Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, à France Info le 24 janvier 2022, sur le passe vaccinal, le prix de l'électricité et le pouvoir d'achat.

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Média : France Info

Texte intégral


MARC FAUVELLE
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Marc FAUVELLE.

MARC FAUVELLE
Le pass vaccinal entre donc en vigueur ce matin. Est-ce que les restaurateurs et les cafetiers qui ne contrôlent pas l'identité de leurs clients seront sanctionnés ?

BRUNO LE MAIRE
Ils peuvent contrôler, et je pense que c'est leur intérêt lorsqu'il y a un doute, le pass sanitaire a été efficace, le Conseil d'analyse économique l'a dit de manière très claire, ça a protégé l'économie, ça a évité des fermetures d'entreprises, ça a protégé les emplois. Je pense que le pass vaccinal sera d'autant plus efficace, et ça protège les restaurateurs, les hôteliers, tous ceux qui accueillent du public, parce que ça évite les contaminations, et ça permet de rester ouvert.

MARC FAUVELLE
Si un client entre avec un faux pass sanitaire, le responsable du restaurant ou du café pourra en être tenu comme responsable devant la justice ?

BRUNO LE MAIRE
Mais l'intérêt du restaurateur, c'est que s'il y a un doute, enfin, c'est très concret, vous rentrez, on vous demande votre pass, il y a une machine où c'est quelqu'un qui vous tend un téléphone portable, si vous avez un client qui résiste, qui n'est pas d'accord, où on sent qu'il y a un doute sur son identité, quel est l'intérêt du restaurateur ? C'est de vérifier son identité, tout simplement pour s'assurer que le virus ne circule pas, qu'il ne va pas contaminer ses salariés, pas contaminer son établissement, parce que, quand je vois aujourd'hui ce qui se passe en France, vous avez beaucoup de restaurateurs qui ont des difficultés, tout simplement parce que leurs salariés en salle ou en cuisine sont tombés malades, ont le variant, et donc ils sont obligés de fermer leur établissement ; et ce n'est l'intérêt de personne. La responsabilité de chacun, c'est la meilleure protection contre le virus.

SALHIA BRAKHLIA
Alors, justement, Bruno LE MAIRE, avec Omicron, des centaines de milliers d'arrêts-maladie sont posées chaque jour en France. Vous en parliez avec les restaurateurs, mais est-ce que, globalement, ça se ressent ça sur l'économie française ?

BRUNO LE MAIRE
Ça complique évidemment la vie de certains établissements, ça peut compliquer la vie de certaines entreprises industrielles, mais ça n'a pas d'impact global sur l'économie française. Donc je maintiens notre prévision de croissance de 4% pour 2022, nous avons fait un très bon chiffre en 2021, on aura le chiffre définitif dans quelques semaines, mais on sera au-dessus des 6,25 % que nous avions envisagés. Donc l'économie française a très bien réagi après la crise. La dynamique reste bonne, et donc je maintiens les 4% de croissance pour 2022.

MARC FAUVELLE
On connaît le calendrier de levée des restrictions, ça va se faire en deux étapes pendant le mois de février, Bruno LE MAIRE, fin des restrictions, ça veut dire fin des aides, fin définitive du quoi qu'il en coûte ?

BRUNO LE MAIRE
Nous sommes très simples et pragmatiques, tant qu'il y a des restrictions, il y a des aides, notamment pour les secteurs du tourisme, de l'hôtellerie, de la restauration, de l'événementiel, les traiteurs. Dès lors qu'il n'y a plus de restrictions sanitaires, il n'y a pas de raison de maintenir des aides, est-ce que pour autant, je vais couper le fil avec tous ces secteurs qui ont été touchés par la crise ? Certainement pas, ça fait 2 ans que je suis en contact quotidien avec eux pour trouver à chaque fois les meilleures réponses, et pour proposer au Premier ministre et au président de la République le dispositif le plus adapté, on l'a encore adapté très récemment en prenant en charge une partie de la masse salariale des restaurateurs, du secteur S1 et S1 bis, qui perdaient 30 % de leur activité. Donc nous resterons en contact quotidien pour voir s'il n'y a pas ici ou là des difficultés particulières.

MARC FAUVELLE
Donc par exemple, le patron d'une discothèque qui rouvre si tout va bien dans 1 mois, les aides ne s'arrêteront pas du jour au lendemain, ça continuera encore pendant quelques semaines, quelques mois ?

BRUNO LE MAIRE
Non, les aides vont s'arrêter à partir du moment où nous avons levé les restrictions sanitaires, mais tout dépend de ce qu'on entend par aides, regardez ce que nous…

MARC FAUVELLE
Si les clients ne reviennent pas par exemple ?

BRUNO LE MAIRE
Mais, regardez ce que nous avons décidé sur le prêt garanti par l'Etat, je sais que dans quelques semaines, vers le mois d'avril, le mois de mai, vous avez des dizaines de milliers d'entreprises qui vont devoir rembourser leur prêt garanti par l'Etat, des très petites entreprises, et que certains sont inquiets, ils se disent : mais on va avoir le couteau sous la gorge, je ne vais pas y arriver. Nous avons donc conclu ce qu'on appelle un accord de place, avec les banques, avec la BANQUE DE FRANCE, pour que ceux qui sont le plus en difficulté puissent aller voit le médiateur du crédit et dire : voilà, je n'arrive pas rembourser, donnez-moi 6 mois de plus pour commencer le remboursement, et essayer d'étaler non pas jusqu'à 6 ans mon prêt garanti, mais jusqu'à 10 ans. Donc vous voyez, nous n'avons cessé d'adapter les dispositifs, et pardon de le dire aussi crûment, les résultats sont là, il y a très peu de faillites, l'emploi a redémarré, et la croissance est très vigoureuse ; je pense que ce sont les chiffres d'une bonne gestion de la crise économique…

MARC FAUVELLE
Et pourtant, quand on interroge les Français, vous voyez les sondages comme nous, Bruno LE MAIRE, sur la gestion de la crise économique par le gouvernement, les chiffres baissent mois après mois, le dernier baromètre du JDD hier est assez flagrant là-dessus, quand on dit aux Français : est-ce qu'on a bien géré ce qui était considéré comme par une immense majorité de Français comme à mettre à votre crédit l'est de moins en moins aujourd'hui…

BRUNO LE MAIRE
Parce que la crise économique est en train de disparaître et qu'il y a d'autres sujets devant, et c'est normal que les Français désormais aient d'autres attentes, ils voient bien que le sujet n'est plus la crise économique, quand il y a une croissance qui est forte, quand il y a un taux d'emploi qui est le plus élevé depuis 50 ans, quand il y a eu un million d'emplois qui ont été créés au cours des 5 dernières années, les Français demandent autre chose, ils nous demandent d'abord une vision de long terme, en disant : mais, qu'est-ce que vous voulez pour l'économie, et nous, nous avons été clairs avec le président de la République, une économie avec de la croissance, une croissance plus forte et une croissance plus durable. Et puis, ils nous demandent aussi d'avoir les fruits de cette croissance, ils disent : et moi, moi, qu'est-ce que je vais toucher à la fin du mois, comment est-ce que je vais m'en sortir, est-ce que vous allez soutenir mon pouvoir d'achat, donc il y a des demandes qui sont nouvelles, c'est parfaitement légitime, et nous y répondons.

SALHIA BRAKHLIA
Alors, justement, le pouvoir d'achat, vous, pour essayer de contenir la facture d'électricité des Français, vous avez demandé à EDF de racheter de l'électricité qu'elle a déjà vendue pour la revendre quatre fois moins chère à ses concurrents, concrètement, Bruno LE MAIRE, est-ce que vous êtes l'homme qui est en train de tuer EDF ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je suis l'homme qui protège les ménages français et les entreprises françaises contre une augmentation de 45% de leur facture, voilà, et c'est ma responsabilité de ministre de l'Economie…

SALHIA BRAKHLIA
Et EDF dans tout ça ?

BRUNO LE MAIRE
Vous savez, quand vous faites de la politique, il faut savoir prendre des décisions, et les décisions, ce n''est pas blanc ou noir, il y a des avantages et il y a évidemment des inconvénients. Je crois que notre responsabilité avec le président de la République était de protéger tous les Français, sans exception, qui allaient avoir à partir du 1er février 45% d'augmentation sur leur facture…

MARC FAUVELLE
Là, ce sera 4%...

BRUNO LE MAIRE
Mais c'était insupportable, ce sera…

MARC FAUVELLE
Mais au prix…

BRUNO LE MAIRE
Au maximum 4%, c'était aussi de protéger des entreprises, prenez Aluminium Dunkerque, grand producteur d'aluminium pour l'industrie automobile, mais ils étaient en train de ralentir leur production, ils devaient envisager du chômage technique, parce que les prix de l'électricité étaient trop forts, et je vous prends l'exemple d'une grande industrie métallurgique, j'aurais pu vous prendre l'exemple de petites et de moyennes entreprises qui consomment beaucoup d'électricité, qui allaient mettre la clé sous la porte, c'était ce qu'on voulait ?

SALHIA BRAKHLIA
Sauf que vous entendez les syndicats d'EDF qui dénoncent un saccage de leur entreprise…

BRUNO LE MAIRE
J'entends…

SALHIA BRAKHLIA
Et qui appellent à la mobilisation et à la grève cette semaine.

BRUNO LE MAIRE
J'entends les Français. J'entends les Français qui disent : l'électricité est trop chère, j'ai entendu les centaines d'entreprises qui par l'intermédiaire des élus locaux m'ont dit : attendez, faites quelque chose, on va être obligé de licencier, on va mettre la clé sous la porte, donc c'est ce que j'ai entendu…

MARC FAUVELLE
Il n'y avait pas d'autres solutions possibles ?

BRUNO LE MAIRE
Et je rappelle simplement sur EDF, que lorsque les prix sont bas et que les revenus sont faibles pour EDF, et que EDF demande le soutien de l'Etat, ce qui a été le cas, il y a une dizaine d'années, mais nous avons répondu présents, je n'ai pas entendu beaucoup de remerciements, mais nous avons recapitalisé EDF. Nous avons renoncé à des dividendes que EDF doit verser à l'Etat pour soutenir EDF quand les prix sont très bas, et du coup…

SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire que les 8 milliards qui vous manquaient…

BRUNO LE MAIRE
Et que du coup, le chiffre d'affaires d'EDF est trop bas. Donc j'estime…

SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, ça veut dire que les 8 milliards qui vous manquaient, là, avec vos mesures vont être remboursés à EDF ?

BRUNO LE MAIRE
J'estime juste que lorsque les prix sont très hauts, j'estime juste que lorsque les prix sont très hauts, donc insupportable pour les ménages français comme pour les entreprises, il est juste et il est légitime que, EDF fasse un effort pour soutenir les Français, tout dépend dans le fond de la conception qu'on a d'EDF, soit, on estime que c'est un grand service public de l'énergie qui par conséquent doit répondre à une question d'intérêt général : la protection des ménages et des entreprises quand les prix sont très hauts. Soit, on estime que c'est une entreprise privée qui ne fait que du profit, et dans ce cas-là, privatisons EDF, mais ça n'est pas ma conception d'EDF, pour moi, EDF est un grand service public de l'énergie…

MARC FAUVELLE
Mais est-ce que l'Etat va rendre l'argent…

BRUNO LE MAIRE
Avec de grands salariés, beaucoup de compétences, et donc quand ça va mal pour les Français, EDF est là pour protéger les Français.

MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE, EDF dit tout ça, ça va nous coûter 8 milliards d'euros, ça va nous fragiliser, on est déjà plombé par une dette de plusieurs dizaines de milliards d'euros, est-ce que vous allez rendre cet argent d'une façon ou d'une autre à EDF, ces 8 milliards ?

BRUNO LE MAIRE
Mais je serai toujours aux côtés d'EDF, toujours aux côtés des salariés d'EDF, toujours aux côtés de cette entreprise, il ne s'agit pas de rendre, on peut toujours aussi discuter les calculs, dans ces 8 milliards, il y a aussi l'abandon de gains très élevé qu'aurait faits EDF sur des prix élevés, là encore, quelle est la conception qu'on se fait d'EDF, est-ce que EDF, lorsque les prix sont très élevés doit avoir des rentrées très importantes au détriment des Français, ou est-ce qu'on estime qu'elle doit partager le fardeau avec les Français, moi, c'est le deuxième choix que j'ai fait. Et ce choix-là, je le revendique, et quand j'écoute les oppositions, je vois, d'un côté, madame LE PEN qui nous disait : il fallait baisser la TVA, très bien, les entreprises ne payent pas la TVA sur l'électricité, donc elles n'auraient pas été protégées face à cette explosion des coûts de l'électricité, et je vois madame PECRESSE qui, très candidement, nous dit : eh bien, je n'ai pas de solution de court terme, très bien, quand on est aux affaires et quand on a des responsabilités, il vaut mieux avoir des solutions de court terme. Donc nous, avec Emmanuel MACRON, avec Jean CASTEX, depuis 2 mois, nous avons anticipé cette augmentation, et nous avons réfléchi. Nous avons pesé le pour et le contre, et nous avons estimé en conscience que notre responsabilité dans la gestion de cette crise énergétique était d'éviter aux Français un drame social et aux entreprises un drame économique, et nous sommes reconnaissants à EDF de participer à cet effort national.

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec le ministre de l'Economie, Bruno LE MAIRE. Les prix des carburants continuent d'augmenter à la pompe. Est-ce qu'un nouveau geste est prévu pour les Français qui prennent leur voiture pour aller au boulot ?

BRUNO LE MAIRE
D'abord, je rappelle que nous avons fait beaucoup de gestes pour protéger les Français contre l'augmentation des prix de l'énergie, et c'était nécessaire. On l'a fait sur le gaz, gel des prix du gaz. On l'a fait sur le prix de l'électricité, je viens de le dire longuement. On le fait aussi avec l'indemnité inflation, qui a concerné 38 millions de personnes, pour 3,8 milliards. Je rappelle juste que cette indemnité inflation, puisqu'on est en période de campagne présidentielle, a été rejetée par le groupe Les Républicains au Sénat, qui avait proposé une alternative, et une mesure qui ne concernait que 10 million de personnes. Tout ça pour dire qu'il vaut mieux joindre les actes à la parole, quand on fait de la politique. S'agissant des carburants, est-ce qu'on peut aller plus loin que l'indemnité inflation ? L'indemnité inflation elle est là justement pour tenir compte de cette augmentation des prix du carburant et essayer d'atténuer le choc pour tous ceux qui n'ont pas le choix, je le vois dans ma circonscription, que de prendre leur voiture pour aller travailler, qui vont à la pompe et qui voient 1,62 €, 1,65 €…

MARC FAUVELLE
Et la réponse à cette question ?

SALHIA BRAKHLIA
Et, voilà, ce n'est pas forcément suffisant.

BRUNO LE MAIRE
Non non. C'est déjà une réponse, 100 €, ce n'est pas négligeable. Est-ce qu'il faut envisager d'autres mesures ? Pourquoi pas. Il y en a juste une que j'écarte, je le dis très sincèrement, moi je pense que les mesures c'est celles qui aident ceux qui n'ont pas d'autres choix que de prendre leur véhicule pour travailler, je pense que ce sont les mesures les plus justes. En revanche, je pense que baisser la fiscalité sur les carburants, comme le proposent certains, je ne pense pas que ce soit la bonne solution. D'abord parce que les Français n'en verront pas la couleur, vous baissez, pour 10 centimes de baisse ça coûte 5 milliards d'euros, et ça fait 5 € en moins sur le sur le plein. Il suffit que l'essence augmente encore un peu plus derrière, pour qu'on n'en voie pas la couleur. Et en deuxième lieu, parce qu'on ne répond pas à un problème structurel par des mesures de court terme. Le problème structurel, c'est l'augmentation de ces prix du pétrole, c'est notre dépendance aux énergies fossiles, et je pense que baisser la fiscalité sur une énergie dont on veut se débarrasser…

SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais là, dans l'immédiat, on fait quoi Bruno LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
Je pense que l'on ne peut envisager des mesures spécifiques sur les personnes qui n'ont pas d'autre choix que de prendre leur véhicule pour travailler.

SALHIA BRAKHLIA
Vous avez une piste privilégiée ?

MARC FAUVELLE
C'est-à-dire que ça passerait par les employeurs, peut-être ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne veux pas mettre sur la table des pistes précises, je dis juste que la philosophie serait celle-là, aider ceux qui n'ont pas d'autre choix que de prendre leur véhicule pour aller travailler, en complément je le rappelle, d'une indemnité inflation de 100 € qui est là précisément pour atténuer ce choc des prix du carburant. En revanche, je ferme la porte à des baisses de fiscalité, parce que vous ne pouvez pas dire que vous voulez essayer d'être de moins en moins dépendant aux énergies fossiles, donc l'essence, le diesel, et dans le même temps baisser la fiscalité sur ces énergies, et donc les rendre plus attractives. Sur le long terme, je le précise aussi, ça veut dire qu'il faut accélérer notre transition écologique, il faut accélérer et faciliter l'accès des véhicules qui sont moins consommateurs d'énergies fossiles, aux véhicules électriques, aux véhicules hybrides rechargeables. Je rappelle que nous avons maintenu avec Jean CASTEX, la prime à 6 000 € au 1er janvier 2022, sur les véhicules électriques, elle devait baisser, nous la maintenons, justement par mesure d'incitation.

MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE, hier Laurent BERGER, le patron de la CFDT, disait dans les colonnes du JDD que la France a un problème de salaires, aujourd'hui, que des dizaines et des dizaines de branches ont des minima sociaux qui sont inférieurs au smic. Est-ce que vous êtes d'accord avec lui, d'abord sur le constat ?

BRUNO LE MAIRE
Je suis d'accord avec ce constat…

MARC FAUVELLE
Que la France a un problème de salaires.

BRUNO LE MAIRE
Enfin, je crois avoir dit il y a 2 ans, à des voeux à la Presse, que j'estimais que sur les salaires, notamment les salaires les plus bas, il fallait qu'il y ait un effort qui soit fait. J'ai rappelé aussi…

MARC FAUVELLE
Y compris dans la Fonction publique ?

BRUNO LE MAIRE
J'ai rappelé aussi, et il y a des efforts qui ont été faits dans la Fonction publique, mais parlons des salariés du privé. J'ai rappelé aussi que l'Etat, avec le président de la République, depuis 5 ans, avait fait énormément pour les salaires les plus modestes. La prime d'activité à 100 €, la défiscalisation des heures supplémentaires, la baisse la première tranche de l'impôt sur le revenu. Toutes ces mesures mises bout-à-bout, font qu'un salarié au niveau du smic, au lieu de toucher un peu plus de 1 270 € net par mois, va toucher près de 1 500 € net par mois.

MARC FAUVELLE
Mais il y a l'inflation aujourd'hui qui revient.

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est pour ça que j'estime que l'effort doit être partagé. Je n'ai pas changé de convictions, je suis très ferme dans mes convictions, j'estime que l'Etat fait sa part du chemin, que maintenant des négociations de branches doivent s'ouvrir, et je salue l'accord qui a été conclu par exemple sur l'hôtellerie-restauration, où il y a eu une augmentation après des semaines et des semaines de négociations. Il y a des difficultés de recrutement dans ce secteur, il y a eu une augmentation des salaires, l'Etat a fait sa part du chemin, les entreprises aussi, c'est comme ça qu'un pays avance, quand chacun y met du sien.

SALHIA BRAKHLIA
Parce que là on en est au niveau de l'incitation dans votre discours. Vous ne voulez pas passer à l'obligation. Par exemple Laurent BERGER dit qu'il faut obliger les branches à augmenter les minimas dès que dès qu'il y a une augmentation du smic qui est qui est décidée.

BRUNO LE MAIRE
Ça, c'est à Elisabeth BORNE, la ministre du Travail, de voir cela. Ce que je considère, c'est que le plus important aujourd'hui c'est de recréer de la dynamique salariale dans notre pays, de tirer les salaires vers le haut. L'Etat a fait le nécessaire pour qu'il soit plus intéressant d'aller travailler, plutôt que de ne pas travailler et de vivre des allocations. Ça c'était un des grands problèmes français. Ce problème-là a été traité par le président de la République. Grâce aux mesures que nous avons prises, il est beaucoup plus intéressant d'aller travailler que de vivre avec des revenus de redistribution. Maintenant, le vrai problème français, on est en période de campagne présidentielle, regardons sur le long terme, c'est de recréer de la dynamique salariale, pour qu'il n'y ait pas de trappe à bas salaires, et que les employeurs soient incités à augmenter progressivement les salaires et à faire monter en qualification, en formation, chacun de leurs salariés. C'est ça le grand défi, et nous, nous y répondons d'abord en accentuant les efforts pour la formation, et puis avec des propositions que j'ai mises sur la table à titre personnel, quand je dis qu'il faut réfléchir à la baisse des charges au-dessus de 2,5 smic, pourquoi est-ce que je dis cela ? C'est parce que si vous voulez à la fois réindustrialiser le pays et monter en qualification, il faut que les employeurs soient incités à avoir des salariés plus qualifiés, mieux formés, c'est comme ça qu'on tirera les salaires vers le haut, et c'est comme ça qu'on répondra aux problèmes de pouvoir d'achat que se posent les Français, par le travail, par le travail bien qualifié, et par le travail bien rémunéré. Toutes les autres solutions, sont des solutions de court terme.

MARC FAUVELLE
Toujours avec le ministre de l'Economie, Bruno LE MAIRE. Aux Etats-Unis, l'inflation est au plus haut depuis 40 ans, Bruno LE MAIRE, elle est désormais à 7%, en France on n'est pas loin des 3% d'inflation, est-ce qu'il faut commencer à s'inquiéter sérieusement ?

BRUNO LE MAIRE
Non, les Etats-Unis ne sont pas l'Europe et quand certains proposent de rajouter encore 500, 600, 1 000 milliards d'euros au plan de relance européen, ils se trompent. Le plan de relance européen était bien calibré pour relancer l'économie sans avoir trop de surchauffe et une inflation excessive. Et je crois avoir dit alors que tout le monde s'extasiait devant la décision de monsieur BIDEN que le plan de relance américain était peut-être surcalibré, d'où une inflation.

MARC FAUVELLE
Il arrive trop tard aussi peut-être.

BRUNO LE MAIRE
Je ne sais pas s'il arrive trop tard, ce que je sais c'est qu'il est probablement surcalibré, que ça donne beaucoup d'inflation et donc des problèmes économiques derrière. Le plan européen était bien calibré, l'inflation aujourd'hui elle est maîtrisée, elle est plus forte qu'avant la reprise mais c'est une inflation qui pour nous est conjoncturelle, elle durera encore quelques mois, pour moi c'est d'ici la fin de l'année 2022 qu'on devrait voir s'amorcer la baisse des prix, et elle est tirée principalement par les prix de l'énergie. Et je le redis, les Etats-Unis ne sont pas l'Europe, ils ont fait des choix économiques différents et je considère que les choix économiques européens étaient les meilleurs.

SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, pour faire face à cette inflation, certains distributeurs essaient de bloquer les prix, c'est le cas de Michel-Edouard LECLERC, le patron des magasins LECLERC. Après la polémique sur la baguette à 29 centimes d'euro il y a la polémique sur le kilo de viande de porc à moins de 2 €, c'est trois fois moins cher que le prix à Rungis. Alors les concurrents et les producteurs râlent, est-ce que vous les comprenez ou alors vous êtes du côté de Michel-Edouard LECLERC ?

BRUNO LE MAIRE
Il ne s'agit pas d'être du côté des uns, des autres ; je le redis, on ne peut trouver de bonnes solutions qu'en travaillant sereinement et de manière responsable, ensemble. On est au moment où les prix se négocient. Il faut que les producteurs vivent. Il faut que les producteurs vivent, je le redis. Je sais que pour les consommateurs bien entendu on cherche le prix le plus bas, on veut avoir des prix qui soient le plus bas possible, je peux parfaitement le comprendre. N'oublions pas que derrière il y a des producteurs de porc, il y a des producteurs de lait, il y a des producteurs de bovins, il y a des producteurs de fruits et légumes, si on veut les garder en France et je le dis comme ancien ministre de l'Agriculture, viscéralement attaché à la production agricole en France, il faut que nos producteurs soient correctement rémunérés. Je le dis avant que les négociations démarrent, nos producteurs doivent être correctement rémunérés.

MARC FAUVELLE
Est-ce que ça peut être le cas avec 1 kg de côtes de porc, Bruno LE MAIRE, inférieur à 2 €, ce qui est trois fois moins cher que le prix à Rungis ?

BRUNO LE MAIRE
C'est bien la question que je pose. J'ai été alerté par Christiane…

MARC FAUVELLE
Est-ce que c'est de la vente à perte ?

BRUNO LE MAIRE
Christiane LAMBERT, la présidente de la FNSEA sur le sujet. Croyez-moi, j'ai gardé des contacts avec beaucoup de producteurs agricoles en France…

MARC FAUVELLE
Ça c'est l'ancien ministre de l'Agriculture qui parle.

BRUNO LE MAIRE
Je sais qu'ils sont inquiets, et je le dis avec beaucoup de gravité à tous les distributeurs qui négocient aujourd'hui les prix, nos producteurs doivent vivre dignement de leur production.

MARC FAUVELLE
Ça, vous l'avez dit également à Michel-Edouard LECLERC ?

BRUNO LE MAIRE
Mais j'ai des contacts réguliers avec l'ensemble des distributeurs, Michel-Edouard LECLERC compris, et je compte sur leur sens des responsabilités.

SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, on est aujourd'hui à 115% du PIB en termes de dette. Il ne faut pas aller plus loin, a dit sur France Info le directeur de la Banque de France, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'à l'avenir, dans les prochains mois il n'y aura plus de baisse d'impôts et voire même il y aura des augmentations d'impôts ?

BRUNO LE MAIRE
Alors, d'abord le gouverneur de la Banque de France a raison, et d'ailleurs je rappelle que nous avons, avec Olivier DUSSOPT, fait le choix de consacrer l'intégralité des recettes fiscales supplémentaires de 2021, due à une meilleure croissance, au désendettement et la réduction des déficits. C'est un choix courageux et c'est un choix responsable. Deuxième remarque, il faut continuer à désendetter le pays, et nous, nous avons avec le président de la République, défini une trajectoire très claire : nous repassons sus les 3 % de déficit en 2027, et où nous baissons la dette publique française. Donc, des mesures simples…

MARC FAUVELLE
Donc il n'y aura pas de promesse de baisse d'impôts dans le programme d'Emmanuel MACRON par exemple.

BRUNO LE MAIRE
Et troisième chose, nous n'avons jamais augmenté les impôts pendant le quinquennat, et nous sommes la majorité qui avec Emmanuel MACRON, sous son autorité, a le plus baissé les impôts depuis trois décennies en France.25 milliards d'euros pour les ménages, 25 milliards d'euros pour les entreprises, et des baisses d'impôts qui touchent tous les Français. Quand vous supprimez la taxe d'habitation, c'est tous les Français qui sont touchés. Donc, quand j'entends certains candidats, j'ai entendu madame PECRESSE qui disait qu'il fallait baisser les droits de succession, le seul bilan de Valérie PECRESSE ministre du Budget, c'est une augmentation de 13 milliards d'euros des impôts. Nous, nous faisons ce que nous disons.

SALHIA BRAKHLIA
Sauf qu'on a peur de la suite. La suite, c'est quoi ? Augmentation d'impôts ou pas ?

BRUNO LE MAIRE
Nos avions promis avec le président de la République, que nous baisserions massivement les impôts, nous l'avons fait, et je vais vous dire très simplement, quand je vois que la pression fiscale française, malgré toutes les décisions que nous avons prises, qui sont fortes, qui sont puissantes, reste une des plus élevées des pays développés, la seule direction possible c'est effectivement la poursuite de la baisse des impôts, en regardant ce qui est réparti entre les entreprises et les ménages, parce que ça crée de la croissance, que ça crée de la richesse, et que ça participe au désendettement.

MARC FAUVELLE
Alors, mais comment on baisse les impôts sans augmenter la dette ?

BRUNO LE MAIRE
Quand vous baissez les impôts, c'est la stratégie économique que nous avons retenue, vous créez de la croissance, et cette croissance nous permet aujourd'hui de baisser les déficits et de baisser la dette. Il faut ajouter à ça des réformes de structure, on l'a fait avec l'assurance-chômage, et le président de la République s'est engagé sur la réforme des retraites. Et le troisième élément de ce qui permet de baisser cette dette tout en baissant les impôts, c'est d'avoir une vue sur 5 ans de la réduction des dépenses, là aussi, c'est ce que nous avons engagé, pour vous dire très clairement, vous voyez bien que nous, nous avons une vision économique qui est claire et lisible à long terme…

MARC FAUVELLE
Mais ce qui a permis tout ça…

BRUNO LE MAIRE
Nous voulons plus de croissance grâce à la baisse des impôts pour désendetter en accompagnant cela de réformes de structure, l'assurance chômage et l'assurance retraite.

MARC FAUVELLE
Mais ce qui a permis de tout ça aussi, Bruno LE MAIRE, c'est qu'on emprunte ou qu'on empruntait quasiment gratuitement de l'argent sur les marchés, ça, c'est terminé, les taux remontent aujourd'hui, tout ça est aussi une conséquence de l'inflation. Les banques centrales changent, finalement, est-ce qu'on n'a pas nos meilleures années passées et des années qui, pour le quinquennat qui arrive, vont être beaucoup plus difficiles, parce que négocier la dette…

BRUNO LE MAIRE
Non, je ne pense pas…

MARC FAUVELLE
Les baisses d'impôts que vous promettez, tout ça avec une dette qui va coûter plus cher chaque mois, ça va être compliqué.

BRUNO LE MAIRE
Mais vous avez raison sur le fait que les taux d'intérêt reviennent à la normale, on a emprunté à taux négatifs, puis, à taux zéro, maintenant…

MARC FAUVELLE
Même les Allemands doivent payer maintenant pour emprunter…

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, mais c'est normal, on revient à une situation économique normale, la croissance est là, c'est normal que les taux d'intérêts remontent, il n'y a pas lieu de s'inquiéter, là où je suis en désaccord avec vous, c'est que je pense véritablement que les meilleures années de la France sont devant elle, que nous avons aujourd'hui la possibilité d'atteindre le plein emploi pour la première fois depuis un demi-siècle. Et moi, quand on me dit : pouvoir d'achat, je dis, oui, je fais attention, je protège, je prends les décisions sur l'énergie, mais la vraie réponse de long terme, c'est le plein emploi. Le plein emploi qualifié, le plein emploi bien payé, et nous sommes, grâce au président de la République, sur cette voie. Ensuite, est-ce qu'il faudra être plus vigilant sur les finances publiques au cours du prochain quinquennat, parce que les taux remontent, et qu'on entre dans une nouvelle phase, la réponse est clairement oui.

MARC FAUVELLE
Vous avez cité 3 ou 4 fois ce matin Valérie PECRESSE, sans qu'on prononce nous-mêmes son nom de ce côté-ci de la table, elle vous fait peur, elle vous inquiète ?

BRUNO LE MAIRE
Non, il n'y a aucun adversaire qui nous inquiète, je pense qu'il faut débattre avec chacun d'entre eux, et bien poser les alternatives qui sont sur la table, dans le fond, en matière économique, vous en avez 3, vous avez ceux qui prônent la décroissance, il y a ceux qui prônent le protectionnisme et il y a ce que nous faisons avec Emmanuel MACRON, une croissance durable, une croissance plus juste. C'est sur ces bases-là que les Français doivent faire leur choix, sur la base d'une vision de long terme.

MARC FAUVELLE
Merci Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Merci Marc FAUVELLE.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 janvier 2022