Texte intégral
ALIX BOUILHAGUET
Agnès PANNIER-RUNACHER, bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Alix BOUILHAGUET.
ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Hier, Emmanuel MACRON a rencontré Vladimir POUTINE à Moscou. Il espère une désescalade entre la Russie et l'Ukraine. Est-ce que ça en prend le chemin ? Pas encore tout à fait ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, il faut juste replacer le contexte, c'est la première fois depuis assez longtemps que nous avons une guerre à nos portes, aux portes de l'Europe. Donc la situation est, je dirais, relativement critique. Le président de la République s'impose comme le leader européen…
ALIX BOUILHAGUET
Est-ce qu'il n'aurait pas pu le faire plus tôt ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ah, mais attendez, ça n'est jamais que la 17ème ou la 18ème conversation qu'il a avec le président POUTINE. Les politiques français qui se réveillent ce matin en pensant qu'il ne s'est rien passé depuis deux ans perdent de vue que ça a été une intense discussion diplomatique entre le président français et le président POUTINE. Et je rappelle que cette intensité, on ne l'a pas retrouvée dans les mandatures précédentes.
ALIX BOUILHAGUET
Nicolas SARKOZY était parti en Géorgie, on se souvient quand même de…
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'était il y a 14 ans, donc je pense que c'était il y a très longtemps…
ALIX BOUILHAGUET
Oui, mais il était à l'époque, je vous le rappelle, président aussi de la tête de l'Union européenne.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, tout à fait. Et cela avait permis de dés-escaler en Géorgie, la différence peut-être, c'est que la situation est un peu plus critique aujourd'hui de l'avis de tous les experts.
ALIX BOUILHAGUET
Est-ce que vous, je ne sais pas si vous êtes une experte dans le dossier, mais d'après ce que vous comprenez, ce que vous entendez, ce qu'on vous dit, est-ce que vous pensez qu'une possible… qu'une invasion russe en Ukraine est possible réellement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, en tout cas, les faits sont têtus. Ce que nous dit le Renseignement américain, qui est un renseignement de qualité, c'est que l'organisation et les troupes qui sont massées à la frontière biélorusse leur permettent de faire une invasion. Donc il faut partir…
ALIX BOUILHAGUET
En 48h, paraît-il, ils peuvent…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il faut partir des faits. Le travail que fait le président de la République, c'est de maintenir le dialogue avec le président POUTINE, sans naïveté, aucune. Sans naïveté aucune. Et il l'a très bien dit dans son propos il y a une dizaine de jours, on maintient tous les canaux diplomatiques ouverts, il n'y a pas que la France qui discute, il y a l'Union européenne, il y a les Etats-Unis, il y a le groupe qui avait été créé au moment des accords de Kiev, tout ça est très bien, mais en parallèle, on prépare d'éventuelles sanctions, de façon à ce qu'on ait, à la fois, le canal diplomatique, mais une réponse et une riposte qui soient prêtes pour forcer la négociation et forcer la désescalade.
ALIX BOUILHAGUET
Vladimir POUTINE, il veut surtout que l'OTAN cesse tout élargissement à l'Est. Quelles solutions la France, l'Europe peut lui garantir sur ce sujet-là ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est justement l'un des enjeux de la discussion, il est clair aussi qu'il ne faut pas de victoire à la Pyrrhus qui conduirait à remettre en cause les intérêts stratégiques de nos alliés. Et le président de la République a été très clair, et je crois que sur cette séquence, on voit tout le capital qu'il a construit à l'international comme président de référence, comme leader européen sur la scène internationale, et je crois qu'on doit aussi prendre en compte cette dimension qu'il a prise par rapport à tous les sujets de politique intérieure du moment ; qui d'autre, sincèrement, aujourd'hui, est capable de porter la vision européenne et la vision française comme le fait le président MACRON.
ALIX BOUILHAGUET
De retour en France, Emmanuel MACRON, il se rendra jeudi à Belfort, il veut relancer le nucléaire, il souhaite construire de nouvelles centrales, combien, on parle de 6 nouveaux EPR. Est-ce que vous me confirmez ce chiffre ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il le confirmera lui-même, si vous le permettez, jeudi, lorsqu'il fera son déplacement, ce qui est très clair, c'est que nous avons un enjeu de décarbonation, nous devons réduire massivement des gaz à effet de serre dans nos activités économiques, et pour ça, il faut électrifier notre économie, il faut passer du chauffage au fioul à l'électricité, il faut passer de la voiture à l'essence à l'électricité, et dans les processus industriels, il faut passer de l'utilisation du gaz naturel à l'électricité ; ça veut dire produire beaucoup plus d'électricité. Pour ça, trois pistes, la première piste, c'est d'avoir des installations qui consomment moins d'électricité, c'est une façon finalement de gagner, mais ça ne va pas suffire. La deuxième piste, c'est les énergies renouvelables, ça ne va pas suffire. La troisième piste, c'est le nucléaire, on a aujourd'hui une stratégie tout à fait claire pour avoir de l'énergie bas carbone et peu coûteuse, et on le voit aujourd'hui sur nos factures. Si nous n'avions pas le nucléaire, c'est une augmentation de 45% à laquelle feraient face les Français du prix de l'électricité, ils font face à une augmentation de 4%.
ALIX BOUILHAGUET
Construire une centrale, c'est très long, on voit que l'EPR de Flamanville qui devait être mis en service en 2012, il sera mis finalement en service au second trimestre 2023, pourquoi est-ce que, Emmanuel MACRON n'a pas pris cette décision en début de mandat ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, il faut avoir en tête que les centrales nucléaires ont une durée de vie de 50 ans…
ALIX BOUILHAGUET
Il voulait fermer Fessenheim… enfin, son objectif, c'est de fermer des centrales, et notamment Fessenheim…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je rappelle que c'est une des centrales qu'on a construite le plus tôt, je vais vous faire un scoop…
ALIX BOUILHAGUET
Oui, mais il s'est converti au nucléaire…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alix BOUILHAGUET, juste un scoop, nous allons avoir des réacteurs qui vont fermer, ils ont une durée, ils ne sont pas éternels…
ALIX BOUILHAGUET
Oui, mais engager des nouveaux chantiers, c'est long, pourquoi on ne fait pas ça en début de mandat, il n'y croyait pas vraiment au nucléaire, Emmanuel MACRON ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ce n'est pas tout à fait exact, nous sommes complètement dans le calendrier, ce calendrier, il est fondé sur des faits, les faits, c'est nos besoins en électricité. Nous avons entamé…
ALIX BOUILHAGUET
Donc on a découvert récemment qu'on aurait besoin, un besoin massif de plus en plus d'électricité ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas exact non plus. Je rappelle que ça fait 2 ans qu'on travaille sur la relance de la filière de l'électricité, ça ne date pas de la semaine dernière, ça fait 2 ans...
ALIX BOUILHAGUET
Mais pas du début de mandat ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est un peu plus profond que ça, parce qu'on confond souvent fermeture de réacteurs qui vont être rendus nécessaires par leur fin de vie, c'est ça qui fait qu'on va devoir fermer des réacteurs, quand j'entends certains hommes politiques qui expliquent qu'ils vont arrêter la fermeture des réacteurs, mais c'est comme si on vous disait : de toute éternité, je vais garder ma voiture, eh bien, non, vous ne pouvez pas, donc il y a nécessairement un remplacement des réacteurs, et cela avait été anticipé. Et donc nous avons une mercuriale, c'est-à-dire que, lorsque nous allons devoir remplacer les réacteurs, d'autres prendront le relais, et cela colle avec le calendrier, et en parallèle, les énergies renouvelables vont se développer, elles se développent dans un temps plus court, c'est ça qui explique qu'en 2030, nous serons au rendez-vous de nos objectifs de réduction d'émissions carbone. Donc, je ne peux pas laisser dire qu'il n'y a pas eu anticipation, ça fait 2 ans que nous avons travaillé avec RTE, qui est le réseau de transport électrique, mais qui a des compétences, une expertise, et qui a fait un travail avec 4.000 experts, 4.000 experts, les organisations environnementales, pour tracer des scénarios sur notre mix énergétique ; et on sait parfaitement, et nous sommes les plus avancés sur ce sujet-là, comment justement électrifier notre économie.
ALIX BOUILHAGUET
Un mot de la campagne, en 2017, les candidats à la présidentielle, ils mettaient tous en avant quasiment la question des finances publiques, cette fois, alors, tout le monde évite plus ou moins d'en parler, la crise du Covid, le quoi qu'il en coûte, ils ont pourtant alourdi la dette et le déficit, on n'en parle pas, c'est quand même un gros problème, je rappelle la dette, c'est vertigineux, c'est 2.151 milliards d'euros de dette, la France.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, nous, nous en parlons, c'est-à-dire que nous avons une trajectoire de réduction de notre déficit public que nous respectons, je rappelle que nous sommes le premier gouvernement à être passé sous 3 % de déficit public, je rappelle que, évidemment, avec la crise, nous avons connu un rebond de ce déficit public, mais avec des résultats économiques au bout, et vous avez vu que l'institut des politiques publiques a mis en évidence que grâce au quoi qu'il en coûte, on a en fait permis un rebond de croissance, on a permis une diminution du chômage…
ALIX BOUILHAGUET
Oui, mais on a creusé la dette et le déficit…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Une diminution du chômage, je vais jusqu'au bout, et que si on ne l'avait pas fait, on aurait eu 10 points de dette de plus, parce que, qu'est-ce qui se serait passé ? Eh bien, le chômage aurait payé les personnes qui auraient perdu leur emploi, explosion du chômage, et les minima sociaux auraient explosé aussi…
ALIX BOUILHAGUET
Donc le quoi qu'il en coûte a réduit la dette ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
A réduit la dette, ou en tout cas, l'augmentation de la dette. Et nous avons aujourd'hui une trajectoire qui est rigoureuse sur nos finances publiques pour arriver à 3% de déficit public, et pour entamer une diminution de notre dette publique. Mais comment ? Par la croissance, par l'investissement productif, par l'emploi. Quelle est la meilleure façon de réduire la dette ? C'est d'avoir des entreprises qui créent de la valeur, qui permettent ensuite de les imposer et d'apporter des recettes publiques à notre budget, et d'avoir, vous et moi, qui travaillons, qui payons des cotisations sociales, et qui contribuons au budget de la Sécurité sociale, c'est ça de la bonne finance. Et clairement, avec Bruno LE MAIRE et Olivier DUSSOPT, nous avons une trajectoire, et nous la respectons.
ALIX BOUILHAGUET
Bon, vous êtes optimiste...
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, nous sommes sérieux et rigoureux.
ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER d'avoir été avec nous ce matin. Merci.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 février 2022