Interview de Mme Élisabeth Borne, Première ministre, à BFMTV le 26 septembre 2022, sur l'élection de Giorgia Meloni en Italie, la réforme des retraites, le projet de budget 2023, le pouvoir d'achat, le risque de pénurie d'énergie et la sécurité.

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Média : BFM TV

Texte intégral

C'est une interview exceptionnelle ce matin, puisque je reçois la Première ministre, bonjour Élisabeth BORNE.

ÉLISABETH BORNE
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'avoir accepté de venir répondre à mes questions, on va parler budget, retraite, impôts, pouvoir d'achat, salaires, pénurie, sécurité. Et je vais non seulement vous interroger, moi, mais, vous allez répondre aussi aux questions des Français, auditeurs de RMC, puisque vous qui nous regardez et nous écoutez, vous venez interpeller la Première ministre tout au long de l'émission, vous nous appelez au 32 16. Je vais bien sûr vous interroger sur les retraites, mais d'abord, une question sur ce qui s'est passé en Italie, on l'apprend, cette nuit, c'est donc Giorgia MELONI, qui est à la tête de la coalition et d'un parti d'extrême droite qui est arrivée au pouvoir, est-ce que vous dites ce matin, vous, en tant que Première ministre de la France, pays voisin et allié de l'Italie, que vous travaillerez avec elle comme avec n'importe qui, et comme avec son prédécesseur ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, il ne faut pas brûler les étapes, effectivement, le peuple italien a voté hier, moi, je ne veux pas commenter le choix démocratique du peuple italien, et maintenant, il appartient au président de la République de désigner la présidente ou le président du Conseil, donc, on va laisser les…

APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y a pas un gros, gros suspense quand même, Élisabeth BORNE, moi, je veux bien qu'on joue le suspense, mais c'est une victoire écrasante.

ÉLISABETH BORNE
Il y a effectivement un très bon score de madame MELONI, mais, je vous dis, ce n'est pas moi qui vais désigner la présidente ou le président du Conseil, on va laisser le président de la République italienne le faire.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous avez peut-être entendu les propos d'Ursula Von DER LEYEN, qui est donc à la tête du Conseil européen, qui mettait en garde, et presque menaçait les Italiens à la fin de la semaine dernière, en disant, en gros : si vous votez pour Giorgia MELONI, eh bien, moi, j'ai les outils, vous serez du côté des anti-européens, en gros, et donc, moi, j'ai les outils pour vous sanctionner. Qu'est-ce que vous avez pensé de…

ÉLISABETH BORNE
Ce que dit la présidente de la Commission, c'est que, en Europe, on porte un certain nombre de valeurs, et que, bien évidemment, on sera attentif, et la présidente de la Commission, à ce que ces valeurs sur les Droits de L'Homme, sur le respect des uns et des autres, notamment le respect du droit à l'avortement par exemple soit respecté par tous.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais pour vous, c'est normal de dire en gros au peuple italien : voilà, si vous votez Giorgia MELONI, vous serez un peu puni, quoi…

ÉLISABETH BORNE
Enfin, la présidente de la Commission, elle est dans son rôle à rappeler qu'en Europe, nous portons des valeurs, et que chaque Etat doit s'inscrire dans le cadre de ces valeurs, sur l'état de droit, sur les Droits de L'Homme, sur, voilà, je vous dis, le respect par exemple du droit à l'avortement.

APOLLINE DE MALHERBE
Élisabeth BORNE, journée importante aujourd'hui, puisque vous présentez de nombreux textes en Conseil des ministres, qu'on est pile une semaine avant la reprise de la vie politique au Parlement. Et il y a notamment, bien sûr, cette question des retraites, quand, comment ? Élisabeth BORNE, vous avez été ministre du Travail, est-ce que vous vous dites, franchement, qu'une réforme aussi importante que la question des retraites peut passer par un amendement ?

ÉLISABETH BORNE
Enfin, je pense que, avant de parler du comment, c'est important de parler du pourquoi. Le président de la République, moi-même, la majorité, considèrent que cette réforme est prioritaire, c'est bien pour cela qu'elle était dans le programme sur lequel Emmanuel MACRON a été réélu, elle était aussi dans les programmes sur lesquels tous les candidats de la majorité, et désormais des députés de la majorité, ont fait campagne. Alors pourquoi on considère que cette réforme est prioritaire, je pense que c'est important de se redire qu'on a en France un modèle social unique au monde, dans lequel, quand on a un problème de santé, on est remboursé de ses dépenses de santé, qu'on a accès gratuitement à l'école, que quand on a eu la crise du Covid, on est tous été protégés, tout ça, on ne pourra le financer durablement qu'à condition de produire collectivement plus de ressources pour financer notre système social, et donc, de travailler collectivement davantage. Je crois que c'est important…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça, c'est le décor…

ÉLISABETH BORNE
Oui, mais je pense que c'est important aussi d'avoir en tête que, en France, la part des jeunes qui travaillent et la part des seniors qui sont en emploi est plus faible qu'ailleurs, sur les jeunes, vous savez, en tant que ministre du Travail, moi, j'avais porté le plan "1 jeune, 1 solution" pour notamment développer l'apprentissage, on a fait une réforme de l'apprentissage dans le précédent quinquennat, on a lancé le Contrat d'Engagement Jeune…

APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est un succès. Cet aspect-là est un succès, clairement…

ÉLISABETH BORNE
Voilà, l'objectif, c'est de faciliter l'entrée des jeunes dans le marché du travail, et donc qu'il y ait davantage, une part plus importante de jeunes qui travaillent, eh bien, c'est la même chose pour les seniors, il faut aussi qu'on ait davantage de seniors qui travaillent, ça passe par un décalage progressif de l'âge effectif de départ à la retraite, naturellement, en tenant compte des situations de chacun, naturellement, en veillant aussi à ce que les seniors aient toute leur place en entreprise.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a beaucoup de choses dans ce que vous dites, on va revenir quand même à la méthode, parce que je n‘ai pas oublié la première question que je vous ai posée, et à laquelle vous n'avez pas répondu sur la méthode, mais sur le fond, vous venez de dire, en décalant progressivement l'âge de départ effectif, est-ce que vous avez retenu finalement 64, 65 ?

ÉLISABETH BORNE
Tout ça, on en parlera le moment venu, peut-être dire aussi.

APOLLINE DE MALHERBE
Et ce n'est pas le moment, là ?

ÉLISABETH BORNE
Attendez, dire aussi que tous les organismes qui évaluent l'équilibre de notre système de retraite nous disent que cet équilibre, il se dégrade, le déficit se creuse, nous, nous refusons d'augmenter les cotisations, et nous refusons de baisser les pensions dans les engagements du président de la République…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc, mécaniquement, vous allez allonger la durée du travail…

ÉLISABETH BORNE
Dans les engagements du président de la République, je dis même qu'on a prévu de revaloriser les plus petites pensions, donc du coup, la solution, c'est en effet de décaler progressivement l'âge effectif de départ à la retraite, et je le redis, naturellement, en tenant compte des carrières longues, en tenant compte de la pénibilité.

APOLLINE DE MALHERBE
Je vous repose quand même la question, parce qu'Emmanuel MACRON candidat avait parlé de 65 ans, puis de 64 ans, lequel des deux chiffres faut-il retenir ?

ÉLISABETH BORNE
On aura l'occasion d'avoir ce débat, enfin, moi je souhaite qu'il y ait du dialogue, de la concertation avec les partenaires sociaux, avec les groupes parlementaires à l'Assemblée, et on est en train de chercher la meilleure voie pour, à la fois, mettre en œuvre cette réforme rapidement, à l'été 2023, en même temps, trouver une place pour du dialogue et de la concertation…

APOLLINE DE MALHERBE
Élisabeth BORNE, vous avez reçu un par un chacun des présidents de groupes de l'opposition, de la majorité, vous avez longuement déjeuné avec Emmanuel MACRON vendredi pour vous mettre d'accord. Et vous nous dites ce matin que vous ne savez toujours pas ce que vous allez faire.

ÉLISABETH BORNE
Alors, vous avez vu qu'on a prévu avec le président de la République d'avoir un échange cette semaine avec naturellement les ministres concernés et les responsables de la majorité. Je peux vous rassurer, la décision, la décision, avec le président de la République, on décidera d'ici la fin de la semaine.

APOLLINE DE MALHERBE
Et pourquoi, pourquoi d'ici la fin de la semaine et pourquoi pas la semaine dernière ?

ÉLISABETH BORNE
Parce qu'on cherche la meilleure voie, pour, je vous dis, à la fois mettre en œuvre cette réforme rapidement, à l'été 2023, en même temps, avoir laissé la place au dialogue et à la concertation.

APOLLINE DE MALHERBE
Si vous faites effectivement cette réforme, et vous venez de dire qu'il n'était pas question de ne pas la faire, donc ça, déjà…

ÉLISABETH BORNE
Je confirme…

APOLLINE DE MALHERBE
L'option : ne pas la faire est exclue…

ÉLISABETH BORNE
Je vous confirme, et tous ceux qui font semblant de croire qu'il n'y a pas un problème de déficit du système de retraite, je les invite à relire le rapport du Conseil d'Orientation des Retraites, qui est très clair, non seulement, il y a un déficit, mais ce déficit se creuse…

APOLLINE DE MALHERBE
Il reste donc deux options pour la faire passer, soit vous la mettez un peu en loucedé dans un amendement glissé dans le budget de la Sécu, ça ça permet que ça passe très vite, mais vous venez de nous dire que vous vouliez qu'il y ait quand un débat avec les partenaires sociaux, je ne vois pas très bien comment il peut y avoir débat si c'est glissé par un amendement, deuxième option, vous le faite après Noël par une véritable loi, on est bien d'accord ?

ÉLISABETH BORNE
Donc il y a différents scénarios…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est ces deux scénarios-là.

ÉLISABETH BORNE
Il y a différents scénarios, et donc nous cherchons, en effet, la meilleure voie, avec l'objectif d'avoir du dialogue, de la concertation et d'avancer rapidement.

APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais que vous écoutiez ce que François BAYROU a dit hier à propos de l'option de le faire passer par un amendement, il n'est pas tout à fait d'accord.

FRANÇOIS BAYROU
On n'est pas aux pièces. Prendre trois ou quatre mois pour réfléchir ensemble, mettre sur la table des faits et des options, et des propositions, moi je pense que ça serait bon, pas seulement pour la paix civile, ça compte, mais pour la réforme elle-même, parce que derrière tout ça il n'y a pas que la question des retraites, il y a la question de la méthode de réforme qu'on peut suivre pour le pays.

APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous répondez à François BAYROU, qui n'est pas officiellement votre opposant, mais qui là tout d'un coup vous met un peu la pression quand même ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, avec les partenaires de la majorité je pense que c'est mieux de discuter en petit comité, et donc ça tombe bien, on a une réunion avec le président de la République et les responsables de la majorité, donc on aura l'occasion d'en parler.

APOLLINE DE MALHERBE
Et François BAYROU est donc invité, ce sera mercredi. Mais enfin il y en a d'autres avec qui vous avez beaucoup travaillé quand vous étiez ministre du travail, comme Laurent BERGER, qui est à la tête de la CFDT, et lui il a dit, ici-même, à ce même micro la semaine dernière, il a dit "si ça passe par un amendement, nous irons dans la rue." Vous avez franchement le luxe de mettre la CFDT dans la rue ?

ÉLISABETH BORNE
Non, mais ce qui est important aussi c'est que chacun nous confirme sa volonté de dialoguer sur ce sujet.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous aussi il faut que vous dialoguiez.

ÉLISABETH BORNE
Voilà, eh bien écoutez, donc on cherche, enfin je crois que les termes sont clairs, et on en parle cette semaine avec les responsables de la majorité et on fera part de la décision que nous prendrons avec le président de la République d'ici la fin de la semaine.

APOLLINE DE MALHERBE
On vous sent retenue, vous ne pouvez pas dire… qu'est-ce qui vous empêche ?

ÉLISABETH BORNE
Attendez, on ne va pas réunir les responsables de la majorité cette semaine et décider avant, donc on annoncera cette décision d'ici la fin de la semaine.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vendredi la priorité pour vous c'était de réunir, et vous l'avez fait, tous les opposants, vous les avez écoutés…

ÉLISABETH BORNE
Voyez, nous écoutons…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous rajoutez chaque fois une étape quoi !

ÉLISABETH BORNE
Non, non, mais nous écoutons les points de vue, et c'est à partir de cela qu'on choisira la meilleure voie avec le président de la République.

APOLLINE DE MALHERBE
Avec cette question également ce matin qui est la question de l'énergie, on va y revenir dans un instant, les prix de l'énergie, mais aussi dans votre budget il y a des questions sur les prix, et notamment il y a le prix du paquet de cigarettes, qui concerne quand même beaucoup de Français, qui pourrait passer à 11 euros si je vous déplafonnez, en quelque sorte, la hausse des prix des cigarettes. Est-ce que vous confirmez ce matin que le prix du paquet pourrait augmenter fortement ?

ÉLISABETH BORNE
Alors je vous confirme que le prix du paquet il va augmenter comme l'inflation, ça serait assez paradoxal, voyez, que la hausse des cigarettes soit moins élevée que l'inflation, ça veut dire que finalement relativement le prix baisserait. Compte tenu de l'impact sur la santé du tabac je pense que ça serait peu compréhensible, et donc on a prévu en effet d'indexer le prix du paquet de cigarettes sur l'inflation.

APOLLINE DE MALHERBE
Le prix des autoroutes, les tarifs du péage qui vont mécaniquement augmenter de 7 à 8 %, vous avez aussi été ministre des Transports, est-ce que vous allez tenter, et est-ce que vous en avez les moyens, de bloquer cette hausse, qui interviendrait au 1er février ?

ÉLISABETH BORNE
Je vous confirme que le ministre chargé des Transports va réunir les présidents des sociétés d'autoroutes pour regarder avec eux comment on peut amortir cette hausse, donc il les verra très prochainement.

APOLLINE DE MALHERBE
Et parmi les questions également de revenus et de ressources, Élisabeth BORNE, il y a cette question, l'éventualité de demander aux labos pharmaceutiques qui ont fait beaucoup de profits pendant les deux années qui viennent de s'écouler, de mettre la main à la pâte par une taxe exceptionnelle sur leurs superprofits, est-ce que ça fait partie des options que vous envisagez aussi ?

ÉLISABETH BORNE
Je vous confirme que dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, donc le budget de la Sécurité sociale, qui est présenté ce matin, en même temps que le budget de l'État, donc le projet de loi de finances pour 2023, on demande des efforts aux laboratoires pharmaceutiques.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous demanderez des efforts de quel ordre, vous ne savez pas encore, vous allez discuter avec eux ?

ÉLISABETH BORNE
Voilà.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ils mettront la main à la pâte.

ÉLISABETH BORNE
On peut tous constater qu'effectivement ils ont réalisé un chiffre d'affaires important, du fait de la crise sanitaire, et donc aujourd'hui je pense que c'est important qu'ils participent à l'effort collectif.

APOLLINE DE MALHERBE
Elisabeth BORNE, vous avez allumé le chauffage à Matignon ?

ÉLISABETH BORNE
Pas encore.

APOLLINE DE MALHERBE
Pas encore. Donc aujourd'hui il fera 15, au plus fort de la journée à Paris il fera 15 et vous n'avez pas allumé le chauffage.

ÉLISABETH BORNE
Alors cet été nous ne mettions pas la climatisation, et on va être effectivement attentif à ne pas chauffer trop tôt, ensuite on appliquera la règle qui s'applique depuis les années 70 d'avoir un chauffage à 19 degrés.

APOLLINE DE MALHERBE
Et on pense bien sûr à tous les Français qui, on vient de passer une semaine assez fraîche et la semaine qui s'ouvre va être assez fraîche, il y a une partie de la France qui sera aux alentours de 15 degrés, donc nettement moins que les 19, et ils hésitent, ils hésitent même à allumer le chauffage, ils culpabilisent d'allumer le chauffage. Qu'est-ce que vous leur dites, ils peuvent allumer le chauffage là ?

ÉLISABETH BORNE
Attendez, la règle c'est de chauffer à 19 degrés, donc s'il fait 15 degrés naturellement vous pouvez allumer votre chauffage. Je pense que, je voudrais aussi rappeler qu'on a mis en place, on a prolongé de bouclier tarifaire, je l'ai annoncé il y a près de 15 jours, qu'on prolongeait les boucliers tarifaires pour que les ménages ne soient pas trop pénalisés par la flambée des prix de l'électricité et du gaz, donc plutôt qu'une multiplication par 2,2, pour les ménages on limite la hausse des prix à 15 % pour le gaz comme pour l'électricité.

APOLLINE DE MALHERBE
Avec cette question, vous évoquez le bouclier tarifaire, il protégera les particuliers, ça on l'a bien compris, mais il y a quand même d'autres particuliers qui eux se chauffent au fioul ou aux granulés, ils sont nombreux d'ailleurs à témoigner sur RMC, ils nous disent "mais nous on fait quoi, le prix des pellets", comme on dit, c'est-à-dire ces granulés de bois, "a explosé", et ils sont très inquiets.

ÉLISABETH BORNE
Alors, on a mis en place, dans les textes votés cet été, une aide pour ceux qui se chauffent au fioul, et je confirme qu'on mettra en place une aide pour ceux qui se chauffent au bois, personne ne comprendrait qu'on aide ceux qui consomment des énergies fossiles et pas ceux qui se chauffent au bois.

APOLLINE DE MALHERBE
Et ça arrivera vite, parce que c'est maintenant qu'ils commencent à acheter leur réserve ?

ÉLISABETH BORNE
Oui, oui, bien sûr, on va le mettre en place, on peut quand même s'interroger et on va regarder aussi attentivement pourquoi le chauffage au bois, enfin pourquoi le bois a un coût qui explose, parce que là je pense que le bois il peut être produit sur notre territoire, on a des forêts en France, donc ça sera aussi important de regarder si certains ne profitent pas de la crise pour augmenter inconsidérément les prix.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais j'ai envie de vous dire que cette question de la corrélation entre la guerre en Ukraine et les prix de l'énergie en France elle n'est pas, vous le dites, elle n'est évidente sur le bois, mais elle n'est pas non plus si évidente sur l'électricité, c'est-à-dire que si quand même nos réacteurs aujourd'hui fonctionnaient on ne serait pas obligé de demander aux Français d'attendre avant d'allumer le chauffage.

ÉLISABETH BORNE
Alors, si on réexplique, en effet aujourd'hui on est pénalisé par le fait que la Russie a quasiment arrêté ses livraisons de gaz à l'Europe, d'une part ça fait flamber le prix du gaz, mais une partie de l'électricité est aussi produite à partir de gaz, donc ça explique que ça tire les prix de l'électricité vers le haut, et puis vous avez raison de dire qu'il y a un deuxième élément qui est que plus de la moitié de nos réacteurs nucléaires sont aujourd'hui à l'arrêt pour des questions de maintenance, donc tout ça contribue à faire monter les prix de l'énergie. On est déterminé évidemment à accompagner les ménages et c'est le sens de la prolongation des boucliers tarifaires, mais aussi à agir au niveau européen pour éviter cette flambée des prix de l'énergie qui n'est pas liée, ni aux coûts d'approvisionnement, ni aux coûts de production, donc il y a des discussions qui se mènent avec nos partenaires européens, pour limiter le prix du gaz qu'on achète, ensemble, les différents États européens, et pour casser ce lien qui existe aujourd'hui entre le prix du gaz et le prix de l'électricité.

APOLLINE DE MALHERBE
Là, vous parliez du bouclier tarifaire sur l'électricité, il y a aussi une autre question quand même, c'est toutes les petites entreprises, on a encore plusieurs personnes qui ont témoigné ce matin sur RMC de cette question, ils sont à la tête, notamment on avait un homme qui est à la tête d'une entreprise d'imprimerie, et il a tout d'un coup son conseiller TotalEnergies qui l'a appelé vendredi, et qui lui demande de multiplier par 5 ou 6 son prix de l'électricité pour les mois qui arrivent, c'est-à-dire que c'est colossal. Colossal ! On a entendu le président de la République qui dit : "Je dis aux patrons de TPE, ne signez pas". Eh bien moi je veux bien, ils ne signent pas, mais ils font quoi ? C'est quoi la solution ?

ÉLISABETH BORNE
Toutes les petites entreprises, elles sont protégées par le bouclier tarifaire, et je pense que c'est important que nos grandes entreprises, qui fournissent de l'énergie, n'anticipent pas non plus sur une flambée durable des prix de l'énergie. Je vous dis, on est déterminé, avec le président de la République, avec les ministres concernés, à agir au niveau européen, pour arrêter cette surchauffe sur les prix de l'énergie…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais là, ils ont là, le conseiller Direct Energie c'était vendredi, il a quelques jours pour décider, pour signer. Qu'est-ce qu'il fait s'il ne signe pas, il n'a plus d'électricité ?

ÉLISABETH BORNE
Bruno LE MAIRE, avec la ministre en charge de la Transition énergétique, Agnès PANNIER-RUNACHER, va recevoir nos grands énergéticiens, pour voir avec eux comment ils peuvent proposer des contrats, effectivement aux entreprises et aux collectivités, qui n'anticipent pas sur une flambée durable des prix de l'énergie.

APOLLINE DE MALHERBE 
Elisabeth BORNE, sur toutes ces questions-là il y a de nombreux appels en ce moment même au 32 16, donc vraiment sur la question des retraites, des salaires, des chefs d'entreprise, des salariés. On aura toutes ces questions dans un instant, qui vous seront posées directement par les auditeurs. Je voudrais qu'on parle de la question de l'école et de la laïcité. Une note des services de l'État, datée du 27 août, que BFM TV s'est procurés, évoque en détails ce qu'on appelle une véritable mobilisation anti-laïcité, avec notamment des défis sur les réseaux sociaux et des défis comme le fait de mettre son voile à l'intérieur même du collège et du lycée. Je voudrais que vous regardiez ces images, elles sont partout en ce moment, sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok, on voit des jeunes filles qui mettent le voile et qui se voilent dans le lycée et qui invitent les autres à faire de même. Qu'est-ce qu'on fait contre ça ? Qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est ce qu'on dit ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, on dit que la loi est très claire : elle interdit le port de signes religieux à l'école. Et moi je suis déterminée à ce que cette loi soit respectée. On ne transige pas avec les lois de la République. Le ministre de l'Éducation nationale, Pap NDIAYE, a eu l'occasion de remobiliser ou de mobiliser tous les chefs d'établissement pour qu'ils fassent remonter les cas qui pourraient intervenir. Il y a des équipes dans les rectorats pour appuyer les équipes pédagogiques, et on fera respecter la loi. Les ports de signes religieux sont interdits à l'école.

APOLLINE DE MALHERBE
Avec quand même des moments où par exemple la semaine dernière il y a une prof qui a été menacée de mort dans le centre de Paris, parce qu'elle a demandé à une élève d'enlever son voile, le frère de 22 ans a appelé directement la prof en lui disant "Je vais te défoncer. Si vous touchez au voile de ma sœur je vous tue". Elle a appelé la police, la police est arrivée et en chemin ils ont trouvé le frère de la jeune fille qui se rendait au lycée pour passer à exécution ses menaces. Il a redit d'ailleurs à la police : "Si vous touchez au voile de ma sœur, je vous tue".

ÉLISABETH BORNE
Oui, mais je pense qu'il faut que les choses soient très claires : nous ferons respecter la loi sur l'interdiction du port de signes religieux à l'école, et évidemment tous les auteurs de menaces seront poursuivis.

APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y a pas de flou là-dessus.

ÉLISABETH BORNE
Il n'y a aucun flou sur le sujet.

APOLLINE DE MALHERBE
Les profs ne se sentent pas seuls, vous ne dites pas…ou en tout cas s'ils se sentent seuls, vous leur dites ce matin, non.

ÉLISABETH BORNE
Sur les professeurs, il y a des équipes d'appui au niveau des rectorats, et bien évidemment la police, la justice, seront mobilisées, s'il y a des menaces telles que celles que vous évoquez.

APOLLINE DE MALHERBE
Et parallèlement, à l'école on nous avait promis un prof par classe, mais dans les faits ça n'est toujours pas le cas, il y a de nombreuses écoles qui nous font remonter notamment des témoignages, en disant que 3 semaines après la rentrée, il y a des écoles où les profs sont officiellement là sur le papier, mais pas devant les classes, parce que finalement ils ne sont jamais arrivés ou qu'ils avaient été prévus dans une autre école. Il manque des profs de physique-chimie, de SVT, d'Espagnol, d'histoire-géo, des familles qui disent qu'elles se sentent abandonnées. Est-ce que ça peut encore durer, est-ce que vous avez conscience de ces problèmes-là ?

ÉLISABETH BORNE
Le fait qui est clair, c'est qu'on a eu, on a des difficultés de recrutement, et c'est bien pour ça que l'on veut rendre ce métier d'enseignant plus attractif ; ça passe par une revalorisation, on parlait du budget qui est présenté aujourd'hui, il y a des moyens dans le budget de l'Éducation nationale, pour honorer la promesse du président de la République dans sa campagne, de revaloriser les salaires des enseignants, de faire qu'aucun professeur n'est recruté à moins de 2 000 € net par mois. Il faut aussi travailler sur l'attractivité…

APOLLINE DE MALHERBE
Dès cette année, ce n'est pas quelque chose qui va arriver.

ÉLISABETH BORNE
C'est des négociations qui vont s'ouvrir entre le ministre et les organisations syndicales représentatives, rapidement, et donc on veut aussi travailler sur l'attractivité en donnant plus de marges de manœuvre aux professeurs, donc il faut travailler sur ce sujet…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est dans le budget ? C'est dans le budget qui est présenté aujourd'hui ?

ÉLISABETH BORNE
Non non, mais je vous confirme que dans le budget il y a la revalorisation des enseignants, et il y aura des négociations entre le ministre et les syndicats représentatifs, et il y a par ailleurs un enjeu important sur l'attractivité de ce métier, qui est de donner des marges de manœuvre aux équipes pédagogiques ; le ministre lancera la semaine prochaine les concertations dans les écoles qui le souhaitent, pour adapter les modalités pédagogiques, tenir compte du contexte de chaque établissement. Donc on veut avancer sur ce sujet, pour répondre effectivement, pour qu'il y ait un professeur devant les élèves, systématiquement. On a été très mobilisé, le ministre dès sa nomination a été mobilisé pour recruter, le cas échéant, des enseignants contractuels. On aura aussi un concours pour titulariser de façon exceptionnelle ces enseignants, au cours de l'année qui vient. Donc on réagit, à chaque fois qu'il manque un professeur je peux vous assurer que c'est suivi très attentivement pour apporter une réponse

APOLLINE DE MALHERBE
Julien BAYOU démissionne de son poste de secrétaire national des Verts. Il a pris la décision, il l'a officialisée ce matin. Voilà ce qu'il dit : "Je suis accusé de faits qui ne me sont pas présentés, dont mes accusateurs, accusatrices, disent qu'ils ne sont pas pénalement répréhensibles, et dont je ne peux pour autant pas me défendre, puisqu'on refuse de m'entendre". Est-ce que c'est satisfaisant ?

ÉLISABETH BORNE
Moi, je ne vais pas commenter la situation de monsieur BAYOU. Je pense que, voilà, moi je respecte sa décision pour pouvoir se défendre. Je ne veux pas, voilà, rentrer dans le détail des faits sur lesquels une partie, je le note, de son groupe politique le met en cause. Je ne vais pas rentrer dans ces aspects-là.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais sur cette question d'opacité, en tout cas, que lui pointe, en disant "je suis accusé de faits qui ne sont pas présentés, mes accusatrices disent qu'elles ne sont pas pénalement répréhensibles". Est-ce qu'il n'y a pas un problème de, peut-être de vitesse de la justice, c'est-à-dire on se retrouve avec des groupes politiques qui doivent à tâtons décider, et ça n'est jamais assez ?

ÉLISABETH BORNE
Attendez, il se trouve qu'une des responsables du parti monsieur BAYOU, l'accuse. Moi je ne vais pas rentrer dans ces débats-là, s'il y a des plaintes, bien évidemment, on traitera ces plaintes. En l'occurrence c'est des débats internes à Europe Écologie-Les Verts, je ne vais pas m'en mêler.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous considérez quand même que c'est à la justice de décider ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, je considère naturellement que c'est à la justice de décider, et je considère aussi que toute forme de violence contre les femmes est inacceptable, et peut-être que ce mouvement traduit aussi ça, et de la nécessité pour les partis politiques d'intégrer pleinement le fait que la violence contre les femmes, la violence au sein des familles, ça doit cesser, et on est très mobilisé pour lutter contre les violences intrafamiliales, pour lutter contre les violences sur les femmes.

APOLLINE DE MALHERBE
Élisabeth BORNE, première ministre, invitée de RMC et BFM TV, et des auditeurs qu'on accueille tout de suite. Et je crois que c'est Samuel qui est avec nous. Samuel, vous avez 26 ans, vous êtes à Strasbourg, vous venez de nous appeler au 32 16, vous vouliez vous adresser à la Première ministre, elle vous écoute, et c'est notamment sur la question de la pénibilité, n'est-ce pas ?

SAMUEL
Oui, alors bonjour Apolline, Bonjour Madame la Première ministre.

ÉLISABETH BORNE
Bonjour.

SAMUEL
Je vous appelais parce que du coup bon moi j'ai 26 ans, je suis artisan, je suis à mon compte. j'ai commencé le bâtiment à l'âge de ses vents par alternance, donc du coup je suis, donc ça fait déjà 10 ans que je suis sur le marché du travail, donc la retraite, ce n'est pas pour tout de suite, vous allez me dire, mais du coup s'il a besoin d'aller jusqu'à 65 ans, en fait je pense que les jeunes on aimerait le savoir pour pouvoir anticiper et du coup savoir, donc si moi je finis à 65 ans, j'aurais travaillé 49 ans, du coup combien je vais toucher parce que si c'est pour travailler à 6 ans de plus que les autres et gagner la même retraite que les autres. Alors du coup pour quelque chose d'urgent je trouve qu'on ne sait pas grand-chose, alors j'aimerais savoir à quelle sauce on va être mangé, carrière longue et pénible, comment ça va se passer pour nous parce du coup je pense que les jeunes ont besoin de savoir comment ça se passer pour eux.

APOLLINE DE MALHERBE
Élisabeth BORNE vous répond.

ÉLISABETH BORNE
Alors, je comprends votre question, et bien évidemment on continuera à tenir compte de ce qu'on appelle les carrières longues, c'est-à-dire des personnes qui ont commencé à travailler avant l'âge de 20 ans, qui continueront, comme aujourd'hui, à bénéficier d'un départ plus précoce, ou moins tardif, à la retraite, et naturellement il faut tenir compte aussi de la pénibilité, vous savez que ça existe aujourd'hui, peut-être qu'il faut qu'il y ait des discussions entre les organisations patronales et syndicales pour s'assurer qu'on couvre bien toutes les causes de pénibilité, et là aussi ça permet de partir plus tôt à la retraite. Je pense que ce qui est aussi important ce n'est pas simplement de constater qu'on a de la pénibilité et qu'on peut partir plus tôt, c'est aussi de prévenir l'usure professionnelle, donc d'agir en amont, à la fois sur les conditions de travail, aussi en permettant, le cas échéant, quand on est dans un métier dans lequel il y a objectivement de l'usure professionnelle, de pouvoir changer de métier au cours de sa vie, d'avoir une reconversion professionnelle, donc tous ces sujets font partie du débat sur la réforme des retraites.

APOLLINE DE MALHERBE
Ce débat sur la réforme des retraites, pardon d'y revenir, mais enfin on ne sait pas du coup s'il y aura débat ou pas, si ça doit passer par le 49.3 ça ne vous effraie pas, l'usage du 49.3 ça ne vous effraie pas ?

ÉLISABETH BORNE
Écoutez, moi je vais vous dire, ma méthode c'est le dialogue, la recherche de compromis, en même temps je pense que les Français ne comprendraient pas qu'on soit bloqué, c'est vrai sur le budget, c'est vrai sur les réformes importantes qu'on veut porter, donc c'est un des outils qui est à la disposition du gouvernement si on constate une situation de blocage. La priorité, pour moi, c'est le dialogue, la concertation, la recherche de compromis, le blocage ne viendra pas de ma part.

APOLLINE DE MALHERBE
Le blocage ne viendra pas de votre part, mais c'est vrai que j'ai du mal à comprendre, en fait depuis le début de cette interview, parce que vous dites que vous êtes très attachée au dialogue, et on l'a bien compris, et ça faisait partie de votre marque de fabrique, en tout cas c'est comme ça que vous vouliez être en tant que ministre du Travail, dans le même temps si vous vous retrouvez à devoir la faire passer en l'accrochant à un budget pour profiter du 49.3 ça ne fait pas très dialogue.

ÉLISABETH BORNE
Je vous redis, systématiquement…

APOLLINE DE MALHERBE
Ou alors peut-être vous le ferez parce que vous n'avez pas le choix et parce qu'Emmanuel MACRON vous demande de le faire, mais…

ÉLISABETH BORNE
Attendez, d'abord il faut être plusieurs pour dialoguer, donc c'est aussi ça qu'il faut qu'on apprécie, on a besoin d'avoir des partenaires au niveau des organisations patronales et syndicales, au niveau des groupes parlementaires, qui sont prêts au dialogue, à la recherche de compromis, je vous dis moi, c'est la voie que je privilégie et le dialogue ne viendra pas de notre côté…

APOLLINE DE MALHERBE
Le dialogue…

ÉLISABETH BORNE
Le dialogue, le blocage ne viendra pas de votre côté.

APOLLINE DE MALHERBE
J'ai bien compris. Élisabeth BORNE, il y a Jérôme qui est aussi avec nous au 32 16, Jérôme qui s'est même connecté via Skype, Jérôme vous habitez à la Villeneuve-la-Garenne dans les Hauts-de-Seine et vous vouliez parler de la question de la hausse des prix de l'énergie, bonjour.

JEROME
Bonjour Madame la Première ministre, bonjour Apolline.

ÉLISABETH BORNE
Bonjour.

JEROME
J'ai une question pour Madame la Première ministre, j'ai reçu un petit courrier début septembre, je suis locataire d'un immeuble HLM, et je voulais alerter sur le fait qu'on va avoir une augmentation des charges pour le chauffage à 200 %, donc je vais passer de 55 euros à 180 euros... à partir de là, à partir de la fin du mois.

APOLLINE DE MALHERBE
A partir de la fin du mois votre bailleur vous demande d'avancer en fait, dans les frais de charges de la copro, 180 euros.

JEROME
Voilà, à la place de 55 euros les autres années.

APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce qu'on fait pour ça, je voudrais que vous puissiez même dialoguer directement avec Élisabeth BORNE, qu'est-ce que vous répondez à Jérôme ?

ÉLISABETH BORNE
Ce que je peux vous dire c'est que les boucliers tarifaires qu'on met en place concernent les copropriétés, concernent les logements sociaux, et donc concernent monsieur. Moi je ne sais pas si votre bailleur est bien au courant des boucliers tarifaires qui sont mis en place, mais normalement les outils qu'on met en place doivent éviter une explosion des factures d'énergie pour les personnes qui se chauffent individuellement, donc dans leur abonnement individuel, mais aussi quand on est dans une copropriété ou dans des logements sociaux. Donc peut-être que monsieur peut signaler à son bailleur qu'il y a le bouclier tarifaire…

APOLLINE DE MALHERBE
Qu'il a parlé avec la Première ministre et que la Première ministre lui a dit "non, ça ne marche pas comme ça"

ÉLISABETH BORNE
Le bouclier tarifaire du gouvernement, et peut-être moi je vous propose qu'on puisse prendre les coordonnées de votre bailleur et le cas échéant le rappeler pour s'assurer qu'il est bien au courant et qu'il met bien en œuvre toutes les protections qui sont mises en place par le gouvernement.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais au-delà de la situation de Jérôme ça veut dire que vous dites en fait à Jérôme ce que vous dites aussi aux patrons des petites entreprises qui voient leur facture augmenter, vous leur dites pour l'instant vous ne faites rien, vous ne signez pas, donc Jérôme il n'envoie pas les 180 euros à son bailleur là ?

ÉLISABETH BORNE
Ce que je dis c'est que manifestement un certain nombre de syndics, dans des copropriétés, manifestement un certain nombre de bailleurs sociaux, n'ont pas bien intégré que le gouvernement met en place un bouclier tarifaire pour tous les ménages, donc on va…

APOLLINE DE MALHERBE
Ne payez pas, donc Jérôme ne payez pas.

ÉLISABETH BORNE
Attendez, on va repasser ce message, s'assurer qu'effectivement chacun a bien compris qu'il y a ce bouclier tarifaire, et je pense que c'est important de l'intégrer pour ne pas inquiéter inutilement les Français dont les factures ne peuvent pas flamber puisqu'on a mis en place un bouclier qui fait qu'on limite la hausse à 15 % sur l'électricité, à 15 % sur le gaz, ça représente une dépense nette de 17 milliards d'euros qui est dans le budget qui est présenté aujourd'hui, donc on met beaucoup de moyens pour aider les ménages, et donc je souhaite en effet que les ménages ne soient pas inquiétés inutilement.

APOLLINE DE MALHERBE
Jérôme, vous avez entendu la réponse de la Première ministre, vous êtes satisfait ?

JÉRÔME
Oui, oui, maintenant j'aimerais bien juste que mon bailleur applique simplement la loi quoi !

ÉLISABETH BORNE
Voilà, ça me paraît…

APOLLINE DE MALHERBE
Elle va vous faire une petite lettre pour votre bailleur.

ÉLISABETH BORNE
Ça me paraît une bonne idée et donc on va pouvoir entrer en contact avec lui.

APOLLINE DE MALHERBE
Jérôme de Villeneuve-la-Garenne. Nadine est également avec nous, qui nous appelle depuis Bordeaux, bonjour Nadine.

NADINE
Bonjour Apolline, bonjour Madame la Première ministre.

ÉLISABETH BORNE
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous vouliez poser une question, je crois, sur les retraites, vous avez 65 ans, c'est bien ça, ou presque 65 ans Nadine ?

NADINE
Oui, tout à fait, oui, oui, et je suis demandeur d'emploi, et il me manque des trimestres pour prétendre à ma retraite à taux plein. Pour obtenir cette retraite au taux plein maximum, et sans décote, je dois atteindre l'âge du taux plein automatique qui est fixé actuellement à 67 ans, alors ma question, Madame la Première ministre, elle est très simple. Comme vous envisagez de décaler l'âge de départ à la retraite, ou d'allonger la durée des cotisations, allez-vous décaler également l'âge du taux plein automatique qui est donc fixé aujourd'hui à 67 ans, demain passera-t-il à 69, 70, voire plus, et sera-t-il rétroactif ? Merci Madame la Première ministre de bien vouloir me répondre.

APOLLINE DE MALHERBE
Élisabeth BORNE.

ÉLISABETH BORNE
Non, je peux vous dire très clairement qu'on n'a pas prévu de décaler l'âge, et peut-être, moi, j'en profite parce que j'entends que madame a 65 ans et qu'elle cherche un emploi, je suis consciente qu'il y a des demandeurs d'emploi seniors pour qui ça n'est pas facile, et je pense qu'on doit mieux accompagner les seniors qui recherchent un emploi, vous savez qu'on veut faire une réforme pour globalement mieux accompagner les demandeurs d'emploi, c'est tout l'objectif de France Travail, qui avait été annoncé par le président de la République et sur lequel le ministre du Travail Olivier DUSSOPT a engagé des concertations. Donc il faut mieux accompagner les demandeurs d'emploi seniors, peut-être dire aussi qu'il faut être vigilant sur le fait qu'il peut y avoir une discrimination contre l'embauche des seniors, moi, je pense que c'est très important qu'on change de mentalité, que les entreprises n'hésitent pas à embaucher des seniors, et je pense, par exemple, qu'on devrait aller dans le même esprit que ce qu'on a pu faire sur l'index égalité professionnelle, à s'assurer que les entreprises sont exemplaires, ne font pas de discrimination à l'embauche contre les seniors.

APOLLINE DE MALHERBE
Sur la question des seniors, mais Nadine, elle a aussi cette question des trimestres, parce qu'elle a élevé ses enfants, parce qu'il y a tout ça, au-delà de cette question-là, Élisabeth BORNE, si vous décalez l'âge de départ à la retraite, alors, certes, ça va faire une manne financière, mais de l'autre côté, et ça, c'est les calculs notamment des experts sur les retraites, ils disent : il va y avoir aussi un coût supplémentaire, parce que, précisément, un cas comme celui de Nadine, qui, si elle est au chômage et qu'elle part à la retraite à 63 ans, bon, eh bien, vous finissez les cotisations chômage, et vous commencez la retraite, si vous repoussez, il va falloir payer les cotisations plus longtemps, et puis, il y a un autre problème aussi, c'est le départ en bonne santé, c'est-à-dire que la santé va se détériorer, et ils alertent sur le coût que ça pourrait représenter pour la Sécurité sociale, vous l'avez pris en compte ?

ÉLISABETH BORNE
Enfin, naturellement, on est attentif à ce que tous les salariés qui sont dans des métiers pénibles, ne…

APOLLINE DE MALHERBE
Ne se voient pas repousser l'âge de départ à la retraite…

ÉLISABETH BORNE
Ne se voient pas repousser l'âge de départ en retraite, et qu'effectivement, on prenne en compte ces enjeux d'usure professionnelle, je l'ai dit, qu'on prenne en compte, enfin, qu'on lutte contre la pénibilité aussi, il ne suffit pas simplement de constater qu'on a fait sa carrière dans un métier pénible, il faut aussi lutter contre l'usure professionnelle. Et par ailleurs, moi, je vous signale, parce que j'entends, on me dit effectivement, les seniors ne trouveront pas un emploi, aujourd'hui, je le redis, il y a une forme de discrimination à l'embauche contre les seniors, ça n'est pas acceptable, et c'est pour ça que je dis que travailler sur un index qui permettrait de s'assurer qu'il n'y a pas de discrimination à l'embauche dans une entreprise, ça me semble quelque chose d'important…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça pour vous, il faut créer cet index…

ÉLISABETH BORNE
Eh bien, je pense qu'il faut que les organisations patronales…

APOLLINE DE MALHERBE
Tout comme il y a un index hommes/femmes…

ÉLISABETH BORNE
En discutent, mais ça me semblerait une bonne idée, donc, il faut mieux accompagner les seniors, il faut aussi penser à les former tout au long de la vie professionnelle, on a mis en place des outils dans le précédent quinquennat, le compte personnel de formation, il faut qu'il soit...

APOLLINE DE MALHERBE
Il faut qu'il soit utilisé…

ÉLISABETH BORNE
Utilisé, y compris pour les seniors…

APOLLINE DE MALHERBE
Y compris à cet âge-là. Élisabeth BORNE, il y a aussi Frédéric qui est avec nous, qui est restaurateur. Frédéric, vous aviez une question sur l'équation salaire et hausse des prix, c'est ça ?

FRÉDÉRIC
Exactement. Bonjour Madame BORNE.

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Frédéric.

ÉLISABETH BORNE
Bonjour.

FREDERIC
Aujourd'hui, donc moi, je suis restaurateur depuis 27 ans, on a eu enfin une revalorisation des salaires, donc CHR, de 17 %. Donc maintenant, les salariés sont payés, eh bien, effectivement, pour le travail qui est effectué, un travail qui est quand même assez pénible, le souci, c'est que, mécaniquement, le brut a explosé, et donc, quand on cumule tout, entre le brut, dont l'augmentation du salaire, donc les charges patronales, charges sociales, l'augmentation de l'énergie, les 30 % d'augmentation des coûts matières, plus les 25 ou 29 % de majoration des heures supplémentaires au-dessus de 35h, eh bien, là, aujourd'hui, moi, enfin, je prêche pour ma paroisse, on a beaucoup de restaurateurs qui aujourd'hui se posent la question de fermer peut-être un jour de plus, donc de générer moins de taxes, moins de TVA, moins d'impôts, moins de chiffre d'affaires, et de licencier du monde, donc moi, personnellement, là, aujourd'hui, j'ai dû me séparer de personnes, parce que, eh bien, la charge salariale commence à devenir beaucoup trop importante, par rapport aux rentrées d'argent…

APOLLINE DE MALHERBE
Parce que vous avez trop de coûts et que cette augmentation de salaire pèse également, qu'est ce que vous dites à ça, Élisabeth BORNE ?

ÉLISABETH BORNE
Enfin, je pense qu'il y a différents sujets, que tout le monde puisse être préoccupé par la flambée des prix de l'énergie, par l'inflation, je peux vous assurer que, et je le redis, que mon gouvernement est très mobilisé pour éviter cette flambée des prix au niveau européen.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais là, c'est la tension, c'est-à-dire, c'est la question de l'augmentation des salaires, et d'ailleurs, ça, vous aviez commencé cette discussion, quand vous étiez encore ministre du Travail, vous aviez dit aux patrons : il faut augmenter les salaires, là, pour le coup, ils le font dans la restauration, ils ont joué le jeu, ils ont augmenté de 16 à 17 % les salaires, mais derrière, ils se prennent la hausse de l'énergie, la hausse des prix des matières premières, le lait, les crèmes, tout augmente.

ÉLISABETH BORNE
Enfin, je pense qu'il n'y a pas... enfin, il n'y a pas de choix, bien évidemment, quand on est dans des secteurs qui sont en tension, qui ont du mal à recruter, comme l'étaient les hôtels, cafés, restaurants, il faut aussi rendre ces emplois plus attractifs, et ça passe par une hausse des rémunérations, par des discussions sur les conditions de travail, les coupures, et donc, c'est quelque chose qui est indispensable, évidemment, mon gouvernement est très mobilisé pour lutter contre la flambée des prix de l'énergie, et que ça ne vienne pas se surajouter à des augmentations de salaires qui sont parfaitement légitimes.

APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est fini dans un instant, Élisabeth BORNE, juste, je vous ai connue plus détendue, alors rarement très, très détendue, mais on sent quand même que pour vous, si ça n'avait tenu qu'à vous, vous auriez décidé, déjà, là, ça y est, sur les retraites, c'est quand même le truc qui vous reste au-dessus de la tête, et qui vous empêche…

ÉLISABETH BORNE
Non, non, je vous assure que je pense qu'on a beaucoup de discussions…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous avez une marge de liberté ?

ÉLISABETH BORNE
On a beaucoup de discussions avec le président de la République, c'est une décision difficile de trouver le bon chemin, et donc on va continuer à échanger cette semaine, et on prendra une décision d'ici la fin de la semaine, je vous rassure, voilà. Pas de souci.

APOLLINE DE MALHERBE
Élisabeth BORNE, Première ministre, invitée exceptionnelle de BFM TV et RMC, merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 septembre 2022