Interview de M. Gabriel Attal, ministre chargé des comptes publics, à BFM TV le 12 juillet 2022, sur les mesures en faveur du pouvoir d'achat.

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Texte intégral


APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour Apolline de MALHERBE.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci de répondre à mes questions ce matin. Vous n'êtes plus porte-parole du gouvernement, vous êtes désormais ministre délégué en charge des Comptes publics, en gros c'est le ministre du budget, pour que les gens comprennent bien ce que vous avez dans votre portefeuille. On va parler évidemment pouvoir d'achat, on va parler des aides qui vont être apportées aux Français, notamment les aides sur le carburant, mais, tout cela, tout ce qu'on va se dire, ne marchera que si vous réussissez à faire passer des lois, et donc je voudrais quand même qu'on dise un mot de la méthode. Quand on voit qu'hier il y a quelques députés, socialistes, qui n'ont pas voté la motion de censure, qui n'ont pas choisi de censurer le gouvernement d'Elisabeth BORNE, est-ce que vous vous êtes dit " tiens, ces six-là, un moment ou un autre, on pourra bosser avec eux " ?

GABRIEL ATTAL
D'abord je pense que la motion de censure, hier, elle montre davantage la fragilité de la NUPES, de la France insoumise, que celle du gouvernement, et on voit qu'une écrasante majorité de l'Assemblée n'a pas voulu suivre la France insoumise derrière cette motion de censure, et moi j'ai toujours dit que je trouvais assez curieux de vouloir censurer avant de discuter. On a vu la France insoumise nous expliquer " il faut faire tomber le gouvernement ", avant même qu'on ait commencé à discuter des textes qui sont très importants pour le quotidien des Français, notamment sur le pouvoir d'achat, on va y venir, ce qui n'a pas de logique. Quand on regarde aujourd'hui la situation, quand on voit à quel point les Français attendent de nous qu'on prenne des mesures pour augmenter leur retraite, pour augmenter leur rémunération, pour continuer à bloquer les prix de l'énergie, quand on voit ce qui se passe dans le monde, avec un conflit en Ukraine qui se poursuit, avec un risque que la Russie nous coupe le gaz, évidemment qu'on a besoin d'un gouvernement à l'oeuvre et qui agit, ça ne veut pas dire que les oppositions ont à être d'accord avec 100% de ce que fait le gouvernement, mais c'est pour ça qu'il y a un débat parlementaire, qu'il y a des textes qui sont discutés, et là hier la France insoumise nous disait, en gros, " on ne veut pas discuter, on veut faire tomber le gouvernement, ce qui priverait la France de pouvoir agir et prendre des décisions ", et donc moi, évidemment, je salue d'abord le fait que cette motion n'ait pas été adoptée et j'ai vu effectivement que quelques députés socialistes de la NUPES ont fait le choix de ne pas la voter, il y a aussi des députés de gauche, qui ont été élus hors de la NUPES, qui ne l'ont pas votée, et puis encore une fois une écrasante majorité de l'hémicycle.

APOLLINE DE MALHERBE
Je vous repose ma question, est-ce que ça veut dire, parce que jusqu'à présent on entendait plusieurs des ministres qui tendaient surtout la main aux LR, aux Républicains, il y en a un certain nombre, alors vous vous ne venez pas de là, vous venez plutôt du Parti socialiste justement, mais enfin, des gens comme Gérald DARMANIN qui disaient " il va falloir qu'à un moment les LR soient cohérents avec leur programme, il y a un certain nombre de points sur lesquels on est d'accord, votons ensemble. " Là, est-ce que les six, on pense notamment à Valérie RABAULT, Valérie RABAULT qui est une des figures du Parti socialiste, est-ce que vous vous dites tiens, c'est le moment peut-être de leur tendre la main, ils ont fait ce geste, ils ne sont peut-être pas si éloignés de nous ?

GABRIEL ATTAL
Déjà ce que je me dis c'est qu'ils veulent discuter, qu'ils veulent travailler, c'est évidemment un signe positif, maintenant ils sont dans l'opposition, mais ce que montre…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous en aurez besoin.

GABRIEL ATTAL
Ce que montre le fait qu'ils n'ont pas voté la motion de censure c'est que, ils veulent travailler, discuter, pour trouver des solutions au service des Français, voilà, eh bien évidemment que c'est positif et que je le salue, évidemment qu'on cherchera à travailler avec l'ensemble des députés et singulièrement ceux qui sont prêts à travailler, il faut être deux quand même pour arriver à des compromis et pour arriver à avancer.

APOLLINE DE MALHERBE
Et justement on va voir ce que vous pouvez faire ou ne pas faire, mais en tout cas vous avez des projets, on verra bien s'ils aboutissent et s'ils sont votés à l'Assemblée, mais vous avez des projets, notamment sur le pouvoir d'achat, puisque ça y est, c'est en train d'être discuté. Je voudrais qu'on rentre vraiment dans les détails concrètement. D'abord sur l'indemnité carburant, aujourd'hui le projet de loi il prévoit que la mesure concerne les contribuables dont le revenu de référence soit inférieur à 14.000 euros par part fiscale, est-ce que c'est un plafond fixe, vous nous dites c'est ça ou rien, ou est-ce que ce plafond pourrait évoluer, est-ce que ça veut dire que si on gagne 14.100 euros on n'aura aucune aide pour le carburant ?

GABRIEL ATTAL
Alors déjà, l'aide carburant je rappelle qu'elle a été annoncée pour prendre la place de la remise carburant qu'on a mise en place, avec une aide qui du coup devient plus ciblée sur ceux qui travaillent et ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts parce qu'ils payent beaucoup d'essence pour aller travailler, qui ne gagnent pas beaucoup en travaillant. On a mis en place une proposition, qui va effectivement, alors c'est très technique, mais jusqu'au 5e décile - je dis ça pourquoi ? Parce que le revenu dont on tient compte il tient compte du nombre d'enfants qu'il y a dans la famille, etc., je vous donne un exemple, pour une personne seule avec deux enfants c'est un peu au-dessus de 3000 euros par mois, donc c'est déjà un barème qui monte « assez haut » puisque c'est jusqu'au 5e décile, donc la moitié. Ensuite on a dit que dans la discussion parlementaire on était prêt à aller au-dessus, et typiquement la discussion avec les parlementaires, de la majorité et de l'opposition, pourra nous conduire à revoir les barèmes pour que ça puisse concerner davantage de Français. Aujourd'hui, dans la proposition qui est faite, c'est 11 millions de Français qui peuvent en bénéficier, et je précise que si vous avez deux personnes dans un foyer, qui travaillent, qui ont chacune une voiture qu'elles prennent pour aller travailler, ça fait deux aides pour le foyer, chacun pourra bénéficier d'une aide carburant.

APOLLINE DE MALHERBE
Et ce sera à concilier également avec la question du nombre de kilomètres faits, c'est-à-dire que là c'est un critère économique, est-ce qu'il y aura aussi un critère en nombre de kilométrage ?

GABRIEL ATTAL
Dans la proposition qu'on fait il y a une majoration de l'aide, effectivement, si vous avez une distance importante entre votre domicile et votre lieu de travail, pour les plus bas revenus la majoration elle est de 100 euros, pour les revenus au-dessus elle est de 50 euros, ce qui fait que si vous êtes un ménage très modeste vous pouvez avoir jusqu'à 300 euros d'aide si vous travaillez loin de chez vous.

APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous regardez ce que VINCI a répondu, VINCI Autoroutes, a répondu aux demandes d'aide qui là, pour le coup, ne seraient pas des aides directement aux foyers, mais des aides pour ceux qui roulent, tout simplement sur l'autoroute, de faire un geste au péage, ils annoncent un geste, alors en effet ce serait 10% de réduction au péage, mais, il y a quand même une astérisque quand on regarde la petite ligne en bas, c'est si les dépenses sont faites avec des chèques vacances, et si la voiture possède un badge de télépéage, lequel badge coûte quand même 24 euros par an, c'est, quoi, ce n'est pas à la hauteur ou vous vous en contentez ?

GABRIEL ATTAL
Deux choses. Un, je crois qu'il y a des discussions qui se poursuivent avec les sociétés d'autoroutes, et deux, on a été très clairs pour un certain nombre de grandes entreprises, on leur demande, quand elles le peuvent, de faire un effort pour faire baisser la facture des Français, ça vaut pour les autoroutes, ça vaut pour l'essence, ça vaut pour le transport maritime, pour faire baisser les prix dans la grande distribution, on constatera à la fin de l'année si elles ont fait des efforts ou pas, et s'ils ont été suffisants ou pas, et s'ils n'ont pas été suffisants et si on considère qu'elles n'ont pas fait d'effort, à ce moment-là on pourra prendre des décisions pour prendre de l'argent.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais là ces conditions quand même, 10% de réduction au péage à condition que vous payez en chèques vacance et à condition que vous ayez un badge de télépéage, vous ne trouvez pas quand même que ça fait beaucoup de conditions ?

GABRIEL ATTAL
Ça fait, oui, un certain nombre de conditions, et ce que je vous dis c'est que je crois que les discussions se poursuivent, il me semble, et on souhaite évidemment que l'ensemble des entreprises aillent le plus loin possible.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous avez dit que sinon, si vous vous rendez compte qu'ils ne l'ont pas fait, vous ferez quoi ?

GABRIEL ATTAL
C'est ce qu'a dit Bruno LE MAIRE, notamment sur ce débat qui revient régulièrement depuis plusieurs semaines, ou plusieurs mois, sur la taxation des grandes entreprises qui font des profits, il a dit qu'on constaterait à la fin de l'année si des efforts ont été faits par les entreprises, et que, le cas échéant, si on considère qu'ils n'ont pas été au rendez-vous, on actionnera ce levier. Pourquoi est-ce qu'on préfère passer aujourd'hui par une demande ferme aux entreprises de faire des efforts ? parce que, un, ça va plus vite, parce que la réalité c'est qui si vous faites voter une taxe elle s'applique au bout d'un certain temps, deux, c'est très concret et direct pour les Français, nous, ce qu'on leur demande, c'est de mettre de l'argent dans la poche des Français et pas dans la poche de l'Etat pour qu'il la mette ensuite dans la poche des Français, donc par exemple on a mis une pression assez forte sur TOTAL qui a annoncé une remise carburant à la pompe d'une dizaine de centimes supplémentaires, en plus des 18 centimes qu'on a mis en place, ça c'est très concret, les Français ils le voient quand ils vont faire…

APOLLINE DE MALHERBE
12, et c'est sur les stations d'autoroutes !

GABRIEL ATTAL
D'autoroutes, mais ils le voient quand ils vont faire leur plein, alors qu'une taxe prélevée sur une entreprise ils ne le voient pas concrètement dans leur quotidien. CMA-CGM, par exemple, pour le transport maritime, vous savez que le prix des conteneurs sur le fret maritime…

APOLLINE DE MALHERBE
Le prix des transports, globalement, fait partie de ce qui a entraîné l'inflation.

GABRIEL ATTAL
Voilà, a explosé, et donc si vous avez par exemple des prix qui augmentent dans l'alimentation, ou dans le secteur du BTP, c'est notamment parce que le prix des transports, et notamment maritimes, a augmenté, on a demandé à CMA-CGM de faire un effort, ils ont baissé de 500 euros le prix du conteneur…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, des gigas conteneurs, 500 euros, enfin là encore, pardon, c'est un geste, mais c'est un geste petit.

GABRIEL ATTAL
Ce que je vous dis Apolline de MALHERBE c'est que, il y a des gestes qui ont commencé à être faits, on jugera à la fin de l'année si ces gestes ont été suffisants ou pas, et on agira le cas échéant.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc la taxe est plus une menace de taxe qu'une réalisation de taxe, c'est soit vous faites une ristourne pour vos clients, directement, soit on vous taxe à partir de janvier.

GABRIEL ATTAL
On prévient, voilà, on prévient les entreprises, et encore une fois on préfère passer par cette voie-là qui nous semble plus efficace, plus directe, et plus concrètes pour les Français, on est aussi prudent parce que la réalité c'est que, quand vous faites une taxe sur une entreprise, c'est aussi un moyen pour l'entreprise d'expliquer, soit qu'elle ne va pas faire d'effort, voire même qu'elle va augmenter ses tarifs, moi je ne veux pas qu'on ait des entreprises qui disent ensuite aux Français " désolé, one ne fait pas d'effort pour faire baisser votre facture parce que comme on a une taxe, voire même on va augmenter votre facture. "

APOLLINE DE MALHERBE
Mais comment vous jugerez si les efforts sont suffisants ?

GABRIEL ATTAL
Alors, c'est les services de Bercy qui vont nous permettre de regarder, secteur par secteur, les marges qui ont été faites, les efforts qui ont été fait, et de juger s'ils ont été suffisants.

APOLLINE DE MALHERBE
Et là encore, j'en reviens à la question initiale, qui reste pour vous le socle absolu de toute action, qui est est-ce que vous obtiendrez, ou non, des compromis, voire même des associations avec d'autres groupes, on voit que le RN, par exemple, est favorable à une taxation des surprofits, des surprofits, on pense notamment à TOTAL, eux ils disent " eh bien voilà, pour tout ce qui est surprofits, l'entreprise peut garder un tiers et l'Etat pourrait prendre deux tiers. " l'Europe est d'accord, Thierry BRETON le disait l'autre jour, ils ont levé tout frein à cette possibilité-là. Est-ce que ça fait partie du genre de taxe que vous pourriez accepter ?

GABRIEL ATTAL
On regardera évidemment, et ça fait partie des pistes qui sont dans le débat public avant même que le RN en ait parlé, maintenant il faut regarder très concrètement ce qu'il y a sur la table. Prenez l'exemple de TOTAL. L'essentiel, la grande majorité de leurs profits, ils ne les font pas en France, ils les font à l'étranger, donc la part qui est " taxable " n'est pas la part principale de leurs profits. Il faut regarder les choses très concrètement, il faut regarder l'utilité d'une taxe, ce que ça rapporterait, et encore une fois en quoi est-ce que ça améliorerait le quotidien des Français directement plus que des efforts faits par les entreprises.

APOLLINE DE MALHERBE
Dans le paquet pouvoir d'achat il y a aussi la question des heures supplémentaires, les heures supplémentaires qui pourraient être davantage défiscalisées ?

GABRIEL ATTAL
C'est là aussi une proposition qui est avancée par un certain nombre de députés de l'opposition, et d'ailleurs de la majorité, il faut le dire, et on a dit qu'on était prêts là aussi à regarder. On a beaucoup fait, dans le quinquennat qui vient de s'écouler, pour défiscaliser les heures supplémentaires, vous vous souvenez, Nicolas SARKOZY avait pris une mesure, François HOLLANDE était revenu dessus, et on a pris des mesures, c'était après notamment le mouvement des Gilets jaunes, pour redéfiscaliser à nouveau les heures supplémentaires, il reste une part, puisque vous avez un plafond annuel d'heures qui peuvent être défiscalisées, qui ne sont pas pris en compte dans l'impôt sur le revenu, il y a un certain nombre de propositions qui sont faites pour rehausser ce plafond, ce qui veut dire que les Français…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi concrètement, ça veut dire combien d'heures par semaine pourraient être, supplémentaires, défiscalisées ?

GABRIEL ATTAL
C'est typiquement le débat qu'il va y avoir au Parlement, moi je ne vais pas venir ici, avant même que le débat ait commencé, vous expliquer le point d'atterrissage, on va avoir une discussion avec les parlementaires.

APOLLINE DE MALHERBE
Aujourd'hui on peut aller jusqu'à 5000 euros…

GABRIEL ATTAL
5000 euros par an.

APOLLINE DE MALHERBE
Par an, d'heures supplémentaires défiscalisées, est-ce qu'on pourrait aller jusqu'à 6000, 7000 ?

GABRIEL ATTAL
Typiquement une des pistes, qui est proposée par des parlementaires, c'est de relever ce plafond pour aller à davantage d'heures qui sont défiscalisées, ça fait partie de ce qu'on va discuter, donc je ne peux pas dire avant, ici, le point d'atterrissage, parce que c'est la discussion parlementaire, ce que je dis c'est que c'est cohérent avec notre volonté de faire en sorte que le travail paye mieux.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais là vous allez vous retrouver un peu tiraillé entre la nécessité d'aller chercher des alliances, y compris du côté du RN qui a déjà dit qu'il pourrait voter ce genre de mesure, et puis de l'autre côté les syndicats qui eux ont dit qu'ils seraient contre.

GABRIEL ATTAL
En tout cas nous ce qu'on cherche c'est des mesures qui soient efficaces pour le pouvoir d'achat des Français, et typiquement une mesure comme celle-là, je ne vous dis pas qu'on va aboutir sur cette mesure parce que, ce n'est pas dans notre projet de loi initial, il va y avoir une discussion au Parlement, mais c'est cohérent avec notre volonté de faire que les Français qui travaillent puissent gagner plus, voilà. La ligne qu'on a sur le pouvoir d'achat et dans le texte qui est présenté, c'est qu'on veut que les Français dépensent moins et gagnent plus, dépensent moins ça veut dire qu'on va poursuivre le bouclier tarifaire pour continuer à bloquer le prix de l'électricité, il a augmenté de 4% cette année, il aurait dû augmenter de 45%, continuez à bloquer le prix du gaz, poursuivre la ristourne carburant et la remplacer ensuite par une aide, on l'a dit tout à l'heure, sur le carburant, et gagner plus ça veut dire des mesures pour ceux qui travaillent, avec la prime Macron dont les plafonds vont être revus, avec le point d'indice de fonction publique qui augmente de 3,5 %, avec les pensions de nos retraités qui vont augmenter de 4% dès cet été, voilà, c'est ça la logique, et donc quand il y a des mesures qui sont proposées, qui permettent de faire en sorte que des Français qui travaillent puissent gagner plus, évidemment qu'on les regarde avec attention et bienveillance.

APOLLINE DE MALHERBE
Une question, vous l'avez évoqué, sur l'indice des fonctionnaires, mais qui est quand même la question des salaires, la question de l'augmentation des salaires, est-ce que, Gabriel ATTAL, vous pourriez conditionner les exonérations de cotisations patronales à l'engagement des patrons, un, d'augmenter nettement leurs salariés, et deux, à s'engager à le refaire régulièrement, c'est-à-dire pas une fois par an ou tous les 2, 3 ans, mais régulièrement parce que l'inflation elle court beaucoup plus vite que le temps de la négociation salariale ?

GABRIEL ATTAL
D'abord, la première condition et la première conséquence des baisses de cotisations patronales qui sont intervenues ces dernières années, c'est le fait de recruter. On a un taux de chômage qui est au plus bas depuis 15 ans, un taux de chômage des jeunes qui est au plus bas depuis 40 ans, un taux d'emploi qui est au plus haut depuis qu'il est mesuré, donc c'est pas l'impact direct des mesures qu'on a prises pour améliorer la compétitivité des entreprises, pour faire baisser le coût du travail dans notre pays, maintenant évidemment qu'il y a un enjeu sur les salaires, et évidemment, et Bruno LE MAIRE a eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises, on souhaite que les entreprises qui le peuvent augmentent les salaires. Il y a un certain nombre de décisions qui ont été prises, il y a des accords qui ont été trouvés dans un certain nombre de secteurs, je pense notamment au secteur hôtellerie-café- restauration, où vous avez eu des hausses de salaires qui ont été décidées au niveau de la branche, parce que je vais vous dire, les entreprises elles voient aussi qu'elles ont des difficultés à recruter, et que un des moyens de recruter davantage, d'attirer davantage de personnes pour travailler, c'est d'augmenter les salaires quand elles le peuvent.

APOLLINE DE MALHERBE
Si Vladimir POUTINE coupe le robinet du gaz, on est prêt ?

GABRIEL ATTAL
On se prépare, et notamment dans le texte qui va être discuté il y a des mesures qui vont permettre un certain nombre de choses, un, qu'on remplisse à 100% nos stocks, c'est ce qu'on va demander aux énergéticiens…

APOLLINE DE MALHERBE
…stratégique !

GABRIEL ATTAL
Voilà ; deux, qu'on mette en place des nouveaux dispositifs pour diversifier notre approvisionnement, par exemple on va mettre en place un terminal méthanier flottant au niveau du Havre pour pouvoir faire venir du gaz naturel liquéfié, je crois qu'à terme ça peut être 10% de notre consommation de gaz, et on va mettre en place des mesures pour parer à ce scénario, qui malheureusement semble devenir de plus en plus…

APOLLINE DE MALHERBE
D'ailleurs au passage on se dit qu'au début de la guerre en Ukraine on avait l'impression que c'était nous qui montrions les muscles en disant qu'on allait arrêter de consommer du pétrole ou du gaz russe, en fait on a quand même l'impression que le rapport de force il s'est complètement inversé et que c'est maintenant Vladimir POUTINE qui joue avec nous comme des pantins.

GABRIEL ATTAL
D'abord, s'il est amené à avoir ce genre de réaction et à agiter ce genre de menace, c'est aussi parce qu'il est dans une situation de très fortes pressions, en termes diplomatique, en termes économique, s'il avait pas de problème…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais le rapport de force s'est inversé quand même Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Non mais, s'il n'avait pas de problème, Apolline de MALHERBE, il n'agiterait pas ce type de menaces, la réalité c'est que les mesures qu'on a prises ont permis d'acculer quelque part la Russie en termes diplomatique, de la toucher en termes économique, et surtout ont permis aussi à l'Ukraine de tenir, de se défendre.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais on était à la manoeuvre et là on a l'impression qu'on subit.

GABRIEL ATTAL
On est toujours à la manoeuvre. Vous savez, on a mis en place…

APOLLINE DE MALHERBE
On est là en train d'attendre et de se dire mon Dieu, quand est-ce qu'ils vont nous couper le gaz quoi !

GABRIEL ATTAL
Ce qu'on est en train de faire au niveau européen, et ça ne date pas d'aujourd'hui, c'est justement de mettre en place toute une stratégie pour pouvoir, à terme, se passer du gaz russe et du pétrole russe, alors c'est évidemment pas évident, on a des pays européens qui sont beaucoup plus dépendants que nous, je crois que nous c'est 17 % de notre énergie qui dépend du gaz russe, les Allemands c'est 55 %, donc on voit l'impact pour eux que ça aurait une telle décision et la difficulté aujourd'hui de dire on se prive du jour au lendemain du gaz…

APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce qu'il y a derrière le tournant ? C'est-à-dire qu'on a l'impression que, en gros, jusqu'en décembre vous voyez à peu près ce que vous allez faire, jusqu'en décembre vous prolongez les boucliers, vous faites des boucliers sur les loyers, des boucliers sur le gaz, des pieds sur les tarifs, donc on est grosso modo protégés jusqu'en décembre, mais on a l'impression qu'après il y a un tourment et là on ne sait pas trop ce qui va se passer quoi !

GABRIEL ATTAL
Bon, d'abord il y a un tournant aujourd'hui dans la situation économique, c'est la hausse des taux d'intérêt. Je ne veux pas être trop à technique, mais au début de l'année on empruntait, parce que les mesures qu'on prend pour les financer on emprunte, on empruntait au début de l'année à un taux 0,3, 0,4%...

APOLLINE DE MALHERBE
En gros l'argent ne coûtait pas grand-chose.

GABRIEL ATTAL
L'argent ne coûtait pas grand-chose, il y a même des moments où les taux d'intérêt étaient négatifs, aujourd'hui, cet été, les taux ont sensiblement augmenté. Je vais vous donner un exemple. Les intérêts de la dette, c'est-à-dire ce qu'on paye du fait de notre dette, qui dépendent évidemment des taux d'intérêt et de l'inflation, vont augmenter de près de 17 milliards d'euros cette année, ça veut dire que la charge de la dette…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que, mécaniquement, mécaniquement ça nous coûte beaucoup plus cher.

GABRIEL ATTAL
Ça nous coûte beaucoup plus cher d'emprunter, et la dette qu'on a déjà aujourd'hui nous coûte beaucoup plus cher à supporter, ça veut dire que mécaniquement cette année la charge de la dette va devenir le deuxième poste budgétaire, ça veut dire qu'on va dépenser plus pour financer notre dette que pour le ministère des Armées par exemple, même si on augmente beaucoup évidemment le budget de la Défense, il y aura une augmentation très importante l'an prochain, donc c'est pour dire à quel point on n'est plus dans la même situation en termes économique et financier, et ma responsabilité de ministre du Budget c'est de le dire, c'est de l'expliquer, et c'est de prévoir, avec Bruno LE MAIRE, des mesures qui permettent de continuer à protéger les Français, mais qui permettent aussi d'avoir une trajectoire soutenable de réduction des déficits parce que, un pays…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais de nous dire en fait, en gros, ce qu'on comprend quand même entre les lignes, c'est que ça ne va pas durer.

GABRIEL ATTAL
Ce que j'ai dit c'est qu'on était passé du " quoi qu'il en coûte " au " combien ça coûte ", ça veut dire qu'on va continuer à dépenser, parce qu'on a besoin de protéger les Français, parce que les Français ont besoin d'être protégés, mais qu'on doit regarder à chaque fois combien ça coûte dans la vie quotidienne des Français les hausses de prix et combien ça coûte pour l'Etat de les accompagner, et où est-ce qu'on considère que c'est le plus efficace pour accompagner les Français, parce qu'un pays qui ne tient pas ses comptes, un pays qui accumule les déficits et la dette sur du très long terme, ce n'est pas un pays libre, si demain la dette devient le premier poste budgétaire, qu'elle revient à l'équivalent de plusieurs ministères, c'est moins de marge de manoeuvre pour l'Etat, pour le gouvernement, pour la représentation nationale, pour prendre des mesures pour protéger les Français.

APOLLINE DE MALHERBE
Gabriel ATTAL, il serait content Emmanuel MACRON si, alors qu'il donne une ligne de conduite, il découvre qu'en fait vous envoyez des petits SMS à des grands patrons américains pour faire, dans son dos, l'inverse de ce qu'il dit ?

GABRIEL ATTAL
Non mais attendez, alors là si vous faites référence à cette histoire d'UBER…

APOLLINE DE MALHERBE
D'UBER Files.

GABRIEL ATTAL
Alors là franchement, moi je trouve ça… enfin, comme d'habitude, on a des oppositions qui font qu'une tonne de mousse avec un gramme de savon. De quoi on parle ? on parle d'un ministre de l'Economie, Emmanuel MACRON, qui, je le rappelle, disait partout qu'il était favorable à la libération de l'économie, à l'arrivée de nouveaux acteurs pour casser un certain nombre de monopoles, mais aussi pour améliorer le pouvoir d'achat, l'emploi, la croissance et le service rendu aux Français, es VTC en faisaient partie, d'ailleurs il n'y avait pas qu'UBER, il a rencontré à de nombreuses reprises aussi les acteurs de l'époque, il y avait LeCab, Chauffeur-Privé, il l'a toujours totalement assumé, donc je ne vois même pas le sujet.

APOLLINE DE MALHERBE
Pour vous il n'y a absolument aucun sujet alors que, il faut quand même rappeler qu'à l'époque le président c'était François HOLLANDE, qui était plus que sceptique sur " l'ubérisation »"de l'économie, qui en tout cas essayait de contrer ce qu'il considérait être une entreprise qui ne respectait pas le fonctionnement de l'économie française et les lois françaises, avoir un ministre de l'Economie qui envoie des SMS au patron d'UBER, qui lui dit " je vais m'en occuper personnellement ", qui quand il y a un décret qui est pris à Marseille dit " je vais regarder ça de mon côté ", qui fait même écrire clé en main un amendement par UBER et qui le glisse à un député à l'Assemblée nationale, ça vous paraît parfaitement normal ?

GABRIEL ATTAL
Ah mais, qu'un ministre de l'Economie échange, travaille…

APOLLINE DE MALHERBE
Je ne vous dis pas que c'est illégal…

GABRIEL ATTAL
Ah ben oui, oui, mais heureusement.

APOLLINE DE MALHERBE
Je dis simplement que ça montre une pratique, et, encore une fois, je l'illustre avec vous, si vous vous faisiez ça, alors qu'Emmanuel MACRON avait un message qui n'est pas le même, lui président, vous ministre, ça ne vous paraît pas problématique ?

GABRIEL ATTAL
A ma connaissance François HOLLANDE n'a pas bloqué l'arrivée ou le développement d'UBER dans notre pays, il ne s'est jamais exprimé en disant " je suis contre UBER "

APOLLINE DE MALHERBE
François HOLLANDE dit qu'il n'était même pas au courant qu'Emmanuel MACRON avait ces pratiques dans son dos.

GABRIEL ATTAL
Il était au courant qu'UBER était arrivé en France, je crois qu'ils sont arrivés en 2011, donc juste avant son élection, et qu'ils se développaient en France. Il fait se souvenir à l'époque, y compris sur vos plateaux, on en parlait beaucoup, il n'a pas dit à l'époque " je demande à UBER de quitter la France et je les chasse ", donc voilà. On avait un ministre de l'Economie, ça me semble totalement normal et légitime, qui travaillait avec des chefs d'entreprise, qui échangeait directement avec eux, qui discutait avec eux. Ensuite, une fois que vous avez ça, vous avez un gouvernement qui prend des décisions, un Premier ministre en l'occurrence, sous l'autorité d'un président, à l'époque François HOLLANDE, et puis vous avez des députés, la représentation nationale, qui prennent, qui votent des lois, voilà, il y a d'ailleurs des lois qui avaient été votées sur les VTC. Je précise quand même que dans le quinquennat qui vient de s'écouler on a pris nous-mêmes des mesures pour renforcer la protection des travailleurs des plateformes, renforcer leur protection sociale, qu'ils puissent avoir une complémentaire santé par exemple, renforcer le dialogue social en instaurant un vrai dialogue social entre les syndicats et les plateformes au niveau de la branche, donc on a fait aussi beaucoup ces dernières années pour renforcer l'accompagnement social des travailleurs des plateformes.

APOLLINE DE MALHERBE
Gabriel ATTAL, qui n'est donc plus porte-parole, mais qui l'est quand même encore un peu, ministre délégué chargé des Comptes publics, merci d'avoir répondu à mes questions.

GABRIEL ATTAL
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 juillet 2022