Texte intégral
Q - Bonjour Franck Riester.
R - Bonjour.
Q - J'imagine que vous vous félicitez de ces chiffres, on vient de l'entendre. Il y a une ombre, voire plusieurs ombres au tableau : la guerre en Ukraine, d'abord, Franck Riester, les investissements étrangers dans l'incertitude pour l'année prochaine ?
R - Oui, mais il y a encore une volonté très forte des investisseurs d'investir en France. Alors, peut-être avec un petit peu moins d'ambition ou en décalant un peu les projets. Mais enfin, il n'y a pas d'arrêt brutal de cette volonté de continuer d'investir en France. Et au-delà des petites ombres au tableau, il y a aussi des lumières très agréables à regarder : c'est la troisième année que la France est en haut du podium européen en termes de nombres de projets étrangers d'investissement sur son sol, ce qui n'est pas le fruit du hasard ; qui est le fruit du travail conduit depuis cinq ans pour transformer le pays, le rendre plus compétitif, pour que le climat des affaires soit meilleur en France qu'il ne l'était précédemment. Et forts de la baisse de la fiscalité, de l'assouplissement d'un certain nombre de règles, de contraintes administratives, de rapprocher le dialogue social de l'entreprise, du terrain plutôt que de le laisser simplement au niveau national ; le fait d'investir dans les nouvelles technologies, dans la formation, dans les talents, contribuent, année après année, à donner une image positive aux chefs d'entreprise, non seulement à ceux qui veulent investir en France et à l'étranger, pour la première fois, mais aussi et surtout, et c'est ce qui est très bien expliqué par EY, c'est de fidéliser ces investissements. C'est qu'on s'aperçoit que ceux, dans les investisseurs étrangers, qui sont les plus volontaires pour continuer d'investir en France dans l'avenir, c'est ceux qui ont déjà investi. Et ça, pour nous, c'est très important. La fidélisation de celles et ceux qui investissent en France est la clé du succès pour l'avenir, pour les investissements de demain.
Q - Fidèles, mais pas forcément créateurs d'emplois ?
R - Si, si, c'est créateur de nombreux emplois.
Q - Moins que l'Allemagne et moins que le Royaume-Uni...
R - Alors, au projet, effectivement...
Q - 38 emplois en France, contre 45 en Allemagne ou 68 au Royaume-Uni.
R - Oui, c'est vrai qu'au projet, ce sont des projets peut-être parfois plus petits, mais qui contribuent, comme cela a été dit, à tisser un réseau industriel notamment en France, avec notamment une avance en nombres de projets industriels en France par rapport à l'Allemagne. Je rappelle qu'il y a à peu près 840 projets en 2021 d'investissements qui ont été réalisés en Allemagne, par des investisseurs étrangers, contre 1222 en France. Et donc, même par rapport à l'Allemagne, aujourd'hui, on a une attractivité supérieure. Alors, il ne faut sûrement pas se reposer sur nos lauriers...
Q - Et quand le cabinet EY parle d'un problème du coût du travail, de droit du travail, en France ?
R - Oui, alors on explique aussi aux investisseurs qu'il faut regarder effectivement le coût pour l'entreprise, mais il faut regarder aussi ce que cela apporte aux salariés de l'entreprise. Parce que l'attractivité d'un pays, pour les investisseurs étrangers et pour les entreprises qui sont déjà en France, la compétitivité du pays, ça passe effectivement par la fiscalité, les contraintes administratives, la souplesse dans l'organisation du travail, mais aussi la capacité à attirer des talents. Et ces talents ont besoin d'une protection sociale. Et c'est vrai qu'en France, on a une protection sociale ample, qui est complète, peut-être plus que dans d'autres pays, et qui passe notamment par des cotisations sociales, qui sont des charges pour les entreprises, mais enfin qui sont des cotisations pour les bénéficiaires de cette protection et qui contribuent aussi à l'attractivité de notre pays. Et c'est ce travail pédagogique que nous faisons auprès des investisseurs, que je fais à titre personnel, notamment dans les déplacements que je fais à l'étranger, pour expliquer : attention, ne regardez pas simplement le coût du travail à l'aune de ce que ça représente comme charge pour l'entreprise, mais regardez ce que cela apporte pour les salariés, vos futurs salariés, pour vos futurs talents, en termes de protection sociale. Et c'est la meilleure façon aussi de les attirer et de les maintenir en France.
Q - Franck Riester, comment expliquer que la France soit attractive aux yeux des investisseurs étrangers, mais que ses produits se vendent si mal au-delà des frontières ? Les chiffres du commerce extérieur sont historiquement mauvais.
R - Oui, alors il y a du structurel et du conjoncturel dans ces chiffres. Du structurel, c'est la désindustrialisation pendant trente ans de notre pays, parce que justement nous n'étions pas suffisamment attractifs, parce que justement notre climat des affaires n'était pas suffisamment bon, parce que notre compétitivité ne permettait pas aux entreprises de se développer suffisamment avec dynamisme en France, conduisant beaucoup d'entreprises, d'ailleurs, à se délocaliser à l'étranger, ce qui a conduit notre pays à être aussi désindustrialisé. Mais c'est tout ce travail de fond que nous menons depuis cinq ans, à l'initiative du Président de la République, et qu'il faut absolument continuer dans les cinq ans qui viennent, et c'est pour cela qu'il y a un enjeu majeur avec les élections législatives qui viennent, c'est de faire en sorte que nous puissions continuer cette politique de compétitivité, de ré-industrialisation du pays, pour effectivement, ensuite, exporter les produits fabriqués en France. Et puis, il y a aussi une raison conjoncturelle, qui est l'augmentation de nos importations en valeur énergétiques, avec l'explosion du coût de l'énergie, et plus largement du coût des matières premières qui viennent alimenter justement l'industrie.
Q - Justement, Franck Riester, on a compris, la France est attractive ; est-ce que c'est ça qui va améliorer notre situation économique ? La croissance stagne, l'inflation est galopante.
R - L'inflation est forte, mais elle est beaucoup moins forte que dans beaucoup de pays européens. Je rappelle que l'Allemagne est à presque 9%, au-dessus de 8%, l'Espagne 9%...
Q - Mais notre croissance est moins bonne que la zone Euro.
R - Non, notre croissance n'est pas moins bonne que la zone Euro. En 2021, on était parmi les meilleurs de la zone Euro, nous avons le chômage des jeunes le plus bas depuis quarante ans, le chômage, toutes catégories, le plus bas depuis quinze ans ; donc, non, la situation économique est, à bien des égards, bien meilleure qu'il y a quelques années et parmi les meilleures d'Europe. Et ça, c'est le fruit, là aussi, de ce travail de fond d'amélioration de la compétitivité du pays. Maintenant, il faut continuer, et il faut continuer notamment à soutenir les entreprises qui investissent dans les industries du futur ; c'est tout l'objet de France 2030 qui passe par une transition énergétique, une transition numérique et l'investissement dans les technologies d'avenir. C'est la stratégie du Gouvernement qui vise, encore une fois, à soutenir l'offre, c'est-à-dire à soutenir les entreprises, sans oublier bien sûr les salariés et le pouvoir d'achat, parce que c'est cette politique équilibrée que nous essayons de mettre en place.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2022