Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, sur la stratégie économique de l'Union européenne face à la guerre en Ukraine, à Bruxelles le 15 mars 2022.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la relance

Circonstance : Arrivée au Conseil des ministres de l'UE pour les affaires économiques et financières

Texte intégral


Bruno Le Maire : "Bonjour à tous, je suis très heureux d'être ce matin à Bruxelles pour la réunion des ministres des Finances européens sous présidence française.

Comme vous le savez, nous allons étudier aujourd'hui les conséquences économiques de la guerre en Ukraine, qui sont accompagnées d'une désorganisation des chaînes de valeurs, d'incertitudes qui pèsent aujourd'hui sur la Chine et surtout d'une flambée sans précédent des prix de l'énergie. Donc, face à cette situation économique nouvelle, nous voulons définir, ce matin, une stratégie économique commune. L'unité des 27 est la valeur la plus précieuse face à ces risques économiques.

Cette stratégie économique, nous allons la décliner en trois priorités :

La première, c'est évidemment l'accompagnement des ménages qui sont les plus touchés par l'augmentation des prix du gaz, l'augmentation des prix du carburant. Beaucoup d'États ont déjà pris des mesures pour protéger les ménages contre la flambée des prix du carburant parce que vous avez beaucoup de ménages qui n'ont pas d'autre choix, pour aller travailler, que d'utiliser leur véhicule. La France a déjà annoncé par la voix du Premier ministre un rabais de 0,15€ par litres à la pompe. D'autres pays ont également déjà annoncé des décisions et j'ai eu l'occasion d'échanger hier avec mes homologues à ce propos. Beaucoup d'autres homologues européens vont prendre des décisions similaires pour protéger les ménages contre l'augmentation des prix du carburant.

Le deuxième volet de cette stratégie, c'est la protection des entreprises. Nous voulons une protection ciblée sur les entreprises qui sont le plus touchées par les conséquences de la guerre en Ukraine, celles qui consomment beaucoup de gaz ou celles qui sont exposées au marché russe. Nous allons regarder aujourd'hui quels sont les instruments les plus appropriés. J'ai demandé à la commissaire européenne Margrethe Vestager de venir présenter, ce matin, tous les instruments qui seront mis à disposition des États pour protéger les entreprises les plus touchées par les conséquences de cette nouvelle situation économique.

Enfin, le troisième volet de cette stratégie, c'est ce qui nous a été demandé par les chefs d'État et de gouvernement à Versailles, la semaine dernière, est de préparer l'indépendance énergétique de l'Europe. C'est une priorité absolue. Nous devons devenir moins dépendants des énergies fossiles et bâtir notre indépendance énergétique. Ça passe par de la sobriété énergétique, et je crois que chacun doit avoir conscience que cette sobriété est un point de passage obligé de notre indépendance énergétique. Ça passe également par des investissements dans les énergies renouvelables. Ça passe par des investissements dans les choix énergétiques que font chaque État membre.

Enfin, nous avons deux autres sujets qui seront abordés ce matin à la réunion des ministres des Finances.

D'abord, la taxation internationale avec la taxation minimale. Les choses ont bien progressé. Je crois que toutes les difficultés techniques sont désormais levées. Il reste des réticences d'un nombre très restreint d'États membres. Nous allons en discuter ce matin pour voir si nous parvenons à lever ces réticences. Mais quoi qu'il arrive, la mise en place de cette taxation minimale sur les plus grandes entreprises est en bonne voie.

L'autre texte que nous allons étudier, il est absolument essentiel, c'est le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. J'ai bon espoir que ce matin, l'orientation générale sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières soit définitivement adoptée par les 27 ministres des Finances, ce qui nous permettra d'ouvrir la première étape vers la mise en place d'une taxation carbone aux frontières. Je veux redire à quel point c'est essentiel pour nous tous parce que nous ne pouvons pas faire des efforts majeurs pour devenir indépendant du point de vue énergétique, faire des investissements considérables pour réduire nos émissions de CO2 et, dans le même temps, continuer à importer des produits carbonés sans taxation aux frontières. Donc j'espère que, ce matin, nous pourrons avoir cette orientation générale parce que ça voudrait dire, pour la première fois dans l'Histoire des négociations commerciales, la mise en place d'un mécanisme d'ajustement carbone qui tient compte des émissions carbone de chaque produit et qui défend le modèle économique européen c'est-à-dire un modèle économique plus juste et décarbonné.


Q - There are reports this morning that China might be willing to support Russia in the war in Ukraine. If that happens and if this war drags on, are you worried about potential recession in euro zone ?

Bruno Le Maire : you know when you are looking at the current situation, European economies are resisting, they are doing well and the very last figures confirm that we have been efficient in the way we acted to the Covid crisis. We have been very efficient in the way that we promoted the economic recovery. I think that we have robust economies, and we have everything that is required to face new economic difficulties. The key issue is to keep the unity of the 27 member States and to have the same economic strategy. That's why the discussion this morning is so important, we must be exactly on the same line as far as the instruments are concerned. What is the kind of decisions that we want to take together ? What is the kind of strategy we want to implement together ? That's the core discussion we will have this morning and I have no doubt that the unity of the 27 finance ministers and the unity of the 27 European economies will be reinforced this morning through the definition of this common economy strategy.

Q - Your president, on Friday, made it clear that there is no taboos and nothing is off the table. We continue to see this invasion and right now, to be frank, it's Europe that bankrolls this invasion by keeping the taps on Russian energy. Why is there no change in that position ? Is that the Germans are pushing back against it ?

Bruno Le Maire : First of all, if you allow me, I would like to insist on the new package of sanctions that will be adopted this morning : the fastest, strongest package of sanctions ever adopted by the European Union in its History. That's a historical decision. You will have more than 600 Russian people targeted…

Q - Roman Abramovitch is in it ?

Bruno Le Maire : I don't want to give any name but you will have more than 600 Russian people being targeted by those sanctions. You will have a large part of the financial system being targeted by those sanctions. You will have a new ban on some exportations like the luxury goods and we will withdraw to the Russian state the most favoured nation clause within the World Trade Organization which will allow us – all the 27 member states - to increase the level of trade tariffs on all Russian goods. On all Russian goods. And I can confirm to you what Emmanuel Macron said last week : all options remain on not the table. Do not underestimate our determination to use all these financial and economic tools to obtain a change in this Ukraine war which is a nightmare for all of us.

Q - We know that some countries wanted to actually go further with this round of sanctions, in particular Poland. They wanted more from this fourth package of sanctions. So how can you talk about unity when some countries are actually pushing for more and others are saying « no » ?

Bruno Le Maire : You know, that's the European life. You have 27 member States with different situations, we are all aware of that but unity is our most valuable asset in this crisis. Have a look at all the efforts made by the French President last week to reinforce the European unity. I really think - and this is really my deepest belief - that we must make all efforts in every topic to reinforce this European unity. It has been from the very beginning of this Ukrainian crisis our most valuable asset. It must remain the case for the coming weeks and the coming months.

Q - Vous parlez de plus de soutien pour les entreprises, pour les citoyens, plus d'argent sur le marché. Vous ne craignez pas l'accélération de l'inflation ?

Bruno Le Maire : C'est bien pour cela que j'ai indiqué que notre stratégie économique, c'était des aides ciblées sur les entreprises. Nous allons aider des entreprises qui consomment beaucoup de gaz, qui consomment beaucoup d'énergie donc qui sont très directement touchées par la flambée des prix de l'énergie. Nous allons aider les entreprises qui sont exposées au marché russe mais ça n'est pas une aide universelle pour toutes les entreprises quelle que soit leur situation. Il faut qu'il y ait un lien avec la crise ukrainienne actuelle. Vous voyez que c'est une stratégie ciblée que nous voulons adopter ce matin.

Q - Mais vous parlez de l'aide européenne, c'est-à-dire du budget européen ?

Bruno Le Maire : C'est tout ce que nous allons regarder ce matin. Moi, j'attends les propositions de Margrethe Vestager. C'est la première fois que nous invitons Margrethe Vestager à une réunion des ministres des finances - c'est dire si la situation est exceptionnelle - pour qu'elle puisse nous présenter tous les outils qu'elle mettra à notre disposition et je vous dirai après la réunion, ce qui a été décidé".


Source https://ue.delegfrance.org, le 28 mars 2022