Texte intégral
FLORIAN TARDIF
Bonjour Franck RIESTER, vous êtes ministre des Relations avec le Parlement.
FRANCK RIESTER
Bonjour.
FLORIAN TARDIF
Poste ô combien stratégique puisque c'est à vous que revient la tâche de trouver à chaque texte une majorité faute d'avoir obtenu suffisamment de sièges à l'Assemblée nationale. Vous avez petit-déjeuné avant de venir ici ?
FRANCK RIESTER
Oui, j'ai eu un petit-déjeuner.
FLORIAN TARDIF
Je dis cela car le café, le thé, le lait, la confiture, tout augmente dans notre pays et pendant ce temps-là il y a des députés qui peinent, vous allez comprendre, à s'entendre sur des mesures en faveur du pouvoir d'achat des Français, c'est un triste spectacle.
FRANCK RIESTER
Écoutez, en tout cas je suis convaincu que le comportement dans l'hémicycle, la volonté de débattre sereinement, avec détermination, en défendant ses idées plutôt que s'invectiver, plutôt que de passer du temps à créer du clivage entre nous, est essentielle. Les Français nous regardent, ils ont voté [à la présidentielle], ils ont réélu Emmanuel MACRON, ils ont voté aux élections législatives, ils ont donné une majorité à celles et ceux qui soutiennent le président MACRON et son projet, mais certes une majorité relative, et quelque part ils nous ont appelés à travailler ensemble, à trouver des compromis, à trouver des voies de passage pour leur permettre de résoudre concrètement leurs problèmes, et notamment les questions de pouvoir d'achat. Et, oui, une fois de plus j'appelle à ce que les débats soient les plus sereins possibles, après il y a l'intensité de l'Assemblée nationale, c'est le cœur battant de notre démocratie, et c'est normal aussi qu'il puisse y avoir des débats, des débats vifs, à partir du moment où ils sont respectueux, à partir du moment où il n'y a pas d'invectives, et ce n'est pas toujours le spectacle qu'on a vu depuis le début de cette session parlementaire. Pour autant le texte avance, pour autant des compromis se créent, les textes sont votés, et donc je suis moi assez confiant, je vais vous dire ce matin, sur la capacité, devant les Français, des députés, et des sénateurs, parce qu'il ne faut pas oublier le travail essentiel du Sénat, de bâtir des compromis qui permettent de répondre concrètement aux problématiques de nos compatriotes, on a des compromis avec les LR, on a des compris avec le PS…
FLORIAN TARDIF
Justement ils sont où ces compromis, parce que la Première ministre a martelé ce terme que vous martelez à nouveau ce matin sur ce plateau, où sont les compromis aujourd'hui ?
FRANCK RIESTER
Par exemple regardez sur la déconjugalisation de la AAH, l'Allocation Adulte Handicapé, c'était quelque chose qui était demandé par un certain nombre de députés lors du mandat précédent, le président de la République s'est exprimé pendant sa campagne, souhaitant qu'on avance sur cette question-là, et là un amendement, préparé par les différents groupes, déposé par chaque groupe, mais qui est un amendement similaire, va permettre d'avancer et de déconjugaliser cette AAH. Eh bien, ça, c'est un travail nouveau, un travail de partenariat entre la majorité et l'opposition dans sa diversité. Hier, je vous donne un autre exemple, un amendement de Stéphane VIRY, LR, a été adopté par la majorité pour donner plus de pouvoir d'achat aux conjoints collaborateurs, eh bien c'est ce travail de partenariat, projet après projet, amendement après amendement, qui doit nous permettre de faire avancer nos sujets. Alors nous on ne va pas mettre notre projet dans notre poche, le président de la République a une ligne claire, mais les Français nous ont demandé de travailler avec les oppositions pour le mettre en œuvre, et ça veut dire que parfois on sera obligé de changer, non pas la substance même du projet, mais les modalités, pour permettre vraiment de prendre en compte la diversité de ce que pensent les Français dans notre pays.
FLORIAN TARDIF
Justement, on va poursuivre sur cette notion de compromis. Les députés de gauche, du Rassemblement national, ainsi que des députés de droite, sur les bancs des Républicains, sont prêts à voter une taxe sur les superprofits. Question simple, est-ce que vous pourriez taxer les superprofits énergétiques ?
FRANCK RIESTER
Ce qui est certain c'est que les entreprises, notamment celles qui bénéficient particulièrement de ce nouvel environnement, et notamment cette crise sanitaire, ou cette crise énergétique, doivent pouvoir contribuer à accompagner nos compatriotes dans cette crise et cette inflation, c'est ce que nous avons demandé très clairement aux entreprises, par exemple aux entreprises, qui le peuvent, de pouvoir augmenter les salaires de leurs salariés, c'est de pouvoir avoir recours à la prime…
FLORIAN TARDIF
Mais sur la taxe sur les superprofits.
FRANCK RIESTER
Attendez, c'est important de le dire ; la prime Macron, vous savez qu'hier a été votée la prime Macron, cette capacité d'aller jusqu'à 6000 euros de prime donnée par les entreprises à leurs salariés pour les accompagner. Parce que, ne nous trompons pas, c'est d'abord un texte sur le pouvoir d'achat, pas sur les ressources de l'État, il ne faut pas mélanger choses, ensuite, s'il y a des entreprises, toutes particulières, qui sont des profits tout spécifiques, eh bien il faut qu'elles contribuent d'une manière ou d'une autre. EDF a participé à mettre en place le plafond énergétique, TOTAL, nous avons demandé à ce que TOTAL puisse faire un geste très fort vis-à-vis des utilisateurs de carburant, ils l'ont fait…
FLORIAN TARDIF
Mais vous ne répondez pas concrètement à ma question, est-ce qu'il faut taxer les superprofits énergétiques, oui ou non ?
FRANCK RIESTER
D'abord la réponse ne passe pas par la fiscalité systématiquement…
FLORIAN TARDIF
Donc la réponse est non ?
FRANCK RIESTER
Non, ce n'est pas la réponse est non, la réponse c'est que notre politique c'est de baisser les impôts des Français, on les a baissés de plus de 50 milliards d'euros lors du quinquennat précédent, et on veut continuer, c'est pour ça que dans le projet de loi il y a la suppression de la redevance télé, c'est pour ça qu'on veut baisser les impôts de production pour la compétitivité de nos entreprises, et donc nous ne pouvons pas avoir cette réponse facile de la fiscalité. Pour autant, nous voulons que les grandes entreprises qui profitent spécifiquement de ces perturbations dans l'approvisionnement énergétique puissent contribuer, d'une manière ou d'une autre, par des efforts directement à leurs clients, par des efforts vis-à-vis de leurs salariés, on verra les efforts qu'ils font, et on verra quelles dispositions complémentaires on peut prendre.
FLORIAN TARDIF
Donc compromis possible sur la taxe pour les superprofits énergétiques, c'est ce qu'il faut comprendre ?
FRANCK RIESTER
Ce qu'il faut comprendre c'est que chaque entreprise, y compris les plus grandes, qui bénéficient spécifiquement de cette situation aujourd'hui, peuvent éventuellement avoir une contribution qui permette d'envoyer un signal fort à nos compatriotes, c'est que quand ils sont dans une difficulté aujourd'hui, liée à l'inflation, quand ils ont parfois du mal à boucler leurs fins de mois, eh bien les grandes entreprises contribuent à cet effort collectif de la nation.
FLORIAN TARDIF
Vous parliez à l'instant de la redevance télévisuelle, vous pourriez puiser dans les recettes de la TVA pour remplacer cette redevance, on remplace donc une redevance par une taxe, où est l'amélioration du pouvoir d'achat des Français ?
FRANCK RIESTER
Alors, cette redevance les Français la payent chaque année, elle va être supprimée, et il n'y aura pas de création de taxe nouvelle pour pouvoir financer l'audiovisuel public, on va prendre dans les ressources actuelles de l'État pour financer l'audiovisuel public au même niveau que ce qui était prévu par la redevance, donc même si cette redevance est supprimée, nous ne créons pas en parallèle un nouvel impôt pour le financer.
FLORIAN TARDIF
Mais on va puiser dans la TVA.
FRANCK RIESTER
On va puiser dans les ressources de l'État, peut-être en l'adossant spécifiquement, en l'affectant spécifiquement, à une ressource de l'État, dont par exemple, pourquoi pas, la TVA, ça c'est le Parlement qui le décidera dans le cadre des discussions qui sont en cours. Mais, que les choses soient très claires, on supprime la redevance, et oui va utiliser de l'argent public pour financer l'audiovisuel public, mais on ne crée pas une nouvelle taxe pour compenser la suppression de la redevance.
FLORIAN TARDIF
Très bien. Est-ce que vous craignez une rentrée sociale agitée dans ce contexte ? Les députés de la NUPES, par exemple, promettent qu'elle sera "caniculaire", je les cite.
FRANCK RIESTER
Écoutez, il y a des difficultés aujourd'hui dans le pays, nous avons un mot d'ordre, une méthode, c'est le dialogue, c'est la concertation, moi en tant que ministre en charge des Relations avec le Parlement cette nouvelle méthode je dois la préparer, à la demande de la Première ministre, nous y travaillons avec les deux chambres, l'Assemblée nationale et le Sénat, pour que le travail parlementaire soit plus facile, plus serein, avec plus de temps, avec des textes plus courts, donner davantage à l'avance au Parlement pour que le Parlement puisse faire son travail et aussi en concertant davantage plus largement la population, les parties prenantes directement concernées par le texte, c'est cette méthode-là qu'on veut généraliser à la demande du président de la République pour que les réformes dont on a besoin, dont le pays a besoin, le président de la République a parlé de la réforme des retraites, je peux parler aussi de la réforme du travail, nous avons besoin de ces réformes, c'est important pour le pays. On ne va pas, parce que nous n'avons qu'une majorité relative, arrêter de réformer le pays, mais on veut le faire dans une méthode davantage participative, contributive, où chacun puisse participer finalement à la construction de ces réformes et à la construction de la loi.
FLORIAN TARDIF
Avant d'aborder ce qui se passe actuellement en Gironde, la réforme des retraites c'est pour quand ?
FRANCK RIESTER
Eh bien écoutez c'est dans les mois qui viennent, vous l'avez dit, le président de la République a dit que c'était une réforme importante, et donc ça veut dire que cette réforme sera menée dans les mois qui viennent.
FLORIAN TARDIF
Avant fin 2022 ?
FRANCK RIESTER
Écoutez, on verra précisément le calendrier, on n'a pas retenu encore le calendrier exact de notre travail parlementaire dans les mois qui viennent, mais c'est une réforme prioritaire parce que nous voulons très clairement sauvegarder le système de retraite par répartition et nous voulons dire et expliquer toujours et encore à nos compatriotes que la résolution, finalement structurelle, de ces problèmes de pouvoir d'achat, c'est par le travail, c'est par la capacité à créer de la richesse, à créer des emplois, à ce que nos entreprises se développent, qu'on réussira à régler ces questions de pouvoir d'achat.
FLORIAN TARDIF
Comme je le disais à l'instant, pendant ce temps-là les incendies continuent de ravager la Gironde, Emmanuel MACRON, le président de la République, va se rendre sur place cet après-midi, des élus Europe Écologie-Les Verts, ainsi que des communistes, vous appellent à débloquer plus de moyens pour pouvoir lutter contre ces incendies et préparer les feux potentiellement à venir, ils vous appellent à investir notamment dans l'achat de nouveaux matériels alors que notre flotte est vieillissante, est-ce que c'est sur la table, est-ce que vous pourriez, au sein du Gouvernement, débloquer une enveloppe ?
FRANCK RIESTER
D'abord notre flotte n'est pas vieillissante, on a investi massivement dans le quinquennat précédent, on a augmenté de 45 % le budget de la Sécurité civile, on a investi dans des nouveaux appareils, notamment des gros bombardiers d'eau, et on va continuer de le faire, c'est de 850 millions d'euros qui en 10 ans seront investis pour la Sécurité civile, c'est un geste absolument considérable, avec des équipes qui sont exceptionnelles, des gens qui sont mobilisés, formés. Et, oui, c'est important de se doter d'outils, c'est important aussi de former les équipes, c'est important que toutes celles et ceux qui sont les parties prenantes de cette lutte contre les feux de forêt, à commencer par les collectivités territoriales qui font un travail exceptionnel, et on voit, sont mobilisées là sur le terrain, en Gironde particulièrement, puissent travailler ensemble pour toujours et encore faire en sorte de faire de la prévention. D'abord, lutter contre les, je dirais, les gestes du quotidien qui peuvent parfois avoir des conséquences terribles…
FLORIAN TARDIF
Le jet de mégot…
FRANCK RIESTER
…Jeter un mégot, il faut savoir que 90 % des départs de feux sont liés à un mauvais geste humain, sans compter évidemment les pyromanes, ça c'est encore autre chose, qui doivent être sanctionnés très fermement, mais ensemble bâtissons des réponses, comme on l'a pu faire dans d'autres régions, pour faire en sorte que la forêt, par exemple, soit plus protégée, plus entretenue, contre les risques d'incendie. C'est vrai que cette région Ouest était moins soumise à ces incendies, que le Sud-est par exemple, et donc peut-être a moins investi dans des dispositifs d'organisation de la forêt qui permettent aux pompiers de mieux lutter.
FLORIAN TARDIF
On parlait de compromis tout à l'heure dans le cadre des débats autour du projet de loi sanitaire, le Sénat a rétabli le recours possible au pass sanitaire, supprimé précédemment je le rappelle par les députés à l'Assemblée nationale, vous saluez cette décision ? Est-ce que les sénateurs de droite sont plus responsables que les députés de droite ?
FRANCK RIESTER
Non mais écoutez c'est le travail parlementaire, l'Assemblée nationale avance, vote, le Sénat apporte des améliorations ou des modifications au fur et à mesure des travaux et ensuite, il y aura une commission mixte paritaire, c'est-à-dire les sénateurs et les députés qui se rejoignent pour partager leurs idées et pour voir de quelle manière on peut atterrir sur un texte en commun. Et moi ce que je retiens, c'est que les sénateurs, effectivement, remisent [sic] [sur] ce que nous avons défendu nous, le Gouvernement, l'Assemblée nationale, c'est l'importance de pouvoir se doter d'un pass sanitaire pour permettre de protéger nos compatriotes de l'éventuelle arrivée de personnes venant de pays où le virus circulerait beaucoup plus fort. Ça a été effectivement retiré par un vote rassemblant le FN, La France Insoumise et les LR, nous l'avons regretté. Voilà mais le texte continue son parcours. Au Sénat les sénateurs l'ont réécrit avec notamment Philippe BAS qui est un grand spécialiste des questions juridiques et on verra en commission mixte paritaire comment les choses vont se mettre en place, sachant qu'il y a encore la discussion dans l'hémicycle au Sénat. Vous voyez, je crois que…
FLORIAN TARDIF
On sent que vous posez chacun de vos mots pour tenter de créer du consensus au sein des deux parlements.
FRANCK RIESTER
Non mais je vous ai dit que j'étais confiant. Moi je pense que cette situation politique inédite va revaloriser le rôle du Parlement, le rôle des parlementaires, l'image des députés et des sénateurs à condition qu'ils se comportent bien dans l'hémicycle. Mais de pouvoir…
FLORIAN TARDIF
On en parlera dans un instant.
FRANCK RIESTER
De pouvoir sur la base de ce que propose le Gouvernement travailler, améliorer, amender, discuter, débattre, mettre en perspective ces projets de loi pour les Français, pour qu'ils comprennent pourquoi nous faisons ça pour eux, c'est aussi quelque chose de très positif et je suis convaincu qu'à l'issue de ce parcours législatif, Sénat, Assemblée nationale, Assemblée nationale, Sénat, eh bien, ce texte sanitaire puis ensuite le texte pouvoir d'achat permettra à nos compatriotes de voir que le travail parlementaire est utile pour le pays et que le Gouvernement veut travailler de la meilleure façon possible avec lui.
FLORIAN TARDIF
Vous parliez du comportement des parlementaires, un député de la majorité la semaine dernière a mimé un salut nazi au sein de l'Assemblée nationale, quelle image Franck RIESTER, quelle image !
FRANCK RIESTER
Oui je pense que tous les gestes inappropriés et c'est le moins qu'on puisse dire, les invectives doit être exclues du comportement des députés et des sénateurs. On verra quelle est la décision prise par l'Assemblée nationale, par la présidente de l'Assemblée nationale.
FLORIAN TARDIF
Des sanctions sont à l'étude ?
FRANCK RIESTER
Écoutez, en tout cas c'est dans les mains…
FLORIAN TARDIF
On sent un certain malaise, en tout cas au sein de la majorité y compris sur ce plateau.
FRANCK RIESTER
Non mais il n'y a pas de malaise, il faut être clair. Les comportements doivent être dignes, l'attitude des députés et des sénateurs doit être exemplaire, les Français nous regardent, nous avons une part de la souveraineté nationale dans nos mains, on doit en être digne.
FLORIAN TARDIF
Merci beaucoup Franck RIESTER.
FRANCK RIESTER
Merci à vous
source : Service d'information du Gouvernement, le 21 juillet 2022