Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions, vous êtes le ministre de l'Économie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et numérique. De très nombreuses questions à vous poser ce matin, on attend des réponses sur les aides, sur l'accompagnement des entreprises, sur le bouclier tarifaire, l'inflation, les taxes sur les superprofits, mais d'abord cette phrase quand même, Emmanuel MACRON qui affirme hier, je cite, "nous sommes en guerre et il faut produire plus d'électricité", avouez que c'est cocasse quand même.
BRUNO LE MAIRE
Je ne vois pas ce que ça a de cocasse, c'est grave et il a raison d'être grave.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est cocasse parce que ça vient d'un président qui a fermé Fessenheim, qui a dit au patron d'EDF, dixit le patron d'EDF, "n'embauchez plus", et qui a le plus beau parc nucléaire d'Europe, mais fermé pour moitié, donc quand il dit "il faut produire plus d'électricité", que n'a-t-il fait ?
BRUNO LE MAIRE
Ça vient d'un président de la République, Apolline de MALHERBE, qui a demandé la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires, qui a réaffirmé la volonté de la France d'être une des grandes puissances nucléaires de la planète, qui a créé l'Université des métiers du nucléaire, qui a relancé cette activité-là, qui a dit qu'il fallait diversifier aussi vers les énergies renouvelables pour que nous soyons plus indépendants, et qui a réaffirmé la nécessité d'être plus sobres dans notre consommation énergétique. Donc je pense, un, qu'il a bien fait de remettre les pendules à l'heure, deux, qu'il vaut mieux…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous pensez notamment au patron d'EDF qui était clairement visé par les critiques d'Emmanuel MACRON hier ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais il me semble qu'il y a eu des propos déplacés, c'est bien que les pendules soient remises à l'heure et surtout c'est bien maintenant qu'on se tourne vers l'avenir. Pour moi la page est tournée et ce qui compte c'est que nous produisions plus d'électricité, dans les mois et dans les années à venir, pour garantir notre indépendance énergétique, qui a toujours fait la puissance de la nation française. Et pour ça, par quoi est-ce que ça passe ? D'abord consommer moins d'énergie, le mot sobriété il est parfois un peu compliqué. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement pour nous tous ? Ça veut dire dans nos déplacements, chez nous, dans nos administrations, dans nos usines, dans les commerces, consommer moins d'énergie, et ça doit être un engagement personnel de chacun, c'est difficile, ça demande de changer ses habitudes, ses comportements, c'est difficile pour vous, c'est difficile pour moi, c'est difficile pour tous ceux qui nous écoutent, mais c'est la première des priorités, réduire notre consommation d'énergie. En deuxième lieu, développer les énergies renouvelables, et sans doute à marche forcée, parce que nous avons pris du retard et qu'il faut accélérer. Et en troisième lieu, retrouver une production électrique nucléaire qui soit suffisante, qui soit sûre, remettre en route les réacteurs qui sont à l'arrêt, ce sera la priorité absolue du prochain président d'EDF, et réaliser ces six réacteurs nucléaires qui représentent l'investissement industriel le plus important fait depuis un demi-siècle dans notre pays.
APOLLINE DE MALHERBE
On va revenir dans le détail sur ce que vous dites, les changements de comportements, l'aide et l'accompagnement pour baisser la consommation d'énergie, je pense notamment aux aides aux entreprises que vous allez nous détailler dans un instant, et la prolongation du bouclier tarifaire pour les particuliers, mais enfin vous parlez du patron d'EDF, et vous parlez du futur patron d'EDF, la réalité c'est que Jean-Bernard LEVY dit aujourd'hui, après avoir dirigé EDF, alors qu'il est à la fin de son mandat, il dit "vous m'accusez, alors que la réalité c'est que ça fait des années que vous me dites il faut fermer, il faut arrêter d'embaucher, je n'ai pas les mains aujourd'hui pour maintenir nos centrales."
BRUNO LE MAIRE
On peut passer beaucoup de temps sur le passé, je pense qu'au regard…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais il n'y a pas de futur pour l'instant, parce que vous dites le prochain patron d'EDF, mais il n'y en n'a pas, personne n'est…
BRUNO LE MAIRE
Si, si, il y a du futur, je pense qu'il est préférable, au regard des enjeux énergétiques qui sont considérables, de nous tourner vers l'avenir…
APOLLINE DE MALHERBE
Avez-vous trouvé le futur patron d'EDF ?
BRUNO LE MAIRE
Et regardons ce qui nous attend pour l'avenir, produire plus d'électricité décarbonée ça doit être l'enjeu des prochaines décennies, pour ça il faudra effectivement un patron pour EDF, qui est un magnifique service public, avec des agents d'une immense qualité, des techniciens, des salariés, des ouvriers, des ingénieurs d'une grande qualité, dont je veux saluer l'engagement, ils méritent le meilleur, du coup ça fait trois mois…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais pour qu'ils se fassent humilier en public par le président de la République.
BRUNO LE MAIRE
Ça fait trois mois que comme responsable de l'Agence des participations de l'État, qui a la tutelle d'EDF, avec un certain nombre de conseils, nous cherchons la meilleure direction possible pour EDF, je peux vous dire que nous avons arrêté notre choix sur un certain nombre de noms, j'ai soumis ces noms à la Première ministre et au président de la République, qui décideront, dans les prochains jours, qui dirigera EDF.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne regrettez pas quand même que le président ait fermé Fessenheim ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il faut se tourner vers l'avenir, voilà ce que je pense profondément, et que nous avons besoin à la fois d'économies d'énergie, d'énergies renouvelables et de nucléaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors tournons-nous vers l'avenir, Emmanuel MACRON qui a appelé les Français à être au rendez-vous de la sobriété, au moment même où il disait ça et où vous vous dites ce matin qu'il faut changer nos comportements, il y avait Christophe GALTIER et MBAPPÉ qui étaient en conférence de presse, et alors qu'on leur demandait si oui ou non ils n'auraient pas pu faire…
BRUNO LE MAIRE
J'ai vu la séquence, je pense que comme n'importe quel citoyen français…
APOLLINE DE MALHERBE
Ils n'auraient pas pu faire Paris-Nantes en TGV…
BRUNO LE MAIRE
J'ai vu cette séquence.
APOLLINE DE MALHERBE
On va la réécouter, parce que, honnêtement, ça le mérite.
APOLLINE DE MALHERBE
MBAPPÉ qui pouffe de rire quand on lui demande de changer de comportement comme vous dites.
BRUNO LE MAIRE
D'abord j'adore MBAPPÉ, il peut tous nous arriver à n'importe quel moment d'avoir un fou rire au moment le moins opportun, et je pense que c'était le moment le moins opportun pour avoir un fou rire, ce que je crois c'est que nous devons tous prendre le réchauffement climatique au sérieux, c'est grave, c'est l'avenir de notre planète, c'est notre capacité à habiter cette planète, pour nous et surtout pour nos enfants et nos petits-enfants, donc quel que soit ce qui peut nous tomber dessus, y compris un fou rire, prenons le réchauffement climatique très au sérieux.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a le fou rire de MBAPPÉ, et il y a l'ironie de Christophe GALTIER.
BRUNO LE MAIRE
Oui, l'ironie elle est déplacée, mais ce que je crois, une fois encore profondément, c'est qu'il faut que tous, quoi que ça puisse nous coûter dans nos comportements, dans nos réflexions, que nous prenions le réchauffement climatique très au sérieux.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, sur la question justement du changement, il y a eu cette idée à un moment du jet, là c'est un problème de jet je veux dire, c'est d'avoir pris un jet privé pour faire Paris-Nantes au lieu de le faire en TGV, vous étiez défavorable à l'idée de réguler ces jets, est-ce que finalement la réponse de MBAPPÉ hier, et de Christophe GALTIER, leur ironie, leur sentiment d'être complètement loin de toutes ces préoccupations, ne montre pas qu'il faudrait peut-être quand même les réguler ces jets ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne suis pas hostile à des régulations, je dis simplement que l'enjeu dépasse la question des jets, des piscines. Les symboles sont importants, mais on ne peut pas s'arrêter aux symboles, l'enjeu est beaucoup plus important que cela, il faut que sur les bâtiments on construise en ayant une isolation qui soit meilleure, il faut qu'on accompagne les ménages pour qu'ils puissent avoir des véhicules qui soient moins polluants, il faut qu'on transforme nos usines et qu'on décarbone, et ça va coûter des milliards d'euros, nos usines, en utilisant notamment l'hydrogène, voyez ce sont des enjeux qui sont absolument stratégiques, je ne voudrais pas qu'on les ramène à de purs symboles. Mettre en place un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, pour lequel nous nous battons avec le président de la République depuis cinq ans, pour que, on produise des produits décarbonés en France en Europe, mais comme ils sont plus chers qu'on fasse payer les produits chinois, les produits turcs, qui eux sont produits dans des conditions environnementales moins favorables, c'est ces enjeux-là qu'il faut faire comprendre, donc ne nous arrêtons pas aux symboles, qu'il y ait des régulations, qu'il y ait des règles qui soient les mêmes pour tous…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous n'êtes pas fermé à l'idée de réguler le trafic de jets privés en France ?
BRUNO LE MAIRE
Non, moi je ne suis pas fermé à ce qu'on ait des règles qui s'imposent à chacun, je dis simplement que les enjeux sont plus stratégiques que cela et qu'il ne faut pas faire croire aux Françaises et aux Français que parce qu'on régule les jets, les piscines, ou je ne sais trop quoi d'autre, on aura réglé le problème du réchauffement climatique.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, les aides, et ensuite la question de la contribution de la taxe, dont on n'a pas encore très bien compris les contours, qu'Emmanuel MACRON a annoncée hier. Les aides, il y a les particuliers et il y a les entreprises, je voudrais qu'on parle des particuliers d'abord, puisque le bouclier tarifaire devait arriver à échéance au 31 décembre, il semble, et vous allez peut-être me le confirmer, qu'il sera prolongé, et je voudrais savoir sous quelle forme, est-ce qu'il va être prolongé tel quel, c'est-à-dire que la facture de tous sera baissée, ou est-ce qu'il y aura des contraintes, des logiques économiques ou de consommation ?
BRUNO LE MAIRE
Nous continuerons à protéger nos compatriotes contre la flambée des prix de l'énergie, c'est ce que nous avons décidé comme stratégie, ce n'est pas un choix de court terme, je voudrais bien faire comprendre à tous ceux qui nous écoutent que nous faisons des choix de très long terme, qui nous engagent pour très longtemps, et que c'est comme ça qu'on réussira lutter contre le réchauffement climatique. Dès l'automne 2021, avec le président de la République nous nous sommes dit les prix de l'énergie vont exploser, électricité, gaz, il faut protéger nos compatriotes, on a fait passer en septembre 2021 une hausse des prix du gaz, une hausse des prix de l'électricité, mais ensuite on a stabilisé, pendant un an, maintenant on va arriver en janvier 2023, il y aura des hausses, on ne l'a jamais caché, il y aura des hausses parce qu'il faut que régulièrement on puisse ajuster les prix pour que…
APOLLINE DE MALHERBE
De quel ordre ?
BRUNO LE MAIRE
Une hausse qui sera contenue, j'ai toujours employé ce terme-là, je maintiens ce terme-là, la hausse des prix de l'électricité, des prix du gaz, sera contenue. S'il n'y avait pas cette protection, soyons très clairs, la facture d'électricité augmenterait en janvier 23 de 120 euros par mois, je dis bien par mois, et la facture de gaz de 180 euros par mois, ce serait insupportable, et les Etats qui ont laissé filé…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce ne sera donc pas le cas, vous ne ferez pas comme l'Angleterre.
BRUNO LE MAIRE
Les États qui ont laissé filer ce genre de dépenses, comme l'Angleterre, comme vous le dites très bien, vous voyez bien qu'ils se retrouvent dans une situation sociale qui est intenable, vous voyez bien que même l'Allemagne vient sur nos positions et vient d'annoncer des mesures de soutien aux ménages. Nous nous avons fait ce choix, depuis le début, d'anticiper cette crise énergétique et de lisser les effets dans le temps pour les ménages.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors quand vous dites lisser ces effets, je voudrais quand même que vous nous donniez un peu plus de détails, est-ce que ce sera le même principe qu'aujourd'hui, c'est-à-dire vous avez ce bouclier pour tous, tous les particuliers, quels que soient leurs revenus, ou est-ce que vous allez rajouter des contraintes de revenus ou de consommation ?
BRUNO LE MAIRE
Non…
APOLLINE DE MALHERBE
On garde le même principe, c'est pour tous ?
BRUNO LE MAIRE
On ne va pas faire d'usine à gaz, c'est le cas de le dire, ce sera le même principe pour tous, il y aura une augmentation, pour tout le monde, du prix du gaz…
APOLLINE DE MALHERBE
Pour tous les ménages ?
BRUNO LE MAIRE
Et du prix de l'électricité, qui sera le plus contenue possible, dans la mesure aussi de ce que nous permettent nos finances publiques, et pour les ménages les plus modestes, comme le président de la République l'a indiqué, il y aura le chèque énergie, je rappelle que le chèque énergie désormais il touche 6 millions de personnes, que le montant peut atteindre 150 euros. Est-ce que les parlementaires décideront qu'il faut que ça touche plus de 6 millions de personnes, qu'il faut peut-être aller un peu au-delà ? Ça fera partie de la discussion avec les parlementaires au moment de l'examen du budget.
APOLLINE DE MALHERBE
Les entreprises maintenant, qui tirent le signal d'alarme…
BRUNO LE MAIRE
Elles ont raison, d'abord elles ont entièrement raison, et je reconnais bien volontiers, je l'ai fait à chacune des crises que j'ai eu à gérer, lorsqu'un dispositif ne marche pas il faut le changer. Le dispositif de soutien aux entreprises qui voient leur facture d'électricité ou de gaz exploser ne fonctionne pas, il est trop compliqué, je vais donc le simplifier dans trois directions.
APOLLINE DE MALHERBE
Lesquelles ?
BRUNO LE MAIRE
Aujourd'hui, pour avoir accès à des mesures de soutien, à des subventions, il faut que vous ayez perdu sur un trimestre au moins 30% de votre chiffre d'affaires, donc c'est beaucoup trop compliqué, désormais toute entreprise, TPE, PME, commerçant, qui perd de l'argent à cause de l'augmentation du prix du gaz ou de l'électricité, va sur le site de la Direction générale des finances publiques, dit "j'ai perdu de l'argent", même si c'est sur un mois, et il sera compensé financièrement pour qu'il puisse passer cette période difficile.
APOLLINE DE MALHERBE
Toute entreprise, dès le premier euro ?
BRUNO LE MAIRE
Toute entreprise, dès le premier euro, qui perd de l'argent, sur un mois, peut aller sur le site de la Direction générale des finances publiques et dire "je n'arrive plus à payer ma facture d'électricité ou ma facture de gaz, donc j'ai besoin d'une compensation, d'une aide financière de l'État", elle recevra une aide financière de l'État, la seule condition c'est qu'il faut que l'énergie ou le gaz représente 3% de votre chiffre d'affaires, pour le reste il suffit que vous ayez perdu de l'argent sur un mois…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc ce sont quand même des entreprises qui consomment beaucoup d'énergie.
BRUNO LE MAIRE
C'est normal, il faut que ce soit des entreprises qui sont fortement consommatrices d'énergie, c'est elles qui sont les plus touchées, mais vous voyez que nous simplifions drastiquement…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais il y en a d'autres qui sont touchées, je pense par exemple aux boulangers, il y en a de nombreux qui nous appellent sur RMC et qui nous disent qu'ils vont être obligés d'augmenter le prix du pain pour compenser le coût de l'énergie de leurs fours.
BRUNO LE MAIRE
Eux ont la possibilité d'augmenter de manière modérée leurs prix, les entreprises pour lesquelles…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc eux ne seront pas aidés par exemple ?
BRUNO LE MAIRE
Si ça représente moins de 3% de leur chiffre d'affaires, ils ne sont pas aidés, on vise spécifiquement, ça s'appelle un dispositif ciblé, les entreprises qui consomment beaucoup d'énergie. Je rajoute deux points qui sont importants, le premier c'est que toutes les entreprises qui en juillet et en août ont été un peu découragées en disant "on est allé s'inscrire, on a vu que le dispositif était trop compliqué, on a renoncé", revenez, vous inscrire en septembre, faites la demande, y compris si vous avez perdu de l'argent en juin, en juillet ou en août…
APOLLINE DE MALHERBE
Y compris a posteriori.
BRUNO LE MAIRE
Y compris a posteriori, nous vous compenserons financièrement. Et la deuxième chose très importante c'est que le mécanisme restera ouvert jusqu'à fin décembre 2022, alors qu'il devait finir en août, et nous allons évidemment travailler pour qu'il puisse se poursuivre en 2023.
APOLLINE DE MALHERBE
Quitte à le prolonger donc…
BRUNO LE MAIRE
Quitte à le prolonger.
APOLLINE DE MALHERBE
Ensuite, pour l'instant, il n'y a pas de date de fin.
BRUNO LE MAIRE
Nous avons une politique stratégique qui consiste à amortir le choc pour avoir le niveau d'inflation le plus faible, c'est le choix stratégique que nous avons fait avec Emmanuel MACRON, le résultat c'est que nous avons le niveau d'inflation le plus faible de tous les pays de la zone euro, et que d'autres pays qui ont vu…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça va se poursuivre ça, vous pensez qu'on peut maintenir le fait d'être le pays qui a la moins forte inflation ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense que c'est la bonne politique parce que c'est celle qui réduit les coûts sociaux, qui réduit les coûts économiques, et quand je vois que le chancelier SCHOLZ vient d'annoncer 66 milliards d'euros de protections complémentaires pour faire baisser le niveau de l'inflation en Allemagne, ça prouve bien que la politique française peut en inspirer d'autres.
APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais une explication de texte. Emmanuel MACRON a annoncé hier une contribution au niveau européen sur les opérateurs d'énergie dont le coût de production est largement inférieur au prix de vente, il parle de bénéfices indus, c'est quoi ? C'est quoi, c'est qui ?
BRUNO LE MAIRE
C'est toutes les entreprises qui, sans investir, sans avoir fait de dépenses particulières, elles ne font que bénéficier de l'augmentation des prix de l'énergie, il faut qu'ils reversent, ce qu'ils peuvent toucher grâce à ces circonstances exceptionnelles, à la collectivité, c'est ce pourquoi j'ai toujours plaidé et je pense que cette solution franco-allemande est une excellente solution. Moi je vais vous dire sur ce sujet parce que c'est un sujet qui me touche beaucoup, d'abord je veux dire à quel point je crois à la justice fiscale, ça fait cinq ans que je me suis battu pour la taxation minimale à l'impôt sur les sociétés et pour la taxation des géants du digital, donc je n'ai pas de leçon à recevoir sur la justice fiscale, j'y crois, et surtout je me bats pour elle et je la mets en pratique. Ensuite sur cette question de ce qu'on a appelé les superprofits, moi je ne vois qu'une seule chose, il y a des énergéticiens qui, sans avoir investi, je le redis, ne font que bénéficier de prix tout à fait exceptionnels de l'électricité…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous parlez de ceux qui avaient installé des systèmes, des panneaux solaires, d'éoliennes…
BRUNO LE MAIRE
Oui, par exemple.
APOLLINE DE MALHERBE
Et à qui l'État avait promis d'acheter à un prix garanti…
BRUNO LE MAIRE
Depuis des années nous leur avons garanti un prix, et nous leur avons dit vous pouvez investir, dans le solaire, dans le renouvelable, parce que vous ne perdrez jamais d'argent.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais, Bruno LE MAIRE, ça n'a rien à voir avec les superprofits, ce n'est pas du tout la même chose.
BRUNO LE MAIRE
Non, ça n'a absolument rien à voir, mais ce que proposent le président de la République et le chancelier SCHOLZ ce n'est, ni le statu quo, ni une taxe exceptionnelle, c'est un mécanisme de marché durable, et je me réjouis de cette solution parce que c'est une solution durable et c'est une solution qui est juste. Elle est durable parce que quelle que soit la situation ça ne va pas être une taxe pour un an pour se faire plaisir, pendant deux ans, trois ans, cinq ans, dix ans, nous mettons en place un mécanisme européen d'ajustement du marché qui fait qu'on dit aux énergéticiens "investissez dans le renouvelable, construisez des panneaux solaires, construisez des champs éoliens offshores, on vous garantit le prix, donc vous ne perdrez pas d'argent. Mais attendez, à partir du moment où on vous garantit le prix, si les prix explosent et que du coup vous vous faites des milliards d'euros de bénéfices uniquement…
APOLLINE DE MALHERBE
En gros ils doivent vous rendre le trop perçu quoi !
BRUNO LE MAIRE
Ils nous rendent le trop perçu, c'est ce qui existe déjà en France, les généticiens qui investissent dans le renouvelable vont verser cette année, en 2022, 8 milliards d'euros parce que les prix ont explosé au-dessus du prix garanti, cette solution est une bonne solution, et qu'elle soit franco-allemande le réjouit.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais sur cette question des superprofits, je veux bien que là vous disiez que vous n'étiez pas favorable mais, vous vous vantez souvent d'avoir obtenu de la part du transporteur CMA-CGM un geste, 500 euros par container, malgré leurs efforts sur ces prix de containers on apprend que CMA-CGM a réalisé 14,8 milliards d'euros de dollars (sic) de profit au seul premier semestre, soit quasiment autant que sur toute l'année précédente qui était déjà une année de record, est-ce qu'il n'est pas temps quand même de mettre en place une taxe exceptionnelle sur ces superprofits ?
BRUNO LE MAIRE
Je redis que les solutions durables ne sont pas des solutions de taxes, je crois à la stabilité fiscale, et je pense qu'elle est préférable à toute autre solution. Je me réjouis, en deuxième lieu, que ce mécanisme de marché ait été proposé par la France et par l'Allemagne comme solution définitive pour tous les énergéticiens…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous enterrez l'idée de la taxe sur les superprofits ?
BRUNO LE MAIRE
Pour tous les énergéticiens qui bénéficient de conditions exceptionnelles sur le marché alors même qu'ils n'ont pas investi davantage ou qu'ils n'ont pas dépensé plus d'argent.
APOLLINE DE MALHERBE
14,8 milliards de superprofits, vous enterrez l'idée d'une taxe sur ces superprofits ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je n'enterre pas la participation des entreprises qui ne sont pas concernées par ce mécanisme de marché durable, qui ne concerne que les énergéticiens, donc ça ne concerne pas par exemple CMA-CGM…
APOLLINE DE MALHERBE
Ni les transporteurs, ni TOTAL.
BRUNO LE MAIRE
Ça ne concerne pas les banquiers, ça ne concerne pas les assureurs, or moi je considère que toutes les entreprises qui ont la possibilité financière d'aider les ménages dans ces circonstances difficiles doivent le faire, et je continuerai toujours, Apolline de MALHERBE, à préférer que l'argent aille dans la poche des Français plutôt que dans la poche du Trésor public, je préférerais toujours exiger une contribution de la part de TOTAL, qui a versé un demi-milliard d'euros, 20 centimes d'euros de remise à la pompe, de CMA-CGM qui réduit le prix de ses containers, et qui peut sans doute faire davantage, les banquiers, les assureurs…
APOLLINE DE MALHERBE
Honnêtement, les 500 euros par container, quand vous voyez les 14,8 milliards, c'est dérisoire.
BRUNO LE MAIRE
Peut-être qu'ils peuvent aller plus loin. Nous avons toujours dit, avec Élisabeth BORNE, que nous ferions les comptes à la fin de l'année, donc nous allons continuer à discuter avec CMA-CGM, continuer à discuter avec les banquiers, que je verrai la semaine prochaine, continuer à discuter avec les assureurs, mais vous voyez que notre philosophie politique c'est un mécanisme durable de marché, parce que c'est ce qui est juste et efficace pour les énergéticiens, et que pour toutes les autres entreprises nous leur demandons de participer, certaines le font déjà, et nous ferons les comptes à la fin de l'année.
APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous dites que vous allez discuter avec les banques Bruno LE MAIRE, il y a aussi une question là-dessus, 45 % des demandes de prêts immobiliers, au moment où on se parle, sont rejetés par les banques, avec notamment une question qui est la question du taux d'usure, est-ce que vous êtes prêt à remonter ce taux d'usure pour que les Français puissent davantage emprunter ou continuer à emprunter, notamment pour l'immobilier ?
BRUNO LE MAIRE
Alors nous sommes en discussion avec la BANQUE DE FRANCE et avec les banquiers sur ce sujet, c'est une décision qui est difficile. Nous regardons aujourd'hui si les Français continuent à avoir accès facilement au crédit, pour moi c'est la priorité absolue, je veux que tous nos compatriotes puissent continuer à avoir un accès facile au crédit, et je vois bien, parce que ça me remonte de toute part, que ça devient de plus en plus difficile, et que même des gens qui ont une situation financière qui est solide on leur dit "désolé, on ne va pas pouvoir vous faire de crédit immobilier", ce n'est pas possible. Donc, remonter le taux d'usure fait partie des options, simplement quand vous remonter le taux d'usure, par définition c'est le taux d'intérêt qui remonte pour tous les prêts immobiliers, donc ce n'est pas une décision que vous prenez à la légère. Des décisions aussi lourdes que celle-là, ça rejoint ce que je vous disais sur la taxation, il faut viser le long terme, vous ne les prenez pas à la légère, je prendrai cette décision avec le Gouverneur la BANQUE DE FRANCE une fois que nous aurons tous les éléments d'information avec les banquiers.
APOLLINE DE MALHERBE
Pierre MOSCOVICI, le Premier président de la Cour des comptes, vous dit "impossible de baisser les impôts", qu'est-ce que vous répondez ?
BRUNO LE MAIRE
Je dis qu'on a baissé les impôts depuis plus de cinq ans maintenant, et que ça a augmenté les recettes fiscales. On a baissé l'impôt sur les sociétés de 33,3 à 25%, on n'a jamais eu de recettes fiscales de l'impôt ces sociétés aussi importantes…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc il se trompe ?
BRUNO LE MAIRE
Pourquoi ? il ne se trompe pas, je dis simplement que lorsque vous baissez les impôts vous avez plus d'entreprises qui créent de richesse et des entreprises qui payent donc davantage d'impôt sur les sociétés, ce qui nous permet ensuite de protéger nos compatriotes.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc malgré son alerte vous affirmez ce matin que vous poursuivrez la baisse des impôts ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, nous poursuivrons la baisse des impôts, et notamment… mais pas la baisse des impôts pour se faire plaisir, la baisse des impôts avec un objectif stratégique, la réindustrialisation de notre nation. La première baisse d'impôts qui me paraît prioritaire c'est la baisse des impôts de production, c'est-à-dire celle qui pèse sur les usines, sur les produits manufacturés, sur tout ce qui fait la puissance d'une nation, moi ce que je veux, ce que nous voulons avec le président de la République et la Première ministre, c'est qu'il y ait plus d'usines, plus d'ouvriers, plus d'ingénieur, plus de production, plus de richesse et plus d'emplois, eh bien ça ce n'est pas avec de nouvelles taxes que vous le faites, c'est en baissant les impôts de production, ça a été promis par le président de la République, ce sera fait dans le quinquennat.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, ministre de l'Économie et des Finances sur RMC et BFM TV.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 septembre 2022