons en effet de l'extérieur pour nous approvisionner en énergies fossiles et en uranium, dont nous importons la totalité de nos besoins, soit 9 000 tonnes par an.
Pour gagner en indépendance énergétique et géopolitique, faire face aux fluctuations de prix ainsi qu'au risque de pénurie et de blackout énergétique, nous devrions stocker notre propre électricité.
Or, à l'heure actuelle, l'énergie produite par les barrages hydroélectriques est la seule stockable ; elle est également non émettrice de CO2, 100% renouvelable et très compétitive, puisque les barrages produisent une électricité à 30 euros par kilowattheure.
Miser sur cette énergie réduirait donc notre dépendance et permettrait d'avoir une stratégie affinée en matière de pilotage du système électrique. Elle soutiendrait notamment les entreprises électro-intensives, qui doivent bénéficier d'une énergie peu coûteuse. Nous devons être très "proactifs" pour en développer la maîtrise.
Madame la ministre, quelle stratégie entendez-vous mettre en œuvre pour que l'hydroélectricité puisse pleinement participer à l'équilibre de notre mix énergétique ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Viviane Artigalas, je partage assez largement votre diagnostic sur le fonctionnement actuel du marché européen de l'électricité, qui consiste à déterminer les prix en fonction du coût de production de la centrale ou de l'unité de production marginale – en général, le gaz –, alors même que notre mix énergétique ne repose que très faiblement sur cette source d'énergie.
C'est la raison pour laquelle, je le disais en réponse à M. le sénateur Longuet, la France a entrepris d'ouvrir un débat avec les États membres de l'Union européenne et la Commission européenne sur l'évolution du mécanisme de fixation du prix marginal de l'électricité, afin de limiter cet effet inflationniste, dans la mesure où nos capacités de production, fondées sur le nucléaire et sur des énergies renouvelables, sont résilientes.
Cette discussion a été engagée au sein de l'Union européenne, pour envisager les conditions dans lesquelles on peut faire évoluer ce mécanisme, en maintenant l'importance de l'interconnexion, afin de garantir notre approvisionnement en toute situation.
Parmi nos modes de production, vous appelez mon attention sur l'hydroélectricité. Il s'agit effectivement d'une énergie vertueuse : elle est renouvelable et stockable, grâce au mécanisme des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP). C'est un élément important de notre mix.
En complément de la réponse que je viens de faire à M. Roux, je vous confirme, madame la sénatrice, que nous souhaitons trouver avec la Commission européenne un accord sur la maîtrise des conditions de remise en concurrence des concessions, afin de conserver le modèle que nous avons bâti, qui est utile et efficace et qui nous convient. Ces discussions sont en cours, elles n'ont pas encore abouti, mais le Gouvernement continue de défendre les intérêts français en la matière.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Il faut avoir une stratégie très offensive sur ce sujet.
Je veux insister sur l'importance de l'hydroélectricité, en rappelant que l'État doit absolument garder la main, d'une façon ou d'une autre, sur les gestionnaires des barrages dont il est propriétaire. En outre, les trois principales entreprises gestionnaires en France – la Compagnie nationale du Rhône (CNR), la société hydro-électrique du Midi (SHEM) et EDF – ont une action qui va au-delà de la simple gestion des concessions hydroélectriques, puisqu'elles investissent dans les territoires et déploient une stratégie industrielle que la France doit absolument conserver et soutenir. Notre indépendance et notre souveraineté énergétique en dépendent.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Babary. (Mme Sophie Primas applaudit.)
M. Serge Babary. Madame la ministre, la France et l'Europe connaissent une crise énergétique majeure, avec une multiplication, par rapport à 2020, du prix de marché du gaz par deux, de celui du pétrole par trois et de celui de l'électricité par neuf.
Ces augmentations ont des conséquences sur les tarifs réglementés de vente. En octobre, le prix du gaz a ainsi augmenté de 12,5%. S'agissant de l'électricité, on ne mesurera l'ampleur de l'augmentation de son prix qu'en février prochain, mais l'Union des industries utilisatrices d'énergie (Uniden) prévoit une hausse d'un tiers de la facture d'électricité des industries françaises. Du reste, outre l'industrie, tous les secteurs économiques sont touchés, d'une façon ou d'une autre.
À cette hausse, déjà susceptible de créer un déficit concurrentiel vis-à-vis de la Chine et des États-Unis, s'ajoute une augmentation du prix des matières premières.
Or préserver la souveraineté énergétique de la France n'a de sens que si l'on préserve aussi la compétitivité de nos entreprises, qui attendent du Gouvernement une vision à long terme, d'autant plus que même la filière nucléaire, sur laquelle s'appuiera à l'avenir notre mix énergétique, nous rend dépendants des importations d'uranium – 9 000 tonnes par an, cela a été rappelé –, métal que nous n'exploitons plus depuis 2001.
Il est donc urgent de mettre en place une politique énergétique qui sécurise les approvisionnements, les tarifs, mais également les finances publiques. Aussi, madame la ministre, comment allez-vous préserver notre souveraineté énergétique, gage de la compétitivité de l'ensemble des entreprises françaises ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Vous avez raison, monsieur le sénateur Babary, les marchés de l'énergie connaissent une situation inédite depuis la création du marché européen de l'énergie, avec une augmentation des prix sans précédent qui s'applique à tous les pays d'Europe et qui est principalement liée à une très forte hausse des prix du gaz naturel.
Pour ce qui concerne les consommateurs, je n'y reviens pas, nous avons annoncé des mesures visant à protéger ces derniers, au travers notamment du gel du prix du gaz et d'un bouclier tarifaire correspondant à une augmentation maximale de 4% des prix de l'électricité. D'ailleurs, ce bouclier tarifaire sur l'électricité bénéficiera aussi aux entreprises, dans la limite d'un taux minimal de 0,50 euro par mégawattheure prévu par le droit communautaire.
Pour les entreprises les plus électro-intensives, le Gouvernement a proposé et l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture du projet de loi de finances pour 2022, un amendement visant à augmenter le montant de la compensation carbone versée aux industriels les plus électro-intensifs en 2022. Cette augmentation permettra de renforcer en cours d'année la trésorerie des entreprises, alors que ces dernières connaissent actuellement une forte hausse de leur facture énergétique, notamment d'électricité, quand elles s'approvisionnent sur le marché.
En outre, les entreprises bénéficient d'un cadre réglementaire plus protecteur que leurs principaux concurrents européens, grâce à l'Arenh, une spécificité française bénéficiant à tous les consommateurs et permettant aux entreprises d'être protégées des fluctuations de prix de marché pour une part importante de leur approvisionnement électrique.
À plus long terme, nous avons eu l'occasion de l'évoquer à plusieurs reprises, la France promeut des propositions de réforme du marché européen de l'énergie afin de déconnecter la volatilité des prix du prix pour le consommateur final en France.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.
M. Serge Babary. Nous partageons l'inquiétude générale sur la situation catastrophique de la balance du commerce extérieur. Les entreprises françaises ont quasiment un seul avantage concurrentiel : le prix de l'énergie. C'est pour cette raison qu'il faut être d'une grande vigilance.
Je vous remercie donc des quelques annonces que vous faites, mais il faut aller très vite, afin d'éviter de perdre, encore une fois, notre place sur les marchés internationaux. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Mme Denise Saint-Pé. Madame la ministre, la COP26, qui vient de s'achever, nous rappelle l'urgence qu'il y a à accentuer nos efforts en faveur d'un mix énergétique décarboné visant à limiter les dégâts du dérèglement climatique.
Le récent rapport de RTE fournit deux axes de réponse : investir massivement dans les EnR et, en parallèle, au moins maintenir, si ce n'est accroître, notre production d'électricité nucléaire.
À ce titre, je tiens à saluer les choix récents du Gouvernement en faveur de cette filière, avec le plan de relance France 2030, visant à financer de petits réacteurs modulaires, ainsi que l'annonce, par le Président de la République, de la construction de nouveaux réacteurs EPR.
Ce n'est pas trop tôt !
En effet, alors que de nombreuses centrales vont être mises en maintenance pour prolonger leur fonctionnement, l'intermittence des EnR nous place à la merci des productions d'énergie étrangères, qui ne sont pas toujours aussi vertueuses que nous du point de vue des émissions de gaz à effet de serre. C'est pour éviter ce scénario qu'il est nécessaire d'intensifier le développement des EnR, mais également de relancer immédiatement le nucléaire, afin de conserver notre souveraineté énergétique.
Il sera alors particulièrement important de dialoguer avec les élus locaux, car les territoires, notamment ruraux, seront les premiers affectés par les aménagements nécessaires pour atteindre cet objectif. Il serait notamment anormal que ces élus se voient imposer centrales nucléaires ou parcs éoliens, quand, dans le même temps, leurs demandes de certificats d'urbanisme sont rejetées au motif de la lutte contre l'artificialisation des sols !
Ma question est par conséquent très simple : comment le Gouvernement compte-t-il aborder cette concertation avec ces acteurs incontournables de notre transition énergétique ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Saint-Pé, le rapport de RTE montre effectivement que, quels que soient nos choix en matière de nucléaire, nous devons accélérer fortement le développement des énergies renouvelables ; nous devons donc travailler sur ces deux piliers : nucléaire d'un côté, renouvelables de l'autre.
Dans les deux cas, il nous faut trouver les modalités de concertation avec les élus et les habitants des territoires, afin que tout cela se fasse après une phase importante d'échanges.
Côté nucléaire, c'est au travers du débat public que la question sera posée, une fois que nous aurons précisé l'ambition du Gouvernement et du Président de la République. La Commission nationale du débat public enclenchera alors le débat public nécessaire et légitime sur la suite du développement du nucléaire en France.
Côté énergies renouvelables, on est un peu dans la même logique : il convient d'avoir une meilleure territorialisation, une meilleure association des élus et des citoyens avant toute mise en place d'un projet. Il est nécessaire de prévoir une planification à l'échelle locale, afin de donner une meilleure visibilité à nos concitoyens et de mieux associer les collectivités locales, lesquelles jouent, effectivement, un rôle important.
À cet égard, Mme la ministre de la transition écologique a demandé aux préfets de région, en mai dernier, d'établir, en concertation avec les collectivités et toutes les parties prenantes, une cartographie des zones favorables au développement de l'éolien. Les premiers résultats seront disponibles à la fin de cette année et les cartographies seront finalisées d'ici à la mi-2022.
La loi Climat et résilience accentue cette planification, en prévoyant une déclinaison régionale des objectifs, en matière d'EnR, de la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie. Cette déclinaison sera établie en lien avec les régions et en consultant les nouveaux comités régionaux de l'énergie, qui regroupent notamment les collectivités et les principaux acteurs concernés. Ces dispositions permettront d'établir une planification au plus près des territoires et de débattre démocratiquement des questions énergétiques.
Sans attendre la prochaine PPE, les régions disposent déjà du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) pour planifier le développement des EnR sur leur territoire et pour mettre en place des mesures, comportant des actions d'information du public, de formation des professionnels ou de développement des infrastructures.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Madame la ministre, la souveraineté énergétique nationale passera aussi par notre capacité à respecter concrètement le mix énergétique global et la trajectoire de la PPE dans le temps.
L'augmentation, probablement très importante, des usages domestiques et industriels de l'électricité pose donc la question de notre capacité nationale à disposer, en temps voulu, de tous les modes de production prévus. Cela vaut pour le nucléaire tout autant que pour les énergies renouvelables.
Les problèmes que rencontrent aujourd'hui nombre de territoires pour développer des projets photovoltaïques ou de méthanisation, sans parler d'éolien terrestre ou offshore, attestent de difficultés d'ores et déjà importantes. Les collectivités locales et, en premier lieu, les citoyens, mais également les porteurs de projets, les agriculteurs, les syndicats d'énergie doivent coopérer pour répondre aux objectifs des Sraddet et des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) déclinés dans les départements.
Or on constate aujourd'hui que, dans nombre de territoires, le pilotage et l'organisation des parties prenantes sont inexistants ou insuffisants pour mener à bien les dossiers présentés.
Madame la ministre, au-delà des Sraddet, des plans climat-air-énergie territorial (PCAET) et autres territoires à énergie positive (Tépos), quel rôle entendez-vous faire jouer aux préfets de département pour coordonner les acteurs, anticiper les problèmes, rationaliser les processus d'autorisation des projets et, en définitive, être au rendez-vous, en temps voulu, des objectifs départementaux, régionaux et nationaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. En effet, monsieur le sénateur Montaugé, il y a un vrai enjeu d'appropriation territoriale de nos politiques de développement énergétique, en particulier des énergies renouvelables.
C'est l'objet de la feuille de route que Mme la ministre Barbara Pompili a présentée récemment, qui comportait dix mesures pour l'éolien, à commencer par la demande expresse faite aux préfets d'être extrêmement vigilants à la cohérence territoriale et à l'acceptabilité des projets passant par le guichet préfectoral.
Au-delà de cela, je citais précédemment les comités régionaux de l'énergie, qui seront chargés de favoriser la concertation locale, notamment avec les collectivités ; la loi Climat et résilience renforce également le rôle du maire, en imposant que soit adressé à ce dernier, préalablement au dépôt de la demande d'autorisation, le résumé non technique de l'étude d'impact du projet, afin qu'il puisse adresser ses observations au porteur de projet, en tenant le préfet informé. Le porteur du projet est alors tenu de répondre.
Un réseau de conseillers sur le photovoltaïque et l'éolien sera également mis en place, afin de soutenir les collectivités dans le développement de leurs projets. En parallèle de ces actions, pour améliorer la concertation et l'implication des collectivités et pour donner aux préfets un rôle renouvelé en matière d'énergies renouvelables, un arrêté de 2020 renforce les exigences sur le recyclage des éoliennes, qui est aussi un sujet important. Cet arrêté rend ainsi obligatoire l'excavation complète des fondations et impose de travailler sur les nuisances lumineuses.
Toutes ces mesures techniques, en associant mieux les élus sous l'égide du préfet, devraient permettre d'atteindre les objectifs ambitieux de la PPE en matière d'énergies renouvelables.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Je vais préciser mon propos, madame la ministre.
Quelles sont les lignes directrices pour prendre en compte le photovoltaïque sans diminuer les surfaces agricoles productives ? Quels seront les critères d'éligibilité pour la méthanisation, au regard par exemple des enjeux de transports des intrants et du digestat ? Quels seront les critères pour optimiser le positionnement des unités sur le réseau de raccordement ? Quelles seront les recommandations pour le cadre de pilotage collectif départemental : société d'économie mixte, coopérative ou autre ? Comment faire en sorte que le maximum de valeur revienne aux agriculteurs et aux autochtones et n'échappe pas aux territoires ?
Sur ces points et sur d'autres, l'"État local" doit apporter son concours pour garantir plus d'efficacité collective !
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Perrin. Madame la ministre, voilà un an, l'exécutif annonçait son plan Hydrogène : plus de 7 milliards d'euros pour soutenir cette filière, qui permet de décarboner l'industrie et les transports. Cet engagement était attendu, tant il permettra d'accélérer notre transition écologique tout en réduisant notre dépendance vis-à-vis des importations d'hydrocarbures.
Passé l'effet d'annonce, il a toutefois fallu attendre la semaine dernière pour entendre le Président de la République déclarer le retour en grâce de l'énergie nucléaire. Nous étions nombreux à juger cette attente incompréhensible : plaider en faveur de l'hydrogène bas-carbone, c'est nécessairement avoir recours à des quantités massives d'électricité.
Si cette conversion récente du chef de l'État constitue en soi une bonne nouvelle, le flou qui l'entoure doit rapidement être levé. Je m'associe pleinement à la demande formulée par nos collègues de la commission des affaires économiques, qui exigent de la clarté, en particulier sur les arrêts des réacteurs existants et sur la construction d'EPR ou de SMR.
Si un cap clair et de long terme est indispensable à l'échelon national, il ne saurait être suffisant. La défense du nucléaire passe aussi par Bruxelles.
Guidée par quelques États membres, qui n'investissent pas, ou plus, dans l'industrie nucléaire, la Commission européenne considère que la filière n'est pas durable. Or notre capacité de production d'hydrogène alimentée par des énergies renouvelables n'étant suffisante ni aujourd'hui ni dans un avenir proche, cela pourrait se traduire par de nouvelles obligations très contraignantes et très coûteuses pour nos entreprises françaises.
A fortiori, les acteurs de la chaîne de production hydrogène risquent de prendre du retard et d'être dépassés par leurs concurrents, notamment asiatiques – je pense notamment à la Chine, qui, coûte que coûte, décide de développer les usages et les produits manufacturés.
L'argent ne suffira pas au développement rapide d'une filière hydrogène compétitive à l'international si nos partenaires européens ne considèrent pas le nucléaire comme un allié indiscutable de la transition écologique. Lui seul offre, à l'heure actuelle, une capacité de production d'hydrogène suffisante pour répondre à l'enjeu écologique, technologique et économique. Évitons, comme pour la production des batteries, de perdre la guerre sans mener la bataille.
Madame la ministre, comment le Gouvernement compte-t-il s'y prendre pour convaincre ses partenaires européens et assurer, dans les plus brefs délais, cette indépendance technologique qui manque tant à la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Perrin, l'hydrogène est effectivement un outil très important pour accélérer la décarbonation de notre mix énergétique. S'il est produit à partir d'une énergie non carbonée, il s'agit d'une solution de stockage d'énergie pertinente. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement lui consacre un plan de 7 milliards d'euros jusqu'en 2030.
La stratégie française repose sur une production nationale d'hydrogène à partir de notre mix électrique décarboné, composé de nucléaire et d'énergies renouvelables, ce qui doit nous permettre de réduire notre dépendance vis-à-vis de l'importation d'hydrocarbures.
La France veut atteindre une capacité de 6,5 gigawatts d'électrolyseurs installés en 2030. Cet objectif ambitieux est cohérent avec la disponibilité d'électricité bas-carbone, d'origine tant nucléaire que renouvelable, que nous prévoyons dans le cadre de notre politique pluriannuelle de l'énergie.
La disponibilité d'une électricité bas-carbone, au-delà de 2030, est un enjeu bien identifié. Dans son étude, RTE analyse plusieurs évolutions possibles du marché de l'hydrogène décarboné et les conséquences sur les besoins en électricité. Ces études seront prises en compte avec le plus grand sérieux pour élaborer la prochaine PPE, après l'adoption de la loi qui vous sera soumise en 2023.
L'une des priorités de la stratégie française pour l'hydrogène décarboné réside dans le soutien à la recherche, à l'innovation et au développement de compétences.
À ce titre, la question de l'augmentation du rendement du processus d'électrolyse est essentielle. L'électrolyse haute température figure parmi les pistes étudiées : certains acteurs considèrent que la chaleur nécessaire à cette solution pourrait être produite par des réacteurs nucléaires. C'est un enjeu de recherche, qui nécessite d'être examiné en détail.
Compte tenu de la maturité de telles solutions, leur déploiement à une échelle industrielle apparaît encore peu probable à l'horizon de 2030.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Cadec.
M. Alain Cadec. Madame la ministre, en matière énergétique, avec cinquante-six réacteurs répartis sur dix-neuf sites, la France dispose du parc nucléaire le plus important d'Europe. Il s'agit d'un véritable atout, d'une chance, dans la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, je rappelle que la part d'émissions de CO2 de notre pays à l'échelle européenne est de 1,1%, contre 10% pour l'Allemagne et 12% pour les Pays-Bas.
Premier pays exportateur d'électricité d'Europe, la France fournit 30% de l'électricité de l'Union européenne et permet de réduire d'autant la dépendance aux énergies fossiles. Ces dernières, comme le charbon, le fioul ou le gaz, voient leur demande s'accroître et leur prix augmenter. Les Français sont alors mécaniquement confrontés à une hausse généralisée du prix de l'énergie.
Afin d'anticiper les besoins futurs en électricité, qui s'annoncent exponentiels, la France va devoir mettre en œuvre de nouvelles capacités de production d'électricité. Nous devons consolider notre indépendance énergétique, notamment au travers de notre parc nucléaire.
Je note d'ailleurs que le Président de la République, après un déni de trois ans – madame la ministre, rappelez-vous le discours du 27 novembre 2018 ! –, vient de le découvrir – comme quoi, l'approche des échéances électorales peut rendre lucide !
Il nous faut donc reconditionner nos centrales existantes, continuer notre programme EPR et développer les microcentrales SMR, tout cela bien entendu dans le cadre d'un mix énergétique dans lequel le photovoltaïque et l'éolien ont toute leur place.
Cependant, il est impératif que l'éolien, notamment offshore, ne soit pas implanté n'importe où, n'importe comment et à n'importe quel prix. Je pense bien évidemment au parc de la baie de Saint-Brieuc, qui ne coche pas les cases : c'est n'importe où, n'importe comment et à n'importe quel prix ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la ministre, quelle est votre position sur ce parc, qui fait l'unanimité contre lui ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Cadec, nous sommes relativement d'accord en ce qui concerne la philosophie générale de notre trajectoire de moyen terme : réduction de la consommation – c'est indispensable – et production d'électricité s'appuyant en partie sur le renouvelable et sur le nucléaire.
La programmation pluriannuelle de l'énergie, adoptée en 2018, prévoyait déjà 50% d'énergie nucléaire en 2035 et une montée progressive des renouvelables.
Pour satisfaire nos besoins en matière de consommation électrique, nous allons continuer de développer les renouvelables et le nucléaire. Dans ce dernier domaine, nous nous appuierons sur la technologie EPR, en prolongeant, lorsque c'est possible, nos réacteurs, et nous accompagnerons les fermetures programmées, de façon à éviter l'effet falaise évoqué voilà quelques instants.
En ce qui concerne l'éolien offshore, nous allons retravailler la planification par façade maritime, ce qui permettra une meilleure visibilité et une meilleure concertation. Mais cette planification n'aura lieu qu'après un débat préalable avec les élus.
Le parc de Saint-Brieuc, quant à lui, fait l'objet de débats et d'échanges renouvelés avec les élus depuis son attribution, voilà huit ans. Un effort de réduction de la capacité a déjà été engagé.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, c'est peu de dire que les propos du Président de la République, le 9 novembre dernier, au sujet du renouvellement de notre parc nucléaire, ont eu un certain écho dans l'opinion publique, tant la question agite aujourd'hui le débat politique.
Néanmoins, les observateurs peinent à identifier les réelles intentions de l'exécutif. En effet, l'annonce d'une relance de la construction de réacteurs est frappée d'un flou artistique particulièrement inadéquat dans ses considérations scientifiques et stratégiques.
Dès lors, madame la ministre, nous comptons sur vous pour préciser un certain nombre de points. S'agirait-il des Small Modular Reactors, les fameux SMR évoqués voilà quelques semaines par Emmanuel Macron lui-même, ou bien d'EPR de deuxième génération, dont la puissance reste à préciser ? Ou s'agirait-il d'une orientation guidée par des éléments nouveaux dont le Président de la République ne disposait pas au début de son quinquennat ?
Par ailleurs, puisque nous évoquons notre souveraineté énergétique, quelle est la position du Gouvernement concernant le nucléaire du futur, qui passe nécessairement par le cycle fermé du combustible, principe inscrit dans le marbre de la loi en 1991 et en 2006 ?
Si le Président de la République vise effectivement un tel objectif, pouvez-vous nous expliquer la cohérence de l'abandon du programme de recherche Astrid sur les réacteurs à neutrons rapides, les réacteurs de quatrième génération, seuls à même de nous assurer une véritable indépendance grâce au stock considérable de plus de 300 000 tonnes d'uranium appauvri dont nous disposons sur notre territoire ?
Madame la ministre, à défaut d'avoir été consulté dans ces processus de décision, le Parlement attend des réponses claires de votre part. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Piednoir, le Président de la République a donné une orientation en annonçant que nous devions continuer d'investir dans le nucléaire, pour atteindre notre souveraineté énergétique et cet équilibre de production d'électricité décarbonée qui, je le répète, s'appuie d'une part sur le nucléaire, et de l'autre sur les énergies renouvelables.
En ce qui concerne le nucléaire, nous allons travailler à la fois sur l'évolution progressive des centrales actuelles, entre fermetures programmées et prolongation des tranches, en fonction des situations, et sur le lancement d'une production nouvelle, qui pourrait passer d'abord par des EPR, technologie plus mature, puis par des SMR, technologie d'appoint qui viendra plutôt après 2030.
Pour ce qui est du projet Astrid, le Gouvernement, en liaison avec la filière nucléaire, a acté, dans le cadre de la PPE, que le besoin d'un démonstrateur industriel de ce type s'est éloigné de plusieurs décennies, sans pour autant avoir totalement disparu. En effet, les ressources en uranium naturelles sont aujourd'hui abondantes et disponibles à bas prix ; elles devraient le rester jusqu'à la seconde partie du XXIe siècle.
Par ailleurs, la recherche conduite depuis plus de vingt ans montre que les réacteurs de quatrième génération ne suppriment pas le besoin d'une solution de stockage des déchets radioactifs.
Au regard de ces constats, et en raison de son coût élevé, le projet Astrid a été suspendu à la fin de 2019. Le Gouvernement a décidé de concentrer ses efforts sur le multirecyclage des réacteurs de troisième génération, dans la préfiguration d'un développement plus performant de nouveaux réacteurs, notamment en matière de gestion des déchets. Le plan France 2030 s'inscrit dans cette logique.
Pour autant, la PPE prévoit le maintien d'un programme de recherche sur la quatrième génération, reposant sur un volet de simulation et sur un volet expérimental, afin de garantir un socle de compétences et de permettre la construction d'un éventuel démonstrateur industriel à l'avenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, dans quelque domaine que ce soit, la souveraineté ne se construit pas sur le temps court, ni dans la précipitation, et encore moins à la faveur d'une campagne électorale.
J'aurais aimé vous entendre reconnaître l'incongruité des décisions prises depuis plus de dix ans visant à condamner la filière nucléaire et des déclarations plus récentes, qui semblent en faveur d'un renouveau du nucléaire, mais qui sont marquées par une forme d'"insincérité incontestable", pour reprendre les termes de notre collègue Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fournier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Fournier. Madame la ministre, la souveraineté, notamment la souveraineté énergétique, est au cœur de tous les débats. La crise sanitaire a fait évoluer la plupart de nos paradigmes, et même les plus libéraux redécouvrent aujourd'hui les bienfaits de l'indépendance économique et industrielle.
La hausse abrupte des coûts de l'énergie – gaz, pétrole, électricité –, qui était prévisible, nous oblige aussi à revoir nos politiques et à réhabiliter ce qui était vilipendé ces dernières années. Bien évidemment, je pense ici au nucléaire.
Le Gouvernement a arrêté, en 2019, le projet de recherche sur les réacteurs de quatrième génération, décision très discutable et très commentée par toute la filière.
Ainsi, comme souvent, mes chers collègues, il aura fallu deux événements majeurs pour que nous nous rendions compte de la triple chance qu'avait notre pays de disposer d'une énergie à un coût relativement bas, très peu émettrice de CO2 et qui nous assure une relative indépendance. Je suis donc ravi que le Gouvernement engage un aggiornamento de notre politique énergétique, dont le point principal est notre souveraineté.
Le discours du Président de la République, qui souhaite que la France investisse 1 milliard d'euros dans l'énergie nucléaire d'ici à 2030, avec la construction de petits réacteurs, va dans la bonne direction. Toutefois, mes chers collègues, cela ne pouvait bien évidemment pas suffire…
Si, d'un côté, la politique du mix énergétique doit être poursuivie, avec bien sûr la montée en puissance des énergies renouvelables, de l'autre, la France doit impérativement renouveler son parc de réacteurs nucléaires. Ainsi, la semaine dernière, M. Emmanuel Macron a annoncé vouloir mettre en œuvre un nouveau plan pour le développement du nucléaire dans les prochaines années.
Aussi, je souhaiterais connaître, madame la ministre, les modalités de ce nouveau plan et le nombre de nouveaux réacteurs de type EPR que le Gouvernement compte construire.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Fournier, je souhaite redire que la base de notre stratégie énergétique – baisse de la consommation et appui sur les renouvelables et sur le nucléaire – était déjà posée dans la programmation pluriannuelle de l'énergie de 2018.
La PPE prévoyait bien une augmentation très forte du renouvelable, dont nous avons toujours besoin – les scénarios de RTE soulignent tous que nous devons augmenter rapidement la part des renouvelables, dans des conditions maîtrisées d'acceptabilité, qu'il s'agisse de l'éolien terrestre, de l'éolien en mer ou du photovoltaïque –, ainsi que le maintien de notre capacité hydroélectrique et de notre capacité nucléaire.
La PPE fixait également un objectif de 50% de nucléaire en 2035. Nous avons prolongé cette trajectoire jusqu'en 2050, ce qui nous amène au renouvellement de nos capacités nucléaires. Nous allons donc travailler sur ces trois dimensions : l'accompagnement de l'évolution des tranches nucléaires actuelles, la prolongation de quatorze des vingt-six installations au-delà de la visite décennale prévue par la PPE d'ici à 2035 et le développement du nouveau nucléaire, à la fois sous forme d'EPR et de SMR.
Vous avez raison de le souligner, le Président de la République a annoncé un investissement de 1 milliard d'euros dans l'innovation nucléaire, en complément de ce plan de soutien à l'excellence de la filière.
Le reste des modalités sera annoncé prochainement et soumis à débat public. Il ne m'appartient pas de faire des annonces ici, aujourd'hui, mais les orientations générales sont bien celles que j'ai dites : maintien et répartition dans le temps des fermetures programmées des réacteurs arrivant en fin de vie, pour éviter l'effet falaise ; développement du nouveau nucléaire sur base d'EPR et de SMR ; enfin, soutien à l'innovation, à la technologie et à l'excellence.
Il s'agit des fondamentaux du volet nucléaire de notre stratégie et de notre souveraineté énergétiques.
Source http://www.senat.fr, le 26 novembre 2021