Texte intégral
LAURENCE FERRARI
Bonjour madame BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
LAURENCE FERRARI
Bienvenue dans La Matinale de CNews. On va parler des chiffres du chômage. Ils sont très encourageants, on y revient dans un instant. Mais d'abord, il y a une journée de manifestations à l'appel de plusieurs syndicats et d'organisations de jeunesse pour réclamer des hausses de salaires. Il y aura un impact sur les transports en commun. Il y a une véritable demande d'augmentation du SMIC, qu'on puisse vivre dignement du salaire aujourd'hui dans notre pays. Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, d'abord qu'on est très attentifs au pouvoir d'achat depuis le début du quinquennat. Vous savez qu'avec la suppression de la taxe d'habitation, de certaines cotisations sociales, avec l'augmentation de la prime d'activité, c'est l'équivalent pour quelqu'un qui gagne le SMIC d'un treizième ou d'un quatorzième mois. Puis aujourd'hui il y a cette flambée des prix de l'énergie qui concerne tous les pays au monde. On a pris de nombreuses mesures. D'abord une aide exceptionnelle pour les près de 6 millions de bénéficiaires du chèque énergie de 100 euros.
LAURENCE FERRARI
Là ce sont des primes, mais il n'y a rien qui impacte le salaire directement, vous le comprenez bien.
ELISABETH BORNE
Je vous assure que quand on gèle les tarifs du gaz, qu'on limite la hausse des tarifs de l'électricité, c'est l'équivalent de 900 euros de dépenses en moins pour quelqu'un qui est chauffé au gaz ou de 300 euros sur l'électricité. Puis il y a la prime inflation qui est en train d'être versée à 38 millions de Français, donc c'est évidemment quelque chose auquel on est très attentifs. On a encore récemment revu à la hausse le barème de l'indemnité kilométrique. Là encore pour deux millions et demi de Français, c'est 150 euros de pouvoir d'achat.
LAURENCE FERRARI
On est d'accord. C'est des petites mesures périphériques. Là on parle d'une augmentation des salaires. Il y a un certain nombre de candidats d'ailleurs à l'élection présidentielle qui proposent une augmentation des salaires. Valérie PECRESSE proposait dans un premier temps une augmentation de 10 % des salaires. Depuis, elle a revu l'étiage à la baisse.
ELISABETH BORNE
Alors on va attendre peut-être qu'elle stabilise ses propositions. Enfin, moi je pense que c'est assez grave, vous savez, de laisser croire aux Français qu'on peut comme ça d'un coup de baguette magique augmenter de 10 % les salaires. Moi je vous dis, on a une action déterminée depuis le début du quinquennat pour améliorer le pouvoir d'achat, pour protéger le pouvoir d'achat des Français, notamment face à la flambée des prix de l'énergie et je pense que les mesures qu'on a prises, il n'y a à peu près aucun pays au monde qui a fait autant pour protéger le pouvoir d'achat des Français face à cette flambée des prix de l'énergie.
LAURENCE FERRARI
Les chiffres du chômage sont encourageants, je le disais. Il y a une baisse de 5,9 % au quatrième trimestre. Depuis 2012, je crois que c'est historique. Qu'est-ce que vous trouvez le plus encourageant ? Les chiffres concernant les jeunes, concernant la population générale ?
ELISABETH BORNE
Je pense que c'est effectivement important d'avoir en tête que 2021 est finalement une année exceptionnelle pour l'emploi. On a entre décembre 2021 et décembre 2021 une baisse de plus de 500 000 demandeurs d'emploi sans aucune activité. Ça nous ramène effectivement au niveau qu'on a connu il y a dix ans. On a aussi un million de créations d'emplois depuis 2017, on bat tous les records d'embauche. Ç'a encore été le cas au quatrième trimestre. C'est le résultat à la fois des réformes structurelles, des réformes de fond qui ont été menées depuis le début du quinquennat mais aussi…
LAURENCE FERRARI
C'est surtout l'effet du dopage qui a été fait pendant la pandémie.
ELISABETH BORNE
C'est les deux. Je peux vous assurer que si on crée autant d'emplois et si effectivement on les a protégés dans la crise, c'est l'ensemble : à la fois les réformes structurelles et puis toutes ces mesures pour protéger les entreprises et pour protéger les emplois, pour relancer aussi l'économie avec le plan de relance. C'est aussi des mesures comme effectivement qu'on a prises pour les jeunes avec le plan 1 jeune 1 solution qui fait que, finalement, c'est chez les jeunes que le chômage baisse le plus.
LAURENCE FERRARI
Avec des emplois aidés par l'Etat. Ça ne vous dérange pas sur le fond, le fait que les jeunes aujourd'hui ne trouvent vraiment du travail que s'il y a une aide de l'Etat ?
ELISABETH BORNE
Alors on a dans un premier temps, au plus fort de la crise à l'été 2020, mis en place des aides à l'embauche. Mais ces aides, on les a arrêtées en mai 2021 et on a continué à recruter beaucoup de jeunes. Donc ça veut dire… Moi je voudrais aussi saluer des entreprises qui ont pris conscience aussi de l'importance de permettre à nos jeunes de rentrer dans la vie active. C'est très important. On a près de 4 millions de jeunes qui ont bénéficié du plan 1 jeune 1 solution, et puis on a des évolutions, je pense, qui sont des transformations profondes dans notre pays. Vous voyez par exemple sur l'apprentissage, on est passé de moins de 300 000 apprentis avant le quinquennat. On va franchir le cap des 700 000 apprentis. C'est quelque chose de très important parce que c'est la meilleure voie pour permettre à un jeune de se former en découvrant le monde professionnel et avec, très souvent à la clef, une embauche. Et on va continuer à accompagner les jeunes, notamment ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi avec le contrat d'engagement jeune qui sera lancé au 1er mars pour les jeunes qui, malgré effectivement la bonne dynamique de l'économie, ne trouveront pas un emploi sans un accompagnement. Notre objectif, c'est un accompagnement intensif 15 à 20 heures par semaine pour que ces jeunes trouvent au plus vite un emploi.
LAURENCE FERRARI
De formation, donc de formation supplémentaire.
ELISABETH BORNE
C'est à la fois… Vous savez, c'est quelques centaines de milliers de jeunes qui ont pu être en échec dans leur parcours scolaire, qui n'ont pas de projet professionnel. L'objectif, c'est de les mettre le plus vite possible en situation en entreprise pour qu'ils découvrent un métier et, ensuite, on pourra les former. Et je vous dis, l'objectif c'est qu'ils trouvent le plus vite possible un emploi.
LAURENCE FERRARI
Vous vous félicitez des chiffres du chômage. Evidemment ils sont bons, ils seront bons pour le président dès qu'il sera en campagne. Néanmoins il y a quand même encore 3 millions 336 000 chômeurs de catégorie A, plus de 5 millions 650 000 Français en activité réduite. On est très loin du plein emploi.
ELISABETH BORNE
Vous savez, je pense qu'avec cette évolution très positive qu'on connaît ces derniers mois, je pense que ça nous donne effectivement deux chemins. On va continuer pour effectivement arriver au plein emploi. C'est ce qu'on peut souhaiter pour notre pays : d'avoir un maximum de Français qui aient un travail. Vous savez qu'on a justement…
LAURENCE FERRARI
C'est quoi le plein emploi pour vous ?
ELISABETH BORNE
Je pense que c'est certainement moins qu'aujourd'hui. On peut discuter, les économistes peuvent avoir des grands débats. Peut-être à 5-6 %, je pense que c'est ce qu'on peut viser compte tenu de la bonne dynamique qu'on a pu créer déjà ces derniers mois.
LAURENCE FERRARI
Sur le chômage de longue durée, là il reste vraiment un point sensible. Il y a une diminution mais il y a quand même près d'un chômeur sur deux à Pôle emploi qui est inscrit depuis plus d'un an. Ce chômage de longue durée, on n'arrive pas à le résorber dans notre pays ?
ELISABETH BORNE
On a lancé avec le Premier ministre un plan spécifique fin septembre dernier, précisément pour accompagner les demandeurs d'emploi de longue durée. Evidemment quand vous n'avez pas travaillé depuis longtemps, il faut vous accompagner pour renouer avec les codes du monde professionnel, permettre de se former. C'est vraiment le plan qu'on a lancé fin septembre avec le Premier ministre. Moi ce que je note, c'est qu'on a une très forte baisse aussi ces derniers mois des demandeurs d'emploi de longue durée. Sur les mois d'octobre et de novembre, on a eu 100 000 demandeurs d'emploi de longue durée de moins et on continue. L'idée, c'est vraiment là aussi que ces demandeurs d'emploi de longue durée puissent être mis en situation en entreprise. Et on finance des formations, des formations courtes ou des formations longues qui correspondent vraiment aux besoins des entreprises pour permettre aussi à ces demandeurs d'emploi de longue durée de retrouver un emploi. Par exemple, vous savez, on a mis en place une prime de 1 000 euros pour encourager ces demandeurs d'emploi de longue durée à reprendre une activité. Ça peut être des frais de reprendre un travail. C'est des coûts pour se déplacer, éventuellement pour faire garder ses enfants. Et puis je le dis aux chefs d'entreprise, si on recrute un chômeur de longue durée en contrat de professionnalisation, c'est-à-dire pour le former, il y a une aide de 8 000 euros pour encourager des entreprises aussi dans leurs besoins de recrutement et on sait qu'ils sont très importants. Il y a beaucoup d'entreprises qui cherchent à recruter. Donc une aide de 8 000 euros quand on embauche un demandeur d'emploi de longue durée en contrat de professionnalisation.
LAURENCE FERRARI
Comment est-ce que vous expliquez qu'il est ait un tel chômage, parce qu'il reste quand même un chômage très important dans notre pays, et des pénuries de main-d'oeuvre dans un certain nombre de secteurs ? Comment est-ce qu'il y a des emplois vacants et comment est-ce qu'on n'arrive pas à faire les passerelles entre les deux ?
ELISABETH BORNE
C'est vraiment ce qu'on porte. Depuis le début du quinquennat, on n'a jamais autant formé des demandeurs d'emploi. Et effectivement, si vous avez des demandeurs d'emploi…
LAURENCE FERRARI
Mais il y a des métiers qui ne les attirent pas.
ELISABETH BORNE
Il y a aussi un enjeu d'attractivité. Il y a aussi un enjeu d'attractivité des métiers, c'est pour ça que… Moi ça fait tous ces derniers mois, je discute avec beaucoup de branches professionnelles pour qu'elles améliorent les rémunérations, par exemple dans le secteur des hôtels-cafés-restaurants qui est un secteur qui a beaucoup de besoins de recrutement et des difficultés de recrutement. On a eu beaucoup d'échanges et vous avez vu que finalement, ils revalorisent leurs grilles salariales en moyenne de 16 %, donc je pense que c'est un geste significatif qui a été fait par la branche des hôtels-cafés-restaurants. Puis il y a aussi des discussions qui vont s'ouvrir sur les conditions de travail, le rythme de travail. On sait que c'est très contraignant, souvent on a une pause entre le déjeuner et le dîner. Donc il y a des discussions qui vont s'engager sur ces sujets, sur le travail le week-end. Donc toutes ces branches, elles doivent aussi travailler sur l'attractivité des métiers. Donc c'est la formation des demandeurs d'emploi, l'attractivité des métiers, l'accompagnement des demandeurs d'emploi et puis, on peut aussi le dire, le contrôle de la recherche d'emploi. Vous savez qu'on a décidé d'augmenter aussi le contrôle de la recherche d'emploi. On a à peu près 18 % des contrôles qui ont été faits au mois de décembre qui se sont traduits par une sanction donc par une suppression de l'allocation à titre temporaire.
LAURENCE FERRARI
Combien de radiations ?
ELISABETH BORNE
18 %.
LAURENCE FERRARI
De radiations ?
ELISABETH BORNE
18 % parmi les contrôles qui ont été faits…
LAURENCE FERRARI
De sanctions ?
ELISABETH BORNE
Oui, de sanctions.
LAURENCE FERRARI
Pas de radiations ?
ELISABETH BORNE
De radiations temporaires.
LAURENCE FERRARI
Mais malgré cela les Français sont extrêmement pessimistes, je ne sais pas si vous avez pris connaissance des résultats de cette vaste étude du CEVIPOF, dans laquelle il y a plus de 10.000 personnes qui ont été interrogées, 63 % des Français pensent que les chômeurs pourraient trouver du travail s'ils le souhaitent, c'est terrible de dire ça.
ELISABETH BORNE
Je vous dis, on le voit, les contrôles ils montrent qu'effectivement il y a une partie des chômeurs qui pourraient chercher davantage, il faut aussi mettre en place un accompagnement, des formations. Quand on met en place des formations on a 6 demandeurs sur 10, qui sont formés, qui retrouvent un emploi dans les six mois, donc c'est un ensemble de mesures qu'on prend, à la fois pour que, avec cette reprise, personne ne reste sur le bord de la route, et puis aussi pour répondre aux besoins de recrutement des entreprises, évidemment on ne va pas freiner notre bonne croissance économique parce que les entreprises ne trouvent pas les compétences, c'est très important, et c'est aussi pour ça qu'on a tous ces plans, vous savez, 1,4 milliard d'euros, c'est le plan qu'on a annoncé avec le Premier ministre fin septembre, pour encore former davantage des demandeurs d'emploi.
LAURENCE FERRARI
Sur les retraites, le président a déclaré en novembre qu'il faudrait travailler plus longtemps pour repousser l'âge légal de la retraite, ça veut dire que dès qu'il sera candidat il aura sans doute un âge auquel il va reculer cet âge de la retraite, quel est le bon étiage selon vous, 64 ans 65 ans ?
ELISABETH BORNE
Je pense qu'on aura l'occasion d'en discuter dans les prochains mois, ce qui est clair…
LAURENCE FERRARI
Mais vous voyez l'impact, vous.
ELISABETH BORNE
Ce qui est clair c'est que pour financer notre protection sociale, et je pense que tous les Français y sont attachés, pour aussi améliorer la compétitivité de notre économie, il n'y a pas de doute, il faudra effectivement travailler plus longtemps. Vous savez qu'il y a une réunion du Conseil d'orientation des retraites aujourd'hui, toutes les études qui sont sur la table montrent qu'on part plus tôt, en France, que dans les autres pays, 62 ans comme âge moyen en 2019, et donc c'est effectivement important qu'on puisse travailler davantage.
LAURENCE FERRARI
Donc aller jusqu'à 64, 65 ans, Madame la ministre ?
ELISABETH BORNE
On verra dans les prochaines semaines.
LAURENCE FERRARI
Non, mais vous savez très bien qu'il faut allonger la durée du travail, pourquoi avoir peur de nous donner un étiage ?
ELISABETH BORNE
Vous savez qu'on avait travaillé sur un âge pivot à 64 ans, et on verra dans les prochaines semaines quel est le bon équilibre.
LAURENCE FERRARI
Mais vous avez peur qu'effectivement l'entrée dans la campagne du président provoque des tensions vives, sur ce sujet-là en particulier ?
ELISABETH BORNE
Je pense qu'il n'y a pas de doute, on assume parfaitement qu'il faudra travailler davantage, je vous dis, on voit aussi dans les études qui seront discutées aujourd'hui au Conseil d'orientation des retraites, que le seul levier qui permet d'équilibrer le système de retraite, avec un impact global positif pour notre économie, c'est en effet de travailler plus longtemps.
LAURENCE FERRARI
Qui sera l'ennemi principal, l'adversaire principal d'Emmanuel MACRON dans cette campagne ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi je vois que Marine LE PEN finalement profite de, peut- être des propos un peu outranciers d'Eric ZEMMOUR pour donner l'impression qu'elle est devenue beaucoup plus modérée, moi je peux vous dire que je pense que ses projets restent très dangereux pour notre pays, que ce soit sa vision de l'Europe, que ce soit sa volonté d'opposer les Français les uns aux autres, donc voilà, je pense qu'il ne faut pas se laisser abuser par cet aspect faussement sympathique.
LAURENCE FERRARI
Effectivement. Un tout petit mot du télétravail, il n'y aura pas de levée des mesures du télétravail avant la semaine prochaine, le calendrier classique de levée des restrictions ?
ELISABETH BORNE
Alors, moi je vous confirme que j'avais demandé un dernier coup de collier, si je peux dire, sur le télétravail, de fait ce message a été entendu, puisqu'on a vu, dans l'enquête qu'on a faite la semaine dernière, qu'on a une augmentation de 5 à 6 points de la part des Français qui peuvent télétravailler, qui le font, on est à près de 65 %, et effectivement, à partir de la semaine prochaine, on rend la main aux entreprises, ça reste une pratique qui est recommandée, mais ça se discutera dans le dialogue social, dans la discussion entre la direction et les représentants des salariés, à partir du 2 février.
LAURENCE FERRARI
En clair vous attendez d'être sortis, en tout cas plus ou moins de la crise Covid, pour entrer dans la campagne électorale ?
ELISABETH BORNE
En tout cas on espère sortir de cette crise au plus vite, je pense que tout le monde est aussi fatigué par cette crise, on voit qu'on a une baisse de la pression sur les réanimations, on a maintenant le pass vaccinal qui se met en place, qui nous permet de reprendre au maximum une vie la plus normale possible.
LAURENCE FERRARI
Merci beaucoup Elisabeth BORNE d'être venue ce matin dans La Matinale de Cnews.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 janvier 2022