Texte intégral
YVES CALVI
Benjamin SPORTOUCH, vous recevez donc ce matin la ministre des Armées, Florence PARLY,
BENJAMIN SPORTOUCH
Bonjour Florence PARLY.
FLORENCE PARLY
Bonjour.
BENJAMIN SPORTOUCH
Merci d'être avec nous ce matin sur RTL. Alors, le président ukrainien ZELENSKY, vient d'appeler à l'aide ce matin, après des tirs de missiles russes sur Kiev. Il dit que les sanctions économiques, je le cite, sont insuffisantes. Alors, Florence PARLY, allons-nous entendre cet appel à l'aide, allons-nous envoyer des troupes ?
FLORENCE PARLY
Alors, il faut évidemment rappeler ce que nous pouvons faire et ce que nous avons fait en tant qu'Européens et en tant qu'alliés. En tant qu'Européens, nous sommes aux côtés de l'Ukraine, nous avons apporté une aide économique, et nous allons continuer de le faire. Le président de la République hier à Bruxelles l'a confirmé. Au-delà de l'aide de l'Union européenne, il y a une aide française qui va venir soutenir l'Ukraine. Il y a aussi depuis un certain temps déjà, un appui qui a été donné sur le plan militaire, puisque nous avons apporté des équipements militaires, comme d'autres pays d'ailleurs, qui sont des équipements défensifs. Et puis nous sommes aux côtés de l'Ukraine, puisque comme vous l'avez vu depuis des semaines, le président de la République n'a cessé de déployer des efforts pour que ce conflit, qui est maintenant un conflit militaire, du fait de la volonté du président POUTINE, n'ait pas lieu. Donc nous sommes aux côtés de l'Ukraine. Et par ailleurs…
BENJAMIN SPORTOUCH
Mais le président ZELENSKY dit " c'est insuffisant, on nous laisse seuls ", il dit ça ce matin. " Nous sommes seuls ", donc ce qu'il réclame, c'est une aide visiblement militaire, une présence. Est-ce que vous nous dites ce matin qu'il n'y aura jamais de troupes françaises au sol ?
FLORENCE PARLY
Mais les choses sont très claires, les choses sont ainsi, nous sommes partie prenante d'une alliance qui s'appelle l'Alliance Atlantique, qui a toujours été une alliance défensive. Cette alliance, elle a pour but d'apporter protection et sécurité à ses membres. L'article 5 dit que l'on doit solidarité aux membres de l'Alliance. L'Ukraine n'est pas membre de l'Alliance. Donc, ce que nous faisons, c'est que nous participons à des mécanismes de protection des pays qui se trouvent sur le flanc Est de l'Europe. Et c'est pour…
BENJAMIN SPORTOUCH
Mais pardon, Florence PARLY, nous avions, l'OTAN est déjà intervenue et avait envoyé des forces armées en dehors des 30 pays qui la composent, on l'avait vu dans le passé, au Kosovo, en Afghanistan, en Libye en 2011. Voilà, tous ces pays, pourquoi n'est-ce pas le cas ? On se pose la question tout simplement ce matin, d'un pays qui est à peine à 3 heures 30 de Paris ? Et on entend quasiment les bruits de bottes.
FLORENCE PARLY
La situation actuelle en Ukraine, c'est une situation où la Russie a déclaré la guerre à l'Ukraine. Donc, ce que vous me demandez, c'est si nous sommes désireux d'entrer en guerre contre la Russie. La Russie est une puissance nucléaire, nous sommes, nous l'OTAN, une alliance nucléaire, est-ce que c'est cela que nous voulons ?
BENJAMIN SPORTOUCH
Vous nous dites non.
FLORENCE PARLY
La réponse est dans votre question. Vous voyez bien…
BENJAMIN SPORTOUCH
La France n'est pas en guerre contre la Russie, et l'OTAN n'est pas en guerre contre la Russie.
FLORENCE PARLY
La France a déployé tous les efforts diplomatiques possibles et imaginables pour empêcher cette guerre. Nous sommes aux côtés de l'Ukraine, nous sommes aux côtés de l'Ukraine sur tous les plans, sur le plan de son équipement militaire, sur le plan de son soutien économique, sur le plan du soutien à la population, mais encore une fois, la question que vous posez c'est une question qui va bien au-delà de la question de l'Ukraine.
BENJAMIN SPORTOUCH
Mais c'est la question que ceux qui nous écoutent se posent. On se dit : est-ce que la France va devoir entrer en guerre, puisqu'on ne voit pas jusqu'où peut s'arrêter le président POUTINE, qui n'entend pas l'option diplomatique et la voie diplomatique, Florence PARLY. Et même les Etats-Unis, qui vont envoyer quelque 7 000 soldats supplémentaires en Allemagne, je cite, pour notamment dissuader une attaque russe.
FLORENCE PARLY
C'est ce que j'indiquais tout à l'heure, l'OTAN est une alliance militaire défensive, qui a vocation à protéger ses membres. Donc nous sommes, nous exprimons notre solidarité vis-à-vis des pays de l'OTAN, qui sont au plus près de cette menace, c'est à dire les pays baltes, le président de la République a indiqué que nous allions renforcer notre présence dans les pays baltes, puisque nous sommes présents en Estonie, nous allons encore renforcer notre déploiement en Estonie. Nous faisons de la protection des frontières pour éviter toute incursion russe sur le territoire de l'OTAN, par des patrouilles qui sont des patrouilles aériennes, et nous avons proposé de déployer en Roumanie, un élément qui va permettre de parfaire en quelque sorte cette protection de l'OTAN au Sud de son flanc Est, au Sud-est donc de l'Europe, par un déploiement, dont les modalités seront discutées cet après-midi, puisqu'il y a un sommet de l'OTAN cet après-midi. Moi, ce que je voudrais…
BENJAMIN SPORTOUCH
Vous nous disiez, tout de même, c'est une puissance nucléaire la Russie, est-ce que c'est cela, clairement, qui nous empêche d'intervenir. C'est ce que vous nous dites, ce matin.
FLORENCE PARLY
Mais, est-ce que vous souhaitez déclencher une guerre nucléaire ? Enfin, mesurez le sens de votre question.
BENJAMIN SPORTOUCH
La dissuasion, justement, vous dites : nous aussi, est-ce qu'on doit mettre sur la table notre arsenal militaire, c'est ce que le ministre des Affaires étrangères, ce matin…
FLORENCE PARLY
L'alliance Atlantique est une alliance nucléaire.
BENJAMIN SPORTOUCH
Voilà, disait hier.
FLORENCE PARLY
Mais, l'arme nucléaire, quel est le sens de l'arme nucléaire ? C'est une arme dissuasive, ce n'est pas une arme qui est destinée à être utilisée. Donc la dissuasion, nous l'avons tentée par toutes les voies, et nous continuons de le faire. Parce que le dialogue avec le président POUTINE, vous l'avez vu encore hier, n'a pas été totalement rompu, le président de la République a fait l'effort de rappeler le président POUTINE pour lui demander de cesser le plus rapidement possible cette attaque militaire, qui fait des victimes civiles en ce moment.
BENJAMIN SPORTOUCH
Mais en parlant d'une duplicité du président POUTINE, et Jean-Yves LE DRIAN qui dit que c'est un dictateur cynique, donc on ne peut pas, est-ce qu'on peut avoir confiance en lui aujourd'hui, sur la voie diplomatique ?
FLORENCE PARLY
Eh bien, là aussi la réponse est dans votre question. Le président de la République ainsi que d'autres chefs d'Etat et de gouvernement, ont mené depuis des semaines des discussions pour tenter de convaincre le président POUTINE que la voie militaire n'était pas la bonne ? Jusqu'à quelques heures qui ont précédé l'annonce de l'invasion militaire de l'Ukraine, le président POUTINE donnait le sentiment d'être engagé dans cette voie diplomatique. Donc, vous avez votre réponse.
BENJAMIN SPORTOUCH
Et qu'est-ce qui pourrait alors justifier une intervention de l'OTAN, à un moment ou à un autre ? Est-ce qu'il y a un fait marquant, est-ce que par exemple si le président ukrainien est arrêté par les Russes, à un moment donné il y a une prise de pouvoir, du pouvoir ukrainien par les Russes, physiquement, qu'ils prennent le palais présidentiel, est-ce que ça, ça justifie une intervention de l'OTAN ou pas ?
FLORENCE PARLY
Mais, nous n'avons pas déclaré la guerre à la Russie. Enfin, je ne pense pas qu'il y ait, dans aucun des pays européens, aux Etats-Unis, une volonté d'entrer en guerre contre pour la Russie. Ce que nous voulons, c'est pouvoir mettre un terme, le plus rapidement possible, à cette invasion, qui est une invasion terrible, qui est vaste, qui est sans doute beaucoup plus ambitieuse que la simple annexion des territoires qui sont au plus près de la frontière russe, des territoires dit contestés. Donc, notre objectif c'est de parvenir à obtenir un cessez-le-feu le plus rapidement possible, pour mettre un terme à ces violences qui sont inacceptables, et qui comme président de la République l'a dit, ne sont pas simplement une attaque militaire, mais la violation de tous les principes fondamentaux auxquels nous étions parvenus entre pays européens, mais aussi bien au-delà, dans le cadre des Nations unies, pour régir les règles internationales depuis la fin de la deuxième Guerre mondiale.
BENJAMIN SPORTOUCH
Alors, vous, vous voulez un cessez-le-feu, pour l'instant il y a la guerre, est-ce qu'on va envoyer des armes aux Ukrainiens Florence PARLY ? Ils en réclament, ils demandent notamment des moyens anti-missiles, antiaériens. Est-ce qu'on va le faire, est-ce que la France va…
FLORENCE PARLY
Nous avons livré…
BENJAMIN SPORTOUCH
… en urgence.
FLORENCE PARLY
Nous avons livré des équipements militaires et nous sommes toujours en train d'étudier les demandes qui viennent de nous être faites, et nous allons statuer très rapidement.
BENJAMIN SPORTOUCH
Quand ?
FLORENCE PARLY
Mais, très rapidement.
BENJAMIN SPORTOUCH
Eh bien, la guerre est en cours, Florence PARLY, c'est pour ça qu'on s'interroge. On se dit, ça ne peut pas, est-ce que si ça arrive dans 2 semaines, est-ce que ça ne sera pas trop tard ?
FLORENCE PARLY
Très rapidement. On ne livre pas des équipements militaires comme on livre de l'aide humanitaire. Ce sont des équipements qui sont soumis à des règles et je crois que c'est heureux que des équipements de cette nature soient soumis à des règles extrêmement rigoureuses, extrêmement strictes et nous les appliquons, même si bien entendu nous tenons compte d'une situation qui est une situation particulièrement grave.
BENJAMIN SPORTOUCH
Est-ce que vous craignez que ces livraisons d'armes, puisque vous les envisagez, suscitent des représailles russes ? Est-ce que, du coup, ça pourrait mettre en cause notre sécurité nationale quand on entend le président POUTINE dire qu'il va certainement prendre des mesures qu'il n'a prises jusqu'ici ? Il a menacé de conséquences encore jamais connues ceux qui tenteraient d'interférer, c'est-à-dire nous visant nous directement. Est-ce que vous craignez des représailles si nous envoyons des armes ?
FLORENCE PARLY
Nous n'avons jamais subordonné notre politique d'exportation d'armements aux décisions ou aux volontés de la Russie. Et par ailleurs, nous avons pris hier et la veille des sanctions économiques majeures qui porteront atteinte et qui feront mal à la Russie. C'est l'objectif.
BENJAMIN SPORTOUCH
Mais ces sanctions n'ont jamais été efficaces, Florence PARLY. Le président russe n'en a jamais eu peur. Ça l'a même, on a l'impression, renforcé. On l'a vu par exemple après la guerre en Crimée en 2014. Il n'a jamais eu peur, ça ne l'a jamais dissuadé de rien, les sanctions économiques.
FLORENCE PARLY
Les sanctions économiques qui ont été décidées hier et avant-hier sont d'une nature non comparable à celles qui avaient été décidées dans le passé. Donc vous stipulez par avance que ce qui a été décidé n'aura pas d'efficacité, je prétends que ce qui a été décidé est d'une nature tout à fait différente de ce qui a été mis en oeuvre dans le passé, puisque ce sont des sanctions qui portent atteinte au système de financement russe, l'accès de l'économie russe aux capitaux, aux marchés de capitaux. Et par ailleurs, cela se double d'un certain nombre de sanctions contre des personnalités, et d'ailleurs la liste n'est pas terminée.
BENJAMIN SPORTOUCH
" Tout le monde a peur " dit ce matin aussi le président ukrainien. " L'occident a peur du président russe. " Est-ce que quand vous entendez ça, vous dites :"« Non, nous n'avons pas peur des Russes " ; c'est ce que vous nous dites ce matin ?
FLORENCE PARLY
Nous n'avons pas à avoir peur de quiconque. Notre responsabilité, c'est d'assurer la protection des Français, la protection des alliés. Nous nous y employons. Le président de la République a été extrêmement cohérent depuis le début de son mandat. Il a plaidé auprès de l'Union européenne et des Européens la nécessité de conquérir une souveraineté dans le domaine de la défense, parce que nous sommes dans un monde dangereux, dans le monde dans lequel il y a des tensions énormes et on en voit aujourd'hui une illustration particulièrement cruelle. Et donc, il est très important que nous puissions poursuivre dans cette voie, c'est-à-dire affirmer notre souveraineté.
BENJAMIN SPORTOUCH
Vous craignez une extension du conflit à d'autres pays ce matin ? Est-ce que on a fait, on va envoyer des troupes en Roumanie ? Est-ce que vous craignez… On voit que la Pologne accueille beaucoup de réfugiés ukrainiens, on parle bientôt de 500 000 réfugiés. Est-ce que vous craignez une extension du conflit à d'autres pays, aux pays baltes ?
FLORENCE PARLY
Nous sommes très attentifs, très attentifs à ce qui se passe non seulement dans la région à proximité, bien sûr, de l'Ukraine mais au-delà puisqu'il y a d'autres pays dans lequel la Russie est impliquée soit directement, soit indirectement.
BENJAMIN SPORTOUCH
Est-ce que vous ne craignez pas qu'on dise à un moment donné qu'il y eu non-assistance à personne en danger parce que c'est vrai qu'on voit ces images assez impressionnantes des Ukrainiens dans le métro qui se protègent et qui se sentent abandonnés ? Est-ce que, quand vous entendez ça, ça suscite quoi chez vous ?
FLORENCE PARLY
Evidemment énormément d'émotion, évidemment beaucoup d'émotion et de compassion. Ce que je voudrais redire, c'est que nous sommes aux côtés des Ukrainiens mais je veux que chacun mesure les conséquences qu'il y aurait à vouloir déclarer la guerre à la Russie.
BENJAMIN SPORTOUCH
Et c'est ce que la France ne souhaite pas, elle ne le fera pas.
FLORENCE PARLY
C'est ce qu'aucun pays ne souhaite, c'est ce que les Etats-Unis refusent eux aussi et pour des raisons que j'ai expliquées. C'est que nous sommes face-à-face avec une puissance nucléaire.
BENJAMIN SPORTOUCH
François FILLON qui siège dans un conseil administration d'un groupe pétrolier russe, ça vous choque, vous, Florence PARLY ou pas ?
FLORENCE PARLY
Chacun a sa propre conception de l'éthique.
BENJAMIN SPORTOUCH
Merci Florence PARLY, bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 février 2022