Interview de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, à LCI le 2 février 2022, sur la situation dans les EHPAD notamment le scandale des EHPAD Orpéa.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour et bienvenue Brigitte BOURGUIGNON.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci d'être sur LCI ce matin. Vous êtes en effet ministre en charge de l'Autonomie, donc de la prise en charge des personnes âgées, comme le disait Stéphane, beaucoup de questions sur la face cachée des EHPAD qu'on découvre avec stupeur. Vous nous direz comment ça s'est passé votre rencontre hier avec les responsables du groupe ORPEA. Mais ce dossier ORPEA s'est encore alourdi ce matin par les révélations du Canard Enchaîné, que je vais résumer en quelques instants, le directeur général du groupe, Yves Le MASNE, a vendu toutes ses actions de la société juste après avoir appris la publication du livre déflagration, « Les Fossoyeurs », qui a déclenché ce scandale, ces révélations. Il venait de recevoir une liste de questions du journaliste, en passe de publication, il a refusé de répondre aux questions, mais en revanche, il a donc revendu ses actions, il a empoché 600.000 euros, aujourd'hui, l'action a dégringolé, donc certains pourraient dire avec cynisme qu'il a eu du flair dans cette affaire. Qu'est-ce que ça vous inspire ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Un peu plus de dégoût encore s'il en fallait, puisque je pense que les révélations du livre qui seront vérifiées maintenant, déjà, en elles portaient beaucoup d'accusations, et avec beaucoup de soin, quand même apporté à cette enquête, je trouve, c'est pourquoi on l'a prise très au sérieux, et puis, je trouve que ça montre un certain cynisme, ce PDG était là depuis 28 ans, donc vous voyez bien qu'on est au coeur d'un système, je pense, que je voulais d'abord vérifier, parce que, il y a d'abord l'enquête sanitaire dans l'établissement cité dès le départ, mais il y a surtout cette inspection qu'on veut, qui soit à la fois sur les affaires sociales, mais qui soit aussi sur le côté financier de cette grosse machine, finalement, dont on s'aperçoit qu'elle a pu jouer finalement sur des dispositifs, et l'auteur du livre le dit : on était toujours sur une ligne jaune, et difficile du coup à repérer que ce genre de choses. Donc vous voyez bien que si c'est avéré, moi, je mets tout au conditionnel, parce que je ne suis pas une inspectrice, je dis simplement qu'il y aura des enquêtes approfondies à ce niveau-là, que d'autres…

ELIZABETH MARTICHOUX
On va y venir…

BRIGITTE BOURGUIGNON
On aura aussi d'autres possibilités peut-être…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a beaucoup de questions…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous venez de dire : un système, on est au coeur d'un système, c'est la phrase que vous venez de prononcer…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Je parle d'ORPEA…

ELIZABETH MARTICHOUX
D'ORPEA. Donc vous laissez entendre, vous dites, vous affirmez que c'est systémique, ce ne sont pas des cas isolés, c'est une organisation interne qui donc débouche sur des cas de maltraitance…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Je dis que c'est une organisation qui a été dénoncée, semble-t-il, et que du coup, nous programmons des inspections, moi, je n'ai pas à juger de la fin des inspections…

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord, vous l'avez dit…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Par contre, je dis que, si, en plus, des personnes quittent le navire au moment où il y a des accusations, en n'acceptant pas de répondre et d'assumer des responsabilités, et au passage, en se servant, là, c'est grave, oui, donc, mais ça, ce n'est pas à moi de commencer à programmer et à vous dire comment ça va se terminer tout ça, moi, ce que je constate, c'est qu'il se passe ça et qu'ils devront en répondre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, on va y revenir, Yves Le MASNE, c'est lui qui a empoché, selon Le Canard enchaîné, cette somme en vendant ses actions, juste au bon moment, il a démissionné la semaine dernière, ça n'est donc pas lui que vous avez reçu, ce sont deux autres responsables d'ORPEA. Comment ça s'est passé, quelle tonalité, cette rencontre ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
La tonalité, c'est que, d'abord, c'était une convocation, ce n'était pas une invitation, c'était une convocation qu'Olivier VERAN m'avait demandé de faire à cette direction pour leur dire et les informer de ce que nous lancions comme inspection, et ils étaient arrivés avec des dossiers pour nous expliquer et me remettre ces dossiers, je n'ai pas accepté de prendre quelque dossier que ce soit, je ne suis pas chargée de cette enquête, donc je leur ai bien expliqué, d'abord, notre colère, ma colère, mon émotion et surtout que, ils avaient peut-être des actionnaires à rassurer, mais moi, c'était les gens que je dois rassurer, des résidents, des familles qui sont inquiètes, et des professionnels qui ont beaucoup souffert de ces techniques.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et en face de vous, vous aviez deux hommes, quoi, qui niaient tout ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Tout, c'est-à-dire que, on a joué un peu son mon côté empathique, semble-t-il, mais ce n'est pas grave, j'ai l'habitude, et puis, qui ne se remettent pas en question en tout cas, et qui ont l'air de dire qu'ils ont des explications pour tout et qu'ils ont des preuves pour tout, donc on verra ce que ça donnera au bout du compte finalement, ces enquêtes. Mais, non, il n'y avait pas de remise en question et des phrases malheureuses.

ELIZABETH MARTICHOUX
Par exemple ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Eh bien, je crois qu'elles ont été réitérées à la presse et à la sortie, on ne peut pas à répondre à une personne qui dit que sa mère a eu deux jambes cassées par le fait que, une personne âgée ne ressent pas la douleur, ça, c'est vraiment des choses qu'on a du mal à entendre, surtout quand on est venu pour se justifier, je pense que dans ces moments-là, il faut être extrêmement discret, il faut être pudique, et surtout, arriver avec les preuves qu'on veut donner à la représentation qui sera à votre écoute ; on verra quelle sera la tonalité, il y aura une audition aussi à l'Assemblée nationale cet après-midi…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, ils vont être entendus…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Voilà, j'espère que le ton sera moins…

ELIZABETH MARTICHOUX
Arrogant ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Je n'irais pas jusqu'à l'arrogance, pff, je n'irais même pas jusque-là, ou alors, c'est du cynisme pur, mais il n'y a pas de remise en question.

ELIZABETH MARTICHOUX
Inconscience ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Pas de remise en question, je ne sais pas s'il y a de l'inconscience. Mais, ou alors, c'est…

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Il n‘y a pas de remise en question…

ELIZABETH MARTICHOUX
A la fois, une tentative de faire appel à votre caractère…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bon coeur…

ELIZABETH MARTICHOUX
De bon coeur…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Semble-t-il…

ELIZABETH MARTICHOUX
… Dans vos bonnes grâces, et puis, à côté de ça, un démenti formel, donc pas de mea culpa, pas de…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, ah, non, non, il y a…

ELIZABETH MARTICHOUX
Rien de tout cela…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Me dire aussi que, évidemment, ça n'est jamais parfait, personne n'a demandé à qui que ce soit d'être parfait, les hôpitaux ne sont pas parfaits, les cliniques ne sont pas parfaites, ce n'est pas ce qu'on dit. Mais par contre, s'il y a une gestion qui a été faite de cette manière, là, c'est grave, oui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, deux enquêtes, vous l'avez annoncé hier matin déjà, avant même de les recevoir, une enquête de l'IGAS, on va y revenir, une enquête financière. Tous ces établissements privés qui représentent 24 % du secteur, reçoivent de l'argent public, on ne s'en rend pas compte, parce que ça coûte cher aux résidents, donc, je dis, ça coûte, ça permet de tout payer, non, ils reçoivent de l'argent public pour les soins, les médecins, les infirmières et même par exemple les protections, etc. C'est payé par la puissance publique, ça, c'est important c'est le savoir…

BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est le forfait dépendance, c'est le forfait soins, c'est-à-dire c'est l'Etat et les départements.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, il s'agit de vérifier quoi, l'enquête financière ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Eh bien, que cet argent public n'a pas été utilisé pour servir d'autres intérêts que ceux pour lesquels ils sont versés, c'est-à-dire le soin et la dépendance des personnes, uniquement ça, après, pour le reste, ça ne m'appartient pas, mais nous, nous vérifions surtout cette utilisation. Et quand on entend sur les couches, sur l'alimentation, ça, on ne peut pas l'entendre, d'autant plus que là, on ne peut pas nous parler de question de moyens, dans la mesure où ce sont des établissements qui ont choisi parfois, je ne les juges pas tous, et c'est tant mieux, qu'il y ait des offres diverses et variées dans ce pays, mais pour autant, ce sont des établissements qui souvent offrent une offre hôtelière de haute qualité, qui peut faire miroiter beaucoup de choses aux yeux des gens. Ce qu'il faut regarder aujourd'hui, c'est quelles sont les prestations offertes par ces établissements, est-ce que, vraiment, il y a le médecin, est-ce qu'il y a l'infirmière de nuit, est-ce qu'il y a… c'est ça qu'on doit regarder quand on… et pas seulement la prestation hôtelière, même si, je revendique que les établissements doivent être beaux et accueillants, puisque ce sont des maisons de retraite avant tout, et ce ne sont pas des hôpitaux.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, en tout cas, éventuellement, parce que Victor CASTANET dans son livre chez Fayard, « Les Fossoyeurs », en parle, effectivement, il y a un chapitre sur ce qu'on appelle les rétrocessions, c'est-à-dire, ce qui permet éventuellement au groupe ORPEA de récupérer en fin d'année une certaine somme qui est une remise en fait d'un fournisseur qui aurait dû revenir à la puissance publique, puisque c'est payé par les dotations publiques. Mais en fait, ils empocheraient l'ensemble…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Ça fait partie des choses qu'on vérifiera et qu'on doit vérifier, et de toute façon aussi, ça fait partie aussi d'un autre ensemble, c'est-à-dire que dans ces groupements, et c'est ce qu'on va faire dans les 3 semaines qui suivent, dans des groupements privés, lucratifs de ce type, ce qu'il faut remettre, c'est que la notion d'entreprise soit une entreprise à mission, ça existe, c'est la loi Pacte, nous allons faire en sorte que ces groupements privés remettent cette philosophie de l'entreprise vers une mission, et la mission, c'est celle du grand âge, qu'il y ait du soin, qu'il y ait de la bien-traitance…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc qu'il y ait des obligations…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Et qu'il y ait des obligations.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'ils sont soumis à un cahier des charges aujourd'hui ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr, et d'abord, on n'ouvre pas un établissement comme ça en France…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais par exemple, est-ce que dans le cahier des charges, il y a une obligation de ratio entre le nombre de résidents et le personnel ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, comme tous les établissements, bien sûr, comme tous les établissements, parce qu'au départ, vous n'avez une autorisation que si vous répondez à toutes ces charges, il ne faut pas laisser… parce que j'entends trop de choses ces derniers jours, c'est assez hallucinant d'ailleurs, bien sûr qu'il y a des contrôles, bien sûr qu'il y a des autorisations qui sont délivrées, d'ailleurs, je ferai remarquer que le gros du gros des autorisations délivrées pour l'installation de grands groupements privés…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, c'est des agréments, qui est-ce qui les donne, c'est les ministres, c'est le gouvernement ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est l'ARS, non, non, ce n'est pas le gouvernement, c'est l'ARS, et c'est tout, c'est l'ARS, c'est l'autorité de tutelle, mais c'est donné, il y a eu une énorme montée en charge de ces groupements privés dans les années 97, aujourd'hui, il y en a très peu, alors, après, ça se traduit quelquefois par des rachats, et ça, il faut qu'on soit vigilant là-dessus, parce que les autorisations, elles sont données pour 15 ans…

ELIZABETH MARTICHOUX
… Des rachats par des fonds de pension qui rachètent les grands groupes…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, non, des groupements privés qui rachètent des EHPAD publics…

ELIZABETH MARTICHOUX
Qui rachètent des EHPAD publics ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr, et il y en a…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a besoin aussi d'un agrément pour ça ou pas ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, on reprend l'agrément qui existait, et donc, comme ces autorisations-là, elles sont là pour 15 ans, nous, nous voulons faire en sorte qu'il y ait des évaluations externes, externes, tous les 5 ans, pour voir si vraiment l'autorisation peut être reconduite avec le plus de clarté possible.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais Madame BOURGUIGNON, il faut qu'on s'arrête là-dessus, parce qu'on va parler des contrôles, mais, d'abord, il y a des évaluations régulières déjà des EHPAD privés, des évaluations, est-ce qu'ils sont conformes, est-ce qu'ils respectent les obligations ou pas ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Mais, de tous les établissements, il y a un cahier des charges avec des critères qui ont été transmis et qui vont être publiés, moi, je trouve que nous manquons par contre de suffisamment d'informations claires sur les sites des EHPAD. J'en ai encore discuté hier avec une personne qui cherchait une place pour son papa, et qui disait : moi, je vérifie, quelquefois, on me fait voir un beau paquet cadeau, moi, je regarde à l'intérieur ce qu'on offre comme prestations, d'abord, parce que, ce que je cherche, c'est quand même ce que je n'arrive plus à lui donner, c'est-à-dire une sécurisation de ses soins et etc. Donc voilà ce qu'on regarde d'abord dans un établissement, et ça, c'est publié, et moi, je trouve que ce n'est pas suffisamment publié, et nous avons travaillé, ne croyez pas que nous n'avons pas travaillé là-dessus, nous avons travaillé sur un référentiel, parce que je découvre que des candidats sortent des référentiels aujourd'hui, nous avons un référentiel qui est en préparation, mais nous avons préféré le faire faire, de manière stricte et encadrée par la Haute autorité de santé, pour que les choses soient claires…

ELIZABETH MARTICHOUX
Je vous entends Madame…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Et donc ce sera publié, dans 3 semaines, vous verrez que sur les sites de la CNSA notamment, nous aurons les listes des EHPAD avec les prestations offertes et vraiment l'évaluation qui en est faite.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, ça, et l'évaluation qui en est faite. On revient sur les évaluations, mais je vous pose la question que beaucoup se posent : comment la ministre ne savait pas ce qui se passait ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Mais alors ça, c'est extraordinaire ! Parce que, moi, je vais vous dire un truc, j'en ai un peu assez de ce débat en France, d'abord, on dénonce les pratiques d'un groupe, d'un groupe en particulier, tout à coup, ça devient tous les EHPAD de France traitent mal les aînés, moi, ça fait des mois que j'essaie de parler de mon sujet, ça fait des mois que j'essaie de parler de ce qu'on est en train de faire, ça fait 3 ans que je travaille sur ce sujet, comme si je découvrais que, voilà, nous avons besoin, là, de rénover, là… moi, j'en veux à la classe politique tout entière, qui, depuis 20 ans, a totalement abandonné ce secteur, ou alors fait mine aujourd'hui de jouer les offusqués, en me disant : mais Madame, qu'avez-vous fait, là, pendant les 2 dernières années. Alors, je vais rappeler à certains, quand il y a eu une crise économique, on a dit : eh bien, on ne peut pas le faire, s'occuper de rénover les EHPAD, et puis, la mandature précédente, j'ai du mal à savoir pourquoi, ça, on n'a pas pu le faire, il y a une loi, elle n'a rien prévu sur les contrôles, on ne demande pas à ces gens-là aujourd'hui...

ELIZABETH MARTICHOUX
… Ça date de François HOLLANDE, de Nicolas SARKOZY…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Ah non, non, mais, voilà, on peut tous s'amuser à faire ça, on peut tous s'amuser à faire ça, moi, je vous le dis, je termine, parce que c'est important quand même, parce que dans ce débat-là, on dit tout et n'importe quoi, et moi, j'ai des EHPAD en ce moment qui pleurent en entendant ce qu'on dit d'eux, parce qu'ils ne supportent plus. Et nous, on est en pleine pandémie, et pendant cette pandémie, où on dépense sans compter pour des établissements, pour les sécuriser où, d'ailleurs, les premiers qui ont payé le plus lourd tribut étaient les personnes âgées dans ces établissements, ça, on a su le dire. On a su le dire pendant la première crise, on n'a pas su voir par contre que nous avons commencé la campagne de vaccination par ces personnes, que n'ai-je entendu à ce moment-là, j'ai entendu des gens sur des plateaux, gériatres d'ailleurs, il va falloir qu'ils changent de métier, dire que, mais pourquoi on commence par vacciner les personnes âgées en établissement, ça ne sert à rien…

ELIZABETH MARTICHOUX
On se souvient de cela, Madame BOURGUIGNON…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Vous vous souvenez ! La deuxième chose, important aussi, quoi ! On leur demande leur consentement, mais quel gâchis de temps ! Vous vous rendez compte, comme si ce n'était pas des personnes, alors que les anti-vaccins, eux, ils ont le droit de dire qu'ils ne veulent pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
… Réclamer la demande du…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Voilà, et d'autres… non, mais on découvre…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y avait de tout…

BRIGITTE BOURGUIGNON
On découvre le secteur du grand âge et ce qu'on y fait, que nous faisons jour après jour, de manière quotidienne sur tous les sujets, on découvre ce sujet lorsqu'il y a une canicule, lorsqu'il y a un mort…

ELIZABETH MARTICHOUX
Madame BOURGUIGNON…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Lorsqu'il y a un sujet de maltraitance, point final !

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors juste une question, parce qu'on va aller jusqu'au bout, vous vous êtes mise en colère hier quand le socialiste Boris VALLAUD vous a interpellée…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Mais je suis en colère en ce moment…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a eu un « Envoyé spécial », vous l'aviez vu ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
En 2018. Dans cet « Envoyé spécial », le groupe incriminé dans le livre et d'autres étaient décrits comme maltraitant les personnes âgées, et il y avait des témoignages terribles. Bon, effectivement, qu'est-ce qui s'est passé…

BRIGITTE BOURGUIGNON
J'ai fait des enquêtes, on a fait des enquêtes sur ces…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez lancé des enquêtes ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
En 2017, il y a eu des enquêtes sur le groupe dont vous parlez, qui était dans l'enquête. Moi, quand je suis arrivé à l'Assemblée nationale…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais là, après cet « Envoyé spécial »

BRIGITTE BOURGUIGNON
Quand je suis arrivée à l'Assemblée nationale et qu'on m'a donné la présidence des Affaires sociales, la première des missions que j'ai faite, c'était une mission flash sur les EHPAD, pourquoi ? Est-ce qu'on se rappelle pourquoi, c'est parce qu'il y avait un mouvement de grève à ce moment-là, ce n'était pas de notre fait, ce n'était pas sous ma mandature, c'était avant, et donc, nous, on s'est dit : qu'est-ce qu'il faut faire, ce que je rappelle, nous avons fait une mission, et j'ai demandé une mission plus approfondie aux mêmes auteurs d'ailleurs, à Monique IBORRA et Caroline FIAT, pour leur dire : d'accord, ok, il manque de moyens, parce qu'en France, tout se résume à un manque de moyens, manque d'encadrement, et l'Etat fait mal, résumons-nous, quel que soit le sujet d'ailleurs, ça devient un peu caricatural, le débat politique…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais il y a quand même…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Moi ce que je voulais vous dire c'est que je leur ai demandé… bien sûr, mais on en a mis 20.000 de postes, et quand je parle de postes financés, depuis les deux PLFSS, 2021 et 2022, 20.000 postes financés, soignants, c'est-à-dire des postes au pied du lit, ce n'est pas des postes d'encadrement et de direction, c'est des postes au pied du lit, nous ne les trouvons pas partout, et je suis désolée, moi j'ai plein d'établissements qui me disent « je cherche du personnel Madame », et ce n'est pas une question de financement.

ELIZABETH MARTICHOUX
J'entendais Jérôme GUEDJ hier sur la chaîne LCP, député socialiste…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Président de département aussi.

ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà… qui dit il y a 15 % d'infirmières de nuit dans les EHPAD.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Moi j'ai remis, dans le PLFSS 2022, les astreintes de nuit d'infirmières, qu'il n'y avait plus, je viens de le remettre, on l'a voté…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un problème de formation ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, et puis d'attractivité des métiers. Quand on revalorise les métiers… c'est ce qu'on a fait, moi je veux bien qu'on me dise qu'on n'a rien fait, 1 milliard pour revaloriser les aides à domicile, dont on parle peu dans ce débat, et 1,5 milliard pour revaloriser, par an, pour revaloriser les salariés en EHPAD, c'est financé, c'est la cinquième branche que nous avons créée qui finance aujourd'hui cette partie, donc je veux bien qu'on m'explique qu'on est en train de rien faire, eh bien si on est en train de faire, et quand on revalorise, on redonne de l'attractivité. Nous avons nous aussi ouvert toutes les formations possibles, qui n'existaient pas, c'est-à-dire l'alternance, l'apprentissage, on a doublé les formations d'aide-soignante, ce n'est pas neutre, ça va produire ses effets.

ELIZABETH MARTICHOUX
Un mot du contrôle, plus qu'un mot, parce que c'est ça qui est au coeur aussi du sujet. Les contrôles, là vous allez en faire faire, inopinés ça sert à rien parce que le groupe ORPEA va s'organiser pour que la vitrine soit belle !

BRIGITTE BOURGUIGNON
Non, mais ce n'est pas inopinés dans 15 jours !

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est-à-dire ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Quand on dit inopinés c'est inopiné, ça peut être n'importe quand, il y a 200…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais à partir de maintenant…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Non, il y a deux choses. Il y a le sujet de la maltraitance, que nous allons vérifier, il y a, vous savez aujourd'hui, aussi des familles qui se portent partie civile, donc ils auront à répondre devant la justice également des cas, s'ils sont avérés, de maltraitance, donc il y a plein de choses qui sont en train de se passer. Et puis il y a d'autres inspections possibles, il y a aussi, on parle peu aussi des professionnels, moi je veux que les professionnels puissent s'exprimer, ce qui n'était pas leur cas, ils étaient peu bridés, on va le dire, dans leur expression, donc moi je veux qu'ils puissent… Donc je vais voir, et je vais beaucoup concerter, notamment sur la partie des trois semaines qui vont suivre, les résidents, les familles et les partenaires sociaux, parce que je crois que c'est important.

ELIZABETH MARTICHOUX
En tout cas les contrôles, j'entendais Bruno RETAILLEAU, le président du groupe LR au Sénat, dire « les contrôles, il y a trop d'instances qui interviennent, il faut une autorité, une institution, le département il déclenche les contrôles et c'est lui qui en est responsable. »

BRIGITTE BOURGUIGNON
Les départements sont tout à fait à même de faire des contrôles déjà aujourd'hui, je les entends peu, mais là ils vont certainement s'exprimer, parce qu'ils sont financeurs autant que nous.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'il y a trop d'acteurs ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Non, il n'y a pas trop d'acteurs, chacun…

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que le système de contrôle aujourd'hui est performant, Brigitte BOURGUIGNON, dites-le-moi, est-ce qu'il est performant le système de contrôle ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Je pense que oui, chacun a sa spécialité.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Je dis qu'ils auront chacun leur spécialité dans le contrôle qui est demandé, c'est-à-dire que les uns sont des financiers purs et vont contrôler le côté finances, on ne va quand même pas demander à une ARS de contrôler les finances lorsqu'il s'agit d'un système, ce qui revient au départ, par contre de regarder si l'argent public, donné pour les prestations de soins, est bien attribué sur les prestations de soins, c'est la moindre des choses, effectivement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il est performant aujourd'hui le système de contrôle ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Il n'est pas assez performant, je trouve, il vaudrait mieux qu'on ait une autorité indépendante qui rassemble un peu toutes les composantes dont on vient de parler, mais tout ça on est en train d'y travailler, moi je suis ouverte à toutes les propositions, croyez-le.

ELIZABETH MARTICHOUX
Si c'est un système, il faudra que les dirigeants du groupe en répondent devant la justice…

BRIGITTE BOURGUIGNON
On se réserve tous les droits !

ELIZABETH MARTICHOUX
En tout cas la puissance publique ne saisit pas elle la justice…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Elle peut, si elle le juge.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pourquoi vous ne le faites pas ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Parce qu'on attend, moi je procède par ordre, on ne va quand même pas tout de suite, sur les bases d'un livre, ou alors on se marche sur la tête dans ce pays, il y a des instances, il y a deux inspections qui sont loin d'être neutres, je vous assure que c'est la première fois qu'on fait une inspection de ce type, avec cette force, parce qu'on veut frapper fort, parce qu'on ne veut plus que des groupes considèrent le grand âge comme une pompe à fric, ce n'est pas ce métier-là qu'on leur demande, ce n'est pas une marchandise le grand âge.

ELIZABETH MARTICHOUX
S'il y a des sanctions, il y a une gradation, ça peut aller jusqu'à la fermeture ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Ça peut aller jusqu'à la fermeture, oui, bien sûr, et puis vous savez la sanction…

ELIZABETH MARTICHOUX
Si c'était avéré, ce qui se passe dans certaines maisons, ça vaudrait fermeture ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr, mais ça existe déjà. Les sanctions c'est soit on fait une suspension, soit quelquefois on met sous tutelle pendant un temps, pour résorber une situation, soit on ferme un établissement. Alors, ce n'est pas neutre, d'ailleurs il y aura des réponses à donner parce qu'apparemment il y a des gens qui veulent changer d'établissement, pour le coup, la punition elle vient quelquefois même à la fois de l'opinion publique et des gens qui vont craindre maintenant pour ces groupements.

ELIZABETH MARTICHOUX
Le sujet ne fait que débouler, si je puis dire, dans la campagne électorale, ça peut nuire à Emmanuel MACRON, on peut lui dire « Emmanuel MACRON n'a rien fait » ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Ah bah non, on ne peut pas lui dire qu'il n'a rien fait, pour toutes les raisons…

ELIZABETH MARTICHOUX
N'a pas fait assez pour les personnes âgées ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Je ne laisserai pas dire qu'il n'a rien fait, parce que je pense qu'on n'a jamais mis autant d'argent sur ce secteur, voilà. On a répondu à l'urgence par de l'argent, par du financement. Quand on met 2,1 milliards pour rénover des EHPAD qui sont dans un état, très vétustes par endroits, dans lesquels les professionnels font un travail remarquable dans ces conditions-là, je pense qu'on ne peut pas dire qu'on ne fait rien pour les personnes âgées, loin s'en faut.

ELIZABETH MARTICHOUX
« Les fossoyeurs » chez Fayard, signé Victor CASTANET, Madame la ministre vous devez recevoir beaucoup de messages, beaucoup de témoignages…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Je reçois beaucoup de témoignages.

ELIZABETH MARTICHOUX
La parole est libérée, j'imagine, et les familles…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, moi ce que je veux c'est les entendre, absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'avoir été ce matin sur LCI.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Merci.

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonne journée à vous, bonne journée à tous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 février 2022