Déclaration de M. Clément Beaune, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, en réponse à deux questions sur les tensions entre l'Ukraine et la Russie, au Sénat le 9 février 2022.

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Circonstance : Questions d'actualité au Gouvernement au Sénat

Texte intégral

Monsieur le Sénateur,

Vous faites référence à une situation qui reste extrêmement préoccupante et extrêmement grave et je vous remercie d'avoir salué les efforts diplomatiques de la France, du Président de la République, qui s'inscrivent évidemment dans un cadre européen, celui de la Présidence française de l'Union européenne et d'une unité occidentale que nous devons en l'occurrence réaffirmer. Mais je crois que cette visite lundi et mardi à Moscou et à Kiev est un élément important pour tenter, car nous devons être prudents, mais avoir de premiers signaux positifs, une stabilisation de la situation et nous l'espérons, dans les prochaines semaines, une désescalade. Nous avons en tout cas ce chemin d'espérance.

Vous posez une question très concrète sur l'aspect énergétique, évidemment essentiel, de cette crise. S'il y avait un dérapage, une situation de guerre, nous souhaitons l'éviter, je crois que nous avons les moyens aujourd'hui de pouvoir l'éviter, mais nous devons nous préparer à tout. Si cela était le cas, nous l'avons dit, les 27 pays de l'Union européenne, dès le mois de décembre, il y aurait des sanctions extrêmement fortes, un paquet - je reprends les termes des 27 - "massif" de réponses à cette situation d'agression territoriale.

Nous le préparons. Vous me pardonnerez de ne pas pouvoir détailler un menu d'options, car cela fait partie aussi de notre crédibilité, de pouvoir être généraux encore sur point, mais nous préparons des sanctions très importantes. Premier élément sur l'énergie : nous ferons en sorte que, si sanctions il devait y avoir, nous préserverions nos intérêts européens le plus possible.

Deuxième point et plus important encore, nous avons des stocks européens. Et notamment en France, je le dis très clairement, nous avons des stocks pour cet hiver qui sont suffisants en gaz. Troisième point : nous devons évidemment, car c'est aussi une crise de la dépendance, réduire notre dépendance européenne. Celle de la France est beaucoup moins forte que celle de ses voisins, mais collectivement, vous l'avez rappelé, c'est un peu plus de 40% des importations européennes qui viennent aujourd'hui de Russie, 30% par un gazoduc qui passe par l'Ukraine.

Et donc, nous devons très clairement aussi améliorer les capacités de stockage européennes ou collectives ; et puis, plus largement, même si cela prendra du temps, accélérer notre transition énergétique au niveau européen. C'est une crise de la dépendance aux énergies fossiles, à un pays en particulier.

Nous avons une dernière initiative que je vais mentionner qui est d'effet plus rapide sur ce sujet, c'est que nous travaillons avec les Etats-Unis en particulier, plusieurs partenaires internationaux, sur une diversification de nos approvisionnements dans l'attente de cette transition.

Voilà les éléments que je pouvais apporter aujourd'hui, en espérant, bien sûr, que cela reste une situation hypothétique.


Madame la Sénatrice,

Je ne partage pas tout à fait la lecture orientée que vous avez présentée de la situation. Je ne reviendrai pas sur les épisodes passés ; force est de constater que dans la situation que nous vivons actuellement, ce n'est pas ni la France, ni les Etats-Unis, ni l'OTAN, ni l'Union européenne qui a exercé une pression militaire, qui exerce toujours une pression militaire face à un Etat souverain qui est l'Ukraine.

Mais je vous remercie d'avoir reconnu les efforts diplomatiques engagés, soutenu ce dialogue et, pour être très précis, nous avons une ligne qui est claire, la fermeté européenne, l'unité occidentale et le dialogue exigeant.

Vous regrettez que l'Europe ne soit pas plus présente, on peut l'être encore davantage sans doute, mais c'est la France, c'est la France et l'Allemagne en particulier, c'est le Président assurant la Présidence française du Conseil de l'Union européenne, qui ont repris ces initiatives, qui ont permis - nous sommes prudents pour l'instant - c'est une première étape, mais de reprendre un processus qui permet la stabilité et, -nous l'espérons, avec quelques premiers signaux-, la désescalade. Une réunion des conseillers diplomatiques en format de Normandie aura lieu cette semaine.

S'il faut continuer à la fois l'information et la discussion, le Gouvernement s'y est toujours montré ouvert. Faisons les choses dans l'ordre, je vous réponds, Madame la Sénatrice, il y a un cadre précis. Comme il y a régulièrement une audition du ministre des affaires étrangères qui se présentera de nouveau devant la Commission des affaires étrangères, la semaine prochaine. Quand les circonstances ont été réunies, nous n'avons jamais refusé ces débats, je crois qu'aujourd'hui ce n'est pas le sujet ou l'opportunité principale, mais la transparence parlementaire sera faite évidemment.

En tout cas, ce qui est important, je crois, que le message qui soit adressé soit celui de l'unité politique, nous n'allons pas revenir sur les lectures biaisées du passé, mais de défendre les intérêts européens. Quant à la sécurité et la défense européennes, c'est évidemment notre priorité. Je suis heureux aussi que vous partagiez cet objectif, en renforçant le budget européen de défense, le projet de défense européen, les initiatives que nous faisons, y compris en opérations extérieures, dans un cadre européen.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 février 2022