Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du gouvernement, à France Info le 25 mars 2022, sur la présence des entreprises françaises en Russie, les relations franco-russes, le conflit en Ukraine, le recours par le gouvernement à des cabinets privés de conseil, le programme électoral d'Emmanuel Macron et la situation en Corse.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

MARC FAUVELLE
La France est le premier employeur privé aujourd'hui en Russie, que dites-vous aux entreprises qui sont restées sur place, doivent-elles baisser le rideau et cesser leurs activités ?

GABRIEL ATTAL
On a décidé, au niveau européen, et avec les alliés, un certain nombre de sanctions, je rappelle que l'objectif de nos sanctions c'est de renchérir le coût de la guerre pour la Russie avec l'espoir qu'à un moment donné, entre la résistance ukrainienne, qu'on accompagne avec la livraison d'équipements de défense, d'équipements militaires, et d'aide humanitaire, et puis de l'autre côté l'impact des sanctions, le pouvoir russe de dise que ça coûte trop cher et qu'il soit contraint de revoir ses calculs. Sur les entreprises, les sanctions qui ont été actées sont principalement des sanctions qui consistent à dire qu'il ne faut pas faire de nouveaux investissements en Russie, d'ailleurs un certain nombre…

MARC FAUVELLE
Mais les entreprises qui y sont donc, n'ont pas l'obligation d'arrêter ?

GABRIEL ATTAL
Non, en revanche…

MARC FAUVELLE
Aucune d'entre elles ?

GABRIEL ATTAL
En revanche, elles n'ont pas la possibilité d'investir sur de nouveaux projets, d'extension ou autres, en Russie, d'ailleurs il y a plusieurs entreprises françaises qui avaient devancé cette sanction en annonçant, dès le départ du conflit, qu'elles ne feraient pas de nouveaux investissements. Ensuite vous avez…

MARC FAUVELLE
Donc par exemple AUCHAN n'ouvre pas de nouveaux magasins, mais peut conserver les magasins actuels.

GABRIEL ATTAL
Voilà, ensuite vous avez d'autres règles de sanctions qui existent, notamment pour des importations, exportations de produits, d'intrants, etc., c'est ça les sanctions qui existent.

MARC FAUVELLE
La règle est la même pour toutes les entreprises, y compris celles dont l'Etat est actionnaire, je pense à EDF, à RENAULT par exemple, il n'y a pas de consigne particulière, ce n'est pas vous gouvernement qui êtes intervenu pour demander à RENAULT de fermer son usine ?

GABRIEL ATTAL
Non, en revanche, on ne s'y est pas opposé, vous avez raison, on est présent au conseil d'administration, l'Etat, de RENAULT, on ne s'est pas opposé à leur décision, une entreprise privée peut prendre une décision de se retirer de Russie, pour des raisons, ça peut être des raisons industrielles, des raisons d'organisation, des raisons d'image, et évidemment on respecte toutes les décisions qui sont prises par les entreprises françaises.

NEÏLAS LATROUS
Sur la question de l'image, Yannick JADOT accuse spécifiquement TotalEnergies d'être complice de crimes de guerre en continuant à rester en Russie, est-ce que la complicité de crimes de guerre c'est le bon terme ?

GABRIEL ATTAL
Je ne vais pas répondre à des phrases qui sont moins prononcées à trois semaines de l'élection présidentielle, par des candidats…

NEÏLAS LATROUS
Vous, vous ne l'auriez pas forcément dit ?

GABRIEL ATTAL
Pour essayer de créer le débat autour d'eux, je crois d'ailleurs que le président de TOTAL s'est exprimé sur le sujet, TOTAL a pris aussi des engagements et donné de la visibilité sur la réduction, puis, je crois, la disparition de ses importations de pétrole russe…

MARC FAUVELLE
Mais pas de gaz, pas du gaz qui est l'essentiel de son marché.

GABRIEL ATTAL
Voilà. Vous savez, quand on prend des décisions, en tout cas s'agissant de la France, des alliés, de l'Europe, des mesures, on se pose deux questions. Un, est-ce que ça participe à notre objectif de renchérir le coût de la guerre pour les Russes, et deux, est-ce que ça nous pénalise plus que ça ne pénalise les Russes ou pas ? Voilà ce qui nous guide. Ce qu'on veut, quand on prend des sanctions, c'est qu'elles soient efficaces, efficaces dans notre objectif de faire reculer la Russie.

MARC FAUVELLE
Mais vous savez que le marché du gaz et du pétrole aujourd'hui en Russie il est tenu par les amis de Vladimir POUTINE. Quand on extrait du pétrole aujourd'hui en Russie, quelque part l'argent, qu'il soit en roubles, en euros, en dollars ou en ce qu'on veut, il termine dans la poche des oligarques, qui sont les mêmes que ceux que nous avons sanctionnés.

GABRIEL ATTAL
D'abord je rappelle qu'on a gelé les actifs des oligarques, je crois que c'est 800 millions d'euros…

MARC FAUVELLE
Mais on gèle ici, mais on les enrichit là-bas.

GABRIEL ATTAL
D'actifs qui ont été gelés, dans énormément de pays, qui se sont unis autour de ces sanctions, et ensuite il y a toujours une réflexion et toujours un travail au niveau européen pour aller plus loin dans les sanctions, on regarde évidemment tout ce qui est possible de faire, on essaye d'avancer unis, c'est ça je crois notre force depuis le début de ce conflit, c'est d'avoir pris les décisions ensemble, et probablement que la Russie ne s'attendait pas à ce qu'il y ait une telle unité européenne pour prendre des sanctions, dont je rappelle qu'elles ont été massives. L'économie russe vacille, la Russie est en état de cessation de paiement, ou quasi, on a gelé les actifs de la Banque centrale, le rouble s'est effondré, la Bourse de Moscou a été fermée plusieurs semaines, est encore fermée partiellement, je veux dire on voit cet impact très fort sur l'économie russe.

NEÏLAS LATROUS
Quand vous dites geler les actifs, qu'on comprenne bien, ça veut dire que le jour où la guerre s'arrête ces actifs sont restitués aux oligarques.

GABRIEL ATTAL
Oui, ça veut dire qu'il ne peut pas y avoir aujourd'hui de transfert d'actifs.

NEÏLAS LATROUS
C'est une décision le temps que la guerre s'arrête.

GABRIEL ATTAL
Ça veut dire qu'il ne peut pas y avoir de transfert d'actifs aujourd'hui, de ventes, de transfert de propriétés, etc., il y a dans certains cas, je crois, des saisies, mais c'est principalement des mesures de gel des actifs.

NEÏLAS LATROUS
Hier Yannick JADOT, qu'on évoquait il y a quelques instants, a aussi remis en cause la relation instaurée par Emmanuel MACRON avec Vladimir POUTINE, je vous propose de l'écouter.

YANNICK JADOT
On n'est pas obligé de lui serrer la main, et surtout pas comme le fait le président MACRON de le tutoyer, ça c'est certain. On ne rencontre pas Vladimir POUTINE à Brégançon, on le rencontre dans un cadre européen, avec les autres dirigeants européens, c'est toujours comme ça que se construisent les rapports de force, il ne peut y avoir ni naïveté, ni arrogance, ni complaisance, dans les rapports avec la Russie.

NEÏLAS LATROUS
Emmanuel MACRON a été naïf, arrogant, complaisant ?

GABRIEL ATTAL
Il a toujours dit les choses, droit dans les yeux, y compris d'ailleurs, on se souvient d'une conférence de presse ça, je crois que c'est quand il l'avait reçu à Versailles en 2018, où il a dit les choses extrêmement clairement, y compris sur l'ingérence russe dans les médias. Ensuite, la Russie ne va pas déménager, la Russie c'est un voisin, elle restera un voisin, il y aura une relation avec la Russie de toute façon, et donc il faut continuer à dialoguer, mais en se disant les choses. Le président de la République il continue à échanger avec Vladimir POUTINE d'abord à la demande du président ZELENSKY, je le rappelle, le président ZELENSKY qui a demandé plusieurs fois à pouvoir discuter que Vladimir POUTINE, Vladimir POUTINE qui a refusé, et donc le président ZELENSKY régulièrement demande au président de la République d'appeler Vladimir POUTINE pour faire l'intermédiaire entre les eux et passer un certain nombre de messages, ça c'est la première chose. Ensuite, quand je vous disais tout à l'heure que notre objectif c'est de pousser la Russie à revoir ses calculs et ses plans, le moment où ça arrivera, on espère que ça va arriver, il faut qu'il y ait un canal de discussion qui soit ouvert pour qu'on puisse se mettre autour de la table et discuter. Et la troisième chose, c'est que l'échange avec Vladimir POUTINE permet, on l'espère, sur certains points, parfois des détails, parfois des points plus importants, d'avoir quelques avancées. Je vous donne un exemple, sur la question de la sécurité et de la sûreté des centrales nucléaires, on a vu qu'on est passé à côté peut-être d'une catastrophe, avec des échanges de tirs qui ont eu lieu autour de la centrale de Zaporijjia, il y a une situation tendue à Tchernobyl, donc il y a une mobilisation du président de la République avec l'Agence internationale de l'énergie atomique, Vladimir POUTINE, les autorités ukrainiennes, pour tenter de garantir la sécurité et la sûreté des centrales nucléaires en Ukraine.

MARC FAUVELLE
Sur les centrales nucléaires, justement Gabriel ATTAL, Jean-Luc MELENCHON, le candidat des Insoumis qui était hier soir l'un des invités de France 2, a fait une proposition, je ne sais pas si vous l'avez entendue, si ce n'est pas le cas je vous propose de la réécouter.

JEAN-LUC MELENCHON
Si moi je suis le président, j'envoie les Français faire Casques bleus devant les centrales nucléaires. Pourquoi il s'arrêterait ? Mais parce qu'on renverse la charge du fou au fort, c'est-à-dire " eh bien vas-y, vas-y, tu veux taper une centrale nucléaire et tuer les Français qui sont devant… " parce qu'alors là on ripostera.

MARC FAUVELLE
Des Casques bleus français envoyés en Ukraine devant les centrales nucléaires, c'est une bonne idée ou pas ?

GABRIEL ATTAL
Je vous disais à l'instant qu'il y a une mobilisation très forte pour garantir la sécurité et la sûreté des centrales, avec l'Agence internationale de l'énergie atomique, les Russes et les Ukrainiens.

MARC FAUVELLE
Ce n'est pas la même chose que d'envoyer des Casques bleus.

GABRIEL ATTAL
Les Casques bleus, je rappelle, je ne sais pas si c'est à ça que Jean-Luc MELENCHON faisait référence, qu'il faut une autorisation, une décision du Conseil de sécurité des Nations unies pour envoyer les Casques bleus, je rappelle que la Russie est membre du Conseil de sécurité des Nations unies, donc je ne suis pas là à exclure par principe, parce que c'est Monsieur MELENCHON, des propositions, il faut par définition regarder tout ce qui peut être utile, mais il faut aussi voir quelles sont les contraintes aujourd'hui dans lesquelles nous évoluons.

MARC FAUVELLE
Hier, lors du sommet de l'OTAN, Joe BIDEN a fixé une ligne rouge très claire, il a dit " si jamais la Russie devait faire usage d'armes chimiques ou d'armes bactériologiques dans ce conflit en Ukraine, ce serait une ligne rouge qui nécessiterait donc une intervention directe. " Emmanuel MACRON, à qui la question a été posée, lui aussi n'a pas dit la même chose, ça veut dire que si la Russie utilise ces armes la France ne réagira pas ?

GABRIEL ATTAL
Non, mais d'abord ça veut dire que dire aujourd'hui qu'une prochaine étape constituerait une ligne rouge, ça veut dire, en creux, ou ça peut vouloir dire en creux, qu'on considère que ce qui se passe aujourd'hui est acceptable, ce n'est pas une ligne jaune qui a été franchie par la Russie quand elle a décidé d'envahir l'Ukraine…

MARC FAUVELLE
Quand Joe BIDEN dit ça, ça veut dire intervention directe de l'armée américaine, ce n'est pas comme aujourd'hui.

GABRIEL ATTAL
Oui, mais je veux être très clair sur ce sujet-là, notamment pour les personnes qui nous écoutent, on ne considère pas que c'est une ligne jaune d'avoir va envahir l'Ukraine, d'avoir bombardé et dévasté des villes comme Marioupol, la réaction elle a été immédiate, elle a été massive, en termes de sanctions et en termes d'intervention d'équipements auprès de l'Ukraine. Ensuite je vous ai dit tout à l'heure qu'on cherchait en permanence comment renforcer notre action, évidemment notre action en matière de sanctions, il y a un Conseil européen qui a commencé à se tenir hier, qui se tient aujourd'hui, précisément pour continuer à avancer sur ces questions-là, de l'efficacité et de la puissance des sanctions à l'encontre de la Russie, et ensuite il y a l'accompagnement qu'on peut faire à l'Ukraine, et le président a rappelé hier que nous continuerons à livrer à l'Ukraine des équipements militaires défensifs pour qu'ils puissent se défendre et tenir face à la Russie. Ensuite, on cherche évidemment toujours à augmenter l'efficacité de notre action.

NEÏLAS LATROUS
Gabriel ATTAL, le rapport accablant de la commission d'enquête du Sénat fait couler beaucoup d'encre, fait beaucoup réagir, rapport sur l'explosion du recours à des cabinets privés par le gouvernement, près d'1 milliard d'euros dépensés l'an dernier, est-ce que ces cabinets de conseil sont devenus un Etat dans l'Etat ?

GABRIEL ATTAL
Non. Il y a toujours eu un recours aux cabinets de conseil…

NEÏLAS LATROUS
Plus l'an dernier.

GABRIEL ATTAL
Que ce soit en France ou dans beaucoup de pays dans le monde, la quasi-totalité des pays du monde, également dans des collectivités locales en France, des régions…

MARC FAUVELLE
Pas à ce point-là.

GABRIEL ATTAL
Des mairies, il y a eu une crise sanitaire, à un moment où vous devez mobiliser toutes les forces possibles, vous adjoindre de toutes les forces possibles, et effectivement il y a une augmentation de cabinets d'experts auxquels l'Etat a eu recours pendant la crise sanitaire pour accompagner le déploiement de la campagne de vaccination, notamment. Est-ce que ça veut dire qu'on considère que le recours à des experts peut ou doit se faire sans cadre, évidemment non, évidemment non, et le président de la République a eu l'occasion de le rappeler, il faut que ce soit fait avec parcimonie, il faut surtout que ce soit fait…

MARC FAUVELLE
Un milliard vous trouvez que c'est encore de la parcimonie ?

GABRIEL ATTAL
Non, justement, ce que je suis en train de dire c'est qu'il y a eu une situation exceptionnelle pendant la crise sanitaire, à un moment où, encore une fois, l'objectif c'était d'être le plus rapide possible et donc de mobiliser des forces, des experts, des compétences, en dehors de l'Etat, pour venir accompagner l'effort, mais je rappelle que c'est une augmentation qu'on a vue sur l'année 2021, ponctuelle, auparavant…

NEÏLAS LATROUS
Mais est-ce qu'il y a eu des erreurs…

MARC FAUVELLE
Ça a augmenté sur toutes les années depuis le début du quinquennat, c'est ce que dit le rapport du Sénat.

GABRIEL ATTAL
Non, quand vous regardez dans les premières années du quinquennat, ça correspond grosso modo à ce qu'on voyait dans le quinquennat précédent, mais encore une fois, le président l'a dit, il faut que ce soit fait avec parcimonie, il faut que ce soit fait pour des compétences ou des missions dont on ne dispose pas, des compétences dans l'Etat, et donc ce cadre-là il est posé, il y a même à un objectif qui a été fixé de diminution des dépenses pour 2022, et donc les choses sont posées.

NEÏLAS LATROUS
Est-ce que dans l'urgence vous vous êtes fait avoir tout de même, parce que ce que révèle aussi le rapport de la commission d'enquête c'est qu'il y a eu des copier-coller de rapports confiés à d'autres au gouvernement, qu'il y a eu des missions qui en réalité n'ont jamais donné lieu à aucun livrable, est-ce que vous dites " eh bien oui, peut-être que dans la précipitation on sait fait avoir " ?

GABRIEL ATTAL
Mais ça, je ne peux pas vous répondre précisément sur ce qui a été rendu, etc., en tout cas moi ce que je veux dire c'est que ce rapport qui a été remis par le Sénat, la rapporteure de la commission d'enquête est une sénatrice communiste, montre bien qu'on a communiqué…

MARC FAUVELLE
Coécrit avec un élu les Républicains.

GABRIEL ATTAL
Oui, montre bien qu'on a communiqué toutes les informations, je veux dire on a été transparent sur ce sujet-là.

MARC FAUVELLE
Vous n'avez pas le choix, c'est une commission d'enquête.

GABRIEL ATTAL
Oui, mais je veux dire qu'il y a une transparence absolue, qu'on communique toutes les informations, et qu'on communique aussi sur notre objectif qui est évidemment de revenir à un cadre, une fois que la campagne de vaccination, la crise sanitaire est passée, habituel de recours aux cabinets…

MARC FAUVELLE
Ce qui a surpris, Gabriel ATTAL, dans cette affaire, c'est aussi que l'un de ces principaux cabinets, McKinsey en l'occurrence, ne paye pas d'impôts en France depuis 10 ans, c'est l'une des conclusions également ce rapport du Sénat, vous l'avez appris quand ça ?

GABRIEL ATTAL
Ça moi je l'ai appris quand j'ai vu la presse qui en faisait l'écho.

MARC FAUVELLE
C'est-à-dire qu'à aucun moment, depuis le début du quinquennat, l'Etat ne s'est inquiété de savoir si l'une des entreprises à qui il donne des centaines et des centaines de millions d'euros, paye des impôts ou pas ?

GABRIEL ATTAL
Je suis porte-parole du gouvernement, je ne suis pas ministre à Bercy, mais…

MARC FAUVELLE
Il n'y a pas vérification, quand un appel d'offres est passé, il n'y a pas, dans la petite fiche à remplir, " doit payer ses impôts en France " ?

GABRIEL ATTAL
Je pense que si, et surtout on a…

MARC FAUVELLE
Alors dans ce cas-là il y a eu mensonge ?

GABRIEL ATTAL
On a une mobilisation absolue de ce gouvernement, de l'Etat depuis 2017, pour que les entreprises, qui font des bénéfices en France, payent leurs impôts en France. Moi je veux rappeler…

MARC FAUVELLE
Pas d'impôt sur les sociétés depuis 10 ans.

GABRIEL ATTAL
Mais moi je veux rappeler quand même, Marc FAUVELLE, ce qui a été fait depuis 2017. Qu'est-ce qu'on a fait ? On a mis en place, on est un des premiers pays au monde à le faire, une taxe Gafa, sur les géants du numérique qui ne payaient pas leurs impôts en France, Google, Amazon, Facebook, ça rapporte 400 millions d'euros par an. On s'est mobilisé au niveau international pour obtenir précisément une taxe internationale pour lutter contre ce phénomène dont on parle, qui est celui de l'optimisation fiscale, ça veut dire quoi ?

MARC FAUVELLE
Alors il s'est passé quoi ?

GABRIEL ATTAL
Ça veut dire que vous avez des entreprises qui font des bénéfices en France, mais dont la maison mère se trouve à l'étranger et elle leur facture des frais tellement élevés que, à la fin, elles peuvent déclarer qu'elles ne font pas de bénéfices.

MARC FAUVELLE
Mais alors il s'est passé quoi dans le cas de McKinsey ? Vous nous expliquez tout ce que le gouvernement a fait…

GABRIEL ATTAL
Il y a une enquête Marc FAUVELLE, sur le cas de McKinsey, il y a une enquête judiciaire qui est en cours, donc moi je ne vais pas là vous faire des commentaires…

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'on attendant les contrats avec ce cabinet sont suspendus ?

GABRIEL ATTAL
Ce que je veux dire, encore une fois, c'est qu'il y a une détermination absolue de notre part, je rappelle qu'on a… quand on a constaté que des entreprises faisaient l'optimisation fiscale, comme celle-là, quand bien même elles étaient dans " les clous " de la loi, parce que la taxe mondiale sur laquelle on a poussé, sur laquelle on avance, elle n'est pas encore en place, on a mis des amendes, Google, 1,5 milliard d'euros d'amende par l'Etat français, précisément parce qu'il y avait eu l'optimisation fiscale, Apple 1 milliard d'amende, donc notre main n'a jamais tremblé, et McKinsey, comme l'a dit Bruno LE MAIRE, McKinsey paiera ce qu'elle doit.

NEÏLAS LATROUS
Au sujet toujours de la fiscalité, de la fiscalité des particuliers cette fois, une mesure passée inaperçue dans un projet d'Emmanuel MACRON, l'exonération fiscale pour les concubins, ou en tout cas que les couples qui vivent en concubinage puissent remplir une déclaration d'imposition commune. Concrètement comment ça marche, il faudra prouver qu'on vit avec quelqu'un, est-ce que ça ne vaut que pour ceux qui vivent ensemble, ou est-ce que ça vaut pour les unions libres, même pour les personnes qui ne vivent pas ensemble ?

MARC FAUVELLE
On peut s'aimer à distance.

GABRIEL ATTAL
Alors, d'abord c'est une mesure importante pour deux raisons, la première c'est qu'elle tient compte des évolutions de la société. Vous avez des couples qui vivent ensemble, parfois depuis très longtemps, qui n'ont pas fait le choix de se marier, ou même de se pacser…

NEÏLAS LATROUS
Donc il faudra vivre ensemble.

GABRIEL ATTAL
Mais qui vivent ensemble ; non, mais je dis déjà l'état de la société ; et ensuite c'est une mesure aussi de pouvoir d'achat, puisque vous savez que quand vous êtes un foyer fiscal, vous bénéficiez du quotient conjugal, et donc si vous avez disparité forte de revenu entre les deux membres du couple, vous payez moins d'impôt, ça va de quelques centaines d'euros à quelques milliers d'euros, et donc ce que nous on propose, dans le cadre de la campagne présidentielle, c'est effectivement de permettre à des couples en concubinage de bénéficier de ce dispositif fiscal, du foyer fiscal, quand bien même ils ne sont pas mariés ou pacsés.

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'il faudra nécessairement vivre sous le même toit ?

GABRIEL ATTAL
Vous me demandez quelles sont les conditions pour pouvoir…

MARC FAUVELLE
Oui, c'est un point qui concerne je crois 7 millions de personnes, si Emmanuel MACRON est élu, est-ce qu'il faudra être sous le même toit ?

GABRIEL ATTAL
Oui, si Emmanuel MACRON est réélu, vous aurez un gouvernement, vous aurez des ministres concernés qui vont mettre en place cette mesure, qui vont en définir les paramètres.

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'il faudra prouver qu'on est en concubinage ou est-ce que par exemple des personnes qui sont en colocation pourraient en profiter ?

GABRIEL ATTAL
Vous avez aujourd'hui à l'étranger, c'est un dispositif qui existe à l'étranger, un droit qui existe notamment dans certains pays anglo-saxons, des conditions qui sont posées, il faut prouver qu'on vit ensemble, qu'on vit ensemble depuis un certain temps, je ne sais pas si c'est les conditions qui seront retenues pour la France, ça sera précisé si le président de la République est réélu et que le gouvernement qu'il aura nommé est chargé de mettre en place cette mesure de son programme, mais en tout cas je pense que ça serait un progrès important pour beaucoup de Français.

NEÏLAS LATROUS
Et précision importante, est-ce qu'il faudra faire une déclaration commune ou est-ce que ce sera une possibilité, parce que la mesure telle qu'elle est présentée aujourd'hui fait des gagnants, des perdants, est-ce que si je suis perdant je peux choisir de continuer à faire ma déclaration de mon côté, le concubin de son côté ?

GABRIEL ATTAL
Alors ça pour le coup c'est très clair, et je peux vous répondre dès maintenant sur ce point, ce sera évidemment une option, c'est une option qui sera offerte aux couples, on ne va pas obliger des couples qui ne sont pas mariés, pas pacsés, à déclarer leurs impôts ensemble, ça leur sera proposé et évidemment j'imagine que les Français regarderont si ça les avantages, et si c'est le cas, décideront le faire.

(…)

MARC FAUVELLE
Toujours avec Gabriel ATTAL. Emmanuel MACRON a présenté son programme il y a quelques jours et annoncé que s'il est réélu le RSA sera soumis à des contreparties, 15 à 20 heures d'activité d'insertion chaque semaine pour pouvoir le conserver, c'est quoi une activité ?

GABRIEL ATTAL
Alors d'abord pourquoi on fait cette proposition…

MARC FAUVELLE
Ce n'est pas ma question.

GABRIEL ATTAL
Oui, mais c'est important pour les gens qui nous écoutent…

MARC FAUVELLE
Parce que vous allez nous dire le RSA, il y a le A d'activité qui n'est pas respecté depuis des années.

GABRIEL ATTAL
Absolument, vous avez bien suivi…

MARC FAUVELLE
On vous écoute !

GABRIEL ATTAL
Mais tout le monde n'a pas forcément entendu. Non, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le RSA c'est un filet de sécurité qui permet de verser une allocation à des Français, et qui doit leur permettre de s'insérer, de retrouver un emploi, qu'aujourd'hui vous avez, chez les bénéficiaires du RSA, au bout de 7 ans, vous n'en n'avez qu'un tiers qui a retrouvé un emploi, c'est bien, donc, que sur le volet de l'insertion et du retour vers l'emploi…

NEÏLAS LATROUS
C'est que ça ne marche pas.

GABRIEL ATTAL
On peut s'améliorer et on doit s'améliorer, aussi pour la dignité des bénéficiaires.

MARC FAUVELLE
Un stage, par exemple, est-ce que c'est une activité ?

GABRIEL ATTAL
Donc qu'a dit, qu'a proposé le candidat Emmanuel MACRON ? Il a proposé que, s'il est réélu, les bénéficiaires du RSA aient en contrepartie effectivement 15 à 20 heures d'activité menant vers l'insertion sociale et dans l'emploi. Qu'est-ce que ça peut être ? vous savez, ça existe déjà pour d'autres dispositifs, notamment le Contrat d'Engagement Jeune, ex-Garantie jeunes, qui existait, ça peut être des ateliers de préparation sur la présentation de sa candidature, sur la rédaction d'un CV, ça peut être des formations, ça peut être des mises en situation professionnelle, des immersions en entreprise, ou dans des collectivités locales, c'est une palette de solutions qui existent…

NEÏLAS LATROUS
Mais ce n'est pas ce qui existe déjà, il y a déjà un contrat d'engagement réciproque quand on touche le RSA, ça change quoi d'appeler ça activité d'insertion versus contrat d'engagement réciproque ?

GABRIEL ATTAL
Aujourd'hui vous prenez l'ensemble des bénéficiaires du RSA, il n'y en a que 40%, je crois, qui ont signé leur contrat d'engagement réciproque, et quand je dis qui ont signé, ce n'est pas « uniquement » de leur faute, c'est aussi la collectivité qui est chargée de les suivre, donc on voit bien qu'on peut améliorer ce dispositif et qu'on doit l'améliorer.

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'on pourra refuser par exemple une formation ou est-ce que si on la refuse on sera immédiatement rayé ?

GABRIEL ATTAL
Ce qu'a annoncé le candidat, ce qu'il a proposé dans son programme, encore une fois c'est qu'il y ait ces heures, en contrepartie, pour les bénéficiaires…

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'il y aura des exceptions ?

GABRIEL ATTAL
Donc ce sera une contrepartie. Il a dit qu'il y avait des situations spécifiques où il faudra des adaptations notamment pour les mères célibataires pour qui il y a des vraies complications du quotidien et ça peut être très difficile de se rendre à une formation ou autre, et donc on cherchera toujours les solutions, que ce soit des solutions en termes de garde d'enfants ou des adaptations, mais, je veux rappeler, le sens de la mesure c'est quand même de dire que quand vous êtes bénéficiaire du RSA vous avez cette contrepartie, et par ailleurs ce n'est pas une obligation uniquement pour les bénéficiaires, c'est une obligation aussi pour la collectivité publique, pour l'Etat, pour les pouvoirs publics, d'être en capacité, de se mettre en capacité, de mettre en face de chaque bénéficiaire du RSA des formations, des ateliers, des mises en situation professionnelle, pour qu'ils puissent retourner vers l'emploi.

NEÏLAS LATROUS
Autre réforme, celle des retraites, âge de départ à 65 si Emmanuel MACRON est réélu, c'est que dès le départ que vous touchez, pas la durée de cotisation, elle reste la même ?

GABRIEL ATTAL
Ce qui a été proposé par le candidat effectivement c'est de fixer l'âge de départ à 65 ans.

NEÏLAS LATROUS
On pourra quand même partir plus tôt, sous conditions, ceux qui ont des carrières longues, ceux pour qui il y a de la pénibilité, enfin, c'est 65 ans pour tout le monde ou il y a quand même des exceptions ?

GABRIEL ATTAL
Evidemment que vous avez des personnes qui ont commencé à travailler très jeunes, que vous avez des personnes qui ont eu des métiers pénibles, avec des conditions de travail pénibles, donc évidemment que tout cela sera pris en compte, par ailleurs on veut aussi…

NEÏLAS LATROUS
Il y a une concertation qui a été annoncée, par ailleurs.

GABRIEL ATTAL
Oui, bien sûr.

NEÏLAS LATROUS
Donc ça veut dire que la réforme ne rentre pas en application là à la fin de l'année, ça sera pour la fin du prochain quinquennat si Emmanuel MACRON est réélu.

GABRIEL ATTAL
Non, je ne crois pas, je crois que ça sera une des réformes dès le début du quinquennat, mais il y aura une concertation, il y aura une discussion, mais ce que je veux dire aussi c'est qu'on va beaucoup travailler sur la carrière professionnelle, que des personnes qui ont un métier pénible, évidemment qu'il faut les accompagner, les former, pour qu'elles puissent, à un moment dans leur carrière, aller vers un métier moins pénible. Je rappelle aussi qu'il y a d'autres mesures qui sont proposées dans le programme…

NEÏLAS LATROUS
Elles vont vers un métier moins pénible, mais elles partent quand même à 65 ans !

GABRIEL ATTAL
Dans le programme d'Emmanuel MACRON, Neïlas LATROUS, vous avez, on parlait du RSA tout à l'heure, le versement à la source, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de candidats qui le proposent ça, ça veut dire que comme on l'a fait…

MARC FAUVELLE
Il y a un candidat, il y a 5 ans, qui l'avait proposé.

GABRIEL ATTAL
Comme on l'a fait avec le prélèvement…

MARC FAUVELLE
Gabriel ATTAL, il y a un candidat qui l'avait proposé il y a 5 ans…

GABRIEL ATTAL
On n'a pas pu tout faire.

MARC FAUVELLE
C'est le vôtre, déjà.

GABRIEL ATTAL
On n'a pas tout faire, dans ce quinquennat il y a eu un certain nombre de crises, et par ailleurs c'était un revenu universel d'activité, c'était un peu différent, là ce qu'on veut c'est, sur le modèle du prélèvement à la source, avoir quelque chose d'automatique qui arrive sur les personnes qui ont droit à des aides, puisque vous avez des Français qui ont droit à des aides, mais qui n'y ont pas recours.

MARC FAUVELLE
Juste pour revenir à la question des retraites, pardon, c'est nous qui sommes partis sur un autre chemin, qui pourra encore s'arrêter à 62 ans ?

GABRIEL ATTAL
Mais, Neïlas LATROUS le disait, il y aura une concertation avec les partenaires sociaux, et c'est pour ça justement qu'on veut construire cette réforme avec eux, et donc je ne peux pas vous donner de là les modalités très concrètes d'organisation de cette réforme, précisément parce qu'on veut la faire dans la concertation, dès lors que le président de la République aura été réélu, mais l'objectif c'est bien que globalement on travaille tous plus longtemps, ça va se faire de manière progressive, ça ça avait été annoncé, une augmentation de l'âge de départ sur 10 ans, à raison de 4 mois par an, je crois, ensuite vous avez des adaptations, des modalités, et c'est normal, qui seront fixées, dès lors que le président de la République aura été réélu, avec les partenaires sociaux.

NEÏLAS LATROUS
Peut-être un mot de la Corse.

MARC FAUVELLE
Allez-y Neïla.

NEÏLAS LATROUS
Aujourd'hui le corps d'Yvan COLONNA sera inhumé cet après-midi à Cargèse, avec le ministre de l'Intérieur, qui pour faire baisser la pression, Gérald DARMANIN, a annoncé il y a quelques jours pourquoi pas réfléchir à une autonomie de la Corse, ça veut dire quoi autonomie, est-ce que vous travaillez sur un transfert de compétences ?

GABRIEL ATTAL
D'abord ce n'est pas nouveau qu'on veuille travailler sur la question institutionnelle en Corse…

NEÏLAS LATROUS
Ce n'est pas nouveau, mais pareil, ça se fait partie des sujets qui auraient pu arriver plus tôt dans le quinquennat et que vous n'avez pas eu le temps de faire avancer.

GABRIEL ATTAL
Oui, enfin moi je rappelle qu'Emmanuel MACRON a parlé dès 2018 de la question de l'autonomie en Corse…

MARC FAUVELLE
Et puis plus rien.

GABRIEL ATTAL
Il faut être deux pour discuter, et on souhaite…

MARC FAUVELLE
Les autonomistes étaient toujours volontaires…

GABRIEL ATTAL
On souhaite avancer sur cette question-là. Ensuite vous avez déjà des dispositifs spécifiques qui existent en Corse, des dispositifs institutionnels, fiscaux, spécifiques.

NEÏLAS LATROUS
Mais c'est le ministre de l'Intérieur qui parle d'aller plus loin avec l'autonomie.

GABRIEL ATTAL
Oui, on peut toujours regarder comment améliorer les choses en termes de répartition des compétences, en termes de dispositifs qui existent. On fixe pour le coup deux préalables, le premier c'est évidemment la Corse reste dans la République, et le deuxième c'est qu'il n'y ait pas, en France, deux catégories de citoyens, une fois qu'on a dit ça on peut regarder comment on peut être plus efficace, comment est-ce qu'on peut mieux travailler ensemble.

MARC FAUVELLE
Est-ce que tout ça doit faire l'objet de négociations, de discussions, ou est-ce que tout ça devra être tranché à la fin par exemple par un référendum en Corse ou dans toute la France ?

GABRIEL ATTAL
Ça je ne peux pas vous répondre sur la fin…

MARC FAUVELLE
Sur un point aussi important ?

GABRIEL ATTAL
Non, ce que je peux vous dire c'est qu'il y a une méthode de travail qui a été décidée, une forme d'accord de méthode entre les autorités corses et le ministre de l'Intérieur, pour que les travaux démarrent au début du mois d'avril, sur plusieurs mois, il y a des groupes de travail qui vont se réunir régulièrement, ensuite je pense qu'en fonction des propositions qui émergeront de ce travail on verra comment les mettre au débat et comment les acter, mais d'abord il faut qu'il y ait ce travail, il faut se parler, il faut discuter, il faut regarder quelles sont les pistes possibles.

MARC FAUVELLE
Gabriel ATTAL, porte-parole du gouvernement, était ce matin l'invité de France Info, porte-parole du gouvernement et soutien du candidat Emmanuel MACRON, merci, bonne journée à vous.

GABRIEL ATTAL
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 mars 2022