Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations franco-allemandes, le conflit en Ukraine, l'élargissement de l'Union européenne et la construction européenne, à Berlin le 24 mai 2022.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe avec Mme Annalena Baerbock, ministre des affaires étrangères de la République fédérale d'Allemagne

Texte intégral

 

Bonjour Madame la Ministre, chère Annalena, Mesdames et Messieurs, bonjour à tous.

Je dois m'exprimer en français car je ne maîtrise pas aussi bien l'allemand qu'Annalena maîtrise le français. Je tenais à effectuer mon premier déplacement en Allemagne et je remercie évidemment la ministre d'avoir aménagé son emploi du temps pour me recevoir aussi vite et je dirais de façon imprévue. Venir à Berlin, en premier geste, était une évidence. La coopération franco-allemande est indispensable en temps normal et elle est plus que jamais nécessaire par temps de crise. Je crois, s'il fallait s'en convaincre, que les deux dernières années l'ont prouvé.

Alors je suis en effet, chère Annalena, résolue à poursuivre cette concertation dans le sillage de la relation de confiance que vous aviez nouée avec Jean-Yves Le Drian - une relation de très bonne qualité, tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel. Vous avez raison, je crois que c'est la première fois que les deux ministres des affaires étrangères du couple franco-allemand sont deux femmes, c'est donc une assez grande différence avec Jean-Yves Le Drian. Mais il y a un point commun avec le couple précédent, qui est que Mme Baerbock est toujours aussi jeune, et que j'ai réalisé hier, au premier Conseil des ministres que nous tenions sous l'autorité du Président de la République à Paris, que j'étais la doyenne des membres du gouvernement français. Cela fait un petit choc, je ne vous le cache pas.

Parlons du fond. Croyez bien que nous ne ménagerons aucun effort, ni à Paris ni à Berlin, pour être à la hauteur des défis actuels, et pour faire vite j'en citerais simplement trois : le défi du soutien à l'Ukraine face à l'agression russe, le défi de la transition écologique et de la réduction aussi de la dépendance européenne aux énergies fossiles russes, et puis le défi de plus long terme, de nous préparer à une Europe qui soit à la fois approfondie et renforcée, en un mot plus souveraine et encore plus maîtresse de son destin.

Alors je voudrais dire tout d'abord quelques mots sur l'Ukraine, parce que c'est une problématique qui est au coeur de presque tous les sujets que je viens d'évoquer. Cela a été répété ici à Berlin par les pays membres du G7 : aucun d'entre eux, donc aucun d'entre nous, n'est en guerre contre la Russie ; en revanche, il y a une guerre en Ukraine qui a été engagée par la Russie. Et donc nous devons encore renforcer notre soutien à l'Ukraine dans la durée et sur tous les plans, financier, économique, militaire, humanitaire, comme l'a répété le Président de la République, il y a peu, nous allons le faire, nous allons le renforcer. Nous devons également adopter au plus vite le sixième paquet de sanctions, qui prévoit l'arrêt progressif des importations de pétrole russe, et pour cela lever les dernières réticences. Nous espérons pouvoir le faire rapidement. Et je suis optimiste parce que nous avons réussi jusqu'ici, et je crois que c'est remarquable et qu'il faut prendre la mesure de l'effort qui a été fait par chacun, nous avons réussi à avoir une unité européenne sur tous ces sujets. Bien sûr, nous devons continuer à le faire parce que c'est cette unité qui est notre force.

Sur le plan politique, le Président de la République l'a dit, le Chancelier aussi, l'Ukraine fait partie de la famille européenne, et je voudrais, succédant ici au Président de la République à Berlin qui parlait de la communauté politique européenne, redire après lui que cette idée n'est pas une alternative à l'élargissement, ça n'est en rien une alternative à l'élargissement. L'élargissement, c'est un processus qui a ses règles. Mais il faut bien en complément faire plus et plus vite, maintenant, pour un certain nombre de partenaires. Et donc, la communauté politique européenne vise à renforcer au plus vite les relations avec tous les pays européens dans notre voisinage. Pour ceux qui n'ont pas le statut de candidat, il y a des avantages à trouver, on peut avoir un certain nombre de coopérations concrètes, voire des projets communs. Pour ceux qui sont candidats à l'adhésion, nous devons aussi leur offrir l'avantage de renforcer notre soutien dans un certain nombre de domaines en vue d'aider à leur adhésion. Et je veux citer aussi qu'il y a sans doute, pour un pays qui était Etat membre et qui ne l'est plus, avantage à réfléchir à ce que nous pourrions faire ensemble. Sur tous ces points, il y a une réflexion qui doit être engagée, que nous voulons mener avec tous, de façon ouverte - et en particulier bien sûr avec notre partenaire allemand - pour trouver des solutions à un certain nombre de sujets qui ne sont pas suffisamment traités aujourd'hui. Voilà l'esprit de la proposition du Président de la République.

Nous avons aussi parlé des Balkans occidentaux, et avec Annalena nous souhaitons que nous puissions, nous, Européens, envoyer un message fort à ces pays pour réaffirmer leur ancrage européen et les aider souvent aussi à progresser. Cela sera l'objectif de la conférence qui se réunira le 23 juin prochain, avec le plein soutien de l'Allemagne à l'action de la présidence française de l'Union européenne.

Nous aurons à parler aussi de la préparation du Conseil européen extraordinaire qui arrive tout prochainement les 30 et 31 mai, et qui examinera les propositions de la Commission dans des domaines importants, la transition énergétique, la réduction de notre dépendance aux hydrocarbures russes et puis autre sujet ô combien important, la nécessité d'investir davantage dans les capacités de défense européenne.

Voilà, en quelques mots, ce que je voulais vous dire pour rappeler qu'en cette période cruciale et parfois difficile, et parfois même tragique pour notre continent, la relation franco-allemande est plus que jamais nécessaire et nous y oeuvrerons. Elle n'est pas exclusive - elle ne l'a jamais été et c'est une évidence - mais c'est néanmoins une relation qui est cardinale pour le bien-être de nos pays et de nos peuples, parce que nous avons une responsabilité particulière, tu l'as rappelé, Annalena, mais aussi au service de toute l'Europe. Il n'y a pas d'Europe forte sans une étroite coopération franco-allemande. Et je crois que nous avons rarement eu autant besoin sur ce continent d'une Europe forte comme elle doit l'être aujourd'hui, qui se renforce, qui s'affirme, qui assume ses valeurs et ceci alors que le spectre de la guerre est en train de revenir sur notre continent. Nous sommes, l'une et l'autre, totalement déterminées à avancer ensemble, je te remercie de ton accueil, à avancer et relever si nous le pouvons tous les défis qui sont devant nous. On va utiliser l'ensemble de la panoplie des outils qui sont à notre disposition : le G7 sous présidence allemande, la présidence française de l'Union européenne pour encore quelques semaines, et puis tous les outils bilatéraux aussi.

Donc je terminerai par le dernier et peut-être le plus symbolique qui nous permettra de nous retrouver, chère Annalena, à Paris très bientôt début juillet pour revenir sur tous ces sujets et plein d'autres à l'occasion du prochain Conseil des ministres franco-allemand, et puis de regarder ensemble vers l'avenir. Je serai toujours à tes côtés pour cela.

Merci beaucoup.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er juin 2022