Interview de M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à RTL le 30 août 2022, sur la rentrée scolaire, le recrutement des enseignants, la pénurie des chauffeurs de cars scolaires et l'allocation de rentrée scolaire.

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Intervenant(s) : 
  • Pap Ndiaye - Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Média : RTL

Texte intégral

AMANDINE BEGOT
Bonjour Monsieur le Ministre, et merci beaucoup d’être avec nous ce matin sur RTL

PAP NDIAYE
Bonjour.

AMANDINE BEGOT
Alors, ce matin, la rentrée scolaire, on le disait, c’est dans deux jours, après-demain, demain pour les enseignants, j'ai plein plein de questions à vous poser, on va donc, si vous le voulez bien, essayer d'être très concret et d'apporter aux parents et aux enseignants toutes les questions qu’ils se posent. Est-ce que d'abord vous pouvez ce matin sur RTL nous le garantir, il y aura bien un enseignant dans chaque classe ?

PAP NDIAYE
Nous avons en effet des difficultés de recrutement, j'ai eu l'occasion d'en parler à de nombreuses reprises, qui sont liés à la perte d'attractivité du métier d'enseignant, c'est vrai depuis plusieurs années, nous avons tout lieu de penser que cette rentrée sera comparable à celle de l'année dernière, avec un faible pourcentage d'enseignants contractuels, et avec en effet un professeur devant chaque classe, ce qui n'exclut pas, au cours de l'année, bien sûr des difficultés dans certaines disciplines.

AMANDINE BEGOT
C’est sûr, il y aura un enseignant dans chaque classe, un enseignant ou un adulte, il y a beaucoup de critiques sur ces contractuels qui ont été recrutés, plus de 3000, qui n'ont pour la plupart jamais vu une classe, certains n’ont fait que 4 jours de formation, on ne devient pas prof en 4 jours, on est d'accord ?

PAP NDIAYE
On ne vient pas prof en 4 jours, mais la grande majorité des enseignants contractuels a déjà enseigné l'année dernière, plus de 80 % d'entre eux, et puis le volume d'enseignants contractuels reste très mesuré, on parle de 1 % dans le premier degré et 6,5 à 8 % dans le second degré, c'est plus que ce qu'il faudrait bien entendu, mais au regard de la masse globale des enseignants, des 859.000 enseignants, le pourcentage d'enseignants contractuels demeure faible, il est un peu plus élevé dans certaines disciplines, il faut le reconnaître. Nous formons les enseignants contractuels, il n'y a pas que 4 jours, nous les suivons tout au long de l'année, on leur propose également du tutorat, on s'assure que ces enseignants tiennent leur classe, et comme je le disais, pour l'écrasante majorité d'entre eux, ils ont déjà une expérience d'enseignement.

AMANDINE BEGOT
Donc les parents qui se disent « holà là, il va y avoir des problèmes de niveau », qui s'inquiètent pour leurs enfants, ils peuvent être rassurés, vous nous dites ça ce matin sur RTL ?

PAP NDIAYE
L’enseignement c'est un métier d'expérience, il n'y a aucun doute là-dessus, c'est vrai d'ailleurs aussi pour des enseignants titulaires qui débutent dans le métier, qui ont besoin d'apprendre et d’accumuler…

AMANDINE BEGOT
Sauf qu’entre 4 jours et quelques années, et des stages, il y a quand même une différence, vous êtes d’accord ?

PAP NDIAYE
Quatre jours, bien sûr ça ne suffit pas, mais nous prolongeons ces jours-là par de la formation tout au long de l'année, par du tutorat, et encore une fois la plupart de ces enseignants contractuels ont déjà une expérience, ils sont recrutés à bac+3, bac+4, bac+5, dans l'académie de Versailles la moitié d'entre eux sont à bac+5, bref on recrute des personnes motivées, dont l'expérience n'est pas suffisante parfois, il faut le reconnaître, et puis par ailleurs on travaille à des solutions pérennes pour rendre le métier d'enseignant plus attractif.

AMANDINE BEGOT
Alors, on va revenir sur ces solutions, juste un mot sur les remplacements en cours d'année, on sait, il y a toujours des difficultés de remplacements, elles risquent d'être plus importantes cette année encore, non ?

PAP NDIAYE
On va avoir des tensions dans certaines disciplines du second degré, c'est vrai, du point de vue des remplacements…

AMANDINE BEGOT
Les disciplines scientifiques, la physique.

PAP NDIAYE
La physique-chimie, la technologie, des disciplines aussi des lycées professionnels, celles qui sont les plus en tension avec le marché du travail en général, il faut le reconnaître, et nous allons faire au mieux, tout au long de l'année, tout en veillant et en s'organisant pour que les concours de recrutement aient un meilleur rendement avec donc la revalorisation du métier d'enseignant puisque c'est la clé finalement.

AMANDINE BEGOT
Qu'est-ce que vous dites à ceux qui dénoncent du bricolage, qui vous disent il vaudrait mieux presque pas de prof qu'un prof qui ne sait pas faire ?

PAP NDIAYE
Nous avons des professeurs qui savent faire, que nous suivons, et qui sont de surcroît très motivés, ce n’est pas du bricolage, et encore une fois ça représente un pourcentage très faible de la population générale des enseignants, nous faisons au mieux, dans des conditions qui ne sont pas optimales, mais la rentrée se fera dans des conditions très convenables, je peux vous le garantir.

AMANDINE BEGOT
L’autre pénurie, on en a beaucoup parlé, elle concerne les chauffeurs de cars scolaires, un élève sur dix, c'est énorme, prend les transports scolaires pour se rendre dans son établissement, là aussi vous pouvez nous promettre ce matin que tous auront une solution jeudi ?

PAP NDIAYE
Ce n’est pas de la responsabilité du ministère de l’Education nationale…

AMANDINE BEGOT
Oui, ce sont les collectivités.

PAP NDIAYE
Ce sont les régions qui organisent le transport scolaire, en lien avec les rectorats, nous avons eu en effet des difficultés de recrutement, les régions se sont beaucoup mobilisées avec les fédérations de transport de voyageurs pour qu’on puisse avoir un nombre suffisant de chauffeurs de car, je n'exclus pas ça et là des difficultés spécifiques, nous sommes en train de faire le point avec les rectorats, ce qui pourrait impliquer, à l'extrême, des solutions de covoiturage, mais nous sommes à ce stade confiants sur la capacité à transporter les 1,2 millions d'enfants, 10 % du total, qui ont besoin de transports scolaires à partir de jeudi.

AMANDINE BEGOT
Je reviens aux enseignants, Emmanuel MACRON s'y est engagé, aucun ne débutera sa carrière désormais à moins de 2000 euros net par mois, c'est 2000 euros net hors prime ou avec les primes ?

PAP NDIAYE
2000 euros net hors primes, mais…

AMANDINE BEGOT
Donc le salaire…

PAP NDIAYE
C’est le salaire de départ, mais la revalorisation des enseignants ne concerne pas seulement les débutants, mais aussi les milieux de carrière.

AMANDINE BEGOT
Alors justement, on n'a pas tout à fait compris. D’abord, juste, ce sont tous les enseignants, de la maternelle au lycée…

PAP NDIAYE
Oui.

AMANDINE BEGOT
Donc, 2000 euros net pour ces enseignants débutants, les autres ont commencé à grincer des dents, parce que c'est au bout de 12, 13 ans normalement qu'on gagne ces 2000 euros, ils ont dit « et nous, est-ce que nous aussi on va être augmenté ? », ils vont être augmentés, de l'ordre de combien ?

PAP NDIAYE
Alors ça ce sera annoncé lorsque la loi de finances sera présentée, à partir du début octobre, et lors de nos échanges avec les organisations syndicales, mais il est clair qu'un débutant ne peut pas gagner plus qu'un professeur qui a une dizaine d'années d'expérience, et donc il faut aussi toucher au milieu de carrière de manière à ce qu’il y ait une revalorisation qui soit attractive…

AMANDINE BEGOT
Ça fait 20 à 30 % en plus pour un débutant, ce sera le cas aussi, du coup, sur tous les échelons, 20 à 30 % ?

PAP NDIAYE
Ce seront des pourcentages qui seront précisés, 20 à 30 % c'est au-delà de ce que nous pouvons faire, et au-delà des promesses du président de la République, mais ce seront des augmentations significatives pour faire face à la perte d'attractivité du métier, même s’il y a d'autres facteurs dans cette perte d'attractivité, les conditions de travail, les déroulements de carrière, mais il faut reconnaître que les salaires ne sont plus à la hauteur des travaux et des efforts demandés.

AMANDINE BEGOT
A propos d'argent, l'école n'échappe pas à l'inflation, le prix des fournitures scolaires est en forte hausse, Olivier KLEIN, le ministre délégué à la Ville, plaide pour un trousseau gratuit de fournitures scolaires, ce trousseau il serait remis aux enfants le jour de la rentrée dans les établissements, vous êtes pour ?

PAP NDIAYE
L’allocation de rentrée scolaire, qui a bénéficié d'une augmentation de 4% à la rentrée, permet déjà aux familles d'acheter des fournitures, mais également des vêtements…

AMANDINE BEGOT
Donc pas besoin de trousseau ?

PAP NDIAYE
Il y a aussi des municipalités, comme Clichy-sous-Bois, dont Olivier KLEIN était le maire, qui fournissent des fournitures scolaires, donc c'est quelque chose dont on peut parler, ce sur quoi nous mettons l'accent aujourd'hui c'est l'allocation de rentrée scolaire, et j'ai eu l'occasion de la défendre très fermement contre celles et ceux qui estiment que cette allocation sert à d'autres choses, alors qu'en réalité on sait bien, via des études, plus ou moins récentes, que cette allocation de rentrée scolaire sert presque à 100 % à l'achat de fournitures, de vêtements pour les enfants, et donc c'est d'abord là-dessus que je me fonde.

AMANDINE BEGOT
Un mot sur les cantines, est-ce que vous êtes choqué par ces communes qui proposent de choisir entre entrée ou dessert, ou fromage ou dessert, pour faire des économies, en tout cas pour ne pas répercuter le prix de la cantine aux familles ?

PAP NDIAYE
Ce qui paraît décisif c'est la bonne alimentation des enfants qui est une garantie évidemment de leur travail et d'un travail satisfaisant à l'école, et donc je pense qu'il ne faut pas faire d'économies sur le dos des enfants et sur le dos des cantines, même s'il faut reconnaître que certaines communes ont des difficultés financières pour faire face…

AMANDINE BEGOT
Le Gouvernement pourrait les aider s’il y a besoin ?

PAP NDIAYE
C’est quelque chose que nous pouvons examiner, en tout état de cause les communes sont déjà soutenues dans leurs efforts concernant le monde scolaire, par l'Etat, mais elles ont aussi des prérogatives qu'elles doivent assumer.

AMANDINE BEGOT
Un dernier point. La Défenseure des droits vous a interpellé ce week-end, trop d'enfants handicapés se retrouvent encore déscolarisés faute d'accueil, on leur dit « oui, vous avez le droit à un assistant », sauf que ces assistants on ne les trouve pas, ou alors il n’y a pas les moyens, on entendait la maman d'Elliott, 12 ans, qui ne va plus à l'école depuis 6 ans parce qu'il n'a pas de solution, est-ce que vous pouvez vous engager ce matin pour ces enfants Monsieur le ministre ?

PAP NDIAYE
Nous recrutons des assistants, ou assistantes, qu'on appelle les AESH, il y en a aujourd'hui près de 130.000 en France qui s'occupent des enfants en situation de handicap, dont le nombre a crû de façon très spectaculaire dans l'école ordinaire…

AMANDINE BEGOT
Mais un sur cinq encore ne peut pas aller à l’école.

PAP NDIAYE
La Défenseure des droits pointe en effet des difficultés, à la fois dans l’allocation de ces ressources, et puis également dans le recrutement, et puis les conditions de travail des AESH, on y travaille avec leur…avec des augmentations de salaires, et en même temps il faut aussi reconnaître que les enfants à besoins particuliers ont aussi des besoins qui ne peuvent pas seulement être couverts par les AESH, mais parfois par d'autres solutions. La croissance financière est une croissance très importante, on y consacre 3,5 milliards d'euros, il faut donc aussi réfléchir à des solutions qui ne mobilisent pas nécessairement des AESH, mais la Défenseure des droits est dans ses fonctions lorsqu'elle pointe ces difficultés, bien entendu.

AMANDINE BEGOT
Merci beaucoup Monsieur le ministre.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 13 septembre 2022