Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les problématiques propres aux mers et aux océans, à Paris le 28 janvier 2022.

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Circonstance : Présentation du "One Ocean Summit" de Brest

Texte intégral

Merci Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames les Ministres, chère Annick, chère Bérangère,
Monsieur l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies, cher Peter Thomson,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,


Les mers et les océans sont bien sûr au coeur de notre histoire et au coeur de notre imaginaire, car c'est en les parcourant en tous sens que notre humanité, peu à peu, a appris à se projeter à l'horizon d'un monde commun, tantôt dans le partage des échanges et l'enthousiasme des grandes traversées, François Gabart, que je salue et que j'ai grand plaisir à retrouver ici, pourrait sûrement en témoigner, tantôt dans le tragique des batailles et dans la violence des conquêtes.

Mais aujourd'hui ces vastes étendues, qui occupent plus de 70% de la surface de notre planète, sont aussi au coeur des défis du XXIe siècle. Et pour moi, c'est même la que s'exprime de la manière la plus nette l'ambiguïté fondamentale de ces défis qui, parce qu'ils sont ceux d'un un monde en voie de brutalisation et en état d'urgence environnementale, les deux, appellent à autant de lucidité dans le rapport de force que de détermination à agir collectivement au service de notre planète. Le fait est que les mers et les océans sont tout à la fois des espaces contestés et des biens communs en danger.

Oui, les mers et les océans sont des espaces contestés ; c'est-à-dire des espaces de fortes tensions, des espaces de rivalités stratégiques. C'est-à-dire des espaces où peuvent se développer différentes formes de trafic, ainsi que de la pêche illégale, non-déclarée et non-règlementée. C'est-à-dire des espaces de remise en cause de la souveraineté des Etats et du droit international, en particulier du principe de liberté de circulation en mer. C'est-à-dire encore des espaces d'intense compétitions économiques, puisque la mondialisation est d'abord et avant tout une maritimisation massive de nos échanges commerciaux et de nos chaînes de valeur.

Mais les mers et les océans sont aussi et en même temps des biens communs en danger ; c'est-à-dire des puits de carbone inestimables, dont les équilibres sont menacés par l'accélération des dérèglements climatiques, qu'ils pourraient pourtant précisément contribuer à réguler ; c'est-à-dire de précieux écosystèmes garants de notre biodiversité et nécessaires à la subsistance de près de trois milliards de personnes, mais dont la survie-même est mise en péril par les dérèglements climatiques, par la pollution, par la surexploitation des ressources ou encore par l'artificialisation des côtes.

C'est pourquoi nous considérons que tout ce qui se passe sur les mers et sur les océans engage notre avenir et que nous y avons des intérêts fondamentaux : des intérêts de sécurité, des intérêts économiques et ce qu'il faut bien appeler des intérêts écologiques. Des intérêts auxquels s'ajoute une responsabilité singulière liée à l'histoire et la géographie de notre pays qui font de la France une puissance maritime et océanique de tout premier plan et nous donnent, avec la deuxième zone économique exclusive du monde, les moyens d'être l'une des rares puissances d'équilibre en mer.

Ces intérêts et cette responsabilité, c'est en Européens que nous voulons les assumer. Car, dans ce monde de jeux de puissance et de défis existentiels, il n'y a qu'en Européens que nous pouvons déployer, sur les mers et les océans, une géopolitique assez complète pour donner une portée concrète à nos valeurs, à notre engagement pour la planète, à notre souci de faire vivre au présent un multilatéralisme de l'action, un multilatéralisme de la preuve et des résultats avec nos partenaires de tous les continents.

L'un des enjeux du Forum ministériel sur l'Indopacifique, que la France organisera le 22 février à Paris dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne sera justement de décliner concrètement - sur les questions de sécurité, d'économie bleue ou encore de développement - cette géopolitique des mers et des océans sans laquelle nous ne saurions bâtir une vraie géopolitique européenne du XXIe siècle.

Au seuil de cette rencontre, je tenais à rappeler ces quelques constats et à rappeler le sens de nos efforts français et européens pour y répondre. Parce que c'est, au fond, dans ce cadre que s'inscrit le One Ocean Summit que nous organiserons à Brest du 9 au 11 février prochain, à l'initiative du Président de la République, et auquel déjà une vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernement participeront.

L'enjeu, c'est d'approfondir, sur les problématiques propres aux mers et aux océans, le concept des One Planet Summits, qui, notamment en associant l'ensemble des acteurs concernés - Etats, organisations internationales, ONG, chercheurs, entreprises, etc. - ont fait leurs preuves en nous permettant, depuis 2017, de monter des coalitions mais aussi d'accélérer le financement d'initiatives en faveur du climat, de la biodiversité et, déjà, en faveur des océans.

L'enjeu de ce sommet, c'est par des actions concrètes, des actions immédiates, des actions efficaces d'avancer sur ces sujets que sont la protection des écosystèmes océaniques, la préservation des ressources halieutiques ; la lutte contre la pollution, en particulier la pollution plastique ; la prise de conscience du rôle du milieu marin dans la lutte contre le changement climatique ; et, enfin, l'amélioration de la prise en compte des océans dans les négociations environnementales internationales. Je pense en particulier à cette négociation majeure concernant la protection de la haute mer conduite depuis plusieurs années sous les auspices des Nations unies et à laquelle le Sommet de Brest, nous l'espérons, pourra apporter un soutien décisif.

Je salue à cet égard l'action de Jimmy Pahun et de Maïna Sage qui, je le sais, se sont beaucoup engagés sur ce sujet.

L'enjeu, c'est aussi une forte mobilisation de la Commission européenne, de construire une dynamique de mobilisation collective en amont de plusieurs rendez-vous internationaux importants qui scanderont les mois à venir.

Je pense en particulier à la Conférence prévue fin juin, à Lisbonne, pour soutenir la mise en oeuvre de l'Objectif de développement durable de l'Agenda 2030 des Nations unies relatif à la conservation et l'exploitation durable des océans.

Voilà, chers amis, ce que je voulais à vous dire pour ouvrir cette rencontre. Sans plus tarder, je passe la parole à ma collègue Annick Girardin. Merci.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 février 2022