Texte intégral
STÉPHANE CARPENTIER
Bonjour Christophe BECHU.
CHRISTOPHE BECHU
Bonjour.
STEPHANE CARPENTIER
En studio et en direct, les auditeurs, les observateurs, les réseaux sociaux sont rassurés ce matin, parce que beaucoup se demandaient où vous étiez ces derniers jours, on ne vous a pas vu, on ne vous a pas entendu alors qu'une partie du territoire brûle, que le pays a suffoqué deux fois en une semaine. Ça voudrait dire que vous êtes plus bureau que terrain et médias, Christophe BECHU ?
CHRISTOPHE BECHU
Ça veut dire que je ne crois pas à la précipitation et à l'agitation, je crois à la concertation, ça veut dire que je crois aussi que le ministère de la Transition écologique, c'est celui de la prévention, ce n'est pas celui qui éteint les incendies quand ils ont commencé, ça, c'est le travail des sapeurs-pompiers auquel je rends hommage, comme tous nos concitoyens, aux forces de l'ordre, à tous ceux qui sont engagés sur le terrain, et que ce n'est pas la présence du ministre à côté des sapeurs-pompiers, si vous voulez, qui modifie le drame qu'on est en train de vivre, que la prise de conscience que ces mégas feux, ces incendies qui se généralisent doivent conduire collectivement à avoir sur la réalité du réchauffement climatique et sur la nécessité de changer de braquet sur les mesures qu'on prend.
STEPHANE CARPENTIER
Que le Monsieur environnement du Gouvernement soit silencieux en pleine canicule et en plein feux de forêts, ce n'est pas banal quand même. Vous n'êtes pas d'accord avec ça, vous ?
CHRISTOPHE BECHU
Non, je ne suis pas d'accord avec ça, d'abord, parce que j'ai été nommé il y a 15 jours, et ensuite, parce que je n'ai absolument pas la prétention de penser que c'est une personne qui est capable ou de provoquer une prise de conscience ou de changer la politique. Mon job, il est celui d'entraîner, de mobiliser et de faire en sorte que par la concertation, ce soit collectivement qu'on s'engage sur ces sujets. Au cours de ces derniers jours, notamment avec les collectivités territoriales, qui pèsent pour les deux tiers ou les trois quarts des dépenses de ce pays, on a commencé à poser les bases d'une méthode, lutter contre le réchauffement climatique, c'est investir dans le logement, c'est investir dans les transports, pour décarboner, c'est modifier nos schémas énergétique. Et sur tout ça, ce n'est pas un ministre, ce n'est pas un nombre de fonctionnaires, c'est la totalité d'un Gouvernement et la totalité d'un pays qui doit être capable de se modifier, ce sont aussi des enseignements du rapport du GIEC qui explique que c'est le défaut de concertation, de maillage et d'entraînement de toutes les forces publiques qui fait défaut aujourd'hui dans l'efficacité de la lutte contre le réchauffement climatique.
STEPHANE CARPENTIER
Alors, puisque vous êtes là, on va profiter de vous justement et rentrer dans le détail, Christophe BECHU, ces incendies un peu partout en France ces derniers jours, mais surtout en Gironde, qu'est-ce qu'on doit faire de cette forêt une fois que les pompiers auront gagné leur bataille, on nettoie, ça va prendre 2 ans, et puis on replante pareil ?
CHRISTOPHE BECHU
Ça ne me semble pas possible pour plein de raisons, la première de ces raisons, c'est que ces forêts, elles ont été plantées dans les années 70, dans un contexte climatique qui n'était pas du tout celui qu'on connaît, les essences, aujourd'hui, qui résistent le mieux au changement climatique, elles sont plutôt de type méditerranéen, mais on a aussi d'autres expériences, où même quand on a des pinèdes, on fait en sorte d'avoir autour d'autres types d'espèces ou d'essences pour avoir des zones tampons, il y aura des retours d'expérience à avoir, parce que ça n'est pas que le fait d'avoir une présence de forêt qui compte, c'est l'absence parfois de couloirs, de lutte contre l'incendie et le secours, des travaux qui parfois n'ont pas été faits, on oublie de dire que 75 % des forêts de ce pays sont des forêts privées, et donc, là où il y a parfois des règles de gestion qui sont simples sur des forêts publiques, il y a parfois des écarts, des disputes entre les usagers et les propriétaires dans tel ou tel endroit…
STEPHANE CARPENTIER
C'était le cas en Gironde…
CHRISTOPHE BECHU
En particulier sur une des forêts. Il y a un autre sujet, c'est la question du débroussaillage, il y a une obligation théorique de débroussaillage, mais il y a plein d'endroits où elle n'est pas appliquée. La question de la substitution éventuelle par les pouvoirs publics pour aller imposer le débroussaillage et envoyer la facture dans un certain nombre de cas, elle pourra se poser. Il y a une mission Flash sur le sujet. Il y a le Sénat qui s'apprête à rendre, là aussi, un rapport sur la question de la gestion des grands feux et de la manière de faire face, pas seulement une fois que ça a commencé, mais en amont, sur les règles de gestion et de suivi, l'OFB, l'Office Français de la Biodiversité, est mandaté pour regarder typiquement le retour d'expérience qu'on doit avoir, à la fois sur ce que nous sommes en train de vivre, et aux côtés de l'ONF, pour pouvoir avoir des préconisations sur la manière demain de replanter et de faire en sorte d'avoir une autre évolution pour lutter contre des phénomènes qui malheureusement risquent de se généraliser, le réchauffement climatique, au travers de la sécheresse, au travers de la multiplication des vagues de chaleur, il crée les conditions des départs d'incendies. Et je veux quand même rappeler que dans 95 % des cas, il y a un homme qui allume le feu, que ce soit un mégot, que ce soit un barbecue, que ce soit une imprudence. Il y a donc à la fois les conséquences du réchauffement climatique, avec, là aussi, des responsabilités humaines, mais des départs de feux pour lesquels il faut rappeler à l'ensemble de vos auditeurs les nécessités de prudence.
STEPHANE CARPENTIER
Ces incendies et les températures folle qu'on a connues en ce mois de juillet, 42 degrés, par endroits, on a eu 40 en Bretagne, voilà qui symbolise parfaitement le réchauffement climatique, Emmanuel MACRON avait qualifié ce dossier de prioritaire, annoncé de l'action, ça veut dire que là, vous êtes arrivé, on ne vous a pas vu, pas entendu, vous travaillez dans votre bureau, vous êtes dessus ?
CHRISTOPHE BECHU
Mais bien sûr que je suis dessus.
STEPHANE CARPENTIER
C'est pour quand, parce qu'il y a urgence, on nous dit tout le temps qu'il y a urgence ?
CHRISTOPHE BECHU
Mais c'est déjà en ce moment.
STEPHANE CARPENTIER
Mais les annonces alors ?
CHRISTOPHE BECHU
Ce que je veux vous dire de manière très claire, vous savez, je pense que beaucoup de nos concitoyens savent qu'il y a eu parfois des annonces qui n'ont pas été suivies d'effet, mon sujet, c'est comment on fait des annonces qui sont suivies d'effet, comment on détermine une trajectoire qui s'accompagne à la fois des moyens budgétaires et des temps de passage.
STEPHANE CARPENTIER
Alors comment vous allez faire mieux que les autres ?
CHRISTOPHE BECHU
D'abord, avec une méthode qui consiste à associer tout le monde et à être dans cette concertation, c'est là-dessus que nous sommes, ensuite, ça a été annoncé, c'est pour la première fois, la Première ministre qui a la responsabilité de la planification écologique et qui est accompagnée de ministres pour être capable de faire ça. L'enjeu, c'est de rendre visibles les obligations que la France a, à la fois morale par rapport aux générations à venir, mais même juridique par rapport à un certain nombre d'instances, de décarboner son économie, on n'arrête pas de dire : vous comprenez, il faut faire des économies, il faut bouger tel ou tel truc, parce qu'on est engagé par les critères de Maastricht, on n'est pas engagé que par les critères de Maastricht, on l'est par les engagements que nous avons signés, notamment par ce qu'on appelle le paquet Fit For 55, qui, de manière simple, veut dire diminuer par rapport à 1990 de 55 % nos émissions de gaz à effet de serre. Cette trajectoire carbone, elle doit devenir dans toutes les décisions que nous prenons, au niveau national et dans les relations que nous avons avec les collectivités locales, un baromètre, être capable de calculer l'impact des décisions qu'on prend pour en faire un élément d'arbitrage budgétaire. Est-ce que, si je prends cette décision, je suis mieux par rapport à ma pente et à ma trajectoire de décarbonation, par rapport à celle-là, on parle de rénovation énergétique, on parle d'investissements dans le ferroviaire, on discute du soutien aux modes de mobilités actives ; tous ces sujets, ils sont sur la table, et ils vont faire l'objet d'incitations, d'annonces et d'encouragements budgétaires.
STEPHANE CARPENTIER
Et c'est pour quand les annonces ? Quelques semaines, quelques mois ?
CHRISTOPHE BECHU
Le sujet en ce moment, c'est le pouvoir d'achat, c'est le projet de loi rectificatif, à la rentrée, la trajectoire, l'ensemble de ces hypothèses seront présentées, dans l'intervalle, nous travaillons sur le plan de sobriété énergétique, qui est déjà un moyen de parvenir à ça, mais aussi de nous adapter à la situation en Ukraine, et de faire en sorte qu'il y ait un maximum de gestes qui permettent de limiter les gaspillages d'énergies, et d'avoir de bons réflexes et de bonnes pratiques. Donc on n'attend pas pour agir, mais la trajectoire sur les 5 ans qui viennent, elle, elle sera présentée à la rentrée.
STEPHANE CARPENTIER
A la rentrée, dans quelques semaines donc. Le mot d'ordre, c'est la sobriété, Olivier VERAN, qui est porte-parole du Gouvernement, demandait des efforts aux Français hier : coupez la Wifi, débranchez vos prises, baissez la clim, éteignez les lumières inutiles. Ça aussi, ça peut avoir un impact et un effet, ce qu'on fait chez nous... ?
CHRISTOPHE BECHU
Tous les gestes, tous les gestes ont un impact, tous. Et chacun d'entre nous est responsable d'une partie de tout ça. Alors évidemment, les habitants des quartiers populaires moins que ceux qui ont davantage de moyens et qui ont à la fois une empreinte carbone qui est nettement plus élevée, et chacun doit faire des efforts en fonction de la réalité de cette empreinte carbone. Mais tous les gestes comptent. Il y a à la fois ce que le Gouvernement doit être capable de poser, les pouvoirs publics, les collectivités locales, pour le maire d'Angers que j'étais encore il y a quelques jours, symboliquement, lundi, on a voté notre plan de sobriété énergétique, ce n'était pas totalement prévu, en fixant les températures pour l'été, pour l'hiver, dans la totalité des bâtiments, dans les gymnases, la température au-dessus de laquelle on a le droit de déclencher la clim, pour ne pas le faire uniquement à la demande, etc., on attend 15 % d'économies de ses gestes, parce qu'on les a testés sur une partie de nos bâtiments publics, 15 % uniquement avec des gestes qui sont des gestes de bonne pratique et qui consistent à généraliser des procédures que tout le monde peut suivre.
STEPHANE CARPENTIER
Alors, ça, ça fait des économies, ce sont des efforts que vous demandez aux Français, aux collectivités. Comment vous allez gérer les entreprises, l'industrie, qui sont des gloutons en termes d'environnement et d'énergie aujourd'hui, vous allez leur imposer des choses, là, pour maintenant, tout de suite ?
CHRISTOPHE BECHU
Vous savez, ça a été très bien expliqué, il y a quelques minutes, qu'on s'adapte à une situation totalement impensée, inédite qui, compte tenu de la guerre en Ukraine et du risque de se retrouver sans gaz russe, nous oblige à imaginer une forme d'économie de guerre, le seul avantage de cette situation, c'est qu'elle nous permet de nous préparer à un monde dans lequel il y a moins d'énergies fossiles, de manière à faire en sorte précisément de tenir nos engagements vis-à-vis du climat et de l'environnement. Donc il y a eu à la fois à l'échelle européenne un début de plan pour être capable d'expliquer comment les choses vont se faire, il va maintenant y avoir sur le plan national la déclinaison par domaine et par secteur, eh bien, des entreprises auxquelles on demandera le plus d'efforts si on est dans une situation de risque de diminution de nos réserves, avec un principe simple, il y a des choses qui sont plus ou moins essentielles, il y a des choses qui sont plus ou moins obligatoires dans le dans le contexte, la santé, l'agroalimentaire, et il y en a d'autres, comme les usines de production de véhicules automobiles sur lesquelles si on a des efforts particuliers à faire, il ne sera pas illogique que ce soit par elles qu'on commence en diminuant la capacité énergétique, nous n'en sommes pas là. Ce que je veux dire, c'est qu'on ne pourra pas faire le reproche ou à l'Union européenne ou à la France de ne pas se poser toutes les questions et de ne pas évoquer tous les scénarios du pire, ça ne veut pas dire qu'ils vont arriver, mais ça veut dire que quoiqu'il arrive, c'est un bon exercice de se demander comment on peut être plus sobre, parce que c'est le moyen de concilier la préoccupation sur la fin du mois et la préoccupation sur la fin du mois.
STEPHANE CARPENTIER
Est-ce que vous craignez des coupures concrètes pour l'automne, pour l'hiver qui arrive ?
CHRISTOPHE BECHU
Absolument pas à ce stade, mais je pense que s'y préparer et faire en sorte de remplir effectivement les terminaux de gaz, multiplier les gestes qui vont nous permettre d'éviter les gaspillages, c'est le moyen de se préparer à tout, y compris au pire, et la responsabilité de ceux qui sont en charge, c'est de se préparer au pire.
STEPHANE CARPENTIER
Je parlais des observateurs, des réseaux sociaux en début d'entretien, Christophe BECHU, ils se demandent quel regard vous portez, vous, sur le dérapage de votre collègue Caroline CAYEUX, ministre aux propos homophobes avec le fameux « ces gens-là », elle s'est excusée, mais, bon, vous en pensez quoi, vous ?
CHRISTOPHE BECHU
Je comprends ceux qui ont été blessés, c'était important qu'elle s'excuse pour que la polémique soit close, parce qu'il y avait à la fois du mépris dans la manière dont elle l'a dit, mais pour connaître un peu Caroline CAYEUX, je peux vous assurer que ça ne lui correspond pas, elle n'est pas dans une attitude de mépris, il y a aussi beaucoup de confusion sur les réseaux sociaux, il y a des gens qui ont voté contre le mariage pour tous, j'en faisais partie, mais qui ont évolué, et je peux vous dire que j'ai éprouvé des moments de grâce et d'émotion dans les mariages entre personnes de même sexe que j'ai eu l'occasion à titre personnel de célébrer, il y a eu une évolution considérable de la société en l'espace de quelques années.
STEPHANE CARPENTIER
Vous-même, vous avez évolué donc ?
CHRISTOPHE BECHU
Bien sûr, si aujourd'hui le texte avait à nouveau lieu, on ne serait plus sur le quasi 50-50 sur lequel nous étions en 2012 quand ça a été voté, je pense qu'il y aurait 90 % de la représentation nationale ou 95 qui voteraient ce texte. Et c'est donc d'autant plus important de faire entendre sur ce sujet, qui a généré beaucoup de souffrances en termes de discrimination, de violences verbales, etc, qu'il ne puisse pas y avoir la moindre ambiguïté sur le fait que la lutte contre les discriminations, c'est à la fois une priorité de ce Gouvernement, et que la nécessité d'accompagner, notamment ceux qui sont les plus visés et qui, avec la variole du singe ou d'autres sujets de ce type, se retrouvent à nouveau parfois stigmatisés sur les réseaux sociaux, puissent ne pas douter du soutien des pouvoirs publics.
STEPHANE CARPENTIER
Merci Christophe BECHU d'être passé par RTL ce matin, on vous a entendu, on vous a vu.
CHRISTOPHE BECHU
Merci à vous.
STEPHANE CARPENTIER
Ministre de la Transition écologique, invité de RTL Matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 juillet 2022