Interview de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, à RMC le 26 janvier 2022, sur le scandale dans les Ehpad Orpea suite à la publication d'un ouvrage titré "Les fossoyeurs".

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Le témoin du jour c'est vous Brigitte BOURGUIGNON, bonjour. Vous êtes la ministre déléguée en charge de l'Autonomie, vous êtes en charge de toutes ces maisons de retraite et de la question des personnes âgées, vous avez choisi RMC pour vous exprimer ce matin après les révélations d'un ouvrage titré « Les fossoyeurs », un ouvrage qui fait scandale depuis hier, qui dénonce l'obsession de la rentabilité dans les établissements, notamment du groupe ORPEA. ORPEA qui possède quand même 364 établissements en France, dont 222 EHPAD. J'ai une question d'abord pour toutes les familles, ce matin qui nous écoutent, dont les parents, les grands-parents, sont des pensionnaires de ces maisons de retraite, est-ce que vous pouvez nous assurer ce matin, Madame la ministre, que ces pensionnaires sont en sécurité et sont bien traités ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
D'abord permettez-moi de m'exprimer, d'exprimer mes pensées émues, puis chaleureuses pour les résidents, pour les familles, qui ont eu à subir, si c'est avéré, cette violence, rien ne permet de tels agissements, c'est dégradant. J'ai aussi une pensée surtout pour les professionnels, qui exercent leur mission avec sérieux, qui se sont exprimés, et si ces faits sont avérés, bien sûr qu'ils sont extrêmement graves et que nous les condamnons fermement. Moi je fais de mon quotidien… et mon souci permanent c'est le bien-être des résidents, leur liberté, leur dignité, le respect de la personne, et de ces établissements, que nous sommes en train de rénover, d'améliorer, y compris sur l'attractivité des métiers aussi, donc vous imaginez bien que quand on a ce type de témoignage ça vous remue, c'est une évidence, donc je crois qu'il faut que cela ne perdure pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Je vais vous dire, ça vous remue, mais ça nous remue tous, depuis ce matin on a aussi de nombreux témoignages, non seulement de personnes qui ont leur famille dans ce genre d'établissement, ou de personnes qui y ont travaillé. On a eu Franck tout à l'heure, qui nous a appelés, qui ne voulait pas dire d'où il appelait par peur de représailles, mais il a fait partie de la direction de ces établissements, il dit qu'au fond c'était une obsession de rentabilité, mais il rappelle aussi, malgré tout, que le personnel il est payé par vous, par nous, par l'Etat, est-ce que vous estimez avoir quand même une part de responsabilité, on met tout sur le dos des directions de ce business-là, mais enfin comment est-ce que c'est possible que l'Etat n'ait pas un droit de regard plus fort ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
D'abord, il s'agit d'un seul groupe, dont vous parlez, et d'un établissement en particulier, donc je ne voudrais pas qu'on fasse des généralités ce matin, parce que depuis hier j'entends beaucoup de choses, et des généralités sont faites, et des raccourcis aussi. Moi j'ai fait vérifier, il y a eu des contrôles de ces situations, lorsqu'elles ont été signalées en 2018, parce qu'il faut qu'elles le soient, signalées, alors je veux m'assurer d'abord, premièrement que ces contrôles ont été suivis d'effet par l'établissement en question, c'est la première chose, je vais demander à l'administration une enquête flash, sur le suivi de ce contrôle, qui a été effectué en 2018, je convoque la direction d'ORPEA pour des explications, et avec Olivier VERAN on se réserve la possibilité d'une enquête indépendante, de l'IGAS, sur ces faits graves, dénoncés, s'ils sont avérés. Donc je crois qu'il ne faut pas tout mélanger, l'Etat ne finance pas des profits de groupes privés, mais bel et bien le fonctionnement, c'est-à-dire que les EHPAD sont financés par les pouvoirs publics par le particulier, ce sont les particuliers qui perçoivent, quand ils le demandent, une APA, qui leur permet de financer l'établissement. Sur les financements publics, les EHPAD, publics, comme privés, sont soumis à des obligations de transparence, des obligations de contrôle par les ARS et les chambres régionales des Comptes, bien sûr comme tout établissement qui est financé par de l'argent public. Aujourd'hui il faut accélérer cette manière de contrôler, à mon avis, et c'est là-dessus que nous travaillons jour après jour.

APOLLINE DE MALHERBE
Une manière de contrôler, vérifier qu'il y a effectivement des suites aux contrôles que vous effectués, vous demandez, on l'entend bien, une enquête flash. Les députés qui demandent également à pouvoir contrôler les EHPAD sans avoir à prendre rendez-vous à l'avance, sans avoir à préparer, de peur qu'il y ait une sorte, ce qu'on appelle « un village Potemkine », c'est-à-dire on fait tout en sorte pour que ce soit beau le jour où il y a un contrôle, mais ne pas pouvoir y aller comme ça à la dernière minute. Est-ce que vous allez autoriser les députés à pouvoir se rendre dans ces EHPAD sans avoir à prévenir la direction ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
D'abord je ferais remarquer à ces députés qu'aujourd'hui ils peuvent aller dans un EHPAD sans demander l'autorisation, parce que les EHPAD sont des lieux ouverts. Il ne faut pas tout mélanger. Moi j'ai le plus grand respect pour la représentation nationale, j'ai présidé des commissions d'enquête, je sais très bien que j'avais des EHPAD dans ma circonscription, avec lesquels je communiquais tout le temps, chez qui je pouvais me rendre, donc je crois qu'ils ont la liberté de se saisir de cette liberté, de la commission d'enquête, ça ne m'appartient pas de le dire, de faire les auditions qu'ils veulent, de faire les visites qu'ils entendent, par contre le parallèle je trouve qu'il est déplorable. Les enquêtes inopinées dans des prisons, bien sûr que c'est la loi qui le prévoit, dans un contexte bien particulier, et les EHPAD, encore une fois, ne sont pas des prisons, je ne connais pas d'EHPAD qui, à part la nécessité absolue, et vous le savez, nous sortons d'une crise sanitaire, nous sommes encore dedans, et il y a des clusters, à part ce cas-là ces EHPAD ne refusent jamais leur accès à quiconque. Donc je crois qu'il y a un faux débat, il ne faut pas créer de faux sujet et surtout ne pas jeter l'opprobre comme ça sur tous les professionnels qui exercent très bien leur métier au quotidien. L'enjeu, on le sait, et sur lequel je m'engage, c'est de définir les modalités les plus opérationnelles, les plus pertinents et les plus transparentes pour ces contrôles, et là-dessus la porte est ouverte sur toutes les solutions, mais je ne crois pas qu'il faille rentrer dans le concours Lépine, depuis hier, des solutions. Et moi, je vais vous dire, je déplore qu'on ne parle de cette situation, dans laquelle moi je m'évertue à parler depuis des semaines et des mois, seulement lorsqu'il y a un livre qui défraie la chronique, c'est un peu dommage. Aujourd'hui on est face à un problème sur un groupe donné, qui est un scandale, nous allons faire tout ce que nous avons en nos moyens pour vérifier cette situation, comme je vous l'ai dit, avec des enquêtes approfondies, mais je ne voudrais pas que ça jette l'opprobre sur les 7400 établissements en France

APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez lui demander quoi au patron d'ORPEA ? Il se défend pour l'instant.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr, c'est normal qu'il essaie d'expliquer cette situation, j'ai besoin de savoir si vraiment il y a eu des rationnements, si on a rogné sur des moyens d'hygiène les plus élémentaires sur des résidents, qui payent des prix assez énormes dans ces établissements. Je crois qu'on est en droit d'attendre un service de qualité, quand en plus on estime qu'on a mis ses parents dans un établissement plutôt luxueux. Nous avons des établissements qui sont beaucoup moins onéreux qui font un travail absolument remarquable dans toute la France, et donc, voilà, je crois qu'il faut qu'on vérifie.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais il y a de rares places, vous le savez, les familles se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles, elles ne trouvent pas de place pour leurs aînés.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors actuellement c'est faux, il n'y a plus de listes d'attente dans les EHPAD. Justement, ce qui est en train de s'opérer c'est que beaucoup de personnes âgées, d'abord vivent beaucoup plus longtemps à domicile, on le sait, d'autres se tournent vers des solutions intermédiaires, qui sont des résidences ouvertes, autonomie, Béguinage, qui leur permet, avec les services à domicile, de vivre beaucoup plus longtemps, et c'est pourquoi nous avons mis, le paquet si j'ose dire, sur le financement, cette année, de ce virage que nous souhaitons, parce que c'est ça que veulent les Français, et les établissements demeureront, et donc, dans le même temps nous les améliorons pour qu'ils n'aient plus des conditions épouvantables, parce que moi j'en ai visités, vous savez, aujourd'hui en France… moi je veux bien recevoir des leçons de toute la classe politique parce que c'est la campagne présidentielle et que tout le monde s'empare du sujet par ce biais-là, mais je voudrais quand même leur rappeler que je visite des établissements qui n'ont pas été rénovés depuis 15 ans, depuis 20 ans, ils disent quoi là ? Et nous nous mettons 1,2 milliard d'euros pour les rénover….

APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous dites « ils disent quoi ? », vous parlez des élus, des élus locaux qui ne prennent pas leur part d'après vous.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Je ne parle pas des élus locaux, je parle de ceux qui en ce moment se présentent à des campagnes présidentielles en découvrant soudain qu'il y a une politique du grand âge menée dans ce pays, en découvrant soudain qu'il y a des besoins ; il n'y a pas de listes d'attente en ce moment, parce que justement il y a eu la crise sanitaire et que des établissements recommencent à avoir des demandes d'entrée, mais eux-mêmes le disent, ils ont eu des difficultés même pour remplir leurs établissements, ça veut dire que les gens se tournent vers d'autres solutions et qu'il faut les travailler, parce que c'est le désir des Français.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci Brigitte BOURGUIGNON, je rappelle que vous êtes la ministre déléguée en charge de l'Autonomie, merci d'avoir répondu sur RMC. Vous n'étiez pas physiquement présente dans ce studio parce que vous êtes positive au Covid, on vous souhaite évidemment un très bon rétablissement.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 janvier 2022