Texte intégral
SANDRA GANDOIN
Agnès PANNIER-RUNACHER. Bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.
SANDRA GANDOIN
Ministre de la Transition énergétique, avec nous sur ce plateau. On va commencer par l'une des grandes priorités du gouvernement dans les mois qui viennent, j'ai même envie de dire les semaines qui viennent, tellement c'est urgent, ce projet de loi sur le pouvoir d'achat, la difficulté de répondre à ce timing très urgent, c'est vous qui le portez, rappelez-nous le calendrier des prochaines semaines, des prochains mois.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, nous sommes en train de l'examiner en commission, c'est-à-dire, avant de le faire en en hémicycle donc c'est à l'Assemblée nationale, et le Sénat l'examinera ensuite. L'enjeu, c'est de pouvoir le mettre en place le plus vite possible, qu'est-ce qu'il y a derrière ce projet, ce projet, c'est d'abord la prolongation des boucliers énergétiques, et gaz, qui permet aujourd'hui aux Français de bénéficier d'un coût extraordinairement bas par rapport au reste de l'Europe sur le gaz et l'électricité ; on a bloqué les prix, et nous allons prolonger ce blocage des prix jusqu'à la fin de l'année, ça, c'est le premier point pour l'électricité et le gaz. La deuxième chose, c'est pour le carburant, pour le carburant, nous allons progressivement diminuer le soutien que nous apportons à la pompe, 18 centimes par litre, nous allons passer à 12 centimes, puis, 6 centimes après les vacances, parce qu'on estime que pendant les vacances, il y aurait une injustice à ce que ceux qui partent en juillet aient la ristourne et ceux qui partent en août ne l'aient pas. Et à partir de la rentrée, nous allons mettre en place un dispositif qui permet à ceux qui travaillent de pouvoir avoir un coup de pouce, parce qu'on sait que ceux qui utilisent leur voiture pour aller travailler ne doivent pas être empêchés de pouvoir aller travailler, ça, c'est très clair. Donc ça, c'est des mesures immédiates pour tous les Français, pour tous les ménages. Et puis, nous devons aussi dans cette loi pouvoir d'achat travailler sur les retraites, augmenter les retraites pour tenir compte de l'inflation, on est aujourd'hui sur une année une augmentation supérieure à 5 % des retraites, que nous allons prendre la somme de la première augmentation de janvier avec celle complémentaire que nous reprenons dans cette loi pouvoir d'achat, un certain nombre de dispositions aussi pour contrôler l'augmentation du prix des loyers, tout en tenant compte de l'inflation, évidemment, il faut regarder à chaque fois les deux côtés de la pièce, de façon à ce que nous puissions protéger le pouvoir d'achat des Français. Deuxième élément, comment on agit sur les approvisionnements, ça peut être étonnant dans une loi pouvoir d'achat de parler d'approvisionnement en énergie, mais c'est l'urgence, et vivre dignement, c'est aussi avoir accès à de l'énergie, du gaz, de l'électricité, vous savez que nous sommes menacés d'une coupure des livraisons de gaz par la Russie…
SANDRA GANDOIN
On va en parler, bien sûr…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et donc, dans cette loi pouvoir d'achat, il y a un certain nombre de mesures qui nous permettent d'anticiper une situation de crise, notamment de pouvoir augmenter nos stockages de gaz stratégiques, nous allons augmenter à 100% nos stockages de gaz stratégiques, accélérer leur remplissage, et d'autres mesures de cet ordre-là, qui vont permettre de mieux faire face à la crise devant nous, et de mieux anticiper.
SANDRA GANDOIN
Mais alors justement, en début de semaine, depuis lundi, le gazoduc Nord Stream 1 ne fournit plus de gaz pour officiellement une opération de maintenance, qui doit durer 11 jours, jusqu'au 21 juillet. Bruno LE MAIRE, le week-end dernier à Aix s'est dit très inquiet pour l'hiver prochain notamment et ces réserves de gaz. Alors, comment on les comble, comment on fait si les vannes ne sont pas rouvertes ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors justement, c'est pour ça qu'avec la Première ministre, et ça a été son premier déplacement, j'étais à ses côtés, nous avons pris des mesures drastiques pour pouvoir préparer l'hiver, ces mesures, je l'ai dit, c'est d'augmenter nos stockages de gaz naturel, nous les augmentons notamment en nous fournissant en gaz naturel liquéfié, qui vient de toutes les parties du monde qui sont prêtes à nous fournir, nous avons augmenté nos livraisons avec la Norvège, nous avons des livraisons qui viennent d'Outre-Atlantique, donc nous accélérons ; aujourd'hui, nous sommes en avance par rapport aux années précédentes sur le remplissage de nos stockage stratégiques. Nous avons aussi un chantier très important, qui est un chantier de sobriété énergétique, il faut à la fois avoir plus d'approvisionnements, pour remplacer les approvisionnements russes, mais nous pouvons également utiliser un levier important, qui est de maîtriser mieux notre consommation énergétique.
SANDRA GANDOIN
Mais alors ça veut dire quoi pour, alors les ménages, évidemment, on entend des messages dernièrement : faites attention à votre consommation sur les appareils, tout ça, mais les. Entreprises, qu'est-ce qu'elles vont devoir faire, les entreprises, à leur hauteur, pour mettre en place cette sobriété énergétique ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Cette sobriété énergétique dans les entreprises, c'est aussi du bon sens, comme à la maison, c'est-à-dire que mettre le chauffage à 19 degrés, et pas à 20, c'est une économie de 7% de votre consommation énergétique. Et pour les entreprises, c'est le gagnant/gagnant, c'est moins d'argent à payer, c'est moins de factures, et c'est plus de garantie de pouvoir bénéficier du gaz tout au long de la période d'hiver. Donc ça, c'est essentiel, et j'ai réuni le MEDEF, la CPME et l'ensemble des organisations syndicales pour que, eux-mêmes, puissent travailler sur ces mesures de sobriété énergétique avec l'ambition de réduire de 10 % leur consommation d'énergie sur leur fonctionnement normal ; donc, se chauffer, se transporter, vous savez qu'au sein de l'entreprise, il y a du transport, vous avez des salariés qui vont passer d'un site à l'autre, vous avez du transport de marchandises, il y a aussi tous les trajets domicile/travail, ça, si on le maîtrise mieux, ça peut être moins de carburant, par exemple, le covoiturage, par exemple le recours un peu plus marqué au télétravail, par exemple aussi, une chose toute bête, c'est de dire aux véhicules de société de baisser leur vitesse sur les autoroutes, c'est du gain de carburant. Et ça se voit tout de suite sur la facture des entreprises. Et puis, de manière plus structurelle, il faut faire la chasse au gaspi, moi, je reste encore stupéfaite de voir des entreprises qui continuent à éclairer leur tour la nuit.
SANDRA GANDOIN
Leurs magasins aussi en centre-ville.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Leurs magasins en centre-ville, entre 01h et 7h du matin, sincèrement, vous n'avez pas beaucoup de clients qui passent à portée de main, et c'est interdit. Je rappelle que c'est interdit par la loi. Donc, il faut éteindre, bien sûr, c'est des kilowattheures qui s'accumulent, et ce n'est pas forcément ça qui va faire l'essentiel de notre économie d'énergie, mais il faut éteindre, les entreprises ont cette responsabilité. Autre exemple : climatiser des magasins portes ouvertes, pardon, mais c'est vraiment complètement anti-écologique, et c'est anti-réflexion de base, enfin, vous voyez ce que je veux dire…
SANDRA GANDOIN
Il n'y a pas de bon sens là-dedans…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà, c'est vraiment contraire au bon sens. Donc moi, j'attends des magasins de détail, des enseignes, et en particulier, des grandes enseignes, parce qu'elles peuvent donner l'exemple, de faire attention et d'appliquer des mesures de bon sens ; on parle de gain d'électricité ou de gaz de l'ordre de 10 à 20 % par des mesures de cette nature.
SANDRA GANDOIN
On change évidemment les comportements, ça, c'est pour les consommateurs, les entreprises, mais il y a ensuite la fourniture d'énergie, l'électricité notamment…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pardon, je précise que l'Etat doit évidemment montrer l'exemple, nous faisons aussi la chasse au gaspi…
SANDRA GANDOIN
Vous avez fait un audit aussi, vous faites…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Dans les ministères…
SANDRA GANDOIN
Voilà…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et nous sommes les premiers à devoir appliquer ces règles-là. Et nous devons balayer devant votre porte, tout n'est pas parfait.
SANDRA GANDOIN
Les comportements changés, c'est une chose, mais il faut quand même avoir une certaine quantité d'électricité fournie, est-ce que c'est encore possible avec l'arrêt de certains réacteurs, est-ce que la situation va s'améliorer dans les mois qui viennent ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, j'aurais une vision très précise de cette situation dans les jours qui viennent, puisque nous avons demandé à EDF de nous faire un point, centrale par centrale, de la situation de leur maintenance, qu'est-ce qui se passe aujourd'hui, vous avez deux choses, vous avez les maintenances que l'on fait normalement, qui sont programmées, et plutôt l'été, puisqu'on a moins besoin d'électricité l'été, et qui sont dans la bonne gestion des centrales nucléaires. Et puis, vous avez 12 centrales nucléaires sur lesquelles on a détecté de la corrosion. Pour ces centrales nucléaires, il y a un exercice très précis qui est fait, non seulement pour détecter et trouver les causes de cette corrosion, pour pouvoir anticiper les prochaines années, mais également pour la réparer, avec un planning également très précis. Donc c'est de ça que je vais parler avec les équipes d'EDF, pour sécuriser le volume de production d'électricité. EDF communique régulièrement sur ces volumes, on voit qu'il y a un volume de 280 à 300 térawattheures, donc on a une idée assez précise de ce qu'ils peuvent faire, et je veux qu'on ait une mise à jour désormais extraordinairement régulière compte tenu des enjeux.
SANDRA GANDOIN
Vous parlez d'EDF, ce projet nucléaire dans son ensemble, avec la construction des futurs réacteurs, tient évidemment sur EDF et sur le fait qu'il repasse à 100 % dans le giron de l'Etat, il passe de 84 % à 100 %, depuis cette annonce d'ailleurs, le cours d'EDF s'est apprécié, est-ce qu'il faut que ça aille vite cette opération, quelle est la stratégie par rapport à cette nationalisation totale ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors avez raison de préciser que EDF est déjà nationalisée, donc c'est vraiment une montée au capital, oui, il faut que ça aille vite, oui, on a besoin d'avoir une équipe au travail pour vraiment se concentrer sur les enjeux opérationnels et industriels. Vous savez que Jean-Bernard LEVY, en accord avec l'Etat, devrait partir dès que son successeur arrivera, parce que c'est un nouveau chapitre de l'histoire d'EDF que nous sommes en train d'écrire…
SANDRA GANDOIN
Très ambitieux.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Très ambitieux. EDF, c'est le bras armé de notre politique énergétique. Le nouveau dirigeant ou la nouvelle dirigeante devra régler ce problème de corrosion sur ses centrales nucléaires et devra, elle devra ou il devra également s'engager très fortement dans le nouveau programme de nucléaire, le lancement de 6 réacteurs, et nous devons lancer les procédures d'ici début octobre, donc, c'est très rapide. Et pour tout ça, il faut qu'on soit tous au travail, et 100% du capital nous permet d'avoir, je dirais, cette concentration et cet alignement entre l'Etat et son bras armé de la politique énergétique. Au fond, c'est une opération stratégique que nous faisons, là.
SANDRA GANDOIN
Bon, le temps passe trop vite, donc je vais vous poser une dernière question, on voit l'Espagne qui a décidé, comme l'Italie, comme la Grande-Bretagne, avant elle, de taxer les superprofits, ça se propage cette idée en Europe, pour le moment, la France ne le fait pas, sur les entreprises de l'énergie, est-ce qu'on va y venir ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
En fait, la France l'a fait avec son producteur d'énergie, qui est EDF. Et je trouve assez stupéfiant que ceux qui en France prônent la taxation des surprofits nous reprochent le fait d'avoir demandé à EDF, il y a longtemps, puisque nous, ça fait depuis le début de l'année que nous avons exigé d'EDF de faire un gros sacrifice pour les Français, ce gros sacrifice, c'est d'avoir mis un volume additionnel d'électricité à disposition des Français, pas au prix de marché, qui s'était envolé, mais à son coût de production, et ça, ça a fait toute la différence, et ça explique que nous pouvons aujourd'hui avoir un bouclier électricité. Donc pardon, on nous reproche de l'avoir fait, et après, on dit : vous ne taxez pas les surprofits, eh bien, non, nous avons su anticiper, et c'est 8 milliards d'euros d'effort qu'a fait EDF, et il faut remercier l'entreprise, bon, on ne lui a pas laissé beaucoup de choix non plus. Et c'est ça qui explique qu'aujourd'hui vous avez 150 entreprises notamment qui utilisent beaucoup d'électricité, qui ont pu continuer leur activité, il y avait 45.000 emplois en jeu, je veux le rappeler.
SANDRA GANDOIN
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER d'avoir répondu à nos questions, ministre de la Transition énergétique, merci d'être venue ce matin dans Good Morning Business.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 juillet 2022