Interview de Mme Nathalie Élimas, secrétaire d'État à l'éducation prioritaire, sur CNews le 27 janvier 2022, sur les restrictions sanitaires, la situation dans certains quartiers difficiles à Brest et le séparatisme.

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Texte intégral

ROMAIN DESARBRES
Ce matin vous allez entendre, dans un instant, l'appel à l'aide d'un brestois qui vit dans un quartier dangereux, qu'il ne peut pas quitter faute de moyens financiers, menaces, trafic de drogue au pied de l'immeuble et incapacité à neutraliser 30 délinquants qui tiennent la cité. Reportage dans un instant, et puis on va en parler avec vous Nathalie ELIMAS, bonjour Madame la ministre.

NATHALIE ELIMAS
Bonjour.

ROMAIN DESARBRES
Secrétaire d'Etat chargée de l'Education prioritaire, et avec vous Guillaume PERRAULT, rédacteur en chef du « Figarovox », bonjour Guillaume et à tout de suite tous les deux.

(…)

ROMAIN DESARBRES
(…) On a vu les chiffres de la France, au Danemark c'est quasiment la même situation, nombre de contaminations record, et pourtant le Danemark lève les restrictions à partir du 1er février prochain. Alors je vous pose cette question, est-ce qu'il faut faire pareil en France, le Danemark lève ses restrictions, malgré le nombre de cas record, la France doit-elle faire pareil ? Vous dites oui à 87 %, non à 13 %, attention, ce n'est pas un sondage, c'est une consultation. On en parle ce matin avec Nathalie ELIMAS, secrétaire d'Etat chargée de l'Education prioritaire et Guillaume PERRAULT, rédacteur en chef du « Figarovox. » Vous auriez répondu quoi Nathalie ELIMAS, il faut lever les restrictions ou pas ?

NATHALIE ELIMAS
Sur les restrictions sanitaires, sur la deuxième question ?

ROMAIN DESARBRES
Oui.

NATHALIE ELIMAS
C'est ce qu'on est en train de faire progressivement. Le Premier ministre a déroulé un calendrier…

ROMAIN DESARBRES
Là ils lèvent tout, ils lèvent tout à partir du 1er février.

NATHALIE ELIMAS
Ça c'est la stratégie qui a été choisie par ce pays.

ROMAIN DESARBRES
C'est la stratégie du Danemark.

NATHALIE ELIMAS
La nôtre est différente. Je vais quand même vous dire quelque chose qui est très intéressant sur la levée de ces restrictions et les protocoles en général. En France on a tout fait pour garder les écoles ouvertes, eh bien je peux vous dire, moi qui voyage, qui fait des déplacements à l'étranger, notamment en Europe, c'est plébiscité et c'est même envié par nos voisins. Donc, nous avons notre stratégie, nous la déroulons, évidemment sous couvert de ne pas voir arriver un nouveau variant d'ici là, mais, voilà, on a une ligne, on s'y tient, tester beaucoup, vacciner beaucoup, et on avance dans ce sens.

ROMAIN DESARBRES
Encore une fois ce n'est pas un sondage, mais les gens qui votent sur le compte Twitter de CNews sont massivement pour une levée rapide des restrictions.

NATHALIE ELIMAS
Eh bien je le comprends bien, ça fait deux ans qu'on y est, on a tous envie de pouvoir respirer à nouveau, bien sûr.

(…)

ROMAIN DESARBRES
Allez, on va parler de Brest, on a vu ce monsieur, il s'était confié à nos confrères du « Télégramme », on l'a vu, on a envoyé une équipe, Mickael CHAILLOU est allé le rencontrer, ça a été un tournage compliqué, et on le voit, il se dit prisonnier chez lui, c'est quand même fort, quand on rentre chez soi, normalement on est bien chez soi, on est content de rentrer chez soi, on est content d'être bien chez soi, c'est une liberté, c'est la propriété privée, bref, c'est la famille, c'est les amis. Lui vit un enfer, il a l'impression d'être en prison, qu'est-ce que vous avez envie de lui dire à ce monsieur ce matin, Nathalie ELIMAS ?

NATHALIE ELIMAS
D'abord, évidemment, je suis désolée quand j'entends ce type de témoignage, et tout simplement que ce n'est pas à lui d'avoir envie de partir, mais au contraire c'est aux délinquants qu'il faut demander de partir et qu'il faut mettre dehors. Ça me fait étrangement penser à ce qui se passe à Marseille, bien évidemment, où, vous savez, on a mis en place le plan Marseille pour prendre des mesures fortes justement et lutter contre cette délinquance qui ne cesse de s'accroître. Je rappelle aussi que sous ce quinquennat, qui n'est pas encore terminé, il n'y aura jamais eu autant de bleu dans les rues, on a mis énormément de moyens. Alors, j'ai vu aussi le sondage, vous l'avez dit madame, justement 9 Français sur 10 c'est préoccupant, parce que là on est bien dans le ressenti. moi quand je regarde, je ne viens pas là pour vous faire un débat chiffré et vous égrener des chiffres, mais quand je regarde concrètement ce qui a été fait sous ce quinquennat, avec les renforts de police, de gendarmerie, +10.000 hommes sur le terrain, avec le budget alloué au ministère de l'Intérieur, plus de 3 milliards d'euros, avec le budget qui est alloué au ministère de la Justice, avec la création supplémentaire de places en maisons d'incarcération, dont 7000 vont être livrées cette année, il y a eu un effort massif, et pour autant j'entends, à travers ce sondage, et le désespoir de ce monsieur que vous avez interrogé, que le ressenti est encore, malheureusement, loin des moyens que l'on a mis sur le terrain.

ROMAIN DESARBRES
…Ils montent cette tente, une tente au milieu d'un parking, au milieu de la résidence, c'est censé être un restaurant clandestin, très bien, visiblement le restaurant clandestin ne dérange pas grand monde, et en réalité on y vend de la drogue, ce n'est pas caché, c'est au milieu de la cité sur les places de voitures, dans le square, Guillaume PERRAULT.

GUILLAUME PERRAULT
Tous vos téléspectateurs doivent se demander ce matin, en regardant ce témoignage poignant, c'est s'il y a vraiment 30 ou 50 voyous endurcis qui pourrissent la vie d'un quartier, pourquoi la police ne les arrête pas.

ROMAIN DESARBRES
Ça, tous les téléspectateurs, et nous tous autour de la table !

NATHALIE ELIMAS
Mais des renforts ont été envoyés.

GUILLAUME PERRAULT
Tout le monde se pose cette question…

NATHALIE ELIMAS
Des renforts ont été envoyés aussitôt à Brest, un Bac de jour qui a été créée, des effectifs de police…

GUILLAUME PERRAULT
J'entends bien, mais enfin Madame…

NATHALIE ELIMAS
Et c'est justement parce qu'on a mis les moyens qu'on est capable d'être aussi réactif.

GUILLAUME PERRAULT
C'est possible, Madame, mais en tout cas visiblement ce n'est pas du tout ce que ressent, et vit même, ce n'est pas seulement un ressenti, la personne dont nous venons d'entendre le témoignage et qu'il est naturel de prendre en compte, aussi.

(…)

NATHALIE ELIMAS
J'entends ce que vous venez de dire, notamment sur le séparatisme, là encore je rappelle tout ce qui a été mis sur le terrain, comme moyens pour lutter, la fermeture des commerces, des écoles, de ces lieux de culte, etc., mais évidemment la situation n'est pas réglée aujourd'hui pour autant ; après ce creuset-là il est là depuis, pas depuis 3 ans, 4 ans, 5 ans, ça fait 10, 20, 30 ans aujourd'hui que l'on subit…

ROMAIN DESARBRES
C'est vrai qu'on a le sentiment que, de président en président, de gouvernement en gouvernement, il y a une volonté…

NATHALIE ELIMAS
Mais les moyens ont été mis…

ROMAIN DESARBRES
Mais est-ce qu'il y a un courage politique, parce qu'il faut un courage politique, il faut assumer des images, si on envoie des policiers….

NATHALIE ELIMAS
On a un ministre de l'Intérieur aujourd'hui qui dit frontalement qu'il lutte contre les zones de non-droit, qu'il lutte contre la drogue, alors évidemment on voit ces réactions derrière sur le terrain. Le courage politique il est là, les moyens, je vous l'ai dit, ont été mis, les moyens humains également ont été mis sur le terrain, et puis ce n'est pas tout, le président de la République, comme vous le savez, s'est exprimé de tout récemment sur ce qu'il projette pour 2030 encore en termes de moyens humains ou encore en termes de moyens financiers. Et puis moi je voudrais, je ne sais pas, quel âge ont ces délinquants-là, tous ces jeunes, parce qu'il y a un sujet aussi avec l'école bien évidemment, ces jeunes…

ROMAIN DESARBRES
Il y a comme partout des mineurs… et des majeurs.

NATHALIE ELIMAS
Qui sont parfois des mineurs, eh bien feraient mieux d'être à l'école, et c'est aussi cette réponse-là que l'on doit apporter, et c'est ce que l'on fait notamment, je vous le disais, à travers le plan Marseille, dans les écoles, dans les collèges et dans les lycées, l'objectif c'est de ramener ces jeunes dans les établissements plutôt que de les laisser dans les rues, donc voyez bien que la réponse est collective. Vous avez parlé de l'ANRU, de ces quartiers de reconquête républicaine, les moyens sont là, ils doivent être déployés massivement, mais, pardon de le dire aussi, tout ça ne peut pas se régler en un an ou en deux ans, on est bien d'accord.

ROMAIN DESARBRES
Oui, mais enfin un quinquennat c'est cinq ans, on est d'accord également, donc le président de la République n'est pas là depuis hier.

NATHALIE ELIMAS
C'est juste, mais quand on parlait de séparatisme précédemment, je vous ai dit aussi tout ce qui avait été fait en termes de fermeture et de lutte. Je rappelle que la loi confortant les principes républicains nous dote aujourd'hui d'outils juridiques que nous n'avions pas il y a cinq ans, on était… entre le rien, et le terrorisme, il y avait vraiment un vide, aujourd'hui on a les outils juridiques qui nous permettent de lutter, mais encore une fois les choses ne se font pas en six mois ou en un an.

(…)

ROMAIN DESARBRES
(…) En revanche, quand on habite dans le quartier de Pontanézen, oui le pouvoir d'achat est une question effectivement, mais il n'y a pas besoin de faire un sondage pour comprendre la question de la sécurité, et la question de sécurité c'est la liberté, pouvoir sortir de chez soi tranquillement…

INTERVENANTE
C'est la première des libertés.

ROMAIN DESARBRES
C'est la première des libertés, tous autour de la table on peut sortir de chez soi tranquillement dans la rue, ce monsieur ne peut pas, Madame la Ministre.

NATHALIE ELIMAS
C'est ce que je vous disais, j'entends évidemment la détresse de cet individu, mais là encore…

ROMAIN DESARBRES
Parce qu'elle est là la réalité, excusez-moi de vous couper, il sort de chez lui, il doit regarder ses chaussures.

NATHALIE ELIMAS
Mais je ne nie absolument pas les faits…

ROMAIN DESARBRES
Je sais que vous ne les niez pas, mais…

NATHALIE ELIMAS
Bien sûr qu'il faut apporter des réponses et que, sur le quartier de Pontanézen en particulier, avec la naissance de ces émeutes et de ces violences urbaines, parce que justement nous avons suréquipés les moyens, nous avons aussi été capables de répondre instantanément, ça ne veut pas dire pour autant que demain le problème sera réglé et que, je vous le dis, il est plus…

ROMAIN DESARBRES
Ça se réglera en combien de temps ?

NATHALIE ELIMAS
Je ne sais pas répondre à cette question-là, le plus tôt possible, et le plus vite possible, il faut évidemment arrêter, mettre un terme à ces émeutes, et permettre à ces individus, à ces gens du quartier, de pouvoir ressortir le plus tôt possible de chez eux, mais je n'ai pas la réponse malheureusement…

(…)

ROMAIN DESARBRES
Quand je dis assumer politiquement, c'est ça aussi, c'est que quand on va taper, après il faut assumer qu'il y ait des voitures qui brûlent, enfin il faut assumer, tout cas c'est ce qui se passe.

GUILLAUME PERRAULT
C'est ça, c'est aussi le grand argument des pouvoirs publics successifs, c''est qu'ils vous disent regarder « oui, certes, il y a des émeutes, mais c'est la preuve que nous agissons puisque les voyous ripostent », d'accord, mais enfin toujours est-il que là…

NATHALIE ELIMAS
Pardon, je pense que le ministre de l'Intérieur, d'une part, ne manque pas de courage, et puis vous parlez des gouvernements successifs, on peut reculer un petit peu, et notamment se rappeler quand même que sous Nicolas SARKOZY, alors peut-être qu'on disait qu'on était sur le terrain, mais dans le même temps en enlevait 12.500 policiers et gendarmes sur le terrain aussi, donc pardon !

GUILLAUME PERRAULT
Est-ce que vous croyez vraiment que votre remarque…

NATHALIE ELIMAS
Question d'effectifs, oui, je le crois, la preuve…

GUILLAUME PERRAULT
Va toucher les personnes qui habitent ce quartier…

NATHALIE ELIMAS
Mais bien sûr.

GUILLAUME PERRAULT
Et qui répondent à cette objection.

NATHALIE ELIMAS
Alors on ne renforce pas les équipes selon vous ?

GUILLAUME PERRAULT
Non, mais enfin il y a un tel décalage entre votre argument et ce que vivent ces gens…

NATHALIE ELIMAS
C'est bien ce que j'ai dit, c'est bien ce que je dis quand je regarde, et les budgets, et les moyens humains, qu'on a déployés pendant ce quinquennat, et effectivement le sondage, que vous avez présenté ce matin, il y a un réel décalage entre le ressenti sur le terrain de ces Français qui habitent dans ces quartiers qui sont fortement frappés et tous les moyens que nous avons mis en place justement pour éradiquer ces situations.

ROMAIN DESARBRES
Ce n'est pas un ressenti, c'est une réalité, la réalité que vivent… le ressenti c'est ce qu'avait dit JOSPIN, vous le savez très bien.

GUILLAUME PERRAULT
Le sentiment d'insécurité.

NATHALIE ELIMAS
Il l'a payé cher.

ROMAIN DESARBRES
Oui, oui, il l'a payé cher, c'est la réalité, il a peu en sortant de chez lui, et depuis sa fenêtre, quand il est tranquillement dans son salon, il voit des trafiquants de drogue.

NATHALIE ELIMAS
La réalité c'est aussi ce que je vous ai dit, ces moyens supplémentaires, alors dans ce cas-là ça signifie qu'on partait vraiment de très très loin.

ROMAIN DESARBRES
Merci beaucoup Nathalie ELIMAS, merci beaucoup d'être venue ce matin sur le plateau de « La matinale », merci à vous


source : Service d'information du Gouvernement, le 28 janvier 2022