Texte intégral
Un plan d'urgence de 270 millions d'euros a donc été annoncé hier pour les éleveurs de porcs, des éleveurs fragilisés par la baisse des cours et l'explosion du prix des matières premières. On en parle ce matin avec le ministre de l'Agriculture, en direct sur France Bleu Armorique.
ERIC BOUVET
Bonjour Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.
ERIC BOUVET
On parle d'un plan de 270 millions d'euros, c'est 75 millions en urgence, et ensuite, 175 millions d'euros, les premiers 75 millions vont être versés rapidement.
JULIEN DENORMANDIE
Oui, les premiers 75 millions d'euros vont être versés d'ici 2 à 3 semaines, donc vous le voyez, très rapidement, mais je crois qu'il faut que, vraiment, tout le monde soit conscient que nous sommes face à une situation de crise inédite, probablement l'une des crises les plus fortes depuis de nombreuses années, avec, d'un côté, des charges qui n'ont eu d'augmenter, et de l'autre, des prix du porc qui n'ont eu cesse de diminuer. Et donc, il y a cet effet d'étau auquel aujourd'hui sont confrontés les éleveurs de porcs et les met dans des situations de difficulté absolument intenses. Et donc face à cette crise inédite, le gouvernement a apporté ce plan d'urgence de 270 millions d'euros, mais également, a mis une pression très forte, mais vraiment très forte sur les industriels et la grande distribution pour faire en sorte que nos agriculteurs soient rémunérés à leur juste valeur.
ERIC BOUVET
Oui, parce que ce ne sont pas des aides que réclament les éleveurs, ce sont des prix rémunérateurs, ce que doit leur fournir la loi Egalim, mais ce n'est pas le cas, qu'est-ce qui pêche aujourd'hui, Julien DENORMANDIE ?
JULIEN DENORMANDIE
Eh bien, d'abord, on a changé les règles récemment, il y a 3 mois, en passant une nouvelle loi, qui est une loi de régulation pour justement forcer la grande distribution et les industriels à mieux rémunérer nos agriculteurs, faire en sorte que quand vous et moi achetons dans un supermarché un produit alimentaire, on s'assure que le prix payé revienne à l'agriculteur, mais pas uniquement dans les marges de l'industriel ou de la grande distribution, et aujourd'hui, vous avez un certain nombre d'acteurs qui jouent le jeu, et malheureusement, d'autres qui ne le jouent pas. Et donc face à ça, notre fermeté est totale, nous avons démultiplié les enquêtes, les contrôles, pour s'assurer que chacun respecte la loi, songez que depuis le 1er janvier, on a lancé pas moins de 250 enquêtes vis-à-vis de grands distributeurs, d'industriels qui ne joueraient pas le jeu. Et donc on met une pression dans le tube très forte pour s'assurer que chacun applique strictement la loi, parce que, comme vous l'avez dit, nos agriculteurs, ils veulent vivre des prix et non pas des primes, et c'est très important.
ERIC BOUVET
Alors il y a un autre problème que soulèvent les éleveurs, notamment, les éleveurs bretons, c'est la concurrence des pays étrangers, et notamment européens, qui ne sont pas soumis aux mêmes règles que les éleveurs français, alors la France préside l'Union européenne depuis le 1er janvier, qu'est-ce qu'elle peut faire, que pouvez-vous faire de cette présidence pour améliorer cette concurrence jugée déloyale dans les campagnes ?
JULIEN DENORMANDIE
Eh bien, il y a deux sujets dans votre question, il y a d'abord harmoniser les règles au niveau européen, c'est essentiel, on se bat pour, on a aujourd'hui des distorsions de concurrence, parfois des distorsions sociales, parfois environnementales, et donc l'un des objectifs majeurs, c'est d'harmoniser ces règles. Et le deuxième élément, c'est que l'Europe peut aussi agir face à la crise conjoncturelle que traverse le secteur porcin, parce qu'on parle de la situation en France, mais la situation est terrible dans la plupart des pays européens, parfois même plus, parce que certains pays sont touchés par la peste porcine africaine, ce qui n'est pas le cas en France, et conduit à des situations, là aussi, très difficiles. Et donc, on se bat au niveau européen également pour que l'Europe puisse prendre des mesures, des mesures de soutien vis-à-vis du secteur porcin, c'est un des grands objectifs de la présidence française de l'Union européenne.
ERIC BOUVET
Alors justement, Julien DENORMANDIE, en parlant de l'Europe, dans cette grande enveloppe de 270 millions, il y a 175 millions, qui sont conditionnés par l'aval de l'Union européenne, ça veut dire que ça pourrait être retoqué, cette aide ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, ça veut dire que c'est simplement des processus d'information et de notification, comme on dit, mais d'autres pays européens viennent d'annoncer aussi des mesures de soutien, et donc je n'ai absolument aucune crainte sur cela, aucune crainte que cela ne puisse pas être mis en oeuvre. Donc il y aura bien un plan de 270 millions d'euros, 75 qui arrivent dans les 2 à 3 semaines, 175 qui arrivent un peu après, et qui feront l'objet, enfin, qui fait toujours l'objet de discussions avec la filière, pour convienne ensemble des critères d'utilisation, et puis, 20 millions en plus pour faire les de 270 qui sont des exonérations de charges.
ERIC BOUVET
Sachant, malheureusement, vous le savez, que ce n'est pas suffisant, puisque les pertes sont estimées à 400 millions d'euros pour le moment, ce sera autant dans les mois à venir, nous expliquait à 8h un responsable de la FDSEA, qu'est-ce qu'on peut envisager à moyen et à long terme pour éviter la catastrophe ?
JULIEN DENORMANDIE
Eh bien, deux choses dont on vient de parler, la première, c'est que les industriels et la grande distribution paient le juste prix, c'est l'application stricte et totale de la loi Egalim 2, il faut faire en sorte que ce soit payé au juste prix. Ecoutez, on le voit bien, à chaque fois que vous achetez vous-même une tranche de jambon ou un rôti de porc en supermarché, regardez le différentiel de prix qu'il y a entre ce que vous payez et parfois ce qui est payé à l'agriculteur qui est en ce moment 1,20 euro, 1,30 euro, 1,40 euro le kilo. Vous voyez les différences. Et donc il faut absolument que les comportements changent, et donc on va démultiplier les contrôles, on appelle à la responsabilité, et on voit que sur ce sujet, on ne lâchera rien. Et puis, le deuxième élément, c'est également que des mesures européennes soient prises, mais vous savez, mon combat à moi, il est de pouvoir aider quand on a un genou à terre, mais surtout de changer les choses sur le fond, structurellement, et ça, c'est notamment cette fameuse loi Egalim 2 dont vous avez parlé.
ERIC BOUVET
Merci Julien DENORMANDIE d'avoir été l'invité de France Bleu Armorique.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 février 2022