Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur le conflit en Ukraine et les sanctions contre la Russie, à Lodz le 1er mars 2022.

Prononcé le 1er mars 2022

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Circonstance : Réunion en format Weimar

Texte intégral

Merci Zbigniew.

Mesdames et Messieurs,


Nous avions prévu cette rencontre ici dans ta ville. Nous avons vraiment le plaisir de nous retrouver, d'une certaine manière, nous avions prévu cette rencontre en format du Triangle de Weimar bien avant. Mais il se trouve que cette rencontre se tient ici dans un moment particulièrement grave et qui, d'une certaine manière, donne une force supplémentaire à cette dimension du Triangle de Weimar. Cette configuration, cela vient d'être rappelé par Annalena, existe depuis plus de trente ans, nous avions marqué cet anniversaire à Weimar précisément, ensemble, il y a quelques jours. Et là, c'est un moment très grave, et l'agression préméditée, délibérée, injustifiable des forces armées de la Fédération de Russie en Ukraine, viole toutes les normes du droit international. Et ce qui fait notre force, je crois, collective, depuis le début de cette crise, c'est trois choses : à la fois notre union, notre rapidité de décisions, et la force et l'audace des initiatives que nous prenons. Et nous sommes, comme nous le montrons encore plus aujourd'hui, non seulement dans le format de l'Union européenne, puisque la France préside en ce moment le Conseil de l'Union européenne, mais aussi dans nos responsabilités du moment, et il se trouve que c'est la Pologne qui préside l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. Et je salue les efforts qui ont été déployés par la Pologne, par toi-même, au cours des derniers jours, et puis c'est l'Allemagne qui préside le G7.

Je voudrais dire quelques mots en complément. D'abord, nous sommes unis pour multiplier les efforts diplomatiques afin d'isoler la Russie sur la scène internationale. La ministre allemande va se rendre à l'Assemblée générale des Nations unies, à la suite d'une résolution que nous avions portée au Conseil de sécurité, il y a maintenant trois jours, visant à condamner l'invasion de l'Ukraine par la Russie ; et cette résolution avait déjà commencé à isoler la Russie au niveau international, et je suis convaincu que ce passage à l'Assemblée générale sera tout à fait déterminant aussi pour cet isolement. Dans le domaine diplomatique aussi, je rappelle, à ce moment, que la France a initié un projet de résolution visant l'aide humanitaire et visant la demande du respect du droit international humanitaire et le cessez-le-feu immédiat pour permettre aux organisations humanitaires de circuler librement en Ukraine. Cette résolution déposée au Conseil de sécurité hier, doit être discutée aujourd'hui et demain et, je l'espère, ce sera une force qui permettra à la communauté internationale de montrer comment le respect du droit international humanitaire est tout à fait essentiel.

J'ai dit tout à l'heure, rapidité et audace, je pense que les sanctions qui ont été adoptées dans différentes instances de l'Union européenne sont à la hauteur de la gravité du moment. Elles ont la vocation d'asphyxier, d'étouffer l'économie russe. Elles ont aussi pour fonction d'identifier les oligarques qui, aujourd'hui, seront non seulement désignés, mais aussi verront leurs avoirs gelés. Elles ont pour but d'empêcher la banque centrale russe de déployer ses activités avec le gel des actifs et ont pour but de dé-swifter une bonne partie de banques russes. Toutes ces mesures-là sont considérables et ont déjà commencé à produire des effets significatifs sur l'économie russe. On le sait.

Je rajoute un point qu'on ne met pas suffisamment souvent en avant, c'est le fait que nous considérons que ces sanctions doivent aussi s'appliquer à la Biélorussie. Puisqu'il y a là, maintenant, depuis le référendum du dimanche dernier l'Etat à la solde, un Etat satellite de la Russie, à la solde des intérêts de Moscou, et qui participe aussi à l'agression contre l'Ukraine.

Enfin, dans le domaine humanitaire et de l'accueil des réfugiés, je voudrais saluer le rôle central qu'a la Pologne dans le dispositif européen, en accueillant les opérations de distribution d'une part, et puis en faisant aussi en sorte qu'il y ait ici un hub de redistribution et de coordination de l'ensemble de l'aide humanitaire. J'aurai l'occasion de me rendre, cet après-midi, dans un centre de recueil de cette aide où des médicaments et du matériel hospitalier doivent parvenir de France cet après-midi. C'est une contribution, la contribution française, mais il y en aura d'autres, et la coordination de la Pologne est tout à fait exemplaire, et le soutien apporté par la Pologne dans les premiers actes de présence des réfugiés sur le territoire polonais est tout à fait significatif.

C'est cette mobilisation collective de l'Union européenne que nous avons transmise, il y a un instant, à notre ami Kuleba, avec qui nous nous sommes entretenus à distance. Et je voudrais à nouveau saluer son courage et le courage du peuple ukrainien, mais c'est un sentiment qui est maintenant très largement partagé puisque, manifestement, le président Poutine est en train de perdre la bataille de la communication avant, je l'espère, de perdre le combat ignoble qu'il a engagé contre l'Ukraine.


Q - [Traduit du polonais] Est-il possible d'introduire des sanctions supplémentaires ? Quelles seraient-elles ? En avez-vous discuté aujourd'hui ? Quelles sont vos positions sur les aspirations de l'Ukraine à rejoindre l'Union européenne ?

R - On a adopté trois trains de sanctions depuis une semaine. Quand on adopte des sanctions, il faut d'abord qu'elles soient mises en œuvre, effectivement, concrètement, et ne pas faire du répétitif pour du répétitif. Je pense que là, il y a un paquet très significatif qui est en place, cela n'exclut absolument pas d'autres sanctions à venir, mais on voit bien que les sanctions économiques et financières qui ont été prises ont déjà produit des résultats patents et que l'objectif qui est d'étouffer l'économie russe dans son cœur, que les acteurs qui sont autour du président Poutine et qui sont en même temps liés au système économique de l'État russe, d'une certaine manière, soient les principales victimes.

Sur la dimension européenne, oui bien sûr que les Ukrainiens sont des Européens, oui, bien sûr, ils le proclament, oui, bien sûr, ils ont nos valeurs ; c'est la famille européenne ; d'ailleurs, c'est précisément parce que c'est la famille européenne que nous avons un accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne depuis 2014. Ils veulent aller plus loin, on le sait ; ce que je dis, aujourd'hui, c'est que, de toute façon, après la guerre, - qu'elle soit la plus brève possible -, la donne aura complètement changé. L'Europe déjà, aujourd'hui, n'est plus la même que ce qu'elle était avant le 24 février, Zbigniew, tout à l'heure, l'a expliqué avec le commentaire qu'il fallait. Donc, il y aura une nouvelle donne et ce qui se produira après la guerre et cet attachement de l'Ukraine à l'Europe est tellement évident qu'il faudra ensemble progresser dans les conclusions, auxquelles il faudra donner des réponses. Il y aura différents sommets, différentes rencontres au niveau de l'Union européenne d'ici la fin de l'année et singulièrement sous présidence française, et tous ces sujets-là nécessiteront ce débat.

Q - Une question sur les médias russes.

R - [interdiction des médias d'Etat russes, de RT] et de Spoutnik sur l'ensemble européen. Parce que ce sont des organes de propagande de guerre, je pèse mes mots, ce sont des organes de propagande de guerre. Et donc ils doivent être traités comme tels. Nous sommes en phase d'aboutir très rapidement à une interdiction sur l'ensemble européen ; ce qui me permet de rebondir un peu, à la première question, je crois, qui demandait s'il y aura d'autres sanctions. Voilà un exemple de sanction supplémentaire qui devrait arriver dans les tout prochains jours.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mars 2022