Déclaration de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, sur le bilan de la politique éducative française, au Sénat le 22 février 2022.

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Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, visant à dresser un bilan de la politique éducative française.

Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l'auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l'issue du débat, l'auteur de la demande disposera d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

(...)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d'abord vous remercier toutes et tous d'avoir organisé ce débat. Je suis extrêmement heureux de disposer de cette tribune, non seulement pour répondre point par point au véritable réquisitoire du sénateur Brisson, mais aussi pour faire le bilan, devant la représentation nationale, de ce qui a été fait depuis cinq ans.

Il est très important, en effet, de dresser un tel bilan, et de dégager des perspectives, d'autant que nous entrons dans une campagne présidentielle où, je n'en doute pas, des propositions seront formulées.

Je vous remercie d'avoir rappelé que nous arrivons au terme de cinq ans d'action en continu, ce qui est un record dans l'histoire de la République. Il y a encore cinq ans, lorsqu'on évoquait le ministère de l'éducation nationale, on parlait toujours d'instabilité et de difficultés à conduire des politiques continues. Cette fois, pendant cinq ans, des politiques publiques, que j'assume parfaitement et dans les détails desquelles je vais entrer devant vous, ont été menées à bien.

Que n'entendait-on pas auparavant ! On disait que c'était impossible, et que tous ceux qui y parvenaient étaient dans la concession vis-à-vis des organisations syndicales ou de tous les groupes de pression. Vous considérez apparemment, monsieur le sénateur, que je n'ai pas suffisamment été soumis à cette pression…

L'important, aujourd'hui, est de voir que des sillons ont été creusés. Vous le savez parfaitement, monsieur le sénateur : en matière éducative, il faut savoir semer des graines. Je ne prétends pas que nous sommes à l'heure des moissons ; je prétends que nous sommes au moins à l'heure des bourgeons.

Et ces bourgeons sont là, devant nous : ils sont réels. Je suis toujours surpris quand, dans le débat public, on évoque les classements internationaux. Vous ne l'avez pas fait aujourd'hui, mais vous l'avez fait récemment dans la réplique d'une question au Gouvernement, sachant que je ne pouvais pas vous répliquer à mon tour. Pourtant, le dernier classement international date de 2018. Il émane du PISA et concerne des élèves de quinze ans.

Oui, quand je suis arrivé, la situation n'était pas bonne ; oui, le lycée était à bout de souffle. Et cela faisait 20 ans qu'on parlait de la réforme nécessaire du baccalauréat. Oui, quand je suis arrivé, le niveau de mathématiques était très faible, et il n'y avait qu'une faible proportion d'élèves issus de la filière S dans les filières scientifiques, puisque seuls 50 % des élèves de terminale S faisaient ensuite des études supérieures scientifiques. Les travaux sur la dernière rentrée nous montrent que cette proportion a dépassé 80 % aujourd'hui. Évitons donc de proférer de manière hasardeuse des informations inexactes !

Quand je suis arrivé, c'était le règne du « pas de vagues ! ». À chaque fois qu'il y avait des atteintes à la laïcité, des violences, du harcèlement, on n'en parlait pas. L'une des premières choses que j'ai dites était qu'il fallait, au contraire, signaler – et que, quand il y avait des signalements, il fallait réagir. Nous avons donc accompli une révolution copernicienne sur ce sujet.

Quand je suis arrivé, la rémunération des enseignants n'était pas à la hauteur. Certes, il reste encore beaucoup à faire, j'y reviendrai, mais nous avons procédé à des augmentations.

Il ne s'agit pas de dire que rien n'avait été fait avant nous, bien entendu. Je pense notamment à la politique d'éducation prioritaire, qui a franchi des étapes importantes depuis les années 1980, ou à la politique de l'école inclusive, qui a commencé avec Jacques Chirac, et à laquelle nous avons fait faire un nouveau pas très important. Je ne ferai pas, pour ma part, une sorte de procès manichéen à tous ceux qui m'ont précédé.

Mais il est certain que la situation était difficile et que les changements à faire étaient nombreux. Les priorités ont été indiquées d'emblée : la réforme de l'école primaire, d'abord, puis l'évolution de l'enseignement professionnel, enfin, la réforme du lycée général et technologique. Autant de totems auxquels personne ne s'était attaqué comme cette majorité l'a fait. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Les objectifs étaient clairs, aussi : l'élévation du niveau général et la lutte contre les inégalités.

Non, monsieur le sénateur Brisson, le niveau général n'a pas baissé en cinq ans. Vous ne pouvez pas dire une chose pareille, que rien n'étaye. C'est même le contraire ! Les évaluations nationales de CP, de CE1 et de sixième ne montrent pas que tous les élèves possèdent les savoirs fondamentaux consolidés, évidemment. Mais elles montrent que leur niveau a progressé en cinq ans. Vous ne pouvez pas marteler le contraire alors que c'est faux. Et ce n'est pas de la littérature, ce sont des mathématiques, des chiffres, qui sont attestés ! Votre but est-il de démoraliser le pays à partir de données fausses ? Je le dis devant la représentation nationale, et personne ne peut me contredire sur ce point : nos évaluations de CP, de CE1 et de sixième nous montrent, je le répète, de manière parfaitement transparente, une consolidation des savoirs fondamentaux.

La photo est-elle bonne ? Peut-on dire que tous les élèves qui arrivent en sixième disposent des savoirs fondamentaux consolidés ? Bien sûr que non, malheureusement. Mais la pente est très longue, et la tâche est difficile, d'autant plus que nous avons traversé une crise sanitaire, comme personne ne l'ignore.

À cet égard, je souhaite faire un constat devant la représentation nationale, et même vous donner rendez-vous avec l'avenir : nous sommes l'un des seuls pays, en tous cas occidentaux, à avoir amélioré le niveau à l'école primaire tout en traversant l'une des crises sanitaires les plus importantes de l'histoire. L'Unesco vient d'ailleurs de saluer l'action de la France en matière scolaire pendant la crise sanitaire. Nous faisons partie des 10 % de pays qui ont le moins fermé les écoles.

J'ai rencontré des correspondants de différents pays. Dans certains d'entre eux, les élèves ne sont pas allés à l'école pendant deux ans !

Alors, je sais bien que vous faites profession de minimiser cet état de fait, mais nous avons réussi, malgré les nombreuses oppositions, à traverser cette crise sanitaire. À cet égard, je n'aurai pas la cruauté – si j'avais le temps, je le ferais – de citer les propos de tel ou tel leader politique sur la question de la fermeture des écoles : combien m'ont recommandé de les fermer alors qu'aujourd'hui, nous savons qu'il fallait les maintenir ouvertes ? Et c'est ce que nous avons fait, par-delà les critiques et les difficultés. Peu de ministres de l'éducation peuvent en dire autant de par le monde : en dépit de la crise sanitaire, le niveau de l'école primaire a progressé en France, c'est attesté.

Pour autant, il est vrai que, pendant un an, en 2019-2020, le niveau a baissé, du fait du premier confinement, cependant que nous avons remonté la pente en 2020-2021. Ces chiffres sont donc très réalistes, les courbes sont très claires.

Je le répète : il ne s'agit pas d'arguments en l'air, mais de données chiffrées.

Toute personne qui prétend aujourd'hui que les savoirs fondamentaux se sont dévalorisés à l'école primaire pendant le quinquennat avance une contre-vérité qui n'affecte pas seulement le ministre de l'éducation nationale – je comprends bien l'intention –, mais tous les enseignants du primaire, qui, pendant cinq ans, se sont attelés à la tâche, avec des outils nouveaux.

Monsieur le sénateur, vous avez parlé de verticalité, mais comment gérez-vous une crise sanitaire si vous ne disposez pas d'un minimum d'unité de commandement ?

Comment croyez-vous que nous avons traversé la crise ? Ce n'est pas seulement grâce aux bonnes décisions qu'a prises le Président de la République ou aux autorités scientifiques et à l'ensemble des professeurs de France : si nous avons pu ouvrir les écoles malgré tout, c'est aussi grâce à l'unité du système.

Voyez nos voisins européens, voyez la situation de l'Allemagne ou de l'Italie. Il y a une fierté française sur ce point, qui n'est pas celle de votre serviteur, mais qui est une fierté collective.

Vous devriez la saluer à mes côtés, plutôt que de la minimiser en permanence. Vous devriez reconnaître que les professeurs de l'école primaire de France ont réussi non seulement à traverser la crise sanitaire en gardant l'école ouverte dans des circonstances difficiles – les parents d'élèves ont vécu, eux aussi, des moments difficiles –, mais aussi, ce faisant, à augmenter le niveau des élèves.

On ne devrait pas nier cette évidence au simple motif qu'on siège dans l'opposition. Elle a été soulignée – je l'ai dit – par l'Unesco et par l'OCDE. Elle l'est aujourd'hui par tous les observateurs internationaux des réalités scolaires.

J'ai bien noté votre virulence à l'occasion des différents débats sur ce thème et je n'ignore pas que nous sommes en campagne présidentielle (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe SER.), mais, en tant que ministre de l'éducation nationale, je ne peux pas laisser démoraliser le pays dans un domaine où nous avons progressé grâce à des réformes structurelles.

Je souligne d'ailleurs que, durant ces cinq dernières années, vous avez salué ces réformes, monsieur le sénateur,…

M. Julien Bargeton. C'est vrai !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … et que, depuis quelques mois, vous trouvez soudainement que tout va mal. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pourtant, et vous le savez puisque vous étiez présent à ce moment-là, nous avons accepté certaines de vos propositions ; vous trouviez alors que nous allions dans le bon sens, s'agissant par exemple des directeurs d'école. La critique est aisée, mais l'art est difficile !

M. Max Brisson. Restez calme, monsieur le ministre !

M. Julien Bargeton. Mais il est calme !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur, je vous ai écouté en silence, vous pouvez en faire autant.

Mme Catherine Belrhiti. On ne vous a pas agressé !

M. Julien Bargeton. Si !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il importe avant tout aujourd'hui de faire preuve d'impartialité : ne pas nier les difficultés du système scolaire français – je suis le premier à les signaler –, tout en reconnaissant les progrès qui ont été réalisés, d'autant que certains d'entre eux, je l'affirme, sont inédits – et aucun de mes prédécesseurs ne peut en dire autant.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Dans ce cas, je répondrai à M. le sénateur au travers de mes réponses aux questions, dans le débat interactif.

M. Max Brisson. Au lieu de vous mettre en colère, vous auriez mieux fait de nous répondre !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je ne fais que vous répondre, monsieur le sénateur, et je vais continuer.

Mme Catherine Belrhiti. La discipline vaut pour tous ! Il fallait aller au fond des choses et non pas nous critiquer, monsieur Blanquer !

M. Max Brisson. Vous avez dépassé votre temps de parole de plus de deux minutes !

Mme la présidente. Vous disposiez en effet de huit minutes, monsieur le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je le regrette, madame la présidente. Je pensais disposer de tout le temps nécessaire ; j'en viens donc directement à ma conclusion.

Au-delà de la question de l'école primaire, sur laquelle je vous ai répondu,…

M. Max Brisson. Madame la présidente, M. le ministre a dépassé son temps de parole de plus de deux minutes trente !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur, je vois que votre désir d'aller au fond des choses rencontre certaines limites. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je souligne simplement que tout cela n'a été possible que grâce aux outils que sont les évaluations auxquelles j'ai fait référence ou encore les référentiels pédagogiques en français et en mathématiques. Plus globalement, il faut saluer le travail de formation continue à l'école primaire.

Le temps dont je dispose ne me permet d'aborder que le cas de l'école primaire. Je vous répondrai donc ultérieurement sur l'ensemble des éléments.

Ma conclusion est simple : oui, l'école primaire a progressé en France de 2017 à 2022 (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) ; oui, elle a disposé de moyens supplémentaires, alors que le nombre d'élèves a diminué ; oui, les classes ont été dédoublées. Tous ces éléments sont documentés, ne vous en déplaise, monsieur le sénateur. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Tout va bien, alors…

M. Laurent Burgoa. Trois minutes de dépassement ! (Marques d'assentiment sur des travées du groupe Les Républicains.)


- Débat interactif - 

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum (Exclamations.) pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Annick Petrus. Monsieur le ministre, il existe, à Saint-Martin, un créole anglais de base anglophone.

Cet anglais saint-martinois, langue vernaculaire et maternelle de la très grande majorité de la population, sert de moyen de communication entre les nombreuses communautés vivant sur l'île.

L'enseignement public est, bien évidemment, délivré en français. Cependant, de très nombreux élèves accueillis dans les classes ne parlent que le créole haïtien ou l'espagnol. Ainsi l'enseignement scolaire à Saint-Martin est-il très compliqué, car le multilinguisme y est particulièrement prononcé.

En conséquence, les enseignants sont confrontés à des classes très hétérogènes, tant du point de vue linguistique que par les différences de milieux socioculturels.

Le rectorat de la Guadeloupe, tout comme les services de l'éducation nationale de Saint-Martin, a pleinement conscience de ces enjeux, puisqu'un enseignement bilingue y est dispensé à quelques élèves.

C'est ainsi qu'à la rentrée 2021, on comptait dans le premier degré, de la moyenne section au CM1, 30 classes bilingues scolarisant 546 élèves et, dans le second degré, de la sixième à la troisième, 8 classes bilingues scolarisant 186 collégiens. Au vu des évaluations, les résultats sont encourageants.

Afin de faire évaluer les pratiques pédagogiques et d'aider les élèves en échec scolaire, des formations en français langue étrangère (FLE), dispensées par le Centre national d'enseignement à distance (CNED), ont été proposées à 200 enseignants en 2016 et 2017.

Ces initiatives portent leurs fruits. Elles doivent donc être confortées et renforcées, afin de lutter notamment contre le très fort taux d'échec scolaire que nous connaissons malheureusement.

Nous devons aller encore plus loin. Conformément aux dispositions des articles L.O. 6314-9 et L.O. 6314-10 du code général des collectivités territoriales, la collectivité peut déterminer les conditions dans lesquelles est dispensé, dans les écoles du premier degré, un enseignement complémentaire en anglais, afin de faciliter l'apprentissage de la langue française.

Les élus du conseil territorial ont déjà délibéré en ce sens à l'unanimité. Pouvons-nous compter sur un accompagnement de l'État, qui pourrait permettre la généralisation de l'enseignement bilingue sur l'ensemble du territoire de Saint-Martin ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, le bilinguisme en outre-mer est un sujet majeur et très sérieux.

Comme recteur de Guyane, j'y ai été – vous le savez – particulièrement sensible, notamment à l'égard des langues amérindiennes ou bushinenguées de Guyane, mais ce beau sujet concerne pratiquement tous les territoires d'outre-mer. Il ne doit pas être vu comme une difficulté, mais d'abord comme une opportunité et une richesse.

Sur ce thème comme sur d'autres, l'important est d'abord de permettre aux élèves d'être fiers de leur langue maternelle pour qu'ensuite, la maîtrise de cette langue soit un levier pour un autre objectif non moins fondamental : la maîtrise du français.

Il est tout à fait logique et souhaitable, pour l'avenir de ces enfants, que le français soit, à Saint-Martin comme ailleurs outre-mer, la langue d'enseignement.

J'ai eu l'occasion de m'en rendre compte lors de mon déplacement à Saint-Martin aux côtés du Président de la République, au lendemain du passage de l'ouragan Irma. Sur place, mes interlocuteurs m'ont tenu des propos comparables aux vôtres et je les entends parfaitement.

Avec la rectrice de Guadeloupe, nous sommes donc très ouverts à de nouveaux développements en matière de bilinguisme. Ces derniers doivent naturellement reposer sur l'évaluation des premières expériences en la matière – nous savons en effet que lorsqu'elles sont mal conduites, de telles expériences peuvent se révéler contre-productives –, mais aussi s'accompagner d'une offre pédagogique de qualité.

Sous ces réserves, nous sommes effectivement favorables à de nouvelles ouvertures de classes bilingues à Saint-Martin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Monsieur le ministre, je me livre aujourd'hui à un exercice peu commun : relayer une alerte du Mouvement des entreprises de France (Medef). (Sourires.)

M. Julien Bargeton. Tout arrive !

Mme Monique de Marco. Le Medef s'inquiète en effet de voir s'évaporer un vivier d'ingénieurs et, j'ajouterai, de femmes ingénieures.

La réforme du lycée que vous avez conduite, avec la suppression des mathématiques du tronc commun de première et terminale générale, a eu de fâcheuses conséquences : les mathématiques ne sont plus une matière obligatoire, mais une spécialité de six heures par semaine en terminale pour celles et ceux qui la choisissent, soit 37 % seulement des élèves.

Or le niveau en mathématiques des Françaises et des Français se situe à l'avant-dernière position des pays de l'OCDE, derrière tous les pays de l'Union européenne.

M. Julien Bargeton. C'est une donnée ancienne !

Mme Monique de Marco. Les mathématiques sont la base de métiers comme l'informatique ou l'ingénierie, qui garantissent un bon taux d'emploi et de rémunération.

Nous courons donc un risque de pénurie d'ingénieurs, notamment d'ingénieurs informatiques. Si cette discipline attire moins les élèves, c'est aussi par manque d'information sur les attentes de l'enseignement supérieur et par peur de se voir sanctionné par le système Parcoursup.

Autre alerte : après des décennies d'efforts pour arriver à un quasi-équilibre entre garçons et filles dans les filières scientifiques, le ratio s'est écroulé en seulement deux années.

Cette spécialité est devenue excluante. Nous assistons à un retour des stéréotypes de genre, qui aura pour conséquence l'accentuation des inégalités femmes-hommes, pourtant supposée être – rappelons-le – la grande cause du quinquennat.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu'il faudrait renforcer le rôle et le nombre – qui est insuffisant – des conseillers d'orientation psychologues en collège et en lycée, qui sont actuellement en moyenne d'un pour 1 500 élèves ?

Enfin, et surtout, comment comptez-vous réorienter votre réforme, conspuée de toutes parts, pour répondre à cette baisse de niveau en mathématiques, qui creuse des inégalités sociales et de genre ?

M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, je vais vous rassurer et, ce faisant, rassurer le Medef (Sourires.), avec qui j'ai déjà échangé sur ce point, comme avec d'autres interlocuteurs : beaucoup d'éléments ayant suscité plusieurs réactions sont totalement inexacts.

Les deux objectifs que nous devons nous fixer sont – nous sommes bien d'accord sur ce point, me semble-t-il –, d'une part, un bon niveau général en mathématiques et, d'autre part, l'excellence et la largeur de l'élite scientifique.

En ce qui concerne le niveau général de la population, je le répète : nous avons augmenté le niveau des élèves et mis en oeuvre, depuis 2018, le plan Villani-Torossian.

Je n'ai donc pas attendu cette semaine pour mettre en oeuvre une stratégie qui, sur cette question, ne peut être que de long terme. Je le redis : nos élèves qui entrent en sixième aujourd'hui sont meilleurs en mathématiques.

S'agissant des résultats des dédoublements de classes, monsieur le sénateur Brisson, nous ne les verrons en sixième qu'ultérieurement, les premières cohortes étant encore en CM2. Mais j'insiste sur ce point : y compris au lycée, l'objectif est d'augmenter le niveau en mathématiques.

S'agissant à présent de l'élargissement de l'élite scientifique – c'était le début de votre question –, nos programmes de mathématiques sont, à l'instar de l'ensemble des programmes du lycée – tout le monde vous le dira –, plus exigeants qu'auparavant.

Les élèves de spécialité suivent en outre davantage d'heures de cours. En terminale S, ils suivaient huit heures de mathématiques, ils en ont désormais neuf.

Par ailleurs, je vous le disais : 80 % des élèves suivant des spécialités scientifiques s'orientent désormais vers l'enseignement supérieur scientifique, contre 50 % auparavant, en terminale S.

On me dit ensuite que le nombre de filles est en baisse. Regardez ce qu'on appelait autrefois Maths Sup : alors que le nombre d'étudiants est exactement le même d'une année sur l'autre, nous sommes passés de 25 % à 26 % de filles. C'est une augmentation modeste, certes, mais ce n'est en aucun cas une baisse.

Enfin, en maths complémentaires, qui s'adressent notamment aux futurs étudiants en médecine, on compte 60 % de filles.

Attention, donc, aux fake news sur le sujet ! (Mme Monique de Marco proteste.) Cette matière, d'ailleurs, ne s'y prête pas en temps normal.

Je le répète : le niveau en mathématiques n'a pas baissé, il s'est même amélioré au lycée. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Je suis très ouvert pour faire plus et mieux et c'est pour cette raison que j'ai lancé une concertation sur le sujet.

M. Max Brisson. Tout va bien, circulez, il n'y a rien à voir !

M. Julien Bargeton. Vous faites dans la caricature !

M. Max Brisson. Décidément, c'est un festival d'autosatisfaction !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je n'ai pas de leçons à recevoir en la matière !

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, j'aurais beaucoup à dire sur votre bilan, mais je le ferai en d'autres lieux.

Je souhaite en effet vous interroger sur la rentrée scolaire qui, me semble-t-il, préoccupe bon nombre de personnes aujourd'hui.

Les dédoublements de classes se sont traduits par des effectifs chargés, hors éducation prioritaire. Avec quels moyens envisagez-vous de tenir votre promesse selon laquelle aucune classe n'excédera vingt-quatre élèves ?

Les évaluations nationales montrent toujours d'importantes inégalités entre les élèves des réseaux d'éducation prioritaire et les autres. Or les suppressions de postes sont particulièrement nombreuses en REP et REP+, les diminutions de dotations horaires globales (DHG) également, tandis que les dispositifs d'inclusion sont menacés.

En parallèle, une nouvelle offensive vise à fusionner les écoles rurales. Or le contexte sanitaire et social justifierait des mesures en faveur d'une école de proximité, qui tourne le dos à une gestion « comptable ».

Allez-vous entendre les protestations contre les fermetures de classe en éducation prioritaire, comme le refus de voir l'école rayée de nos villages ?

Pourquoi, par exemple, ne pas maintenir la règle selon laquelle aucune école rurale ne puisse fermer, dans les communes de moins de 5 000 habitants, sans l'accord du maire ?

Pour cela, il nous faut davantage de moyens financiers et humains, notamment pour assurer les remplacements. Comptez-vous ouvrir plus de postes pour la prochaine session des concours ? Les heures supplémentaires ne remplacent pas les postes, tous les chiffres en attestent.

Quant aux accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), nous en manquons encore terriblement et leur statut reste excessivement précaire.

Le Conseil d'État vient par ailleurs de les transférer subrepticement aux collectivités, notamment sur les temps de restauration. Comptez-vous assumer la rémunération complète des AESH ?

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Brulin, ma réponse peut se résumer en quelques chiffres : 13 % d'augmentation du budget de l'éducation nationale au cours de ce quinquennat. Aucun autre mandat n'a donné lieu à une telle augmentation ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

À l'école primaire, où nous avons concentré les augmentations de moyens – et j'en suis fier –, plus de 11 000 postes ont été créés lors de ce quinquennat, alors que l'on compte 280 000 élèves en moins.

Cela n'est jamais arrivé et je peux vous dire que depuis 2017, dans chaque département de France, le taux d'encadrement s'est amélioré, à chaque rentrée, pour atteindre des niveaux inédits.

Certes, nous avons parfois concentré les efforts sur les réseaux d'éducation prioritaire, mais ce n'est pas vous, me semble-t-il, qui m'en blâmerez. Contrairement à ce que vous dites, cela ne s'est jamais fait au détriment d'autres zones et c'est ainsi que nous avons réduit les inégalités.

Sur certaines compétences que nous mesurons par les évaluations, nous sommes passés d'un écart de 13 points, entre les plus défavorisés et les 80 % du reste de la population, à un écart de 7 points. Cela aussi, c'est inédit et c'est le fruit de notre politique.

Cette politique d'éducation prioritaire, qui bénéficie à près de 350 000 enfants chaque année, a fonctionné et j'ose le dire : il n'y en a jamais eu de telle.

On peut toujours décrire l'or en plomb, mais je défie quiconque de me donner un exemple de politique d'éducation prioritaire qui ait donné de tels résultats depuis qu'elle existe.

Il en est de même en ce qui concerne les élèves en situation de handicap : le budget qui leur est consacré a augmenté de 65 %, passant à 3,5 milliards d'euros désormais, pour 400 000 élèves.

Les efforts doivent bien sûr être poursuivis en faveur des AESH, même si, je suis le premier à le dire, beaucoup reste à faire encore. En 2017, nous comptions 70 000 contrats aidés, pour 125 000 CDD ou CDI aujourd'hui. C'est le jour et la nuit ! Aucun progrès similaire n'avait été accompli depuis les années 2000.

M. Julien Bargeton. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. Ce que je craignais est arrivé : nos collègues du groupe Les Républicains ont donné l'occasion au ministre de se livrer à un satisfecit sur sa politique menée depuis cinq ans.

M. Julien Bargeton. C'est la réalité des chiffres !

Mme Céline Brulin. Je remarque qu'il y a une dizaine de jours – un mois tout au plus – toute la communauté éducative était réunie dans la rue dans une mobilisation absolument inédite.

Vos chiffres disent certainement des choses, monsieur le ministre, mais la vérité, c'est le ressenti dans le pays.

Vous devriez tout simplement écouter ce que nous sommes nombreux à vous dire : des moyens ont été mobilisés, mais un certain nombre de sujets demeurent prégnants.

Nous sommes dans une situation sanitaire et sociale exceptionnelle qui demande des moyens exceptionnels. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Si vous exigez que je sois d'accord avec chacun d'entre vous, cela s'annonce difficile. (Protestations sur diverses travées.)

Mme Catherine Belrhiti. C'est un débat !

M. Julien Bargeton. M. le ministre peut-il répondre ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Cela s'appelle en effet un débat. Je suis très heureux de pouvoir justifier point par point notre bilan. Il ne m'échappe pas que, à droite comme à gauche, on ait envie de le dévaloriser. Ce n'est pas pour rien, c'est un point fort.

M. Max Brisson. C'est faux et ce n'est pas acceptable !

M. Julien Bargeton. Caricature !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il n'est pas acceptable de défendre un bilan ? Si tel est votre souhait, vous n'avez qu'à débattre seul !

M. Jacques-Bernard Magner. Il vous a soutenu, donc il est fâché…

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Nous posons tout de même, en ce qui nous concerne, des questions concrètes.

Nous n'atteindrons pas, à la prochaine rentrée, l'objectif que vous avez vous-même fixé : moins de 24 élèves par classe.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous y sommes !

Mme Céline Brulin. Non, nous n'y sommes pas.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Si !

Mme Céline Brulin. Je peux vous donner de nombreux exemples et je suis sûre que, tous ici, nous pouvons vous en donner.

Cessez donc de vous adresser des satisfecit (Mme Catherine Belrhiti opine.) et acceptez que la situation que nous vivons exige de débloquer des moyens supplémentaires !

Chacun sait que se pose dans le pays un problème absolument crucial de remplacement. De très nombreux remplacements ne sont pas assurés. Cela se traduit par des semaines et des mois d'enseignement perdus.

Vous devez, en toute humilité, pouvoir entendre nos propositions en la matière. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Annick Billon. Permettez-moi d'abord de remercier Max Brisson pour l'inscription de ce débat à l'ordre du jour du Sénat. Il nous donne l'occasion de débattre à la fois avec la droite, la gauche et le centre.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les mathématiques et sur la sanctuarisation des heures dédiées à l'orientation.

Selon un rapport de l'OCDE, la France occupe l'avant-dernière place en mathématiques. Depuis un certain nombre d'années, on constate un affaissement du niveau des lycéens en la matière, ainsi qu'un faible taux de féminisation dans les filières scientifiques et techniques.

La réforme du lycée de 2019 a entraîné une chute historique du nombre d'élèves suivant des cours de mathématiques en première et en terminale. Une donnée illustre à elle seule les écueils de cette réforme : de 2018 à 2020, le nombre d'heures de cours dispensées en mathématiques a diminué de 18 %.

Pour corriger sa copie, le Gouvernement a lancé, la semaine dernière, une consultation sur le sort des mathématiques au lycée. En cette période électorale, je m'interroge avec bienveillance, monsieur le ministre, sur le tempo de cette annonce pour le moins tardive. Nous attendrons, malgré tout, des garanties concrètes sur ce qui pourrait en résulter.

Enfin, permettez-moi d'aborder un second point, qui conditionne en bonne partie l'avenir de nos futurs étudiants. En février 2020, la Cour des comptes soulignait que 65 % des proviseurs et 85 % des professeurs principaux n'avaient reçu aucune formation spécifique pour exercer leur mission d'orientation.

Monsieur le ministre, mes questions sont simples : quelles garanties comptez-vous donner aux enseignants, aux parents d'élèves et aux lycéens quant à l'avenir des mathématiques dans le tronc commun ?

Que comptez-vous faire pour renforcer le temps de formation des professeurs principaux afin d'améliorer l'orientation de nos jeunes générations ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Il est difficile de répondre dans le détail à ces questions en quelques minutes.

Je le répète : s'agissant des mathématiques, certaines données qui circulent sont tout simplement inexactes. Si j'ai ouvert une concertation, c'est précisément pour les mettre à plat dans leur ensemble. Je le fais d'autant plus volontiers que je suis parfaitement à l'aise avec ces données, notamment celles que je vous ai présentées.

Quand plus de 80 % des élèves ayant choisi des matières scientifiques dans le cadre du nouveau baccalauréat poursuivent des études scientifiques contre 50 % auparavant depuis la terminale S, cela vous donne une petite explication quant au meilleur usage que nous faisons désormais des heures de mathématiques.

Il n'est qu'à lire telle ou telle tribune de tel ou tel représentant de telle ou telle discipline – l'exercice est assez classique dans notre pays, chaque discipline tentant d'obtenir le plus grand nombre d'heures – pour comprendre que les mathématiques ne sont en aucun cas défavorisées : il s'agit de la matière la plus souvent choisie en enseignement de spécialité – plus de 60 % des élèves.

Par ailleurs, il n'est pas exact d'affirmer que le nombre de filles en mathématiques s'effondre. On a entendu dire, sur une grande antenne, que la proportion de filles était passée de 50 % à 10 %. Ce chiffre est totalement fantaisiste.

Dans un certain nombre de cas, on constate même, à l'inverse, un rebond du nombre de filles. Le temps me manque pour entrer dans les détails, mais je mets ces éléments à la disposition de chacun.

Si je n'ouvre pas de concertation, on me reproche d'être vertical, et si j'en ouvre une, on me dit que je recule… Ce n'est ni l'un ni l'autre. J'ai ouvert une concertation afin de mettre à plat les données et préparer l'avenir, quel qu'il soit sur le plan politique, de façon à ce que les choses soient faites en toute lucidité.

Nous avons besoin de plus de mathématiques et de plus de sciences dans notre pays et, en effet – vous avez raison, madame la sénatrice –, cela passe par l'orientation.

En la matière, nous avons mené là encore, depuis 2018, de grandes réformes, même si la crise de la covid-19 n'a pas aidé à leur mise en oeuvre.

La compétence d'orientation est désormais partagée – vous le savez – entre les régions et l'éducation nationale. Les élèves bénéficient, dès la classe de quatrième, de plus de 40 heures par an en la matière. Nous avons également créé deux professeurs principaux en classe de terminale, là aussi, dès 2018, afin d'accompagner les élèves dans l'utilisation de Parcoursup.

Le temps me manque pour développer, mais il est exact de dire que les réformes du baccalauréat et de Parcoursup ont créé de nouvelles logiques d'articulation entre le bac et l'enseignement supérieur.

Ces logiques vont dans le sens de la revalorisation du baccalauréat, d'une part, et de la baisse du taux d'échec dans l'enseignement supérieur, d'autre part, une baisse que nous commençons à constater dans les premiers chiffres qui nous parviennent.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.

Mme Annick Billon. La grande cause du quinquennat était l'égalité femmes-hommes. Je souhaite que les filles comme les garçons aient les mêmes chances de s'orienter vers des filières scientifiques et que les moyens nécessaires soient consacrés à l'orientation, à tous les niveaux.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, ce n'est pas le cas. Les enseignants manquent de temps.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je suis vraiment très heureux d'avoir ce débat et j'en remercie les sénateurs.

À l'inverse de la verticalité qui a été évoquée, l'orientation est précisément une compétence que nous avons confiée aux régions.

M. Max Brisson. Les villages Potemkine…

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous sommes d'ailleurs en relation très étroite avec elles pour qu'elles puissent s'approprier pleinement ces questions. Cela a été plus difficile l'année dernière en raison de la crise de la covid et c'est donc très important aujourd'hui.

S'agissant ensuite de l'égalité garçons-filles, à laquelle je suis très sensible, un rapport récent que j'ai commandé nous permettra d'avancer encore sur cette question.

Puisqu'il a été question précédemment du numérique, j'en profite pour dire que les mathématiques ne sont qu'une discipline scientifique parmi d'autres. Au rang des innovations de la réforme du lycée figure l'entrée, dans le système scolaire, de l'informatique comme véritable discipline. Cela fait partie, désormais, du bilan du quinquennat.

Désormais, la spécialité « numérique et sciences informatiques » est enseignée au lycée et les élèves de seconde suivent tous quatre heures d'informatique.

Nous sommes par ailleurs en situation d'accroître le nombre de filles dans ce domaine. Nous sommes déjà passés de 11 % à 18 %, sachant que nous partions de zéro, dans un secteur professionnel où, parfois, on ne compte que 5 % de femmes.

Certes, il y a beaucoup à faire, mais nous nous sommes donné les moyens de disposer de leviers pour l'avenir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Personnellement, je suis extrêmement sensible à notre capacité à donner, dans les prochaines années, des moyens aux enseignants pour orienter les élèves de manière éclairée.

Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. La réforme du baccalauréat a finalement complexifié l'orientation, avec des spécialités qui déterminent les choix des élèves et sur lesquelles les professeurs ne sont pas totalement en phase, s'agissant des attendus et prérequis de l'enseignement supérieur.

Je vous remercie, monsieur le ministre, d'accorder l'importance nécessaire à cette question de l'orientation.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Monsieur le ministre, un mois après l'Agora de l'éducation qui s'est tenu au Sénat, ce débat proposé par le groupe Les Républicains – que je remercie – traduit notre préoccupation commune quant à la politique éducative française.

Notre éducation nationale devrait être une fierté nationale. Or les différents classements évoqués précédemment n'y contribuent guère.

Ils ne sont que litanie de nos insuffisances en lecture et en mathématiques, une avalanche de chiffres certes parfois contradictoires : part de PIB supérieure à nombre de nos voisins – Allemagne en tête – et, cependant, un montant consacré par élève inférieur ; plus d'heures consacrées aux fondamentaux et pourtant inégalité sociale aggravée ; salaires des enseignants plus bas ; recul de l'attractivité des métiers d'enseignant ; augmentation des démissions.

Pourtant, je vous l'accorde, monsieur le ministre, beaucoup a été entrepris et il est encore trop tôt – vous l'avez rappelé – pour évaluer les effets de certaines mesures. Mais l'éducation nationale, comme nous avons la prétention de l'appeler, ne se résume pas à l'instruction et à la transmission des savoirs.

Trois mondes cohabitent trop hermétiquement : l'école, la famille et la rue, où hélas ! certains enfants passent trop de temps.

Un comportement inadapté en milieu scolaire trouve parfois son inspiration dans la rue, où il doit être encadré. Les difficultés d'acquisition nécessitent un soutien familial qu'il faut accompagner.

De façon plus évidente encore, la question de la santé est essentielle, dans toute son acception, physique, psychique et sociale. Il est nécessaire d'aller plus loin dans le rapprochement de la médecine scolaire avec les services de protection maternelle et infantile (PMI), les services de santé et sociaux des départements.

Il n'y a pas de pathologies spécifiques à l'école. Le dépistage du handicap, qu'il soit auditif, visuel ou d'attention, est nécessaire à l'école comme en famille ou dans la vie en général. Quel sens donner au travail des assistantes sociales si celles-ci ne peuvent pas coordonner leurs interventions dans les familles et à l'école ?

Il en est de même pour les surveillants scolaires, les intervenants périscolaires et les éducateurs de rue.

Telle est la prise en charge globale dans les trois mondes de la famille, de l'école et de la rue que nous avons le devoir d'assurer pour garantir l'équilibre et la réussite de nos enfants.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, vos propos me semblent très justes. Il est exact que nous devons distinguer entre ce qui relève du noyau dur de la mission de l'éducation nationale, c'est-à-dire l'instruction et la transmission des connaissances, et tous les autres enjeux également très importants que l'on peut qualifier d'« éducatifs ».

Loin de considérer qu'il faut opposer l'instruction publique et l'éducation nationale, il me semble, au contraire, qu'on doit articuler les deux.

Certes, les enjeux éducatifs sont nombreux et nous y avons répondu sous plusieurs angles pendant ce quinquennat.

Tout d'abord, nous finissons celui-ci avec un ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ce qui montre que nous nous sommes aussi intéressés aux temps périscolaire et extrascolaire.

Ensuite, nous nous sommes également montrés attentifs aux facteurs extrascolaires de la réussite scolaire. Je pense à ce qui a été réalisé au titre des cités éducatives ou à l'ensemble des politiques sociales de ce ministère.

Il est vrai qu'il faut du personnel pour mener ces actions. Vous avez cité les assistantes sociales et les infirmières, dont la mobilisation a été particulièrement importante pendant l'épisode de covid.

Oui, nous devons continuer de mettre en oeuvre des politiques qui agissent sur les facteurs de la réussite scolaire sous l'angle social. Oui, le bilan en la matière est très important. Oui, des progrès restent à faire, notamment en matière de santé scolaire, au cours des prochaines années. Sans doute faudra-t-il aussi travailler sur l'articulation entre les administrations sociales, par exemple sur le lien entre les assistantes sociales de l'éducation nationale et celles des départements.

Des progrès importants ont été réalisés, en particulier grâce au plan Mercredi et au dispositif Vacances apprenantes.

Enfin, oui, nous devons avoir la vision complète que vous décriviez, a fortiori dans les territoires les plus défavorisés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.

M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre, je voudrais vous parler des rythmes scolaires. Je rappelle que le décret du 24 janvier 2013 relatif à l'organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires, dit décret Peillon, prévoit neuf demi-journées d'une durée maximale de cinq heures trente par jour et trois heures trente par demi-journée, la durée de la pause méridienne ne pouvant être inférieure à une heure trente.

Aujourd'hui, par le biais de dérogations très nombreuses, on constate que la plupart des écoles – près de 90 % d'entre elles – fonctionnent en semaine de quatre jours d'une durée de six heures. Ce choix est motivé avant tout par des considérations de vie sociale et familiale et il a été arrêté en fonction des contraintes et des préférences des adultes, mais il reste en totale inadéquation avec les besoins des enfants.

Pourtant, de nombreuses études de chronobiologistes montrent que ce type de fonctionnement s'accompagne d'une baisse du niveau de performance, en particulier chez les enfants des milieux défavorisés, qui ne bénéficient pas de structures périscolaires et extrascolaires, de sorte qu'ils se retrouvent malheureusement trop souvent livrés à eux-mêmes.

Il est désormais avéré que les apprentissages se font mieux pendant les matinées. Le fait d'en supprimer une par semaine, soit trente-six par an, est évidemment dommageable pour la réussite de nombreux enfants de nos écoles.

La France – on l'a beaucoup dit – est de plus en plus mal classée dans les enquêtes PISA, mais vous avez expliqué précédemment que cela n'était pas vrai, même si nous nous situons entre le quinzième et le vingt et unième rang sur trente-six pays. En outre, la France reste le pays de l'OCDE qui a le moins de jours d'école pour un nombre total d'heures plus élevé en moyenne. Il y a là une contradiction.

Le précédent gouvernement en avait tiré des enseignements en proposant d'abandonner la semaine de quatre jours, telle qu'elle avait été imposée par le Gouvernement en 2008, et d'introduire une neuvième demi-journée plus favorable au travail scolaire et à l'épanouissement des enfants. Toutefois, l'expérience n'aura pas assez duré pour qu'on en mesure les bienfaits et les nombreux égoïsmes autour de l'école et dans l'école auront bientôt raison de cet allongement bénéfique de la semaine avec cinq matinées favorables aux apprentissages.

Ajoutons à cela la disparition quasi générale des activités culturelles et sportives, faute de temps, dans une semaine désormais concentrée sur les disciplines de base.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de rouvrir le dossier des rythmes scolaires dans nos écoles ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Magner, vous soulevez évidemment un débat important, qui montre bien que les arguments qui nous sont opposés sont contradictoires entre eux. C'est pourquoi parfois nous avons le sentiment, dans la majorité présidentielle, que nous dépassons les clivages et que nous sommes sur une forme d'équilibre qui est peut-être synonyme de sagesse.

M. Max Brisson. Tout va bien, alors !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Voilà un instant, on reprochait au Gouvernement d'être trop vertical ; vous nous reprochez à présent d'avoir laissé trop de liberté sur les rythmes scolaires. En réalité, nous avons une position de pragmatisme après deux mandats où le ministère a rencontré de grandes limites pour agir en la matière.

En l'occurrence je n'observe pas de remarques d'insatisfaction qui remontent du terrain. Nous avons laissé la semaine de cinq jours là où les acteurs considéraient qu'elle était pertinente. Vous savez très bien la situation que nous avons trouvée en 2017 : un sentiment souvent de frustration dans des communes, souvent rurales, où l'on considérait la semaine de cinq jours forcée comme complètement inadaptée.

La semaine de cinq jours peut être une bonne solution ; il faut rester très humble sur le sujet des rythmes scolaires, très complexe et sans réelle universalité, dans la mesure où chaque situation est particulière.

Néanmoins, votre question conserve toute son importance, car on doit sans arrêt nourrir la réflexion sur ce point.

Je vais vous faire part d'une considération qui a animé notre action et qui pourrait continuer de le faire. Elle fait d'ailleurs écho à la question précédente.

Il n'y a pas que le temps scolaire, il y a aussi les temps périscolaire et extrascolaire. Or on peut apprendre autrement. Certains disent qu'il faut apprendre autrement à l'école et c'est possible, mais on peut aussi apprendre autrement en dehors de l'école. Les vacances sont donc fondamentales non seulement pour s'épanouir, bien sûr, mais aussi parce qu'elles sont une occasion d'apprendre.

En réalité, les inégalités se creusent beaucoup du fait des grandes vacances. Est-ce que la solution doit consister à réduire les grandes vacances ? Je n'en suis pas certain. En revanche, il faut que ces vacances en soient réellement pour tous les enfants, a fortiori les plus pauvres, et que pendant cette période ils puissent apprendre autrement, y compris les sciences, par exemple. C'est ce que nous avons cherché à faire à travers le dispositif Vacances apprenantes. Il y a là un champ encore plus fertile – je le crois – que de revenir à une nouvelle réforme des rythmes scolaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Ma question concerne les internats d'excellence. Vous avez dit, monsieur le ministre, votre attachement à ce dispositif auquel vous croyez beaucoup : 54 d'entre eux ont été labellisés en 2021 et, dans le cadre du plan de relance, vous avez annoncé l'ouverture de 1 500 places en internat d'excellence. Cet objectif sera-t-il atteint ? Pouvez-vous nous dire où en est l'installation de ces internats dans les territoires ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Bargeton, ce sujet est fondamental et devrait nous unir tous, puisque les majorités précédentes ont cherché à développer les internats, dont nous constatons à ce jour une croissance inédite.

Je suis heureux de pouvoir dire devant vous que le premier internat d'excellence, chronologiquement, celui de Sourdun, a pleinement atteint ses objectifs initiaux, de sorte que des élèves issus des territoires les plus défavorisés ont pu devenir étudiants en médecine ou ingénieurs. Cela démontre la pertinence des internats pour lutter contre les déterminismes sociaux.

Oui, nous avons eu de l'ambition en la matière, puisque nous avons dégagé 50 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. À ce jour, 253 internats d'excellence sont programmés et 54 autres sont entrés en fonctionnement dès le mois de mai 2021. Ces 307 internats d'excellence offriront 30 000 places supplémentaires et permettront de mailler le territoire.

J'en profite pour dire que l'objectif est bien évidemment social vis-à-vis des élèves, car on sait que l'internat offre à la fois un cadre plus rigoureux et des éléments d'épanouissement, notamment pour ce qui est du sport et de la culture.

Il s'agit aussi de contribuer à la revitalisation des territoires. À cette fin, nous avons ainsi particulièrement encouragé la renaissance des internats en milieu rural ou dans de petites villes.

Oui, les internats d'excellence sont l'une des plus grandes politiques sociales que le ministère de l'éducation nationale puisse mener ; oui, ils bénéficient d'une dynamique très particulière à la faveur du plan de relance. L'objectif que nous avions affiché est en réalité dépassé, puisque nous devrions atteindre le chiffre de 307 internats d'excellence à la rentrée prochaine.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton, pour la réplique.

M. Julien Bargeton. Lors de votre audition dans le cadre de l'examen de la loi de finances pour 2022, monsieur le ministre, vous aviez mentionné le doublement des classes en réseau d'éducation prioritaire et en réseau d'éducation prioritaire renforcé, REP et REP+, à Paris. Je ne peux que me satisfaire des résultats, puisque dans les populaires XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements notamment, on a constaté cette année, au sein d'écoles situées dans des quartiers difficiles, que des enfants savaient désormais quasiment lire, écrire et compter à Noël.

Voilà très longtemps que ce n'était pas arrivé. Cela ne signifie pas pour autant que tout va bien ou qu'il ne reste rien à faire, mais les enseignants et les parents d'élèves nous le disent : dans certaines écoles de ces quartiers, ils constatent une nette amélioration du niveau.

Monsieur le ministre, les évaluations dont vous disposez sont corroborées par les premiers retours du terrain, comme vous l'avez fait savoir au sujet des XVIIIe et XIXe arrondissements. J'ajoute avec beaucoup de plaisir que c'est aussi le cas dans le XXe arrondissement dont je suis élu.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur, c'est en effet un sujet essentiel, parce que s'il a été possible de réaliser cela dans telle ou telle école, on pourra aussi le faire dans toutes les autres écoles de REP et de REP+.

Il y a un « Graal éducatif » en la matière. En effet, j'ai dit que nos deux objectifs étaient de rehausser le niveau et de réduire les inégalités. Or, sur le second objectif, tous les pays cherchent le Graal qui leur permettra d'abolir le différentiel de niveau qui existe entre les 20 % des élèves les plus défavorisés et le reste de la population.

Par conséquent, quand dans une école du XXe arrondissement de Paris – le vôtre, monsieur le sénateur –, des XVIIIe ou XIXe arrondissements, ou encore dans toute autre école de milieu défavorisé en France, on réussit à abolir cet écart, cette réussite est hors du commun. Le dédoublement des classes ne suffit pas à lui seul, il faut aussi une évolution des méthodes pédagogiques. Quand je visite des écoles dans votre territoire, je constate cette évolution, qui consiste par exemple à mesurer la fluence de lecture des élèves et à mettre en oeuvre toute une série de références que nous avons créées.

Oui, les savoirs fondamentaux se sont consolidés pendant ce mandat, tout particulièrement dans les réseaux d'éducation prioritaire ; c'est aussi dans l'ensemble du système éducatif français que l'on observe ces améliorations.

M. Max Brisson. Les écarts ont continué de se creuser ! (M. le ministre le nie.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Monsieur le ministre, l'éducation nationale est le premier poste budgétaire de l'État, et la Nation mobilise pour cela 110 milliards d'euros. Cependant, le dernier classement PISA de l'OCDE ne reflète pas nos efforts financiers. Il met en exergue un déclin général du niveau des études. (M. Max Brisson le confirme.)

En effet, nous sommes classés au 23e rang pour la lecture et la compréhension de texte. Ne parlons pas de l'effondrement du niveau en français, en orthographe, en histoire-géographie ou en langues vivantes ! Pis encore, la France se situe en dessous de la moyenne de l'Union européenne et des pays de l'OCDE, notamment en mathématiques.

Les réformes se sont succédé à un rythme soutenu depuis plusieurs décennies, mais leur avons-nous laissé le temps de déployer tous leurs effets avant de réformer de nouveau ? Il faut parfois des années pour pouvoir dresser un bilan. Cette frénésie législative complique le quotidien des enseignants.

Force est de constater que leur métier est de moins en moins attractif. Le mauvais rendement des concours, dû au manque de candidats dans les disciplines majeures, et les vagues de démissions de ces dernières années sont révélateurs.

En octroyant davantage d'autonomie pédagogique et de flexibilité à nos enseignants pour leur permettre de s'adapter aux besoins des élèves, on renforcerait l'attractivité du métier et la qualité de l'enseignement tout en libérant les énergies.

Le système éducatif des pays nordiques repose en grande partie sur l'autonomie des professeurs, notamment pour organiser leur travail. Les classes sont moins nombreuses, ce qui facilite une meilleure adaptation des méthodes. Ce système semble faire ses preuves puisque les pays nordiques sont en tête des classements PISA.

Monsieur le ministre, l'inquiétude est à la mesure de l'enjeu. Quelles sont nos marges de manoeuvre sur le sujet ? Pourquoi ne pas nous inspirer davantage du système nordique qui fonctionne mieux ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Menonville, votre question me donne l'occasion de faire souffler un vent d'optimisme sur ce débat. En effet, on peut considérer – je le sais bien – qu'il s'agit de remettre en question le bilan du Gouvernement, mais en définitive le débat porte surtout sur l'école de France. Celle-ci, bien entendu, a des faiblesses et encore des limites – je suis le premier à le dire –, mais ce que l'on doit d'abord constater et rapporter, ce sont les progrès qui existent bel et bien.

Ne décrivons pas la situation de façon routinière, pour ainsi dire. Ce que je défends quant aux évolutions de l'école primaire, c'est que les cinq ans que nous avons eus pour avancer ont permis précisément d'éviter les zigzags dont vous avez parlé à juste titre. Il n'y en a pas eu depuis cinq ans et notre politique a été très claire. En français et en mathématiques, il y a un plan qui s'accompagne de références pédagogiques élaborées par un conseil scientifique de l'éducation nationale. Il y a aussi le dédoublement des classes, qui est une mesure phare, les évaluations de début d'année, qui nous permettent d'être le seul pays au monde à avoir une vision du niveau des élèves d'une telle précision, grâce à laquelle nous pouvons savoir quand il y a des régressions et des progrès. C'est ainsi que nous avons pu constater que nous avions progressé sur 26 des 32 items en français et en mathématiques, au cours de ce quinquennat.

Nous menons donc une politique cohérente et j'espère bien que nous pourrons continuer d'en creuser le sillon, sans qu'il y ait de nouveaux zigzags, car les évolutions se font sur plusieurs années.

Notre politique de formation des professeurs a été ambitieuse. Ce que l'on appelle les « plans Français et Mathématiques » auxquels s'ajoute maintenant le « plan Sciences » consistent à prévoir des formations qui correspondent à ce que vous souhaitez. Nous nous sommes inspirés du Québec, en particulier, ou des pays scandinaves. Il ne s'agit pas de formations verticales : les professeurs disent ce dont ils ont besoin et nous essayons de répondre à leur demande, de manière à laisser pleines force et liberté aux acteurs.

Oui, les évolutions du système doivent contribuer à renforcer l'équilibre entre les facteurs d'unité, souhaitables dans notre système, et ceux qui favorisent la liberté des acteurs. C'est ce que nous nous sommes efforcés de faire, en obtenant – je le répète – de premiers résultats à l'école primaire.

M. Max Brisson. La Cour des comptes dit le contraire !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur Brisson, je sais que vous avez envie de tout peindre en gris, ce qui relève sans doute d'une volonté politique.

M. Julien Bargeton. En effet, un peu de nuance !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Si vous aimez la France et son école, essayez de considérer aussi les leviers de progrès !

M. Max Brisson. Vous êtes comme dans un village Potemkine ! Les Français pensent le contraire ! Vous êtes d'une prétention sans limite !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, nous assistons à une véritable crise des vocations dans le monde enseignant, alors que ce problème est peu abordé dans le débat public. Pourtant, il pèse directement sur notre politique éducative : comment offrir à nos enfants un enseignement adapté et de qualité si le métier de professeur n'attire plus ?

Lors de la session de 2021, 238 postes n'ont pas trouvé preneur au concours externe du Capes (certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré) et 1 648 enseignants ont rompu leur contrat. Ces chiffres révèlent une tendance de fond : l'éducation nationale aura de plus en plus de mal à susciter des vocations.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Il est évident que la question des salaires est importante. Après un début de carrière à 1 600 euros net, un enseignant qui a atteint dix ans d'ancienneté perçoit un traitement inférieur de 15 % à la moyenne de l'OCDE. Monsieur le ministre, qu'en est-il de la hausse des salaires promise ?

Un autre facteur d'explication se trouve dans l'obligation de posséder un bac+5 pour passer le concours d'enseignant alors qu'une licence suffisait auparavant.

Enfin, les conditions de travail, monsieur le ministre, ne sont guère de nature à motiver les futurs enseignants. Il est de notoriété publique que nombre d'entre eux ne se sentent plus soutenus par leur hiérarchie en cas de difficultés avec leurs élèves. Il faut ajouter à cela que les jeunes sont de plus en plus irrespectueux et les parents revendicatifs ou procéduriers, que l'autorité recule et qu'il faut aujourd'hui appliquer des protocoles sanitaires parfois ubuesques. Le métier ne suscite plus vraiment l'enthousiasme des diplômés.

Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il conscience de ce phénomène ? Comptez-vous agir pour l'enrayer avant qu'il ne prenne trop d'ampleur ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Belrhiti, en vous écoutant, je me disais que vous auriez pu tenir le même discours en 2017, sur toute une série de difficultés structurelles qui sont bien réelles.

Nous faisons tous partie du problème et de la solution. Les discours que nous tenons ont leur importance. Je ne vous répondrai pas que tout va bien, car ce serait évidemment faux. En revanche, je vais vous dire ce que nous avons fait et quels progrès nous avons obtenus. Notre manière de parler du sujet a de l'importance : si une personne qui se destine à devenir professeur entend ce que vous venez dire, je ne suis pas certain qu'elle en aura encore envie.

Mme Catherine Belrhiti. Je ne fais que décrire la situation actuelle ! (M. Max Brisson approuve.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Si vous me permettez de vous répondre…

Je ne dis pas que c'est de votre faute ou que tout va bien ; je vous dis qu'il y a des leviers de progrès et que je reste très ouvert aux idées d'amélioration qui pourraient exister.

Vous avez fait référence aux salaires, qui posent un problème bien réel, comme je le signale depuis 2017. Je redis qu'il y a eu une hausse inédite du budget de l'éducation nationale, soit 13 % au cours de ce quinquennat, ainsi qu'une augmentation inédite du salaire des jeunes professeurs. Vous avez évoqué le chiffre de 1 600 euros, très obsolète désormais, puisque le premier salaire est passé à 1 860 euros, soit 260 euros de plus. Le chiffre que vous avez donné est celui de 2017. Aujourd'hui, le premier salaire est de 1 860 euros sans parler de certaines primes.

Le sénateur Brisson, dans sa vindicte,…

M. Max Brisson. La paix, la paix !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … me disait précédemment qu'il y avait un problème d'attractivité du réseau d'éducation prioritaire. Je vous rappelle que l'une des promesses du Président de la République était d'accorder une prime de 3 000 euros par an aux professeurs exerçant en réseau d'éducation prioritaire. Cette mesure est effective. On observe désormais une plus grande stabilité qu'en début de quinquennat dans le réseau d'éducation prioritaire renforcé – cela concerne 50 000 personnes.

Oui, il faut faire toujours plus pour l'attractivité du métier d'enseignant. Tel est le sens du Grenelle de l'éducation, dans le cadre duquel douze engagements ont été pris. J'ai commencé à les mettre en oeuvre.

Bien entendu, toutes ces mesures doivent s'inscrire dans la durée. Ceux qui exerceront les responsabilités dans l'avenir pourront toujours en prendre d'autres, mais les engagements auxquels nous nous tenons résultent de concertations très larges, qui ont duré pendant plusieurs mois. Il me semble donc que les perspectives d'action sont assez claires. Il faut continuer de creuser le sillon.

Oui, il faut une revalorisation du salaire des professeurs ainsi qu'une amélioration des conditions de travail en général.

M. Max Brisson. Plus de 1 500 démissions !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, je vous fais remonter les remarques du terrain. Je ne le fais pas par plaisir, mais parce que j'ai été moi-même enseignante – vous le savez très bien.

En ce qui concerne les parents qui s'immiscent dans la pédagogie mise en place par les professeurs, je vous avais déjà sollicité au moment d'un événement tragique, l'assassinat de Samuel Paty. Je vous avais alors demandé d'écrire qu'il était interdit aux parents de s'immiscer dans la pédagogie des professeurs. Vous m'aviez répondu avoir écrit que les parents devaient « respecter les professeurs ». Peut-être que je suis très mauvaise en français, mais je ne comprends pas le lien qu'il y a entre les deux !

Je préside la commission des lycées de la région Grand Est. Cette semaine encore, on m'a fait remonter des cas de parents qui écrivent aux professeurs pour leur dire ce qu'ils doivent faire pendant leurs cours. Je trouve que c'est scandaleux. Allez-vous prendre des mesures fortes et les écrire pour que la vie des professeurs s'améliore chaque jour en classe ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J'ai tenu des propos très clairs, dès ma prise de fonction, sur la défense des professeurs et je n'ai pas changé d'un iota sur cette question.

Vous avez raison de faire un distinguo entre ce qui relève du respect des professeurs en général et l'immixtion des parents dans la pédagogie. Sur le premier point, la deuxième phrase de l'article 1er de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance constitue désormais une base juridique qui permet de poursuivre, par exemple, des parents d'élèves qui ont été violents verbalement ou physiquement avec des professeurs. J'ai été d'une rigueur d'airain sur ce sujet. Tout fait signalé fait l'objet de poursuites. J'en constate tous les jours.

Je regrette comme vous le phénomène de société qui accroît l'agressivité. Je considère d'ailleurs que nous devons donner l'exemple dans le débat public, en montrant que nous sommes capables de faire preuve de nuance, de subtilité et de dialogue, et en veillant à ne pas mettre trop de nervosité dans le débat scolaire, car cela se retrouve ensuite dans les relations entre les gens.

Quant au respect des professeurs, il doit être global et, encore une fois, les textes sont là, et quand des signalements sont faits, l'institution réagit. Quand, par exception, ce n'est pas le cas, les professeurs peuvent engager des recours, je l'ai dit tout au long du quinquennat et je le redis aujourd'hui.

Sur l'immixtion dans la pédagogie, vous avez tout à fait raison, et j'ai tenu des propos en ce sens à plusieurs reprises. Toutefois, je ne vois pas quelle règle juridique pourrait empêcher quelqu'un de dire quelque chose à un autre. Le principe reste celui de la maîtrise pédagogique du professeur, comme je l'ai toujours dit sans aucune ambiguïté depuis le début du quinquennat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti.

Mme Catherine Belrhiti. Je suis d'accord sur le fait que vous l'ayez dit, monsieur le ministre. Je voudrais simplement que cela soit écrit pour être respecté. Le dire est une chose, l'écrire en est une autre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté. (Mme Annick Billon applaudit.)

Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le ministre, ma question porte sur l'éducation prioritaire, l'expérimentation en cours des contrats locaux d'accompagnement et les territoires éducatifs ruraux.

Cette expérimentation a deux objectifs : améliorer les dispositifs existants, qui ont beaucoup apporté à l'édifice, mais qui n'ont pas obtenu des résultats performants, et davantage prendre en compte les inégalités territoriales.

Ainsi, depuis la rentrée 2021, 172 écoles, collèges et lycées des académies de Nantes, Lille et Marseille sont concernés et un contrat a introduit la progressivité dans l'allocation des moyens, et ce pour une durée de trois ans.

Ces objectifs avaient été mis en avant dans le rapport sénatorial rendu en octobre 2019 par nos collègues Laurent Lafon et Jean-Yves Roux au nom de la mission d'information sur les nouveaux territoires de l'éducation : une meilleure équité territoriale est nécessaire.

L'éducation prioritaire ne s'éteint pas à la couronne périurbaine de chaque ville et les territoires ruraux ont aussi des besoins en la matière. Or, depuis sa création, il y a quarante ans, l'éducation prioritaire fondée sur les inégalités sociales s'est concentrée sur les grands quartiers urbains. Quel que soit le territoire, l'objectif est bien finalement identique : c'est la réussite des élèves par des moyens différenciés et adaptés.

Monsieur le ministre, cela fait six mois que dure l'expérimentation. Il était prévu de l'élargir à d'autres académies en cas de bons résultats ou si le dispositif démontrait son efficacité. J'ai donc forcément plusieurs questions : tout d'abord quels sont les retours ? A-t-on de bons résultats ? Qui les mesure et comment ? Le dispositif est-il tenable à moyens constants ? En effet, les retours de l'expérimentation devaient aussi permettre de reconsidérer la question des moyens, sans inclure évidemment la contribution des collectivités.

Enfin, concernant le dispositif des territoires éducatifs ruraux, où en est son déploiement ? Peut-on espérer que l'éducation prioritaire en milieu rural fasse l'objet d'autant d'attentions qu'en milieu urbain ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice de La Provôté, cette question est très importante et vous avez raison de dire que, parfois, les territoires ruraux ont pu se sentir les oubliés d'une politique d'éducation prioritaire. C'est la raison pour laquelle nous avons créé – et nous sommes le premier gouvernement à l'avoir fait – une sorte d'éducation prioritaire adaptée à la ruralité, par le biais – vous l'avez souligné – des territoires éducatifs ruraux.

Nous avons aussi prolongé des mesures qui existaient auparavant en les approfondissant – M. le sénateur Magner le sait bien – et en développant des stratégies départementales pour l'école rurale.

S'agissant des territoires éducatifs ruraux, puisque c'est le coeur de votre question, j'ai les chiffres sous les yeux : il y avait initialement 23 territoires pilotes dans trois académies, de sorte que l'expérimentation, telle que nous l'avons lancée il y a seulement deux ans, concerne 24 000 élèves dans 155 écoles, 27 collèges et 20 lycées. Quelque 16 000 lycéens sont concernés, qui s'ajoutent aux 24 000 élèves précités.

Les premiers résultats sont très encourageants, raison pour laquelle nous avons décidé d'étendre l'expérimentation de trois académies à sept autres, celles de Besançon, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Dijon, Limoges, Rennes et Toulouse. Plus de 60 territoires sont aujourd'hui engagés dans cette démarche de contractualisation pour faire ce que nous avons appelé des « alliances éducatives ».

Ce dispositif répond à plusieurs questions qui ont été posées jusqu'à présent. Un peu comme dans l'esprit des cités éducatives, l'objectif est d'avoir un impact sur les facteurs extrascolaires, par exemple les activités sportives et culturelles des élèves en milieu rural, en plus de leur activité scolaire.

Il existe donc désormais un cadre qui va de pair avec la revitalisation des internats d'excellence et la politique en faveur des écoles rurales. Il doit permettre de développer une véritable politique d'appui à ces territoires éducatifs ruraux. Il s'inscrit également dans le même objectif que l'extension des cordées de la réussite aux collèges ruraux depuis la rentrée 2020 : quelque 20 000 collégiens sont accompagnés dans ce cadre en territoire rural.

Par conséquent, nous menons une véritable politique de l'éducation prioritaire, dirigée vers les élèves des milieux ruraux. Nous voyons les premiers bourgeons de cette politique qu'il faudra bien entendu approfondir au cours des prochaines années.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Sylvie Robert. Monsieur le ministre, je vais également vous parler des mathématiques.

La réforme du baccalauréat a fait chuter la proportion d'élèves suivant un enseignement de mathématiques en terminale de 50 % à 59 %. En parallèle, 37 % des élèves choisissent la spécialité « maths ». En d'autres termes, au lycée, l'apprentissage des mathématiques est devenu à double vitesse, accentuant les inégalités sociales et de genre.

Pour preuve, en 2019, les filles représentaient 47,7 % des effectifs en filière S ; en 2021, elles ne sont plus que 39,8 % à avoir choisi la spécialité « maths », soit au-dessous du niveau de 1994. Ce décrochage soudain et massif est une régression.

D'ailleurs, les instituts de recherche, les associations et aussi les collectifs de professeurs de mathématiques ne s'y trompent pas : ils vous ont alerté dans une missive et ils pointent même le caractère édifiant de ce décrochage.

Cette rupture a des incidences préjudiciables en matière de débouchés. Mécaniquement, se pose le problème de l'accès aux filières scientifiques, économiques et numériques, lesquelles constituent la priorité du plan France 2030 et concentrent la majorité des investissements. Autrement dit, la place de la discipline mathématique conditionne le succès de la France dans ces filières, érigées comme prioritaires. Rappelons qu'il manque 5 000 ingénieurs par an.

Aujourd'hui, cette inadéquation est une question éminemment politique. Le recrutement et la formation des enseignants, l'attractivité des carrières, la pédagogie à l'oeuvre en classe et le travail sur les représentations constituent autant de sujets à traiter.

Monsieur le ministre, vous avez récemment lancé les travaux du comité de consultation sur l'enseignement des mathématiques au lycée général. À cette occasion, vous avez précisé : « Certains aménagements sont envisageables dès la rentrée prochaine, d'autres devront attendre 2023 ». En quoi consistent ces aménagements ?

Concrètement, comment entendez-vous renforcer la place de l'enseignement des mathématiques au lycée, tout en luttant contre les fortes disparités qui le caractérisent ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Robert, je diviserai ma réponse en plusieurs parties.

Comme vous le savez, le débat est ouvert, et j'ai récemment accordé plusieurs entretiens à ce sujet. La concertation a commencé. Ainsi, tous les chiffres seront rendus publics. Mais je tiens d'ores et déjà à vous en citer quelques-uns, afin de battre en brèche certains des arguments qui ont été avancés dans le débat. Par ailleurs, je rappelle que les enjeux ne se cantonnent pas uniquement aux mathématiques.

Durant l'année 2021, 64,1 % des élèves de classe de première générale ont choisi l'enseignement de mathématiques, soit 252 233 élèves, dont 55 % étaient des filles. Nous sommes donc bien loin de l'effondrement que vous avez décrit, madame la sénatrice.

J'en veux pour preuve un autre chiffre : en classe de terminale, l'option complémentaire de mathématiques, qui prépare aux études de médecine ou de biologie, avec une durée de trois heures hebdomadaires, est suivie à plus de 60 % par des filles. Toutefois, pour l'enseignement de spécialité, ce taux s'élève à 39 % – le même que précédemment. Nous n'avons pas résolu tous les problèmes, mais nous avons progressé.

À grands traits, ce sont plutôt les garçons qui choisissent la physique-chimie, tandis que les filles optent plutôt pour les sciences de la vie et de la terre (SVT) ; ce faisant, elles étudient moins les mathématiques que les garçons.

Comme vous l'avez souligné, madame la sénatrice, le vrai sujet est d'encourager davantage d'élèves, et plus particulièrement des filles, à choisir les mathématiques et les enseignements scientifiques lorsque les choix d'orientation doivent être formulés en classe de seconde. Nous devons répondre à cette grande question en nous fondant sur des chiffres clairs.

Non, nous ne constatons pas d'effondrement ni dans le nombre d'élèves étudiant les mathématiques ni dans le niveau des enseignements.

Mme Sylvie Robert. Je n'ai pas parlé de niveau !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. En effet, le programme est plus exigeant, le nombre d'heures est plus important et plus d'élèves étudient cette matière lors de leurs études supérieures.

Ainsi, les résultats sont conformes à nos objectifs. Cependant, je reconnais bien volontiers qu'il reste beaucoup à faire pour que les filles choisissent d'étudier les matières scientifiques, surtout après la terminale. Sur ce point, la situation s'améliore peu à peu.

Madame la sénatrice, vous avez également évoqué la question de l'informatique. Avant la réforme du baccalauréat, la spécialité « numérique et sciences informatiques » n'existait pas ! Cette année, la proportion de filles ayant choisi cette option s'élevait à 18 %, contre 11 % l'année précédente, qui était la première de la réforme. Certes, nous devons progresser, mais je considère qu'il s'agit là déjà d'un bon début.

Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.

Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le ministre, pour sécuriser leur saut dans le nouvel univers de Parcoursup, les élèves doivent dorénavant s'appuyer sur les conseils de leurs professeurs principaux.

La réforme du lycée a ainsi érigé l'accompagnement à l'orientation en impératif, afin que les élèves accèdent à une information claire et à une aide individualisée. Celle-ci prévoit, en théorie, un volume annuel de 54 heures en lycée général et de 265 heures au total pour les trois années en lycée professionnel, afin d'aider les élèves à élaborer leur projet d'orientation.

Malheureusement, ces heures ne sont pas financées par le ministère de l'éducation nationale. Les établissements doivent alors décider de puiser dans leurs marges horaires pour éventuellement inscrire ces actions d'accompagnement dans les emplois du temps.

S'y ajoute l'absence de cadrage fixe, qui avait pour but au départ de faciliter l'organisation d'actions ponctuelles durant l'année scolaire, telles que les semaines de l'orientation, les forums, les périodes d'immersion en milieu professionnel ou dans les établissements d'enseignement supérieur, notamment dans les universités.

Force est de constater que les actions mises en place sont très hétérogènes – elles dépendent des établissements et des équipes – et manquent clairement de lisibilité et de cohérence.

Le retour d'expérience des professeurs principaux est quasi unanime : depuis la mise en place de Parcoursup, une responsabilité immense repose sur leurs épaules. Celle-ci est d'autant plus difficile à gérer lorsque la mission d'aide à l'orientation n'est pas fléchée.

En outre, la réforme du lycée a mis fin à l'existence du groupe classe, en raison des multiples enseignements de spécialité. Enfin, la crise sanitaire a changé la donne : les salons de l'orientation se sont transformés en visites et conférences virtuelles, parfois déroutantes pour les lycéens.

Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour que les lycéens, déjà malmenés par la crise sanitaire, ne manquent pas d'ambition, simplement à cause d'une méconnaissance des formations existantes ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, vous soulevez avec raison la question très importante de l'orientation.

Plusieurs éléments expliquent la situation actuelle. Je reconnais bien volontiers que la réforme que nous avons engagée apporte de nombreux changements. Comme toujours, la transformation des habitudes suscite des questions et des interrogations. Cela explique d'ailleurs que, pendant vingt ans, rien – ou presque ! – n'ait changé au lycée, alors que, voilà encore cinq ans, chacun constatait que le lycée et le baccalauréat étaient à bout de souffle.

D'aucuns soutenaient qu'une réforme du baccalauréat susciterait beaucoup d'objections, d'oppositions et de critiques. Tel est bien le cas depuis que nous avons mené cette réforme ! Pourtant, la majorité des lycéens y est favorable.

J'interrogeais hier encore des élèves lors d'une visite d'établissement : ceux-ci ont bien compris qu'ils disposaient désormais de plus de choix. Je me réjouis d'ailleurs que les jeunes s'intéressent à leur orientation plus tôt dans leur parcours. Nous traitons le problème à la racine : jusqu'alors, les difficultés d'orientation conduisaient à l'échec à la fin de la première année de l'enseignement supérieur.

Avant la réforme, chacun était déresponsabilisé. Or aucun spécialiste ne pouvait assumer le sujet à lui seul. C'est ainsi que l'on a « poussé la neige » : cela explique le scandale français d'un taux d'échec de 60 % à la fin de la première année de l'enseignement supérieur. Certes, les effets de nos décisions sont encore minimes, mais ce pourcentage a baissé l'année dernière. Les nouvelles générations s'interrogent plus tôt sur leur avenir et suivent des parcours d'orientation plus conformes à leurs désirs.

Je suis fier de l'une des innovations de la réforme, à savoir la présence de deux professeurs principaux en classe de terminale. Certes, ceux-ci ne sont pas omniscients, mais nous comptons sur eux pour aider les élèves et leurs familles dans l'orientation – c'est d'ailleurs leur mission depuis longtemps, mais nous l'avons réactualisée.

Une bonne orientation est l'affaire de toute la société : je pense au rôle nouveau que la loi a octroyé aux conseils régionaux. Bien sûr, la crise sanitaire a empêché la réforme de prendre toute son ampleur, mais celle-ci constitue une première étape intéressante (M. Jean-Claude Anglars proteste.), à laquelle nous pouvons apporter de nouvelles améliorations.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre, je souhaiterais évoquer la revalorisation du métier d'enseignant, des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et des accompagnants des personnels en situation de handicap (APSH).

Selon le rapport publié le 20 septembre 2021 par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les salaires des enseignants restent inférieurs d'au moins 15 % à la moyenne des 38 pays de l'organisation, même si un rattrapage a été engagé à partir de l'année 2015.

Pour l'instant, quelques primes, telles que la prime d'attractivité, la prime d'équipement informatique, la prime d'éducation prioritaire ou l'indemnité de direction d'école, sont distribuées pour masquer le problème. Toutes ces mesures ne constituent pas une réelle revalorisation des salaires des professeurs.

Certes, plusieurs mesures issues du Grenelle de l'éducation constituent des avancées appréciables pour diverses catégories de personnel, mais elles ne sauraient masquer le refus du Gouvernement d'ouvrir la question centrale de la revalorisation du point d'indice, alors qu'un contexte inflationniste s'installe durablement. Ces évolutions de revenus ne correspondent ni ne répondent à la baisse du pouvoir d'achat des enseignants. Il en résulte une perte considérable d'attractivité de leur métier.

Dans le même temps, il convient d'évoquer la situation des AESH et des APSH, qui accomplissent des missions essentielles au sein de l'école, dont le rôle inclusif a été considérablement renforcé par la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République de 2013, dite loi Peillon.

Des progrès significatifs ont été accomplis à la rentrée de 2021, grâce à l'élaboration d'une nouvelle grille et à la création d'un avancement automatique. Toutefois, l'objectif d'une rémunération reconnaissant la professionnalisation de ces personnels, qui leur permettrait de vivre dignement de l'exercice de leur métier, n'est pas encore atteint, en grande partie en raison du temps de travail qui leur est imposé.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer une réelle revalorisation de ses métiers, qui sont au coeur de notre système éducatif ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Magner, je vous remercie d'avoir énuméré la longue liste des primes que nous avons mises en place depuis notre arrivée aux affaires.

Certes, vous semblez remettre en cause leur bien-fondé, mais ceux qui les touchent s'en plaignent moins, d'autant plus que, avant ce rattrapage, les professeurs bénéficiaient de moins de primes que les autres fonctionnaires, comme nous l'avons constaté lors de l'examen du projet de loi consacré aux retraites. Il est légitime d'évoquer le point d'indice, qui est un autre sujet, mais je me réjouis de la création de ces primes.

Certaines d'entre elles, comme la prime informatique, sont universelles et valent pour tous les professeurs, tandis que d'autres, comme la prime REP+, d'un montant significatif, sont plus ciblées. Il me semble important de rappeler que cette dernière, qui s'ajoute à des primes déjà existantes, a permis une stabilisation, inconnue jusqu'alors, des enseignants dans ces établissements, grâce à son montant de 3 000 euros annuels. Il en va de même pour la prime de directeur d'école, d'un montant de 600 euros par an.

Comparons la situation d'un directeur d'école en REP+ entre 2017 et 2022. Depuis 2017, cette personne reçoit 3 000 euros de prime REP+, 600 euros de prime de directeur, 200 euros de prime informatique – contre 150 euros auparavant. Elle bénéficie en outre des classes dédoublées en grande section de maternelle, en CP et en CE1, ainsi que de plus d'AESH.

Certes, des améliorations sont toujours possibles, mais nul ne peut dire qu'il ne s'est rien passé pour cette personne durant le quinquennat, malgré le contexte difficile de la crise sanitaire.

Chacun s'accorde à reconnaître qu'il faut faire plus et mieux pour les AESH. Alors que je visitais hier un établissement à Marseille et que j'allais, comme souvent, à la rencontre des personnes qui souhaitent me présenter leurs revendications, une AESH m'indiquait, à juste titre, qu'elle ne gagnait pas assez d'argent.

Toutefois, elle a reconnu que sa situation s'était améliorée : voilà quatre ans, elle était en contrat aidé. Aujourd'hui, elle bénéficie d'un CDI et elle travaille plus de 30 heures par semaine, contre 20 heures auparavant : son salaire dépasse désormais le seuil des 1 000 euros. Sa situation devra encore être améliorée dans l'avenir, mais des progrès sont intervenus entre 2017 et 2022. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Deroche. Le ministre a épuisé son temps de parole !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. La loi de finances pour 2022 consacre 150 millions d'euros à la revalorisation des AESH et 112 millions d'euros à leur grille indiciaire, que nous avons créée. À cela s'ajoutent 24 millions d'euros pour la protection sociale complémentaire, 12 millions d'euros pour la prime inflation et, enfin, les revalorisations liées au SMIC.

Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial.

M. Édouard Courtial. Monsieur le ministre, l'école de la République est une promesse pour chacun des enfants de France : celle d'un avenir meilleur grâce au savoir, celle de l'égalité des chances, sans distinction sociale, raciale, religieuse ou encore territoriale.

Tel est le sens de la proposition de loi que j'ai déposée au Sénat en 2018, tendant à créer des REP ruraux, à l'image des actions qui ont été menées en faveur de certains quartiers urbains et qui ont donné des résultats intéressants. En effet, l'école rurale doit elle aussi relever des défis, et les conventions ruralité, lorsqu'elles existent, ne suffisent pas.

Conscients des enjeux, les élus se mobilisent fortement pour proposer des capacités d'accueil à la hauteur des attentes de leurs administrés, malgré les moyens limités dont ils disposent.

Pourtant, chaque année, la publication de la carte scolaire pour la prochaine rentrée suscite la même inquiétude pour certaines communes, malgré les investissements consentis et les projets engagés : notre école fera-t-elle l'objet d'une fermeture ? Chaque année, j'interviens auprès des services du rectorat, afin de renouer le dialogue et de le faire revenir sur des décisions difficilement admissibles et souvent perçues comme injustes.

En effet, comment comprendre que, en ville, les classes sont dédoublées, alors que, à quelques kilomètres de là, des classes sont fermées pour en gonfler d'autres ? Comment comprendre que l'État renie sa parole alors qu'aucune classe n'est censée fermer sans l'accord du maire ? Il faut sortir d'une logique purement comptable.

Monsieur le ministre, dans un village, l'école est un gage d'avenir et un élément essentiel d'attractivité. Il s'agit là d'un sujet fondamental pour l'avenir de notre pays : demain, voulons-nous une France composée de centres urbains et de déserts ruraux ou une France ayant préservé un cadre de vie diversifié et respectant ses traditions et les attentes des Français, en leur laissant le choix de leur lieu de vie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Courtial, nous souscrivons tous à l'objectif que vous mentionnez. Celui-ci n'a jamais été atteint aussi nettement que durant le présent quinquennat, grâce à la création de près de 12 000 postes malgré 280 000 élèves en moins, qui vivaient malheureusement souvent en milieu rural, je vous l'accorde.

Nous devons bâtir une stratégie consensuelle, afin de faire renaître l'école rurale, que je défends, car elle fait souvent mieux réussir les élèves que l'école urbaine ; elle est fondamentale dans la vie de notre pays.

C'est pourquoi nous avons décidé de ne jamais fermer une école rurale sans l'avis du maire. Certains avaient compris que cette mesure s'appliquait aux fermetures de classe. Or nous ne nous y étions engagés que pour la rentrée ayant suivi le premier confinement. Si nous avions pérennisé le gel des fermetures de classe, les situations auraient été figées, suscitant à terme des inégalités extraordinaires : certaines classes auraient compté 5 élèves, contre 30 ou 35 élèves dans d'autres.

Personne ne peut soutenir que le monde rural est défavorisé par rapport au monde urbain. Je suis en désaccord avec vous : les mesures prises en faveur des réseaux d'éducation prioritaire ne se font pas au détriment du monde rural, où le taux d'encadrement reste largement plus favorable que celui qui est constaté en milieu urbain. De grâce, n'opposons pas la ville à la campagne ! Menons une politique volontariste en faveur du monde rural, a fortiori lorsque de nombreuses familles souhaitent s'y installer après l'épidémie de covid-19.

Nous devons valoriser l'image du village grâce à son école. Ainsi, nous accompagnons les maires dans le développement de leur stratégie. Nous entendons favoriser les logiques pluriannuelles. J'en veux pour preuve les contrats de ruralité, qui concernent 67 départements. Ces stratégies répondent à votre attente et permettent de maintenir une classe en milieu rural, chaque fois que cela est possible.

M. Max Brisson. Les maires ruraux constatent le contraire !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous entendons non pas sauver un monde rural qu'il conviendrait de défendre, mais montrer que la renaissance de chaque village de France est possible grâce à son excellence et à son attractivité.

M. Max Brisson. La situation sur le terrain est le contraire de celle que vous décrivez !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Rietmann. Monsieur le ministre, au mois d'avril 2021, j'interrogeais Mme la secrétaire d'État Nathalie Elimas sur l'avenir de l'école dite « du socle ».

Je cite quelques mots de sa réponse : « On constate […] des points d'amélioration : le taux d'élèves ayant une maîtrise insuffisante ou fragile des acquis diminue, tant en français qu'en mathématiques. […] La prise en charge de la difficulté scolaire tout au long du parcours des élèves est bien installée dans l'établissement. […] Une amélioration des résultats au diplôme national du brevet est perceptible depuis trois ans. […] Les élèves semblent mieux comprendre et vivre les transitions inhérentes au parcours scolaire. »

Forte de ce diagnostic optimiste et encourageant, l'expérimentation menée sur le territoire de Jussey s'est poursuivie et entre désormais dans sa quatrième année.

Si la crise sanitaire a retardé l'objectivation des résultats, il n'en demeure pas moins que l'école du socle, de l'avis de la communauté éducative, produit des résultats toujours aussi prometteurs. Les élèves en milieu rural sont moins préoccupés par le changement de degré scolaire. Leurs chances de réussite sont donc optimisées.

Nous constatons également que l'école du socle a ouvert les portes d'une acculturation entre les enseignants, de la petite section de maternelle à la classe de troisième.

Comme l'indique l'intitulé de notre débat, l'heure du bilan est venue : ce dispositif est positif. Aussi, monsieur le ministre, quand et comment prévoyez-vous de consacrer les écoles du socle ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Rietmann, ces cinq ans n'ont pas été un long fleuve tranquille, et je reconnais volontiers que tout n'a pas toujours été possible.

Nous aurions voulu consacrer l'école du socle par le biais des établissements publics d'enseignement primaire (EPEP). Vous avez raison de le souligner, joindre l'école et le collège est une bonne idée, a fortiori en milieu rural, notamment en vue d'atteindre une masse critique des effectifs et, ce faisant, de sauver une école ou un collège.

Sur ce sujet comme sur d'autres, nous ne devons jamais avoir de position dogmatique : cet outil peut être pertinent dans certains territoires et moins utile dans d'autres. Toutefois, le cadre juridique actuel permet, grâce à l'expérimentation, d'aboutir à ce type de résultat. J'y suis favorable, mais je suis pleinement conscient des oppositions suscitées par ce dispositif, y compris dans cet hémicycle.

Peut-être les esprits mûriront-ils prochainement ? Si des expérimentations de ce type ont pu être menées, je ne pense pas qu'elles doivent être généralisées – sauf lorsqu'un consensus local se fait jour sur un tel projet.

Comme vous le savez, j'ai beaucoup évoqué la notion d'école de la confiance : notre pays réussira sur le plan scolaire uniquement si nous parvenons à créer des consensus politiques sur ces questions. Or ces conditions ne sont pas toujours réunies, sur le plan tant local que national. C'est pourtant ce que j'appelle de mes voeux, car, lorsque l'on y parvient, on fait réussir l'école.

Par ailleurs, je tiens à souligner devant la représentation nationale que, lors de mes nombreuses visites d'établissement, je constate l'utilité de mieux articuler l'école et le collège. Je vois aussi tant de classes et d'écoles qui vont bien, d'élèves heureux et de professeurs investis !

Monsieur le sénateur, votre question n'est ici nullement en cause, mais prenons garde à nos discours : heureusement, dans de nombreux endroits, les choses vont bien ! Certes, nous devons remédier aux problèmes, mais je vous remercie d'avoir souligné la belle réussite de cette expérimentation. (M. Julien Bargeton applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour la réplique.

M. Olivier Rietmann. Monsieur le ministre, vous évoquez les lieux où se dégage un consensus autour de ces dispositifs.

Lorsque l'école du socle a été mise en place à Jussey, j'étais maire et président du syndicat scolaire. Nous étions trois à y croire : le principal du collège, la directrice de l'école et moi-même. Nous devions faire face à l'opposition de tous les enseignants, et j'étais devenu la bête noire des syndicats de la Haute-Saône en voulant créer cette école. Il nous en a fallu, du courage et de la volonté !

Peut-être ce dispositif est-il la bonne solution pour réduire le grand écart entre les élèves les plus en retard et ceux qui sont les plus avancés. De grâce, faisons donc preuve de courage et de volonté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, notre rapporteur, Max Brisson, chez lequel nous aurons compris que vous ne partirez pas en vacances, nonobstant l'attrait et la verdure du Pays basque, a parfaitement résumé la situation : que vous le vouliez ou non, le bilan de la politique éducative française est sévère.

Pourtant, je me refuse à la perspective de voir notre pays condamné au déclin de son école. Il apparaît ainsi clairement que la faiblesse de notre système éducatif tient au manque d'une stratégie globale et de long terme.

L'école est une institution centrale au coeur de la promesse républicaine d'égalité des chances. Or celle-ci reste aujourd'hui lettre morte. Pis encore, les travaux du centre de recherches politiques de Sciences Po montrent que l'effondrement de la confiance des Français dans la démocratie s'explique largement par cette crise de la méritocratie républicaine.

La centralité de l'école réside bien sûr dans sa dimension civique ! Il est urgent d'encourager, dès l'école primaire, l'éducation à la citoyenneté et à un usage critique des médias et des écrans, par exemple, mais ces enseignements restent encore balbutiants.

Que dire de cette étude montrant que la moitié des différences de croissance entre les pays s'explique par le différentiel de niveau en mathématiques et en sciences ? Les performances de la France en la matière sont très décevantes. Cédric Villani est intarissable sur le sujet ; s'agissant des mathématiques, souffrez que je préfère son analyse à la vôtre !

Malheureusement, l'école est encore trop souvent le prétexte à des surenchères idéologiques, peu susceptibles de traiter les problèmes à la racine. Les gouvernements se succèdent et mettent en place une ou deux réformes iconiques, mais ponctuelles. Parfois, celles-ci consistent à défaire l'action du gouvernement précédent.

M. Julien Bargeton. C'est caricatural !

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, comment peut-on avoir des perceptions aussi différentes ? Les sénateurs seraient-ils tous fous ?

M. Julien Bargeton. En tout cas, certains ne témoignent pas d'un grand sens de la nuance !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Ils exagèrent souvent !

M. Jean-Raymond Hugonet. Sachez que le satisfecit ne constituera jamais une politique, et la nervosité dont vous avez fait montre au cours de ce débat en a été la preuve ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Hugonet, l'histoire jugera ! Nous en reparlerons dans quelques années.

Toute personne de bonne foi sait que les changements en matière éducative prennent du temps. Toute personne de bonne foi sait que la situation dont j'ai hérité en 2017 n'était pas reluisante. Toute personne de bonne foi sait que j'ai une stratégie, qui, certes, peut ne pas vous plaire, mais qui existe. Les objectifs sont clairs : en résumé, il faut hausser le niveau général et réduire les inégalités.

M. Max Brisson. C'est un échec !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Toute personne de bonne foi peut constater, non pas grâce à des paroles, mais grâce à des chiffres, que le niveau a monté à l'école primaire : les évaluations en attestent.

M. Max Brisson. C'est faux !

M. Julien Bargeton. Si, c'est vrai !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur Brisson, cela vous déplaît, car vous n'êtes pas dénué d'arrière-pensées politiciennes. C'est pourtant la réalité.

M. Max Brisson. Non !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur, souhaitez-vous poursuivre ce débat ? Si c'est le cas, je vous réponds ; sinon, je cesse de parler immédiatement. Je ne vous ai pas interrompu lors de votre intervention, et ce ne sont pas vos invectives…

M. Max Brisson. Elles sont justifiées !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Dans ce cas, madame la présidente, je cesse de parler. (Exclamations.)

Mme Pascale Gruny. C'est un signe de faiblesse !

M. Julien Bargeton. Tout de même, écoutons-nous !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur Blanquer, vous n'êtes pas forcément le pire ministre de ce gouvernement !

M. Julien Bargeton. Qu'est-ce que l'on aurait entendu, alors !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Trouvez-vous normal que l'on m'interrompe sans cesse ?

M. Jean-Raymond Hugonet. Souffrez que Max Brisson, dont on connaît le talent, puisse vous interpeller !

Dès le début de notre débat, vous avez affirmé que nous ne connaissions rien au terrain. Or je ne me retrouve pas dans vos propos ; j'habite à trente kilomètres de Paris, un point c'est tout ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je vous propose un défi : vous répondre sans être interrompu ni par le sénateur Brisson ni par vous-même, monsieur Hugonet. Si Mme la présidente me garantit que c'est possible, je poursuis mon développement.

Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je vous remercie, madame la présidente.

Oui, monsieur le sénateur Hugonet, ma stratégie est très claire, pour qui veut bien l'examiner : j'entends élever le niveau général et lutter contre les inégalités. Sur ces deux critères, les résultats sont là, notamment à l'école primaire, à laquelle nous avons accordé notre priorité.

Oui, ces chiffres existent bel et bien ! Je reconnais sans difficulté que nous rencontrons des limites au collège et que la réforme du lycée ne porte pas encore tous ses fruits. Mais les chiffres montrent le succès de notre politique à l'école primaire, c'est un fait. Et vous ne pouvez pas soutenir que nous n'avons pas de stratégie.

Si nous souhaitons tous faire progresser l'école de France, ne cherchons pas de vaines polémiques. Je n'ai jamais dit que tout allait bien. En revanche, j'affirme que, en cinq ans, nous avons investi : le budget a ainsi augmenté de 13 %. Nous avons défini des priorités – en l'occurrence, l'école primaire – et nous constatons les premiers résultats de nos efforts, tant en français qu'en mathématiques, puisque les élèves réussissent 26 items sur 32.

Nous sommes parvenus à traverser la crise sanitaire, puisque nous avons fait partie des 10 % de pays n'ayant pas fermé leurs écoles, malgré les innombrables critiques et oppositions entendues à ce sujet. Je prends rendez-vous avec vous : l'histoire jugera ; nous verrons ce qu'il en sera dans quelques années. Notre pays fait progresser ses enfants à l'école primaire, nous avons bâti les fondements de l'amélioration de l'enseignement secondaire et de la revalorisation des professeurs.

Beaucoup reste à faire, mais un pays ayant réussi à faire progresser ses écoliers tout en traversant une crise sanitaire ne doit pas rougir de son école. Nous devrions en être fiers collectivement, plutôt que de cultiver des polémiques. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Martin Lévrier. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, je n'ai pas évoqué ce qui, pour moi, est un échec – il s'agit du premier sujet dont nous avons parlé –, car je ne voulais pas ramener la discussion sur mon métier.

Pour autant, des actions comme La Rentrée en musique, mise en oeuvre à votre arrivée, en 2017, c'est de la pure communication ! L'éducation nationale est aujourd'hui incapable d'assurer une pratique correcte de la musique dans les écoles, ou alors c'est en mettant un professeur des écoles au milieu de la cour avec un tambourin et un pipeau. Mais ce n'est pas cela, la musique !

Là où un véritable enseignement musical est dispensé, là où l'on fait de la musique un élément éducatif majeur, il y a intervention de détenteurs d'un diplôme universitaire de musicien intervenant. Et par qui sont-ils payés, monsieur le ministre ? Par les communes que votre gouvernement est en train de saigner ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Julien Bargeton. C'est faux !


Source http://www.senat.fr, le 2 mars 2022