Déclaration de Mme Marlène Schiappa, ministre de la citoyenneté, sur les actions en faveur des jeunes dans un objectif de citoyenneté, au Sénat le 2 février 2022.

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Circonstance : Audition au Sénat devant la Mission d’information culture citoyenne

Texte intégral

M. Stéphane Piednoir, président. - Madame la Ministre, merci de vous être rendue disponible malgré un agenda que je sais extrêmement contraint.

Pour votre information, je précise que notre mission est composée de 21 sénateurs issus de tous les groupes politiques. Elle doit sa création à l'initiative du groupe RDSE, qui a désigné comme rapporteur l'un de ses membres, Henri Cabanel. Notre rapport, avec ses préconisations, sera rendu public au mois de juin.

Les sujets que nous avons abordés à ce jour concernent l'éducation à la citoyenneté, plus particulièrement dans le cadre scolaire, mais aussi lors de la Journée défense citoyenneté. Nous nous intéressons notamment au rôle de la transmission de la mémoire dans l'éducation des futurs citoyens : nous avons ainsi entendu votre collègue Geneviève Darrieussecq et nous accueillerons prochainement la directrice générale de l'ONAC.

Parallèlement à l'éducation des futurs citoyens, nous attachons beaucoup d'importance aux politiques publiques susceptibles d'encourager l'engagement des jeunes. Le service civique occupe une place décisive dans notre réflexion. Nous avons échangé hier avec des jeunes volontaires accompagnés par Unis-Cité et nous entendions tout à l'heure la présidente de l'Agence nationale du service civique (ANSC). D'autres séquences suivront sur le service national universel.

Enfin, le troisième axe de notre réflexion est lié à l'abstention, qui concerne tout particulièrement les jeunes électeurs.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Madame la Ministre, je joins mes remerciements à ceux du président pour votre disponibilité.

Il existe de nombreuses actions en faveur des jeunes dans un objectif de citoyenneté : le Service national universel (SNU), le service civique, les conseils de jeunes auprès des collectivités territoriales et l'enseignement moral et civique. Ne serait-il pas possible de coordonner toutes ces actions au sein d'un même ministère, ce qui offrirait davantage de lisibilité ?

Estimez-vous envisageable, voire souhaitable, de valoriser l'engagement citoyen des jeunes en leur attribuant des avantages dans le cadre de leurs études, tels que des points supplémentaires aux examens, une baisse des droits d'inscription dans l'enseignement supérieur... ?

Pouvez-vous présenter un bilan du dispositif d'accès à la nationalité pour les ressortissants étrangers mobilisés pendant la crise Covid et nous parler des cérémonies de naturalisation qui ont été organisées dans ce contexte ?

Nous entendions la semaine dernière la sociologue Anne Muxel sur la perception de la vie politique par nos jeunes concitoyens. Selon certaines analyses sociologiques, les jeunes sont particulièrement concernés par l'abstention, mais ils ne sont pas pour autant dépolitisés. Ils sont très intéressés par des engagements au profit de la collectivité, par exemple dans le cadre associatif. Les jeunes que nous avons entendus hier nous l'ont confirmé. Comment, selon vous, donner envie à cette génération de participer davantage aux élections, tant nationales que locales ?

Enfin, êtes-vous en mesure d'évoquer avec nous les conseils de jeunes ? D'après les témoignages d'élus locaux, les remontées de terrain sont pour la plupart positives en termes d'éducation citoyenne. Ces dispositifs offrent aux jeunes une bien meilleure connaissance des institutions que ce qu'ils apprennent en éducation morale et civique dans le cadre scolaire. Toutefois, il semble que dans ce domaine, la marge de progrès soit considérable. Avez-vous des pistes pour encourager ces conseils qui peuvent, s'ils sont bien accompagnés, jouer un rôle très positif pour donner envie aux jeunes de participer à notre vie démocratique ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. - Je suis très heureuse d'être auditionnée dans le cadre de votre mission sur la culture citoyenne. Les actions de culture citoyenne qui sont menées au ministère de l'intérieur s'inscrivent pleinement dans la feuille de route que j'ai présentée lors de ma nomination, notamment sur l'incarnation de la République qui protège et la manière de faire vivre les valeurs de la République. Ce sont deux fondamentaux qui se répondent et qui sont extrêmement importants. Incarner cette République qui protège, c'est aussi affirmer à chacun que sa citoyenneté constitue une part de son identité et lui garantit un socle important de droits et de devoirs. Nous avons la chance, en France, d'avoir une citoyenneté qui a du sens et qui peut s'incarner par des accomplissements concrets.

Toutes et tous, ici, nous sommes engagés. J'ai présidé une association pendant dix ans puis j'ai été élue locale avant d'être membre du Gouvernement. Ce sont des actions de citoyenneté. Nous devons pouvoir transmettre aux jeunes cette envie de s'engager dans la vie démocratique.

Vous vous intéressez au rôle de la transmission de la mémoire dans l'éducation des futurs citoyens : la transmission des mémoires est en effet fondamentale. À mon niveau, j'ai organisé un certain nombre d'évènements mémoriels qui ont permis de travailler sur le sujet. Je pense notamment à l'hommage que j'ai rendu récemment à Renée Périni-Pagès, qui a été la première femme élue dans un conseil municipal après avoir été engagée dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est important de rendre hommage à ces héros et héroïnes que l'histoire a parfois oubliés.

Concernant les atteintes aux élus, je déplore que l'expression métaphorique selon laquelle un maire doit être « à portée de baffe » soit de plus en plus souvent prise au pied de la lettre. Je pense à la violence physique, mais également aux menaces sur les réseaux sociaux ou aux courriers racistes, misogynes et menaçants. Cette violence contribue à détourner un certain nombre de générations du combat public. Beaucoup de jeunes femmes qui sont engagées dans des associations me disent qu'elles n'ont pas envie de cette vie de violence. Elles estiment que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Je rencontre beaucoup de personnes qui ne veulent pas s'engager dans la vie démocratique en raison de cette violence. C'est pour cela que nous sommes mobilisés, avec le ministre de l'intérieur, pour lutter contre ces actes inqualifiables. Beaucoup d'élus sont sous protection policière : je le déplore ! Nous ne devrions pas avoir à en arriver là. Le débat, y compris vigoureux, fait partie de la vie politique, mais pas la violence. Il est important de le rappeler et de s'indigner à chaque fois.

Vous connaissez mon attachement à la laïcité en tant que principe structurant qui permet d'être citoyen. Nous avons voulu, avec le Premier Ministre et le Président de la République, développer cette culture de la laïcité, avec notamment des référents laïcité, la création d'un bureau de la laïcité au ministère de l'intérieur, conjoint du bureau des cultes, et un comité interministériel à la laïcité. La laïcité n'a pas la définition que certains lui donnent. Il s'agit d'un principe lié à la citoyenneté qui nous permet d'être ensemble et de partager un même espace de vie.

Pour diffuser la culture de la citoyenneté, nous avons créé une Unité de contre-discours républicain (UCDR), qui permet à la fois de lutter contre les discours islamistes et, surtout, de partager les valeurs de la République sur les réseaux sociaux. Lancée en septembre dernier sur toutes les plateformes, cette unité permet, par exemple, de rappeler comment la Constitution a été construite, de présenter les coulisse du Sénat, de l'Assemblée nationale ou de l'Élysée, d'expliquer comment on fabrique une loi. Nous avons demandé à des associations de nous accompagner. J'ai créé le fonds Marianne, doté de deux millions d'euros. Il nous permet de diffuser ces discours d'adhésion à ce qu'est la République avec dix-sept acteurs associatifs.

Vous avez évoqué la naturalisation des travailleurs étrangers ayant été en première et deuxième ligne pendant le confinement : ce sujet me tient particulièrement à coeur. Pour des raisons qui m'échappent, la presse ne s'en empare pas du tout. Nous avons du mal à mettre en avant ces beaux parcours d'intégration, alors que ces personnes ont permis au pays de tenir ! Plus de 17 000 personnes ont obtenu la nationalité française par ce biais. Nous avons organisé quelques cérémonies. Je pense notamment à la cérémonie au Panthéon présidée par le Président de la République. Une nouvelle cérémonie de naturalisation sera bientôt organisée avec le ministre de l'intérieur à Paris, dans un lieu culturel éminent.

Dans le même état d'esprit visant à valoriser des beaux profils citoyens, j'ai créé le programme des « 109 Mariannes ». Y participent, notamment, une générale de gendarmerie, une astrophysicienne candidate pour une expédition sur la Lune, une jeune pompière volontaire le jour et aide-soignante la nuit, une maire, une intervenante sociale en gendarmerie, une auxiliaire en EHPAD ou encore une avocate en droits humains. On s'inspire en général, pour incarner Marianne, de visages d'actrices : ces femmes disent quelque chose du visage de la France d'aujourd'hui. Marianne est aujourd'hui plurielle. Ces portraits, visibles sur le site du ministère de l'intérieur, ont été exposés devant le Panthéon, où j'ai accompagné les visites de plusieurs groupes scolaires afin que des jeunes puissent s'identifier à ces modèles positifs. C'était très émouvant. J'ai également accompagné un certain nombre d'associations issues de quartiers difficiles à l'occasion de leur visite du Panthéon.

La question de la jeunesse est fondamentale. Les jeunes sont très engagés dans leur vie quotidienne. Pourtant, ils ne se rendent pas aux urnes. Nous avons créé le dispositif Les prodiges de la République dans l'objectif de valoriser des citoyens, jeunes et moins jeunes, qui se sont engagés et ont incarné la citoyenneté, notamment pendant la crise sanitaire. Il m'a semblé important de récompenser le meilleur de la nature humaine. Je pense à une couturière qui a confectionné des masques pour tout son village lorsqu'il était difficile d'en trouver, à un jeune homme qui s'est présenté spontanément pour être bénévole à l'hôpital, à un autre jeune homme qui s'est organisé pour monter leurs courses aux personnes âgées qui vivaient à des étages élevées, à des étudiants qui ont mis en place une épicerie solidaire ouverte... Ce sont quelques exemples parmi beaucoup d'autres. À la suite de l'appel à candidatures que j'ai lancé, 20 000 dossiers nous ont été proposés par les préfets et les services de préfecture. Cela démontre à quel point il existe, dans notre pays, une force vive qui a envie de s'engager pour les autres, au service du bien commun. Les « prodiges » ont été sélectionnés par un jury. Là encore, cela n'a pas beaucoup intéressé la presse nationale et les chaînes de télévision, au contraire de la presse quotidienne régionale. Ce dispositif montre pourtant un autre modèle de jeunesse, engagé, loin des clichés que l'on peut parfois présenter.

Il est tout à fait possible de repenser les périmètres ministériels afin de couvrir l'entièreté des sujets même si, dans le même temps, les sujets liés à la citoyenneté sont profondément interministériels. Ils sont liés au ministère de la culture, au ministère de la jeunesse, au ministère chargé de la mémoire et des anciens combattants, au ministère de l'éducation nationale... Cette politique est profondément interministérielle, comme l'est d'ailleurs le SNU, dont les objectifs consistent à renforcer la cohésion nationale, à garantir un brassage social et territorial de l'ensemble des jeunes d'une classe d'âge, à accompagner l'insertion sociale et professionnelle des jeunes et à valoriser les territoires et le patrimoine culturel. Le ministère de l'intérieur participe activement à ce dispositif, qui est piloté par la secrétaire d'État en charge de la jeunesse et de l'engagement. Les policiers et les gendarmes sont pleinement mobilisés. Plus de 2 000 missions d'intérêt général ont été proposées aux jeunes dans des services de police, de gendarmerie et d'incendie et de secours. En 2021, 15 000 jeunes, dont 56 % de jeunes filles, ont été accueillis dans les 122 centres de cohésion. Ils y ont vécu une expérience unique qui leur a permis de sortir de leur vie habituelle. Je pense à un jeune homme harcelé au quotidien qui s'est, pour la première fois, senti valorisé et considéré par un groupe.

La citoyenneté passe aussi par le respect et la reconnaissance de celles et ceux qui risquent leurs vies tous les jours pour nous protéger. Nous avons soutenu et financé des initiatives qui visent à faire se rencontrer les policiers et le reste de la population, notamment dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ces actions sont fondamentales car elles contribuent à déconstruire les stéréotypes de part et d'autre.

Les taux de participation aux élections sont en baisse, ce qui est dramatique. Il est essentiel que la démocratie ne soit pas un privilège. Il y a deux générations encore, les femmes ne pouvaient pas voter. Des femmes se sont battues pour obtenir ce droit. Célébrer les combats féministes implique aussi d'aller voter. Cela illustre les avancées qui ont été réalisées pour les droits des femmes en matière de citoyenneté. Les jeunes s'engagent mais cet engagement ne se traduit pas toujours par un vote. Cette situation est préoccupante. Nous devons absolument identifier les ressorts de l'abstention et les mesures qui permettraient de la réduire.

Les cérémonies de remise officielle de la carte d'électeur à 18 ans pourraient être systématisées. D'ailleurs, nous avons fait évoluer les cartes électorales, puisqu'elles contiennent désormais un QR Code qui permet notamment de s'assurer de son inscription et de connaître les dates des prochaines élections. Cela ne suffit évidemment pas pour convaincre d'aller voter. L'engouement pour le vote relève du rôle des candidats et des partis politiques. J'ai aussi demandé aux plateformes de se mobiliser pour communiquer les dates des élections ou en diffuser les résultats. Cela contribuera à installer le vote et la démocratie comme faisant partie de la vie quotidienne. Nous avons repoussé la date limite d'inscription sur les listes électorales au début du mois de mars. Il n'est donc pas trop tard pour s'inscrire !

J'ai toujours un peu de mal lorsque j'entends des gens dire qu'ils ne seront pas disponibles pour aller voter parce qu'ils ont prévu autre chose. Le vote est un droit civique, mais c'est également un devoir citoyen. Malheureusement, ce discours est difficile à transmettre à une partie de la population.

Enfin, le Président de la République a souhaité faire de la lecture une grande cause nationale de cette année. J'ai saisi cette occasion pour créer, en partenariat avec le ministère de la culture, le premier festival du livre citoyen. Il se tiendra le vendredi 11 février à la Bibliothèque nationale de France. Il s'agit d'un événement gratuit, ouvert à tous, qui a pour but de faire se rencontrer les idées autour du livre et de valoriser le rôle de la lecture dans la construction citoyenne. Nous avons constitué un jury afin de remettre un prix du livre citoyen. Beaucoup de Français possèdent des manuscrits dans leurs tiroirs, mais ne savent pas comment les soumettre à un éditeur. Ce festival leur permettra d'en rencontrer. Enfin, des tables rondes rassembleront des écrivains et des jeunes pratiquant l'art oratoire.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme Martine Filleul. - J'ai vous ai écoutée avec beaucoup d'intérêt présenter toutes les initiatives que vous avez prises pour accompagner des jeunes sur le chemin de la citoyenneté. Compte tenu des constats très alarmants que nous faisons tous, d'une véritable « sécession » de certains jeunes vis-à-vis de la démocratie, au point qu'ils verraient de manière presque naturelle un régime autoritaire s'installer dans notre pays, ne pensez-vous pas qu'il est temps de reprendre à la base et de manière systématique une véritable éducation à la citoyenneté, pour tous les jeunes et dans la durée ? Ne pensez-vous pas que l'école est la mieux placée pour mener à bien cette mission ?

Les nombreuses auditions que j'ai menées sur ce sujet me font dire que cette éducation à la citoyenneté ne représente qu'une portion congrue de l'enseignement de l'Histoire. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'une carence importante de notre système éducatif ? Ne conviendrait-il pas de mettre en place quelque chose de solide au sein de l'Éducation nationale, de manière complémentaire à votre ministère ou aux associations ?

Mme Marie-Pierre Richer. - Nous avons tous fait le même constat que vous dans nos différents territoires. Nous l'avons également entendu au cours de nos auditions.

Souvent, les enfants qui sont récompensés dans le cadre des diverses initiatives qui sont mises en place pour encourager l'engagement citoyen ont des parents déjà engagés. Ils ont donc déjà été imprégnés de la notion de citoyenneté. Ce sont ces jeunes que nous retrouvons dans le SNU. Comment entraîner les autres jeunes, ceux qui ne sont pas entourés de familles investies, que ce soit au niveau politique ou associatif ? La communication que nous mettons en place n'arrive pas jusqu'aux jeunes. Les interventions de deux heures dans les missions locales pour parler de citoyenneté ne suffisent pas. Il existe un éloignement entre ce qu'est un homme ou une femme politique et ce que ces jeunes en perçoivent.

M. Stéphane Piednoir, président. - J'ai entendu au cours d'une de nos auditions un jeune dire qu'il ne voyait pas l'intérêt de déposer un « bout de papier » dans une urne. Or le vote ne se résume pas à cela, il n'est que l'issue d'un processus nettement plus long. Les jeunes savent s'engager pour des causes de manière ponctuelle, mais ils voient moins d'intérêt à s'engager sur le long terme. C'est probablement une culture à faire acquérir dès le plus jeune âge par l'Éducation nationale. Il y a quelque chose à reconstruire dans ce domaine. Il y a quelques décennies, les jeunes étaient extrêmement mobilisés politiquement parce qu'il existait des ennemis communs et ils s'identifiaient par rapport à eux. Aujourd'hui, ces repères se sont effondrés et nous vivons dans un certain confort. Pourtant, la démocratie peut disparaître ! Nous avons presque l'impression que certains jeunes aspirent à des régimes autoritaires. Je trouve cela dramatique, alors même qu'il y a quelques décennies, des jeunes se sont battus pour la démocratie.

M. Henri Cabanel, rapporteure. - Les jeunes ne sont pas désintéressés de la politique. Ils ne sont pas dépolitisés. Nous voyons, dans les expériences que nous menons dans nos territoires, l'intérêt qu'ils ont à rencontrer des élus. Vous avez évoqué le rôle des partis politiques. Souvent, les jeunes y trouvent porte close, alors qu'ils attendent d'être écoutés. Cela fait longtemps que les partis politiques ne jouent plus le jeu. Ils sont devenus des machines électorales. Ils ne cherchent plus à attirer les jeunes à eux. Les partis politiques ont oublié leur rôle fondamental, qui est le débat d'idées afin de tendre vers un idéal de société. Comment intégrer les jeunes si nous ne les regardons même pas ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Je partage votre constat. Au-delà des partis, c'est aux candidats de faire voter. Je peux mettre des choses en place en tant que ministre chargée de la citoyenneté, mais ce n'est pas mon rôle de donner aux électeurs envie de voter pour quelqu'un. Si aucun candidat n'est en capacité de donner envie aux gens d'aller voter, alors la question de l'utilité des élections se pose...

En 2017, j'ai fait partie de celles et ceux qui ont estimé nécessaire de construire une nouvelle offre politique, plus à l'écoute des uns et des autres. Nous avons ouvert la représentation à de nouvelles personnes, qui n'étaient pas engagées précédemment. Nous sommes allés chercher de nouvelles personnes, y compris des jeunes. 30 000 jeunes ont été mobilisés par le parti politique auquel j'appartiens. C'est colossal ! De nouvelles personnes ont ainsi été attirées vers la vie politique. Une amorce a été réussie. L'Assemblée nationale a été considérablement renouvelée, féminisée et rajeunie en 2017. Cela suffit-il à reconstruire le lien entre les citoyens et le politique ? Évidemment non. Je n'ai pas la réponse pour lutter contre l'abstention, personne ne l'a ! En revanche, il est important que nous nous posions cette question et que nous menions un travail de conviction.

Entre la sécurité routière, la sensibilisation à l'écologie, les séances d'égalité femmes-hommes et la prévention du Covid, on en demande beaucoup à l'école, comme le dit souvent à juste titre ministre de l'éducation nationale. Dans le même temps, ces sujets permettent de faire évoluer les jeunes, mais aussi leurs parents. Je pense donc qu'il serait très positif de dispenser une éducation à la citoyenneté qui permette au moins de rappeler le rôle et les missions des institutions. Je suis étonnée du nombre de personnes qui, après une décision de justice, écrivent à un membre du Gouvernement pour demander de la casser. Ces citoyens en détresse pensent, probablement de manière très sincère, qu'un ministre a le droit de faire cela, ce qui n'est évidemment pas le cas ! L'éducation à la citoyenneté serait également très utile pour les adultes... Au-delà, les responsables politiques ont probablement des efforts à faire pour retisser un lien de confiance avec les jeunes, dont beaucoup se sentent éloignés de leurs représentants.

Il existe 200 000 sapeurs-pompiers volontaires : je veux les saluer car, il s'agit d'une manière, très belle et très forte, de s'engager pour les autres. D'ailleurs, il existe des personnes « multi-engagées ». Cette culture de l'engagement doit être davantage partagée. Toutes les actions que je vous ai présentées y contribuent modestement. Toutefois, la vraie question que nous devons nous poser est celle de l'avenir de la démocratie.

Nous devons pouvoir poser cette question lucidement aux nouvelles générations, et j'espère que leur réponse sera positive.

M. Stéphane Piednoir, président. - Nous l'espérons aussi. Je vous remercie.


Source http://www.senat.fr, le 4 avril 2022