Texte intégral
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Q - Il y a un feuilleton qui pourrait durer un petit peu longtemps, c'est celui de la candidature d'Emmanuel Macron. Alors, je sais que vous n'allez pas me donner la date de cette candidature, mais si jamais vous lui donniez un conseil, vous lui diriez, attends, il faut tenir un peu, rester Président le plus longtemps possible, ou au contraire rentrer dans la bataille ?
R - Je n'ai pas à donner de conseil au Président de la République, mais je vois qu'il est concentré sur sa tâche, concentré sur la question de la crise sanitaire, concentré sur la question de la crise énergétique, concentré sur la crise, les crises internationales et au service de nos compatriotes, y compris sur le terrain. Et le moment venu, comme il l'a rappelé, il se présentera devant nos compatriotes. Ça ne va pas être dans des mois, puisque l'élection présidentielle se rapproche. Moi, je souhaite qu'il se présente, je souhaite qu'il puisse continuer ce travail en profondeur de transformation du pays. Vous savez en tant que ministre du commerce extérieur et de l'attractivité, en un an et demi j'ai parcouru 41 pays, et à chaque fois on me dit : vous avez un Président qui fait bouger votre pays, qui transforme le pays, qui le rend plus attractif ; des investisseurs du monde entier qui disent : maintenant on va aller investir en France parce que c'est un pays qui est beaucoup plus compétitif et où nos investissements vont se déployer et se développer de la meilleure façon possible. Et on nous dit, vous avez quelqu'un qui a un leadership qui permet de faire bouger les choses en Europe et dans le monde. Eh bien, j'ai envie que ce Président-là, qui a, de plus, une vision très claire de la société française dans sa diversité puisse continuer son travail de fond.
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Q - Un mot sur l'Ukraine, la tension monte avec la Russie ; est-ce qu'une invasion russe est envisageable ou il ne s'agit à ce stade que d'une forme de déstabilisation, de volonté de déstabiliser ?
R - Il y a clairement une pression très forte des Russes avec des mouvements de troupes, effectivement, que ce soit au niveau de la Russie, que ce soit au niveau de la Biélorussie maintenant, autour des frontières ukrainiennes. Et donc, il y a effectivement une crise claire, aujourd'hui, diplomatique.
Q - Qui pourrait aller jusqu'à l'invasion, est-ce que c'est juste des mots des Russes ou est-ce que ça pourrait aller jusqu'à ça ?
R - Je ne sais pas, je ne le souhaite évidemment pas et donc il faut tout faire pour que cela ne se passe pas. La réponse, elle doit être de fermeté, de dire très clairement aux Russes que si jamais ils franchissaient les frontières au niveau de l'Ukraine, il y aurait une réponse très forte qui aurait des conséquences très graves pour la Russie, et en même temps il faut avoir une réponse diplomatique pour la désescalade. Et c'est ce que défend le Président de la République, c'est ce qu'il va dire et c'est qu'il va partager avec le Chancelier Scholz ce soir.
Q - Est-ce que cette réponse très forte, ça pourra aller jusqu'à envoyer des troupes ? On voit que certains pays ont déjà commencé à le faire. Est-ce que nous, on attendra une éventuelle invasion ou est-ce que on peut en pré-mesure envoyer des troupes ?
R - Vous savez bien qu'évidemment qu'on regarde toutes les solutions. On regarde cela d'une façon très précise, avec beaucoup d'attention, mais la priorité, c'est la désescalade. La priorité, c'est de faire en sorte que cette crise diplomatique ne se transforme pas en une crise militaire. Donc, c'est tout l'ambition du Président de la République, ça nécessite des discussions, des discussions entre Européens, entre alliés au niveau de l'OTAN, des discussions avec les Russes et avec les Ukrainiens dans ce qu'on appelle le format Normandie, c'est-à-dire Russie, Ukraine, Allemagne et France ; bref, trouver toutes les solutions pour sortir de cette crise par la désescalade diplomatique.
Q - On a quand même le sentiment, on se demande ce que fait l'Europe. Emmanuel Macron, il est Président de l'Union européenne depuis le 1er janvier et c'est vrai qu'on ne le sent pas très actif sur ce sujet. Quand on se souvient par exemple de Nicolas Sarkozy, en 2008, quand il y a eu cette crise entre la Géorgie et la Russie, il était quand même aux premières loges.
R - Pourquoi vous dites ça, il est aux premières loges, il était en réunion.
Q - Parce qu'on l'entend très peu et tout ce qu'on a entendu c'est effectivement le communiqué de l'Elysée sur cette rencontre initiée par Joe Biden, hier soir, où il parle effectivement d'une préoccupation, vive préoccupation, nécessité d'une désescalade rapide. On a quand même connu plus ferme vis-à-vis de la Russie.
R - Il est ferme vis-à-vis de la Russie, mais en même temps il cherche la désescalade, personne n'a intérêt d'avoir un conflit aux portes de l'Europe, en Ukraine. Donc, il est mobilisé sur la désescalade, mobilisé à la fois sur la fermeté, entre Européens et avec nos alliés, d'où la réunion hier soir en audio visioconférence, d'où la rencontre ce soir avec le nouveau Chancelier Scholz à Berlin, et d'où la rencontre et les échanges qu'il y aura, la rencontre vraisemblablement par audioconférence ou visioconférence avec Vladimir Poutine pour clairement trouver les voies et moyens de la désescalade.
Q - Mais on sent quand même que c'est Joe Biden qui initie, qui est à la manoeuvre.
R - Non, mais il est engagé, tant mieux.
Q - Est-ce que c'est parce que l'Europe est divisée sur le sujet ?
R - Tant mieux que Joe Biden soit mobilisé, c'est un allié important, stratégique de l'Union européenne et il est particulièrement concerné par ce qui se passe au niveau de l'Ukraine. Tant mieux qu'il soit mobilisé, mais l'Europe à travers notamment la présidence du Conseil de l'Union européenne qui est une présidence française a tout son rôle à jouer, est au coeur des discussions, au coeur de ce qui doit être la solution diplomatique à cette crise. Jean-Yves Le Drian, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, consulte en permanence ses homologues. La France est à la maoeuvre pour faire en sorte que nous sortions par le haut de cette crise qui est évidemment une crise problématique pour l'avenir.
Q - Et en cas d'agression militaire, on en parlait au début de cette interview, il pourrait y avoir des sanctions ? Est-ce que vous le souhaitez ? Quand on voit aussi, si on se réfère à l'histoire, qu'en 2014 les sanctions n'ont pas été efficaces : la Russie a annexé la Crimée, envahi une partie du Donbass, et c'est vrai que ça n'a pas été très efficace et quel type de sanctions ?
R - Les conséquences seront très graves pour la Russie. Il faut que la Russie soit bien au courant et très clairement convaincue de la détermination et la fermeté de l'Union européenne et des alliés par rapport à la situation en Ukraine. Pour autant, nous voulons continuer le dialogue et trouver les voies et moyens de la désescalade.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 janvier 2022