Interview de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, à Radio J le 13 janvier 2022, sur la politique de l'énergie et les relations entre l'État et EDF.

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Média : Radio J

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER
Barbara POMPILI, bonjour, bienvenue.

BARBARA POMPILI
Bonjour.

CHRISTOPHE BARBIER
Nous allons parler écologie, mais on va commencer par parler école, parce que c'est la grève aujourd'hui, est-ce que vous reconnaissez que le gouvernement a désorienté, et agacé, enseignants et parents avec les protocoles sanitaires successifs ?

BARBARA POMPILI
Vous savez, après deux ans de crise on est tous fatigués, on en a tous marre, on a tous envie d'aller faire un jogging, ou pas, et donc on comprend très bien, maintenant cette crise elle dure depuis deux ans, le virus évolue, on fait au mieux pour s'adapter et pour trouver les meilleures parades, avec comme priorité absolue d'essayer de garder les écoles ouvertes, on sait que c'est important, et d'apporter des solutions, donc c'est pour ça que ça évolue. Je comprends très bien que tout le monde en ait marre, je comprends très bien qu'il puisse y avoir des améliorations à faire…

CHRISTOPHE BARBIER
Et les syndicats en profitent pour faire une grève anti-BLANQUER, le bilan du quinquennat, non ?

BARBARA POMPILI
Ecoutez, je crois qu'il ne faut pas tout mélanger, il y a vraiment des difficultés que rencontrent au quotidien les personnes dans les classes, les enseignants, toutes les équipes pédagogiques, et aussi les parents, ces problèmes-là existent et donc on s'attache à trouver des solutions, après, qu'il y ait des revendications en plus, bon, eh bien ça fait partie du jeu…

CHRISTOPHE BARBIER
Puisqu'Omicron apparaît quand même moins dangereux, est-ce qu'on ne pourrait pas tout simplement dire "on laisse les écoles ouvertes, il n'y a pas de protocole pour les élèves, on fait attention à bien protéger les profs" ?

BARBARA POMPILI
Ecoutez, ça c'est les autorités de santé qui travaillent et les ministres en charge qui disent, moi je ne suis pas en charge, ce n'est pas moi qui vais prendre la décision.

CHRISTOPHE BARBIER
Ils sont toujours un peu trop protecteurs tous ceux qui ont en charge la santé, ils veulent faire notre bien malgré nous, non ?

BARBARA POMPILI
On a une volonté de protéger la santé de nos concitoyens, et c'est normal, et d'ailleurs la gestion de la crise, on le voit, nous a permis quand même d'avoir beaucoup de personnes vaccinées, et d'avoir aussi beaucoup d'écoles qui sont restées ouvertes et les enfants qui ont pu continuer à travailler, donc globalement on a fait ce qu'on a pu, après, encore une fois, les choses évoluent, on s'adapte en fonction, et on essaye de faire en sorte d'aider le plus possible, de protéger le plus la santé et de faire en sorte que nos enfants puissent aller à l'école.

CHRISTOPHE BARBIER
Santé et école, vous confirmez l'altercation hier entre Jean-Michel BLANQUER et Olivier VERAN avant le Conseil des ministres, entre eux une explication musclée ?

BARBARA POMPILI
J'entends tout ce qui dit, moi je ne fais pas partie de ceux qui vont dire des méchancetés sur deux ministres qui sont au front depuis le début de la crise sur une pandémie mondiale, franchement je crois qu'il y a autre chose à faire.

CHRISTOPHE BARBIER
Ça peut arriver de s'échauffer un peu dans une discussion de travail, entre collègues.

BARBARA POMPILI
Tout le monde peut avoir des discussions entre collègues, c'est normal, mais moi je ne vais pas alimenter la chronique là-dessus.

CHRISTOPHE BARBIER
Alors, encore du retard pour Flamanville, la centrale EPR, est-ce que ce n'est pas le retard de trop, plus de 14 ans après l'ouverture du chantier, 12 milliards d'euros, ça suffit un peu, pourquoi on n'abandonne pas ?

BARBARA POMPILI
Ecoutez, 12,7 milliards maintenant.

CHRISTOPHE BARBIER
Oui, oui, on ne compte même plus les centaines de millions.

BARBARA POMPILI
On va devoir clairement tirer des leçons de ce qui s'est passé sur Flamanville, et EDF va devoir en tirer des leçons. On a déjà commencé, puisqu'il y a un plan, notamment le plan "Excell", qu'on appelle "Excell", qui est un plan a été monté, à EDF, pour travailler sur les compétences, parce que clairement il y a eu un manque de compétences sur ce projet, et puis, plus globalement, on a un sujet sur notre parc nucléaire actuel aussi, sur un parc nucléaire vieillissant…

CHRISTOPHE BARBIER
On va en parler bien sûr.

BARBARA POMPILI
Et donc moi j'ai demandé à EDF de faire un audit, il faut qu'on soit plus efficace, car clairement, là, on a un problème d'efficacité sur l'utilisation du nucléaire.

CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que cette technologie-là ? l'EPR, vous n'avez pas des doutes fondamentaux, il y a des incidents en Chine, ça n'a pas été très simple en Finlande, là ça prend du retard, peut-être que cette technologie c'était une erreur.

BARBARA POMPILI
Les retours de Taishan, donc Taishan c'est l'EPR qui était en Chine, ça fait partie des raisons du retard de l'EPR là, c'est-à-dire qu'on doit avoir des retours d'expérience pour vérifier qu'il n'y a pas des défauts qu'il faudrait corriger avant de mettre en fonctionnement cet EPR. Donc, oui, il y a des défauts, oui, on y travaille, c'est aussi le principe d'un premier réacteur, d'un prototype, quelque part c'est normal de faire des recherches, après là ça fait longtemps, ça fait longtemps, et c'est aussi pourquoi le président de la République a lancé dans, le plan France Relance, mais aussi dans France 2030, des investissements pour de la R&D pour d'autres types de réacteurs.

CHRISTOPHE BARBIER
On va en parler aussi. EDF ne joue quand même pas tout à fait le jeu, on a l'impression qu'ils sont un peu tête de pioche à la direction, et ce n'est pas d'hier, c'était déjà le cas sous Ségolène ROYAL avec Fessenheim.

BARBARA POMPILI
Vous savez, EDF a toujours défendu très fort le nucléaire, ce qui est un choix, a toujours défendu cette technologie des EPR, moi je crois qu'il faut savoir s'ouvrir, regarder d'autres technologies, y travailler, donc sur les SMR, mais aussi travailler, et le président de la République l'a fait, sur d'autres types de réacteurs, que ce soit des réacteurs qui utilisent beaucoup moins de déchets, le problème du nucléaire, l'essentiel du problème du nucléaire…

CHRISTOPHE BARBIER
C'est la production de déchets.

BARBARA POMPILI
Ce sont les déchets, des déchets qui perdurent très longtemps, des milliers d'années, dans notre environnement, mais aussi sur des recherches sur des réacteurs, par exemple de quatrième génération, mais EDF doit aussi, et elle est en train de le faire, l'a-t-elle fait trop tard, se développer sur d'autres types d'énergies. EDF c'est notre premier opérateur français d'électricité, l'électricité ce n'est pas que le nucléaire, aujourd'hui on a un fort besoin de renouvelables. Pourquoi ? Parce que nous allons avoir une demande d'électricité qui va augmenter très fort…

CHRISTOPHE BARBIER
Les voitures électriques, les serveurs informatiques, etc.

BARBARA POMPILI
Voilà, et puis pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone en 2050, on doit basculer un certain nombre d'utilisations, par exemple les voitures effectivement, du fossile vers l'électrique, donc on a besoin de plus d'électricité, en 15 ans, avant 15 ans, on n'a pas le temps de faire une centrale nucléaire, donc on doit développer les renouvelables très rapidement et EDF doit être en pointe là-dessus, ils ont commencé à le faire, mais un peu tard.

CHRISTOPHE BARBIER
Qu'est-ce que vous leur demandez à EDF, de doubler leur parc d'éoliennes, de refaire de l'hydroélectrique ?

BARBARA POMPILI
Alors EDF fait de l'hydroélectrique, sur l'hydroélectrique on a un parc qui est quand même très équipé, il peut y avoir des réflexions sur du plus petit hydroélectrique, sachant qu'il y a des incidences sur la biodiversité, mais d'une manière générale il faut diversifier notre portefeuille de production électrique pour être moins dépendant d'une seule source d'électricité, on le voit aujourd'hui, nous avons 13 gigawatts de puissance, aujourd'hui, que sont arrêtés…

CHRISTOPHE BARBIER
Pour des raisons techniques, des réacteurs à l'arrêt.

BARBARA POMPILI
Des réacteurs à l'arrêt, soit pour de la maintenance, et là on a un problème de calendriers de maintenance, et c'est pourquoi j'ai demandé l'audit à EDF pour qu'on travaille sur ces calendriers de maintenance qui manifestement ne sont pas satisfaisants, mais on a aussi quatre réacteurs, 6 gigawatts, qui sont arrêtés parce que tout simplement ils ont des problèmes de vieillissement et des défauts qui apparaissent avec le vieillissement, c'est très compliqué pour nous parce que tout ça c'est 13 gigawatts sur 61 en tout !

CHRISTOPHE BARBIER
Oui, c'est beaucoup.

BARBARA POMPILI
Donc c'est beaucoup.

CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu'on aura des coupures d'électricité dans ce pays cet hiver, s'il y a une vague de froid, à cause de ces problèmes ?

BARBARA POMPILI
On a des marges de manœuvre qui se réduisent clairement parce que le parc nucléaire n'est pas suffisamment disponible, et donc on a besoin de marges de manœuvre, je vous le dis, avec d'autres types d'énergie, pour l'instant ça se tient, et de toute façon il n'y aura pas de blackout, ça il faut rassurer nos concitoyens.

CHRISTOPHE BARBIER
Les réacteurs SMR que vous évoquiez, quand ils arriveront, est-ce que finalement ça ne sera pas trop tard, parce qu'on aura pu développer le renouvelable d'ici là ?

BARBARA POMPILI
Mais, de toute façon, j'allais dire, sur le renouvelable c'est sans regret, parce que quel que soit ce qu'on fait sur le nucléaire on a besoin de beaucoup plus de renouvelable que maintenant, dans tous les scénarios, donc développons le renouvelable, faisons aussi de l'efficacité énergétique, des économies d'énergie, parce que moins on en besoin, moins on a besoin d'n produire, et donc c'est tout le travail qu'on fait par exemple sur l'isolation des logements, c'est très important de pouvoir isoler…

CHRISTOPHE BARBIER
450 guichets Rénov' ouvrent aujourd'hui d'ailleurs en France.

BARBARA POMPILI
Oui, tout à fait, tout à fait, France Rénov', un service auquel peuvent faire appel tous nos concitoyens.

CHRISTOPHE BARBIER
Lors de la campagne présidentielle il y a une énergie renouvelable dont on parle beaucoup, c'est l'éolien. Certains reprochent à l'éolien, c'est le cas d'Éric ZEMMOUR, mais pas seulement, son aspect inesthétique, c'est laid, ça défigure les paysages, est-ce que vous avez des solutions pour faire de l'éolien joli ?

BARBARA POMPILI
D'abord, si vous voulez, moi quand je pense à notre besoin d'éviter des coupures d'électricité je regarde moins ce qui est joli et pas joli, mais moi aussi je suis une amoureuse des paysages et de mon patrimoine, comme tous les Français je pense, donc j'ai travaillé, depuis déjà un certain nombre de mois, pour qu'il y ait plus d'acceptabilité des éoliennes, d'abord parce qu'on avait des problèmes par exemple sur, ce qu'on appelle le balisage, c'est-à-dire les lumières la nuit, maintenant on est en train d'arriver à des solutions pour qu'il n'y ait plus de lumières la nuit, ce qui va moins déranger les riverains. Ensuite, on a un travail de cartographie qui est en train d'être fait par les préfets, pour identifier sur quelles zones on peut encore mettre des éoliennes, et sur lesquelles il ne faut pas en mettre, ou plus en mettre, pour des raisons d'esthétique, mais aussi des raisons de radars militaires, ou des raisons de vent, tout bêtement, et aussi maintenant nous avons pris des engagements sur la concertation avec les populations concernées pour qu'elles sachent un peu ce qui se passe. Mon sujet n'est plus est-ce qu'on a besoin ou pas d'éoliennes, on en a besoin, des éoliennes sur terre, en mer, mais aussi du photovoltaïque, la question ne se pose plus, on en a besoin, après la question c'est comment, où, essayer d'améliorer les méthodes pour que ça se passe bien.

CHRISTOPHE BARBIER
Un peu de politique politicienne. Vous avez été élue dans la Somme deux fois, vous serez candidate en juin prochain dans la même circonscription ?

BARBARA POMPILI
En tout cas c'est une circonscription à laquelle je suis très attachée, et malheureusement où je peux moins aller en ce moment du fait de mes fonctions, mais quoi qu'il advienne j'y reste très attachée, on verra. Pour l'instant je suis très attachée aussi à finir mon travail…

CHRISTOPHE BARBIER
Ça va défendre de la présidentielle et de l'ambiance entre…

BARBARA POMPILI
Ah non, non, ça ne dépendra pas de la présidentielle.

CHRISTOPHE BARBIER
C'est votre décision personnelle, c'est votre réflexion.

BARBARA POMPILI
C'est une décision totalement personnelle.

CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que, En Commun, votre formation politique, va se fondre dans Ensemble citoyens et disparaître ?

BARBARA POMPILI
En Commun est membre d'Ensemble citoyens, moi je suis très fière d'avoir fondé, avec d'autres, ce parti, qui alimente la majorité sur des questions sociales et écologiques, on en a besoin, on a besoin de montrer quels sont nos projets, qu'est-ce qu'on a envie de porter là-dessus, d'autant plus que, on le voit, à gauche et au centre gauche, aujourd'hui c'est l'impréparation totale de la présidentielle, il n'y a pas d'offre, à gauche, qui soit un petit peu sérieuse et crédible, donc moi je me sens encore plus responsable pour qu'on apporte cette musique.

CHRISTOPHE BARBIER
Vous qui êtes l'aile gauche de cet ensemble majoritaire, vous vous sentez quand même des points communs avec Horizons d'Edouard PHILIPPE, l'aile droite, oui, ça discute ?

BARBARA POMPILI
Bien sûr que ça discute et, si vous voulez c'était le pari qu'on avait fait en 2017 du dépassement, de se dire on a des cultures différentes, des approches différentes, mais l'idée c'est d'essayer de se rassembler autour d'un projet, de trouver des fondements, des valeurs qu'on porte ensemble, et puis après on fait vivre le débat. Quand En commun propose un certain nombre de mesures qui sont des mesures sur des revenus sociaux, qui sont des mesures sociétales aussi, sur le cannabis par exemple, ça fait débat au sein de la majorité, et puis ça permet de faire vivre un petit peu ce débat qui malheureusement manque cruellement ailleurs, et encore une fois à gauche, je trouve ça même dommage parce que dans la mesure où la gauche est empêtrée dans ses problèmes de désignation, etc., on se demande ce qui s'est passé depuis 5 ans, depuis 5 ans ils sont dans l'opposition, tout ça devrait être prêt depuis longtemps, et à côté du coup on a un discours d'extrême droite, de droite très radicale, qui se développe et prend toute la place.

CHRISTOPHE BARBIER
Néanmoins, aujourd'hui, qu'est-ce qui empêcherait, après la présidentielle, si Emmanuel MACRON est réélu, de travailler avec Yannick JADOT, quelles sont les différences rédhibitoires entre vous et lui ?

BARBARA POMPILI
Ah mais, avec Yannick JADOT, d'une manière générale, moi je partage beaucoup d'analyses, beaucoup d'enjeux, cet enjeu de lutter contre le changement climatique, de tenir nos objectifs de baisse de gaz à effet de serre, le problème c'est la mise en œuvre. Quand Yannick JADOT dit "il faut faire beaucoup plus de rénovations de logements", très bien, en théorie moi je veux bien, je veux bien qu'on rénove tous les logements tout de suite, sauf que ce qu'il faut c'est qu'on ait une filière qui soit capable de le faire, qu'on ait des mesures réglementaires, des incitations financières, ça on l'a mis en place, aujourd'hui on fait 800.000 rénovations de logements par an, moi je ne vois pas comment on peut faire plus aujourd'hui, on peut faire certainement mieux, mais plus, nous n'avons pas les artisans suffisamment formés. Donc là on travaille avec toute la filière pour que tout le monde se forme, pour que tout le monde se mette en ordre de bataille, mais ça ne se fait pas comme ça d'un claquement de doigts, c'est ça mon problème avec les Verts, c'est que le y qu'à faut qu'on c'est bien, mais à moment il faut rentrer dans la mise en œuvre concrète.

CHRISTOPHE BARBIER
Un tout dernier mot l'électorat chasseurs, il va voter Emmanuel MACRON ?

BARBARA POMPILI
Moi je ne fonctionne pas comme ça, sur la chasse…

CHRISTOPHE BARBIER
Mais vous les rencontrez ?

BARBARA POMPILI
Bien sûr, mais sur la chasse, mon objectif avant tout c'est de préserver la biodiversité, et donc quand il y a des chasses qui mettent en danger la biodiversité, comme ça avait été le cas notamment pour la chasse à la glu, eh bien on l'arrête. Quand on a des espèces qui sont en danger, je pense au grand tétras, comme à d'autres, on arrête la chasse parce que les espèces sont en danger, après, pour le reste, c'est un travail ensemble sur un certain nombre de pratiques qu'il faudra certainement revoir.

CHRISTOPHE BARBIER
Barbara POMPILI merci, bonne journée.

Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 janvier 2022