Texte intégral
Mme la présidente.
L'ordre du jour appelle les questions sur les zones de non-traitement.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill (UDI-I).
Depuis le décret de décembre 2019 et l'évolution des règles relatives aux zones de non-traitement, dites ZNT, nos agriculteurs sont confrontés à une inquiétude croissante : des contraintes supplémentaires pèsent sur leur activité et ils manquent de temps pour s'adapter efficacement, alors que l'étude commandée par le Gouvernement à l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, n'est toujours pas disponible.
Cette décision, à laquelle s'est ajoutée l'intervention du Conseil d'État demandant au Gouvernement de clarifier sa copie, met à mal le monde agricole, lequel avait demandé, en vain, un moratoire afin d'évaluer et de prendre en compte les impacts économiques.
Car nos agriculteurs, vous le savez, s'évertuent à se conformer constamment aux évolutions réglementaires qui les concernent, notamment en investissant, par exemple, dans des buses antidérives et en s'obligeant, dans le cadre de chartes, à agir sans vent.
Je souhaite donc ici me faire le porte-voix des nombreux professionnels de ma circonscription qui m'interpellent quasi quotidiennement et me font part de leurs craintes, liées principalement à l'aspect économique. Alors que les aides consécutives à l'épisode de gel de l'an dernier n'ont toujours pas été versées dans leur totalité, les agriculteurs s'inquiètent réellement du terrible manque à gagner que la réduction géographique des parcelles exploitables, liée au respect des zones de non-traitement, entraînera inévitablement.
Quelles compensations seront proposées aux professionnels de la filière pour pallier cette perte sèche de revenus ? Quand interviendront-elles et seront-elles sécurisées juridiquement ?
Pour que ces compensations ne soient pas un trompe-l'oeil, il est impératif qu'elles ne soient pas prélevées sur le budget de la PAC, la politique agricole commune. Pouvez-vous nous l'assurer ?
Monsieur le ministre, vous connaissez la charge qui pèse sur les épaules de nos agriculteurs. En fonction de votre réponse, beaucoup pourraient retrouver de l'espoir. Leurs attentes sont très fortes.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre.
Tout d'abord, madame Thill, les dernières décisions concernant les zones de non-traitement, annoncées il y a quelques jours, n'ont pas été prises à l'initiative du Gouvernement. Nous n'avons fait que répondre à une injonction du Conseil d'État – vous l'avez noté et je vous en remercie. Il est très important de le rappeler car il est essentiel de séparer ce qui relève du pouvoir exécutif ou législatif, et ce qui relève du pouvoir juridique.
Deuxièmement, s'agissant de la mise en oeuvre de ces mesures, nous avons évidemment respecté l'injonction du Conseil d'État mais en essayant de procéder de la manière la plus pragmatique possible, eu égard notamment à la situation que vous venez d'évoquer.
Troisièmement, la question des compensations est très importante, notamment pour des agriculteurs qui ne disposeraient pas de solution alternative à des produits qu'ils ne pourraient plus utiliser, après fixation de la distance minimale, car cette situation viendrait obérer les capacités de production. Comme indiqué dans les documents qui ont été publiés, nous avons introduit une clause de revoyure, fixée au 1er octobre 2022, afin d'identifier avec la profession les voies et moyens des indemnisations et compensations.
Concrètement, nous commençons d'ores et déjà à organiser des réunions avec les professionnels. La prochaine, qui portera sur la question de la compensation et de l'indemnisation, aura lieu d'ici à la fin de la semaine, afin justement de préparer la revoyure.
Nous avançons donc avec pragmatisme et détermination sur cette question.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Agnès Thill pour une deuxième question.
Mme Agnès Thill (UDI-I).
Après les quelques informations que vous venez de donner à propos des compensations financières destinées à nos agriculteurs – ce dont je vous remercie –, j'aimerais vous interpeller au sujet d'un problème qui se pose en amont : l'absence persistante des avis de l'ANSES.
En effet, le 21 décembre 2021, le Gouvernement a annoncé qu'il s'en remettait à celle-ci pour déterminer les distances d'épandage des produits phytosanitaires classés CMR 2, c'est-à-dire des produits suspectés d'être cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, de catégorie 2.
Une telle démarche doit permettre d'accélérer les évaluations scientifiques, donc la mise à jour des autorisations de mise sur le marché, dites AMM, des nouveaux produits. À la suite de ces avis est prévue une phase transitoire, à compter du 1er octobre 2022, pendant laquelle les distances actuelles de 10 mètres seraient maintenues.
Selon le communiqué de presse du Gouvernement, l'ANSES « sera donc amenée à fixer explicitement une distance de non-traitement pour les produits concernés qui en feraient la demande ». La demande d'avis est conforme au rôle de l'agence qui, depuis 2016, doit fixer les distances de sécurité dans ses AMM, et la décision gouvernementale concernera donc les produits ayant reçu leur autorisation avant cette date. Entre 100 et 200 produits pourraient être amenés à demander une actualisation, selon les estimations de l'agence.
Toutefois, la colère des agriculteurs persiste – je pense que vous le savez – car les avis qui auraient fait suite à une étude de terrain réalisée par l'ANSES n'ont pas encore été publiés. Aucune étude n'a été lancée, ce qui laisse les agriculteurs, qui ne disposent d'aucun retour, dans le flou le plus total. Pourquoi 10 mètres et pas 5, 50 ou 100 ? Sans retour sérieux de l'ANSES, le choix de la distance d'épandage devient complètement aléatoire.
Aussi j'aimerais savoir quels sont les moyens prévus par le Gouvernement pour que l'ANSES communique enfin ses avis prochainement. Surtout, le budget alloué à l'agence sera-t-il suffisant pour produire de telles études ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
Vous commencez à me connaître. J'ai toujours fait le choix de m'en remettre, pour prendre une décision, à la science et à la raison. Cela me semble de bonne politique et c'est ce que je me suis évertué à faire depuis que je suis à la tête du ministère, c'est-à-dire depuis il y a un peu moins de deux ans.
Il se trouve que, s'agissant de l'utilisation des CMR2, deux possibilités s'offrent à nous : soit on prévoit des distances génériques, soit on opte pour une approche produit par produit, pour que chaque distance soit pertinente en fonction du produit. À l'évidence, cette deuxième méthode apparaît comme la meilleure des deux. Cela relève du bon sens.
C'est d'autant plus vrai qu'aujourd'hui, pour certains produits dit CMR2, les autorisations de mise sur le marché octroyées par l'ANSES prévoient déjà des distances minimales d'utilisation. Or on observe que celles-ci peuvent être de 10 mètres comme de 3 mètres, preuve qu'une approche ciblée en vue de fixer la distance réellement nécessaire en fonction du produit est la plus pertinente qui soit.
En s'en remettant à la méthode de l'ANSES, on donne à celle-ci les moyens et la capacité de mener l'ensemble des études nécessaires. Vous regrettez que l'on ne dispose pas encore de ces études, mais je vous rappelle que l'ANSES a été sollicitée le 21 décembre. Il faut que les demandes soient déposées et qu'ensuite les analyses soient faites. En attendant de connaître les résultats, produit par produit, nous nous en tenons à la situation actuelle.
Cette approche est la plus pragmatique qui soit et, in fine , la plus conforme à la réalité considérée du point de vue de la protection de nos concitoyens comme de l'utilisation des produits.
Mme la présidente.
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit (UDI-I).
Puisque nous parlons d'épandage, je saisis l'occasion de cette semaine de contrôle, qui permet d'évaluer l'action du Gouvernement mais aussi les politiques publiques, pour revenir sur un sujet dont nous avons débattu récemment en commission : Phytosignal.
Ce dispositif a été lancé en 2013 à l'époque de Stéphane Hollande (Sourires) , pardon, de Stéphane Le Foll – lapsus révélateur ! Il s'agit d'une plateforme téléphonique, d'un numéro vert accessible aux particuliers pour leur permettre de dénoncer de mauvaises pratiques des agriculteurs. Après avoir été expérimenté en Nouvelle-Aquitaine, Phytosignal se diffuse gentiment sur le territoire national, notamment en Bretagne et en Normandie.
Je souhaite que l'on mette une bonne fois pour toutes le holà à ce dispositif, que l'on s'écrie : « Halte-là ! ». Les agriculteurs, mais aussi les services de l'État, aimeraient que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation s'exprime à ce sujet.
Vous le savez, les agriculteurs, comme l'ensemble des Français, ont avant tout besoin de considération et de confiance. Ce sont des professionnels. Ils ont été formés, tout comme d'ailleurs les entrepreneurs de travaux agricoles et les membres des coopératives, à l'épandage des produits phytosanitaires. Ceux qu'ils utilisent sont homologués.
Quelle profession accepterait qu'on lui mette une telle pression ? Il y a quelques jours, je discutais avec un représentant de l'État en Ille-et-Vilaine. Il voulait savoir pourquoi cette situation me choquait. Je lui ai répondu en lui demandant comment il réagirait si l'on mettait en place une plateforme d'évaluation du corps préfectoral, avec la possibilité pour chaque citoyen d'appeler un numéro vert pour se plaindre des services de l'État dans son département.
D'ailleurs, lorsque l'épandage de produits phytosanitaires pose problème à un particulier, celui-ci peut appeler l'ARS, l'agence régionale de santé, la DRAAF, la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, la DREAL, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ou encore la police de l'environnement.
Puisque toutes ces possibilités existent déjà, il n'est pas nécessaire de mettre une pression supplémentaire aux agriculteurs.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
Vous l'avez dit, le dispositif Phytosignal a été créé en 2013. Je ne l'approuve ni sur le fond ni sur la forme.
Sur le fond, je fais partie de ceux qui considèrent qu'il est stigmatisant. Je suis très frappé par le fait que, lorsque l'on débat de ces questions, on oublie parfois que tous les produits concernés ont été autorisés à la fois par une agence européenne et par une agence nationale,…
M. André Chassaigne.
C'est ça !
M. Julien Denormandie, ministre.
…et qu'on laisse donc entendre que nos agriculteurs utiliseraient des produits qui ne sont pas homologués. Autrement dit, parce que certains émettent des doutes à propos de différents produits, on jette une suspicion sur les agriculteurs – alors que la responsabilité d'homologation relève des autorités sanitaires européennes et françaises.
On pourrait aussi bien parle de « produits autorisés par les agences sanitaires », et ce serait une chose très différente que de désigner la plateforme sous le nom de « produits autorisés par les agences sanitaires signal. »
Quant à la forme, je pense qu'il faut suivre une méthode. Comme vous l'avez dit, ce dispositif a d'abord été lancé en Nouvelle-Aquitaine. La bonne méthode consiste à procéder à un retour d'expérience pour examiner ce qui s'est passé et voir si cela a servi à quelque chose. C'est la raison pour laquelle j'ai pris la décision de mettre le dispositif en pause, pour comprendre le retour d'expérience. Vous le voyez : ma position est très claire sur le fond et sur la forme.
Mme la présidente.
La parole est à M. Grégory Labille.
M. Grégory Labille (UDI-I).
La France est l'un des premiers pays européens à avoir adopté, en 2006, un cadre réglementaire pour la mise en place des zones de non-traitement. Elle l'a, plus récemment, étendu au voisinage des zones d'habitations et d'établissements accueillant des personnes vulnérables. Celles-ci sont fixées à 10 mètres pour les cultures hautes et à 5 mètres pour les autres, ou à 3 mètres à la condition d'utiliser des buses à jet antidérive.
Dans la Somme, malgré des divergences initiales sur la pertinence de cette mesure, la chambre d'agriculture, la FDSEA, ou fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles, et la préfète se sont concertées pour signer une charte de bon voisinage, qui a permis de prendre en compte les principaux enjeux, tout en ménageant les intérêts de toutes les parties prenantes.
Toutefois, l'application des ZNT n'est pas une fin en soi. Certains riverains des zones non traitées se plaignent désormais des plantes poussant de manière anarchique sur le bord des champs, en les traitant eux-mêmes avec des produits phytosanitaires parfois plus toxiques. Le monde agricole réclame, quant à lui, des mesures plus pragmatiques. Si, globalement, les agriculteurs comprennent l'intérêt des ZNT, ils ne veulent cependant pas être lésés.
Au-delà d'une indemnisation financière pour compenser l'absence d'exploitation des zones non traitées, deux mesures semblent nécessaires. Tout d'abord, il faut mieux étudier au cas par cas les zones non traitées. S'il y a des haies, des arbres hauts ou des murs, la distance de 5 mètres ne semble pas nécessaire. Parallèlement, pour éviter le grignotage de leurs terres, les agriculteurs demandent que chaque nouvelle habitation construite en bordure de leurs champs soit, dès sa construction, munie d'un mur ou d'une haie, afin de ne pas avoir de nouvelles ZNT. Pensez-vous qu'il soit possible d'inclure ces deux mesures pour améliorer la réglementation des ZNT ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
Monsieur le député, la question que vous soulevez est très importante. Elle concerne la protection : il s'agit de savoir quelles actions permettent de limiter la diffusion des produits par dérive. Aujourd'hui, ces produits étant homologués au niveau européen, l'Agence sanitaire européenne – l'EFSA, ou Autorité européenne de sécurité des aliments – considère que le recours à certaines pratiques peut limiter la dérive, et laisse à cet effet une seule possibilité : la buse, qui est un matériel agricole. Nous souhaitons qu'à l'initiative de la France, ce guide européen puisse évoluer en prenant en compte les haies, les murs ou d'autres pratiques permettant d'éviter la dérive des produits.
La modification du guide européen ne peut être proposée que sur la base d'éléments scientifiques et tangibles, montrant en quoi une haie permet de limiter la dérive. À cette fin, nous avons lancé voilà déjà plusieurs mois une étude, intitulée CAPRIV, ou Concilier application des produits phytopharmaceutiques et protection des riverains, que le ministère finance à hauteur de 500 000 euros, qui a commencé en 2021-2022. Nous devrions ainsi pouvoir bénéficier d'ici à la fin de l'année 2022 des résultats montrant de manière scientifique comment un mur, une haie ou un autre barrière physique permettent de limiter les risques aériens de dérive de ces produits et, de la sorte, pouvoir plaider la modification du guide européen, lequel influe directement sur la décision de l'ANSES, puisque cette dernière se fonde sur ce guide.
Je souscris donc pleinement à votre observation. Nous avons déjà lancé l'action en ce sens, mais devons désormais collecter les résultats scientifiques. La démarche ne peut pas être empirique et il doit forcément s'agir d'une démonstration scientifique. Ce sera fait prochainement.
Mme la présidente.
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier (SOC).
Monsieur le ministre, durant le débat que nous avons eu en commission sur les nitrites, nous avons eu l'occasion, et vous l'aurez dans les heures qui viennent, de dialoguer sur la place de la démocratie et de la science, et sur leur dialogue renouvelé et indispensable. Cette question, qui n'avait pas été traitée dans les plans Écophyto, fait partie des sujets qui ont surgi récemment et vous héritez ainsi d'une situation dont nous cherchons à sortir.
Je souhaiterais, pour ma part, que nous parlions des leçons à en tirer. Comment pouvons-nous organiser un débat public serein ? Faut-il mobiliser en amont la Commission nationale du débat public sur l'ensemble des sujets touchant à l'agriculture et à l'alimentation ? Faut-il organiser un dialogue territorial et nous donner les moyens de ce dialogue ?
Au-delà de la question démocratique, je poserai deux questions de prévention, plus structurantes. La première est celle de l'urbanisme : tirant les leçons de ces zones de non-traitement, avez-vous engagé avec vos collègues du Gouvernement une réflexion visant à prévoir dans les plans locaux des zones tampons, des zones intermédiaires, et à faire en sorte que les plans locaux d'urbanisme (PLU), devenus intercommunaux depuis la loi, dite ALUR, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, nous permettent d'anticiper, dans le cadre du dialogue territorial, ces zones limites, afin qu'elles ne deviennent pas des zones de conflit, mais de conciliation ?
Deuxièmement, avez-vous mobilisé les ressources de l'ACTA, l'Association de coordination technique agricole, de l'ANSES, de l'APCA, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, et toutes les ressources disponibles pour imaginer de nouvelles fonctions à ces zones tampons, qui peuvent être des zones laboratoires d'une autre agriculture, mais également des zones d'agroforesterie et de biodiversité, contribuant tant au bien-être des habitants et à leur santé qu'aux bénéfices attendus pour le milieu agricole ? Quelles innovations pourrions-nous trouver pour sortir des conflits qui mortifient notre société et dévaluent le travail de nos agriculteurs ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
Monsieur le député, la première question que vous posez, essentielle, est celle de savoir comment avoir sur cette question un débat apaisé. Il faut, pour cela, s'engager véritablement et avec force dans le débat, pour assumer et dire haut et fort que tous ces produits sont homologués par des agences sanitaires. Il faut s'engager avec force pour contredire toutes celles et tous ceux qui racontent – ce qui n'est pas votre cas – absolument n'importe quoi sur ce sujet, cherchant çà et là comment attiser les peurs et les craintes, stigmatisant ainsi les agriculteurs, ce qui ne peut avoir pour conséquence que la délocalisation de notre agriculture. Il faut aussi s'engager avec force pour dire par exemple – comme je le fais dans un esprit transpartisan, car nous tirons aussi profit de ce qui a été fait durant le quinquennat précédent – que, depuis 2016, la quantité de produits CMR1 a baissé de 93% et celle des CMR1 et CMR2, de 40 %. Ce n'est dit nulle part, alors que cette transition est bien réelle et que nous devrions en être fiers. La France se situe d'ailleurs à la pointe parmi les pays européens, et même au niveau mondial.
Il faut également s'engager avec force dans des débats importants, dont je sais combien vous y participez, sur le rôle nourricier de l'agriculture. Mais qui parle de ce qui s'est passé au Sri Lanka, où l'État a décidé de proscrire les produits phytosanitaires mais a dû, trois ou quatre mois plus tard, revenir sur cette décision car il ne parvenait plus à nourrir son propre peuple ? Ce débat est très intéressant. C'est là un vrai combat politique, que nous devons mener.
Pardon de ne pas avoir répondu à toutes les questions, mais je voulais insister sur la première, que je trouvais particulièrement importante.
Mme la présidente.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne (GDR).
Je reviendrai sur mon inquiétude initiale face à l'inscription dans la loi EGALIM, la loi no 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, des dispositions relatives aux ZNT. J'estimais alors que nous allions nous enferrer dans une bataille juridique opposant agriculteurs et riverains, sans pour autant apporter de solution équilibrée aux problèmes de fond liés à l'utilisation des produits phytosanitaires. Nous y sommes aujourd'hui, cheminant vers un énième renvoi à des mesures réglementaires, la patate chaude étant confiée à l'ANSES, après les arbitrages successifs du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État. Notre débat ne peut que refléter les oppositions sur l'appréciation et la portée juridique de la loi, des nouveaux décrets et des arrêtés ministériels qui en découlent.
Si je comprends à la fois la sensibilité du monde agricole devant des contraintes supplémentaires et celle des habitants et de la société civile, qui attendent plus de protection, la problématique essentielle demeure exclue – celle des moyens que nous mettons en oeuvre pour accompagner la transformation agroécologique globale de l'ensemble des systèmes agricoles. En nous focalisant sur les conséquences après autorisation de mise sur le marché des produits phyto, comme vous l'avez dit tout à l'heure, nous continuons à prendre le problème à l'envers, avec toutes les stigmatisations et dérives possibles, tout en évacuant les enjeux de fond qui surdéterminent l'usage de ces produits, l'intégration des agriculteurs dans une chaîne de production, avec leur dépendance socio-économique et technique, le niveau des prix d'achat des productions, qui conditionne les rendements et par conséquent l'usage des phyto.
Face à une PAC sans réelle ambition agroécologique et à un plan stratégique national qui essaie de ne fâcher personne tout en tentant de tirer le plus grand parti possible des outils financements offerts, comment reparler vraiment des objectifs et des orientations structurels de notre politique – car c'est bien là le fond du problème ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
Monsieur le député, je connais votre engagement et je crois que nous avons beaucoup de choses en commun, mais je ne peux pas vous laisser dire qu'il n'y a pas, dans cette nouvelle politique agricole commune, une vision très fortement engagée. Je pourrais vous en donner de très nombreux exemples : qu'il s'agisse des protéines, des haies, que nous défendons avec force, de ces mesures agroenvironnementales, du plan d'augmentation de 30%, de l'installation en bio ou des nouvelles conditionnalités, on y trouve une véritable vision, mais une vision avec une méthode. En effet, pour effectuer une transition, il faut pouvoir investir, et pour pouvoir investir, il faut consolider le revenu, car nul ne peut investir s'il ne dispose pas d'un revenu.
Le deuxième élément, qui doit nous interroger et dont je sais qu'il vous a interpellé, c'est que, si la PAC n'est pas mise en oeuvre au niveau européen avec la méthode et le pragmatisme que j'ai défendus dans le plan stratégique national français, cela pourrait se traduire par une réduction de 13% de notre production et une augmentation de 20% de nos importations. C'est un non-sens, car ces importations sont beaucoup moins bien-disantes d'un point de vue environnemental car, aujourd'hui, il n'y a pas de frontières à l'environnement. Notre souveraineté agroalimentaire est absolument impérieuse et l'Europe a d'ailleurs dans le monde un rôle nourricier.
On voit donc bien que nous devons réussir à remettre de la raison et de la science dans ce débat. C'est cependant très difficile. Parfois, en effet – nous en avons parlé à propos du glyphosate, sur lequel je connais votre position courageuse –, on voit s'opposer des objectifs environnementaux, nourriciers ou liés aux territoires. Il faut avoir le courage d'affronter cette complexité. C'est avec une vision et avec ce courage que nous ferons avancer les choses.
Mme la présidente.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M. Jean-Paul Dufrègne (GDR).
Ma question, qui a déjà été abordée, portera plus spécifiquement sur les difficultés vécues sur le terrain par les agriculteurs. Les ZNT affectent particulièrement – pour ne pas dire : essentiellement – les territoires périurbains, qui ont connu une forte croissance ces dernières décennies. L'imbrication du foncier agricole et du foncier bâti relève parfois de la dentelle, notamment dans des régions de grandes cultures comme le Nord-Pas-de-Calais ou l'Île-de-France, ainsi que dans toutes les grandes régions viticoles. Les zones de non-traitement touchent donc très lourdement certaines exploitations de grandes cultures, de viticulture et d'arboriculture, dont les exploitants sont déjà soumis à la pression urbaine et ont souvent consenti d'énormes efforts pour ce qui concerne leurs pratiques de traitement. Ces agriculteurs souhaitent légitimement savoir comment l'État compte les accompagner et si vous avez prévu des compensations économiques aux pertes de récolte. Par ailleurs, ils souhaitent connaître votre position sur les zones de retrait qui seront exigées avant tout nouveau projet d'aménagement ou de construction dans ces zones, et sur les modalités de concertation dans la définition des chartes d'engagement à l'échelle départementale.
Enfin, ils sont suspendus aux arbitrages que proposera l'ANSES quant à la limitation des zones de retrait lorsque les exploitations et les lieux d'habitation sont séparés par des barrières physiques, comme des murs ou des haies. Quelles informations ou quels engagements précis sur ces points pouvez-vous donc leur donner dès aujourd'hui ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
J'ai déjà répondu tout à l'heure à votre question sur les murs et les haies. C'est le bon sens, le vécu de terrain qui s'exprime ici – et que je partage en tous points –, et qui fait valoir l'existence de barrières physiques alors qu'elles ne sont pas prises en compte dans l'évaluation scientifique. Or si, souvent, le monde agricole réfléchit en fonction de cette réalité empirique, s'il veut influer sur des décisions scientifiquement fondées, il doit passer de l'empirisme aux données scientifiques. Aussi, s'agissant des murs et des haies, avons-nous engagé cette étude financée à hauteur de 500 000 euros, afin, donc, de traduire l'empirisme en faits scientifiques et, d'ici à la fin de l'année, d'examiner le sujet dans le cadre de l'élaboration du guide de l'EFSA, avant que les critères ainsi définis ne s'appliquent à l'ANSES.
La question de l'urbanisme, quant à elle, est très importante. L'article 200 de la loi « climat et résilience » a d'ailleurs modifié le code de l'urbanisme, donnant la possibilité à l'autorité locale compétente d'inclure les ZNT dans les PLU.
Mme la présidente.
La parole est à M. Éric Girardin.
M. Éric Girardin (LaREM).
Comme cela a déjà été précisé, la révision du dispositif ZNT prévoit d'étendre ces zones aux lieux recevant des travailleurs et de mieux informer les riverains. Dans mon département de la Marne, plusieurs dizaines de milliers d'hectares de terres agricoles et viticoles pourraient ainsi être concernés par cette nouvelle mesure. Sur le territoire de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) champagne, notamment, plus de 1 000 hectares de vignes sont actuellement concernés par une distance de 10 mètres de ZNT près des habitations. Les surfaces concernées seront bien plus importantes avec l'élargissement du périmètre d'application de la ZNT.
Vous le savez, l'AOC champagne présente un morcellement parcellaire très important. Ce mitage est l'une des caractéristiques majeures du vignoble champenois historique. Cela présente des difficultés pour les exploitations concernées par une ZNT avec le risque que ces parcelles deviennent totalement improductives, voire disparaissent. Agriculteurs et viticulteurs montrent une certaine inquiétude et une certaine incompréhension concernant ce nouveau dispositif et ses évolutions à terme. En effet, de nouvelles règles leur sont imposées et elles devraient très certainement encore évoluer. Ils réclament davantage de clarté et regrettent notamment que les mesures en question soient prises par voie réglementaire. Ils sont favorables à l'information collective des riverains situés à proximité des parcelles en amont du traitement des vignes mais demandent à avoir un seul interlocuteur, le maire de la commune. Ils souhaitent bénéficier de souplesse pour informer les populations et demandent que les modalités soient pratiques pour les agriculteurs et les viticulteurs, notamment en matière de délais. Enfin, ils veulent avoir une définition précise sur ce qu'est un lieu accueillant des travailleurs présents de façon régulière.
La filière champagne joue déjà en France un rôle précurseur en matière de respect de l'environnement et de respect des règles de protection sanitaire des populations limitrophes, avec près de 54 % des surfaces de l'AOC qui bénéficient d'une certification environnementale.
De plus, et comme vous l'avez déjà précisé dans vos réponses, avec les évolutions du matériel de pulvérisation, telles que les buses antidérives, la pollution atmosphérique et le transfert des molécules dans les cours d'eau sont grandement limités et, par extension, les impacts sur l'environnement, la santé et les cultures voisines. Les buses dites ZNT sont notamment homologuées par votre ministère pour les zones de non-traitement.
Je vous poserai quatre questions. Pouvez-vous apporter des réponses claires aux agriculteurs et viticulteurs sur l'information des riverains et des travailleurs ? Pouvez-vous apporter une définition des lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière pour permettre une meilleure compréhension du texte et son application ? Pouvez-vous garantir aux agriculteurs et viticulteurs la poursuite du dispositif actuel, soit le recours aux produits agréés en agriculture biologique et aux produits de biocontrôle au sein des ZNT ? Ne devrions-nous pas réformer le code de l'urbanisme pour que la charge de l'aménagement des espaces de transition végétalisés entre les nouvelles constructions et les espaces agricoles soit assumée par l'aménageur et rendue obligatoire ?
Mme la présidente.
Merci, chers collègues, de vous en tenir à deux minutes.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
Vous faites part de l'étonnement et parfois des critiques du monde agricole, mais je répète que l'information préalable est une injonction du Conseil d'État en tant que juridiction, non une décision de l'exécutif ou du législatif que vous représentez. Le décret précise que les dispositions en question seront définies dans le cadre des fameuses chartes ZNT que vous connaissez bien. Et d'ailleurs, cela va dans le sens de votre question, c'est-à-dire d'une approche pragmatique, adaptée aux réalités de terrains qui peuvent être très différents d'un territoire à l'autre.
Quant aux travailleurs réguliers, ce sont des travailleurs qui ne sont pas occasionnels – c'est une définition pratique assez claire. L'arrêté qui définit cette notion est le plus précis possible. C'est le sens d'ailleurs de la décision du Conseil d'État.
Quant à votre question sur le biocontrôle, la réponse est oui.
Enfin, s'agissant de votre interrogation concernant le code de l'urbanisme, j'ai déjà répondu tout à l'heure à votre collègue.
Mme la présidente.
La parole est à M. Didier Le Gac.
M. Didier Le Gac (LaREM).
À mon tour, je tiens d'abord à rappeler, comme vous venez de le faire monsieur le ministre, que si le sujet des ZNT revient aujourd'hui sur la table, ce n'est pas le fait du Gouvernement mais bien en raison d'une décision de justice.
Les chartes départementales d'engagement des utilisateurs agricoles de produits phytosanitaires avaient pour vocation d'encadrer l'usage des pesticides près des habitations. Le Conseil d'État vient de considérer que ces chartes méconnaissaient le principe d'information du public, d'où ces nouveaux projets de décrets et d'arrêtés qui, il faut bien le reconnaître, mécontentent à peu près tout le monde, les associations environnementales comme les agriculteurs. Le monde agricole est engagé depuis longtemps déjà dans une démarche de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, et de tous les intrants en général d'ailleurs. C'est aussi une question de coût, surtout en ce moment. C'est pourquoi les agriculteurs regrettent surtout la non-prise en compte de la réalité de leurs pratiques et des nouveaux dispositifs antidérives qu'ils utilisent tous les jours et qui sont capables de mesurer la dose épandue pour chaque zone d'une parcelle, parfois même au centimètre près.
M. Thierry Benoit.
Tout à fait !
M. Didier Le Gac.
La Direction générale de l'alimentation (DGA) estime d'ailleurs que ces outils présentent une efficacité de 66 % au minimum pour la réduction des dérives de pulvérisation, systèmes antidérives qui ont pu être subventionnés, il faut le rappeler, à hauteur de 30 % dès 2020 et encore récemment par le plan France relance 2030, qui d'ailleurs, vous le savez monsieur le ministre, a été victime de son succès.
Il faut continuer à différencier les distances selon les territoires, les cultures et les produits utilisés car les ZNT ne peuvent pas être abordées de la même manière selon qu'on se trouve en zone céréalière, en zone arboricole ou en zone viticole.
Je souhaite surtout appeler votre attention sur les documents d'urbanisme. Il serait intéressant de prévoir et de signaler dès l'élaboration, en particulier, des PLU, quelles sont les parcelles ou les zonages avec ZNT, afin de prévenir les habitants d'une commune de la présence ou non d'une ZNT à proximité du terrain qu'ils sont peut-être en train d'acheter. Ainsi, ce ne serait pas à l'agriculteur de s'adapter au PLU et d'adopter de nouvelles pratiques, mais bien au contraire aux communes d'informer en amont les administrés de la présence de ZNT.
Mme la présidente.
Merci, cher collègue.
M. Didier Le Gac.
Quelles mesures pourrions-nous prendre pour améliorer les nouvelles dispositions en lien avec les documents d'urbanisme ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
C'est exactement ce pragmatisme-là et cette approche par territoire, par produit, par culture qui m'ont conduit à mettre en oeuvre cette revue des distances par les AMM elles-mêmes après cette évaluation scientifique par l'ANSES. Je le répète, certaines AMM pour les produits classés CMR2 comportent des distances de 3 mètres, d'autres de 10 mètres. On voit donc bien qu'il y a des différences entre les produits.
En ce qui concerne le plan local d'urbanisme, vous avez donné la possibilité aux autorités locales de signaler la présence d'une ZNT en votant l'article 200 de la loi « climat et résilience ». Ensuite, la question de la réciprocité – l'autre côté de la ligne de propriété – est très complexe et nous devons continuer à y travailler – ce que du reste nous faisons, en collaboration avec la profession agricole et les collectivités territoriales.
Mme la présidente.
La parole est à M. Jean-Claude Leclabart.
M. Jean-Claude Leclabart (LaREM).
À la suite des décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État concernant les ZNT, il a été demandé au Gouvernement de revoir les modalités de consultation du public des chartes, de renforcer l'information des riverains et des personnes qui peuvent se trouver à proximité des champs traités, de prévoir des mesures de protection des personnes travaillant à proximité des zones d'utilisation des produits phytosanitaires, de fixer des distances de non-traitement plus grandes pour les produits suspectés d'être les plus dangereux. Dans ce cadre, le Gouvernement a mis en consultation publique un projet de décret et un projet d'arrêté adaptant le dispositif des zones de non-traitement par des produits phytopharmaceutiques. Le décret mis en consultation répond aux demandes du Conseil d'État en confortant le principe des chartes d'engagement comme outil de concertation au niveau local. Il renforce ce dispositif dans son élaboration, en prévoyant que chaque charte devra instaurer un système d'information préalable des personnes présentes et des résidents.
Pour ce qui concerne les constructions d'habitations nouvelles, il est bon de constater que les lotisseurs sont soumis dans leur cahier des charges édicté par certaines communes, notamment de Normandie, à tenir compte de cette ZNT dans le périmètre de la zone construite avec haies, zones enherbées entretenues par la commune et de nouveau une haie plus petite pour délimiter le périmètre d'habitation.
Pour les constructions existantes, le problème est plus délicat. Comme vous avez pu le constater, la charte " ZNT riverains " qui devait ouvrir un dialogue ne fait que créer clivages, stigmatisation et, hélas, complexifie la concertation entre les parties.
Avec l'appui des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), ne serait-il pas plus simple de faire acheter ces surfaces de " ZNT riverains " par les communes ou intercommunalités à travers le PLU ou le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI), ces derniers devenant des sentiers de randonnée, dits plus communément sentiers tour de ville ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
Si elles le souhaitent, les collectivités peuvent le faire. En tout état de cause, on ne va pas nationaliser les ZNT. Actuellement, on examine comment on peut valoriser le terrain des ZNT, notamment comment mieux inclure les haies – on peut déjà le faire, cela dépend de la largeur – dans les surfaces d'intérêt écologique (SIE), nécessaires au titre de la politique agricole commune.
À l'évidence, ce n'est pas l'État qui peut intervenir dans la création de sentiers pédestres. En revanche, les collectivités, du fait des plans locaux d'urbanisme ou des règles locales d'urbanisme, ou à travers la SAFER, peuvent voir comment mettre en place de tels dispositifs. Dit autrement, ce que vous proposez est déjà possible, mais je suis convaincu que ce n'est pas à l'État de l'organiser. Je le répète, les ZNT sont des parties de terrains qui appartiennent aux agriculteurs, c'est une propriété privée et non des zones où n'importe qui peut se balader. C'est peut-être une évidence, mais il est important de le rappeler.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Muriel Roques-Etienne.
Mme Muriel Roques-Etienne (LaREM).
J'associe à ma question mon collègue Alain Perea, député de l'Aude, qui est à l'isolement en raison de la covid.
La cohabitation des zones d'espaces agricoles et d'espaces urbanisés est depuis quelques années la source de nombreuses interrogations liées à la poursuite de l'activité agricole et aux conflits d'usage qui pourraient en découler. Il y a quelques mois, ces inquiétudes étaient telles qu'elles se sont soldées par une interdiction de traitement par arrêté municipal d'un maire. L'État a donc décidé de traduire ces interrogations par l'obligation faite aux agriculteurs de définir des logiques de zones de non-traitement à proximité des habitations. Le risque qui réside dans l'instauration, avec des exigences et des prescriptions croissantes, de zones de non-traitement phytosanitaire à proximité des zones habitées ne serait-il pas de limiter la vocation agricole d'un sol en mitoyenneté avec un espace urbanisé ? Ainsi, pouvez-vous nous dire ce qu'il en est de la mise en oeuvre de cette approche qui devait être appliquée dans chaque département ? Pour sortir de cette dualité entre l'habitat et l'agriculture, ne serait-il pas plus pertinent d'adopter une approche globale de la gestion des territoires en tenant compte de la pratique dans les zones agricoles, en énumérant notamment les contraintes dans les documents d'urbanisme ?
Enfin, des agriculteurs de mon territoire m'ont également fait part des difficultés rencontrées dans le cadre de pulvérisations accidentelles de cours d'eau. Un travail urgent d'actualisation des cartes IGN devait être réalisé. Pouvez-vous nous dire où en est ce travail ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
Je rappelle que les décisions que nous avons prises par décret et par arrêté il y a quelques jours font suite à l'injonction du Conseil d'État ; elles ne sont donc pas des décisions du Gouvernement, qui n'a fait que se plier, comme il y est naturellement tenu, à l'injonction de cette juridiction – et il l'a fait dans les délais. J'y insiste car le mot " État " dans " Conseil d'État " laisse parfois penser qu'il s'agit du Gouvernement : non, il s'agit bien d'une autorité juridictionnelle qui a enjoint au Gouvernement de procéder aux modifications présentées récemment.
Sur la question de l'urbanisme, l'article 200 de la loi " climat et résilience " répond déjà à votre préoccupation.
Quant aux travaux de l'IGN, je ne peux vous répondre précisément. J'ai pour habitude de répondre avec précision quand je sais mais, quand je ne sais pas, j'ai l'humilité de le reconnaître. Je prends donc note de votre question et je vous adresserai des éléments de réponse.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Muriel Roques-Etienne.
Mme Muriel Roques-Etienne (LaREM).
Mme Bénédicte Peyrol, empêchée, m'a chargé de vous poser la question suivante. L'arrêté du 27 décembre 2019 prévoit une distance de sécurité entre les habitations et les zones d'épandage recevant un traitement phytosanitaire. Ces distances tampon, dénommées " zones de non-traitement riverain ", ont fait l'objet d'un jugement rendu par le Conseil d'État en juillet 2021, selon lequel l'État a mal interprété certaines recommandations de l'ANSES concernant l'appréciation des distances minimales. Dans ce même jugement, le Conseil d'État impose que les chartes soient soumises à une procédure de consultation du public, non pas seulement de consultation des riverains ou de leurs représentants.
Si la consultation et l'information la plus large du public est nécessaire dans une ère où la démocratie participative doit prendre toute sa place, il n'en demeure pas moins que cela suscite des inquiétudes. Quand, dans le même temps, chacun se sera exprimé sur la distance minimale à respecter, quelle sera la place de l'avis scientifique dans l'élaboration des chartes ? Quelle distance sera retenue ? À partir de quel avis ?
En ce qui concerne les produits suspectés d'être dangereux, dits CMR 2, selon quel calendrier l'ANSES sera-t-elle en mesure de rendre un avis et de fixer une distance pour chaque produit ? Pendant la phase transitoire, quel accompagnement des agriculteurs est-il envisagé ? Est-il prévu de dresser, dans les prochains mois, un état des lieux d'éventuels espaces dans lesquels des agriculteurs pourraient se retrouver ?
Autre sujet d'inquiétude : l'information des riverains est renvoyée aux territoires, qui définiront la solution la mieux adaptée. Ne faut-il pas craindre des différences de modalités d'un département à l'autre, qui conduiraient des agriculteurs limitrophes, comme ceux de la circonscription de Bénédicte Peyrol, dans la plaine de la Limagne entre l'Allier et le Puy-de-Dôme, à se soumettre à telle modalité sur telle parcelle et à telle autre modalité sur une parcelle du département voisin ?
J'en viens enfin à l'élargissement des mesures de protection aux personnes travaillant à proximité des zones d'utilisation des produits phytopharmaceutiques. On peut saluer cet élargissement, qui manquait dans le décret initial de 2019. En revanche, la définition proposée pour identifier les personnes en question reste très vague : en parlant de « travailleurs présents de façon régulière à proximité de ces traitements », fait-on une différence selon qu'ils travaillent à l'extérieur ou à l'intérieur ? Je vous remercie, monsieur le ministre, des éclaircissements que vous pourrez apporter pour rassurer les agriculteurs et les riverains.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
En ce qui concerne la consultation du public, le décret que nous avons pris pour répondre à l'injonction du Conseil d'État précise les règles et modalités que doivent suivre les chartes. Il s'agit en fait des consultations telles que les prévoit le code de l'environnement avant toute décision publique ayant une incidence sur l'environnement – à l'article L.123-19-1. Ces consultations seront naturellement organisées par les préfectures et les contributions pourront être recueillies par voie électronique ou par voie postale. Les modalités de concertation sur les chartes ne se limitent évidemment pas aux riverains, mais concernent tous les citoyens.
J'insiste sur le fait que les chartes, contrairement à ce qu'indique Mme Peyrol, ne définissent pas les distances minimales des produits, qui sont établies par la science – en l'occurrence, l'ANSES par voie d'AMM ou, le cas échéant, par arrêté. Elles ne font donc pas l'objet de discussions dans le cadre de l'élaboration des chartes.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Marguerite Deprez-Audebert.
Mme Marguerite Deprez-Audebert (Dem).
La mise en place des zones de non-traitement constitue une mesure de protection supplémentaire face aux risques liés aux pesticides pour les riverains et les personnes vulnérables à proximité des champs à usage agricole. Ces engagements louables s'inscrivent dans une ambition écologique et sanitaire que nous avons concrétisée par la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM. Plus précisément, nous visons la réduction de moitié des pesticides d'ici à 2025.
Les zones de non-traitement ont fait l'objet d'un examen juridictionnel : les décisions rendues l'an dernier par le juge administratif et par le juge constitutionnel obligent le Gouvernement à revoir sa copie.
Je souhaite appeler votre attention sur les difficultés très concrètes que rencontrent les acteurs sur le terrain. Dans mon département, une délégation d'agriculteurs, reçue mi-janvier, m'a fait part des contraintes spécifiques au bas pays du Pas-de-Calais, similaires à celles d'une partie du département du Nord. Ce territoire se distingue en effet par la petite taille des parcelles qu'exploitent les agriculteurs. De nombreuses maisons ont été construites en bordure de champ, sans que soient anticipées les interrogations sur les pesticides que nous avons aujourd'hui. En conséquence, l'impact relatif de la mise en place des ZNT par rapport à la taille de ces petites parcelles est plus important que l'impact produit sur des surfaces plus grandes dans d'autres territoires. Il en résulte une perte de rentabilité pour les exploitants concernés. Dans le Béthunois, la perte atteint près de 500 hectares sur les 42 000 hectares exploités. Se pose donc la question de l'indemnisation, mais pas seulement : les ZNT sont en train de devenir des zones de décharge. De mauvaises herbes y poussent alors que le problème relève de la responsabilité partagée entre les agriculteurs, les riverains et les autorités territoriales, afin que soient trouvées des solutions satisfaisantes pour tous.
On vous oblige en quelque sorte à faire un tour de France agricole, monsieur le ministre, mais il est vrai que la diversité du pays donne lieu à des différences d'interprétation sur la question des ZNT. Qui doit s'en occuper ? Quel doit être leur mode de gestion ? Comment tiendrez-vous compte des retours du terrain, parfois constructifs, dans les textes réglementaires en cours d'élaboration, afin qu'ils soient adaptés à la situation de chaque territoire ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
Les terrains considérés comme des ZNT sont, je l'ai déjà dit, des propriétés privées. Ce ne sont ni des zones de décharge pour les voisins, ni des terrains où installer le trampoline de leurs enfants. Répétons-le clairement : l'utilisation d'une ZNT par une personne autre que le propriétaire revient tout simplement à s'installer sur le terrain d'autrui.
Quant aux surfaces de petite taille, nous avons lancé plusieurs études, notamment sur l'impact des limitations de la dérive, par des haies ou par des murs, qui sont d'autant plus pertinentes s'agissant de petites parcelles.
Enfin, des travaux sont en cours et il faut les poursuivre avec force pour que les haies implantées sur des ZNT – réglant ainsi le problème de l'utilisation illégale du terrain par un tiers non propriétaire – soient comptabilisées au titre des SIE de la PAC davantage qu'elles ne le sont aujourd'hui, souvent pour des questions de largeur.
Mme la présidente.
La parole est à M. Loïc Prud'homme.
M. Loïc Prud'homme (FI).
En 2020, plus de 44 000 tonnes de pesticides ont été vendues en France, alors que la baisse de l'utilisation de ces substances est un enjeu de santé publique. Elles sont souvent pulvérisées sur des polycultures, ce qui pose immanquablement la question de leur dispersion dans l'environnement. Les riverains, notamment, doivent être préservés des produits toxiques utilisés – c'est tout l'objet des zones de non-traitement. Définies entre 5 et 20 mètres selon les cas, elles donnent lieu à un débat très actuel puisque les textes de décembre 2019, retoqués par le Conseil d'État qui les avait jugés insuffisamment protecteurs concernant les substances dites CMR 2, viennent d'être actualisés par les services du ministère en janvier.
Pourtant, rien n'a changé dans la nouvelle version : le Gouvernement préfère s'en remettre à une hypothétique révision des AMM par l'ANSES – qui n'arrivera pas – alors même que les preuves de la nécessité d'augmenter les distances de la ZNT sont sous ses yeux. Soumis à consultation publique, les deux nouveaux textes n'ont littéralement subi aucune modification. Aucune mesure réelle et immédiate n'y est prise et les recommandations du Conseil d'État sont tout bonnement balayées, voire ignorées.
Pire, la définition des personnes travaillant au contact des pesticides et devant être protégées a été restreinte : on parle désormais de « travailleurs réguliers » sans préciser de quelle régularité il s'agit. Le tribunal de Paris vient de vous contraindre à dissoudre votre police politique, Déméter, créée pour étouffer toutes les voix dissonantes, notamment celles qui appellent à augmenter les distances de la ZNT. Le Conseil d'État finira lui aussi par censurer vos arrêtés vides de toute mesure de protection réelle des gens.
Attendez-vous un nouveau rappel à l'ordre de la justice, monsieur le ministre, comme sur la cellule Déméter, pour enfin prendre un arrêté protecteur concernant les zones de non-traitement ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
Je ne partage évidemment pas votre point de vue sur deux sujets. Le constat, tout d'abord : j'ai répondu à Dominique Potier et à André Chassaigne qui, dans leurs questions, ont eu le courage d'affirmer que dans le monde agricole, les transitions sont bien réelles. Les substances CMR 1 ont reculé de 96% depuis 2016, et les CMR 1 et 2 ont reculé de 40% en tout sur la même période.
Je connais votre attachement à la science et à la raison ; je n'arrive donc pas à comprendre pourquoi il vous est trop difficile, ainsi qu'à d'autres membres de votre groupe, d'affirmer tout simplement ces faits – les chiffres que je viens de donner sont factuels. Pourquoi ne pas reconnaître que les transitions existent, qu'elles ont lieu, et cesser de dénigrer les autres ? Au fond, vous êtes tout simplement en train d'organiser la délocalisation de notre agriculture.
M. Didier Le Gac.
Mais oui !
M. Julien Denormandie, ministre.
Et les mêmes, c'est-à-dire vous, viendront ensuite hurler parce qu'on a délocalisé l'agriculture. Alors vous proposerez de nationaliser l'agriculture – cette histoire, on la connaît par coeur, et elle se répétera.
Deuxième point : les réponses apportées au Conseil d'État. Je ne peux pas vous laisser dire ce que vous dites : ces réponses ont été précisées et étayées suivant l'injonction du Conseil. Pour ce qui est de l'expression " travailleurs réguliers " plutôt que " résidents ", ce n'est que la traduction des textes européens – je vous ferai passer les documents pertinents – qui définissent les intitulés repris par le Conseil d'État. Voilà pourquoi l'adjectif " régulier " a été retenu.
Mme la présidente.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour sa seconde question.
M. Loïc Prud'homme (FI).
J'apprécie toujours la finesse de vos caricatures, monsieur le ministre,…
M. Julien Denormandie, ministre.
C'est l'hôpital qui se fout de la charité !
M. Loïc Prud'homme.
…mais à la fin, c'est presque devenu un jeu entre nous. Je continue néanmoins, puisque vous appelez à la raison : ces nouveaux arrêtés s'en remettent à une révision des AMM par l'ANSES pour réévaluer les zones de non-traitement. Je rappelle pourtant qu'en 2019, l'ANSES admettait elle-même un manque d'études permettant d'évaluer l'exposition aux pesticides. C'est donc sur le fondement d'un avis bancal, pour ne pas dire creux, de l'ANSES que votre gouvernement a pris un arrêté prévoyant des distances ridiculement faibles, finalement retoqué par le Conseil d'État.
Or la réalité vous rattrape. Atmo-Nouvelle-Aquitaine, qui procède à des analyses de l'air, a pu détecter dans le centre de Bordeaux des résidus de folpel, fongicide utilisé dans les vignes situées à quelques kilomètres de distance. Le rapport de synthèse sur les expositions des riverains aux pesticides – EXPORIP – mesurées par Générations futures a montré, lui, que d'importantes quantités de résidus, de reprotoxiques notamment, avaient été retrouvées sur les fenêtres de riverains situées à 100 mètres, voire plus, des cultures. À une distance inférieure à 100 mètres, on retrouve des pesticides chez les riverains dans 80 % des cas.
L'étude PestiRiv n'a pas encore été lancée qu'elle fait déjà l'objet d'un torpillage en règle de la part du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), qui menace de refuser d'y participer et fait pression sur les institutions, sachant pertinemment à quels résultats elle aboutira.
Cette réalité factuelle, scientifique comme vous dites, est parfaitement connue de votre ministère. Alors pourquoi repousser encore et toujours des mesures de protection puisque cela se fait au détriment de la santé de nos concitoyens, qu'il s'agisse des agriculteurs ou des riverains – oui, c'est bien ces deux catégories que nous souhaitons voir protégées ? Assumez-vous, monsieur le ministre, de jouer la montre contre les évidences ? Telle est ma question.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
Ma réponse sera simple : jamais, au grand jamais, je ne croirai dans l'expertise scientifique de la France insoumise. Jamais !
M. Loïc Prud'homme.
C'est bien dommage !
M. Julien Denormandie, ministre.
Que le président de ce mouvement explique sur une chaîne de grande écoute qu'il s'y connaît en vaccins puisqu'il est né dans la même ville que Pasteur, c'est un peu fort de café !
M. Loïc Prud'homme.
Ce n'est pas ce qu'il a dit !
M. Julien Denormandie, ministre.
Je ne vois pas en quoi cela lui donne une quelconque compétence en ce domaine !
M. Loïc Prud'homme.
Répondez donc à ma question !
M. Julien Denormandie, ministre.
Permettez-moi de privilégier les avis de l'ANSES, fruit du travail de vrais scientifiques qui ne tirent pas leur expertise de leur lieu de naissance. Je vais vous donner un exemple : s'agissant des AMM portant sur les CMR2, l'agence elle-même a défini pour certaines une distance de 3 mètres et pour d'autres une distance de 10 mètres.
S'appuyer sur l'ANSES, et donc sur l'avis de vrais scientifiques, pour déterminer, molécule par molécule, les règles qui s'imposent, c'est une bonne démarche que suit le Gouvernement.
M. Loïc Prud'homme.
En 2019, l'avis était pour !
M. Julien Denormandie, ministre.
Non, en 2019, l'avis avait conclu qu'il n'y avait pas assez de données.
Mme la présidente.
La parole est à M. Fabien Lainé.
M. Fabien Lainé (Dem).
Je tiens, en préambule, à rappeler que cette majorité ne verse pas dans l'agribashing, c'est même l'inverse et je vous en remercie, monsieur le ministre – soulignons que, sur de récents dossiers landais, vous vous êtes montré très prompt à apporter des réponses. Cette majorité a pleinement conscience des contraintes qui s'imposent aux agriculteurs et le Gouvernement a toujours fait le maximum pour leur simplifier la vie et leur permettre de vivre leur beau métier.
Nous savons clairement où nous voulons aller mais nous savons aussi que les modalités de la transition écologique sont complexes et que les dispositifs auxquels nous avons recours sont nécessairement imparfaits. Néanmoins, face au problème bien identifié, et relativement bien évalué, des ZNT auquel nous sommes confrontés, je crois que nous allons réussir à mettre en place des solutions efficaces, acceptées par tous les acteurs.
La méthode de concertation qui a abouti aux chartes départementales a été saluée et a permis de trouver des points d'équilibre – je remercierai ici la chambre d'agriculture des Landes pour son retour d'expérience. Le Conseil d'État a toutefois demandé que soient précisées certaines modalités d'application. Selon vous, les ZNT doivent-elles reposer sur un principe de réciprocité en matière d'urbanisme ? En tant qu'ancien ministre du logement, vous connaissez bien la question de l'étalement urbain : comment éviter que de nouvelles constructions ne viennent encore réduire les zones agricoles cultivables ?
Ma deuxième question porte sur l'information des riverains. Quelles modalités préconisez-vous ? Pensez-vous que les bulletins de santé du végétal puissent constituer un outil efficace en ce domaine ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
La réciprocité renvoie à deux questions principales. Il y a d'abord sa prise en compte dans les documents d'urbanisme de planification, qu'il s'agisse des PLU ou des PLUI. L'article 200 de la loi « climat et résilience » donne la possibilité à l'autorité compétente d'inclure les ZNT dans ces plans. Cette disposition, votre assemblée l'a votée et c'est très bien.
Il y a ensuite la question de savoir s'il faut faire de cette possibilité une obligation, y compris pour les constructions existantes. Question à l'évidence plus compliquée puisque, on le voit bien, elle touche au droit de propriété. Cela ne doit pas pour autant nous empêcher de travailler pour déterminer quels peuvent être les voies de passage et les bons équilibres. Des discussions sont en cours sur ce point comme sur la question des indemnisations liées à l'utilisation de molécules sans alternatives qui obère les capacités de production.
S'agissant de la prévenance, nous avons fait le choix de bien préciser dans le décret que, du fait de la diversité des territoires, ses modalités devaient être définies au niveau local et donc dans le cadre des chartes.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Lise Magnier.
Mme Lise Magnier (Agir ens).
Pour vous être agréable, monsieur le ministre, je vais essayer d'être rapide. Avec les zones de non-traitement, une distance de sécurité à respecter est fixée entre les terres agricoles où sont utilisés des produits phytosanitaires et les espaces environnants, notamment les zones d'habitation. Il est indispensable de rendre ce dispositif le plus simple possible et de l'appliquer avec bon sens, sans surenchère.
Dans mon département de la Marne, vous le savez, les agriculteurs et les viticulteurs ont toujours été ouverts à la concertation, comme ils l'ont montré à travers le dialogue de terrain qui a abouti à l'instauration d'une charte départementale précise et équilibrée.
Ma première question porte sur l'évolution et l'amélioration des agroéquipements que vous avez soutenus avec force et conviction, notamment dans le cadre du plan France relance qui a rencontré un réel succès. Ils favorisent une maîtrise optimale de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, grâce à des pulvérisateurs de précision et des buses antidérive. Nos agriculteurs sont prêts à réaliser les investissements nécessaires mais nous considérons que de tels équipements doivent être pris en compte dans la détermination par l'ANSES des ZNT. Pouvez-vous vous engager à ce qu'ils soient reconnus ?
Ma deuxième question renvoie à la loi « climat et résilience » qui vise à renforcer la lutte contre le grignotage des terres agricoles. Son article 200, vous l'avez mentionné, permet aux élus locaux d'intégrer les ZNT dans leurs documents d'urbanisme. Cette prise en compte ne devrait-elle pas être obligatoire lorsque ces plans font l'objet d'une révision ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
J'ai déjà répondu à votre deuxième question, madame la députée. Cet article de la loi « climat et résilience » constitue bel et bien une avancée. Reste que des questions se posent sur la capacité donnée à l'autorité locale compétente en matière d'urbanisme de transformer cette possibilité en obligation. Nous voyons bien quelles sont les implications d'un tel enjeu et nous continuons à y travailler.
Il est nécessaire de soutenir les agriculteurs dans leurs achats de matériels. Nous l'avons fait de manière massive dans le cadre du plan France relance puisque le montant de la ligne de financement consacrée aux agroéquipements s'élevait à plus de 220 millions d'euros. Nous savons que certains sont si performants qu'ils permettent de limiter les dérives au-delà du seuil de 50 % fixé par l'EFSA dans son guide. Cela suppose de travailler à cette question comme à celle des haies et des murs. Dans les deux cas, il s'agit de voir si nous disposons de suffisamment de données scientifiques pour permettre à l'EFSA de modifier son guide, le problème étant que notre propre autorité sanitaire ne peut adapter les règles concernant les distances tant que l'autorité européenne n'a pas elle-même procédé à des ajustements puisqu'elle se fonde en grande partie sur son avis.
Mme la présidente.
La parole est à M. Benoit Potterie.
M. Benoit Potterie (Agir ens).
Depuis 2017, le Gouvernement s'est engagé aux côtés des agriculteurs dans une politique visant à réduire les risques liés aux pesticides et à limiter leur usage. Il a ainsi prévu l'adoption au niveau local de chartes visant à améliorer les relations entre les riverains et les agriculteurs et a indiqué vouloir continuer à travailler avec la profession agricole pour ne laisser aucun agriculteur sans solution.
Dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, très peuplés, une grande partie des exploitations se trouvent dans des zones périurbaines où l'habitat est parfois très diffus, ce qui réduit la taille des parcelles agricoles. L'impact des ZNT y est très marqué : la perte de surfaces agricoles a pu être estimée à 5 000 hectares. Cela n'a pourtant pas empêché les agriculteurs de faire preuve d'ouverture d'esprit quand il s'est agi de travailler à l'élaboration de la charte d'engagement des utilisateurs de produits phytosanitaires. Ils souhaitent toutefois des avancées sur plusieurs points.
Ils sollicitent une compensation économique correspondant à la réalité des capacités de production des exploitations. Ils appellent notre attention sur le fait que tout nouvel aménagement en zone urbaine devrait intégrer une zone de retrait à l'intérieur du périmètre constructible pour ne pas pénaliser les parcelles agricoles voisines. Ils souhaiteraient en outre connaître le résultat des études de l'ANSES concernant les murs, les haies et tout autre moyen permettant de réduire la surface des ZNT. Enfin, ils aimeraient savoir si, en cas d'accord juridiquement sécurisé entre agriculteurs et riverains, il serait envisageable de déroger à l'obligation d'instaurer des zones de retrait.
Monsieur le ministre, étant le dernier à poser des questions, j'ai bien conscience que vous avez déjà apporté beaucoup de réponses et je salue votre patience comme la qualité de votre écoute.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre.
Merci beaucoup, monsieur le député. Je reviendrai sur les données complémentaires concernant les murs et les haies. Nous en disposerons à la fin de l'année 2022 et nous les transmettrons à l'EFSA pour discuter des modifications à apporter à son guide. Les avis de l'ANSES en tiendront ensuite compte pour les AMM. Ce sont des travaux très importants, lancés depuis plusieurs mois, auxquels nous consacrons plus de 500 000 euros de financement.
La compensation est aussi un enjeu très important. Dans les textes que nous avons publiés, il y a une sorte d'annexe qui en détaille la méthode et les modalités. Il faut bien apporter une solution pour indemniser les agriculteurs qui utilisent des produits phytosanitaires pour lesquels il n'existe pas de solution alternative. Une clause de revoyure est prévue pour le 1er octobre, date butoir pour le dépôt de nouveaux dossiers de révision d'AMM à l'ANSES. Nous y verrons alors plus clair. Dans cette perspective, nous avons déjà fixé la date de la première réunion au 4 février prochain, afin de traiter de la question des compensations et des indemnisations de manière très pragmatique, avec beaucoup de force et de détermination là aussi.
Pour finir, je tiens à vous remercier, madame la présidente, de nous avoir permis de poursuivre ce débat au-delà de vingt heures.
Mme la présidente.
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 21 février 2022