Texte intégral
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Bonjour Roland LESCURE.
ROLAND LESCURE
Bonjour Frédéric RIVIÈRE.
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Emmanuel MACRON a annoncé hier soir chez nos confrères de France 2 un retour à la normale sur la disponibilité des carburants dans les stations-services dans le courant de la semaine prochaine, qu'est-ce qui permet aujourd'hui de croire à ce scénario ?
ROLAND LESCURE
Eh bien, parce que presque tout le monde aujourd'hui autour de la table prend ses responsabilités, et je pense que les deux compagnies concernées, ESSO, c'est fait, et TOTAL, c'est en train d'être fait, ont entamé les négociations, et chez ESSO, elles ont été conclues. Les syndicats majoritaires chez ESSO ont choisi de signer une négociation salariale, et donc un accord a été obtenu ; face à l'irresponsabilité, je pense qu'on peut le dire, d'un syndicat minoritaire et de quelques…
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Vous parlez de la CGT ?
ROLAND LESCURE
Eh bien, la CGT dans les raffineries visiblement a souhaité de bloquer quoi qu'il en coûte, à un moment où un accord majoritaire a été trouvé, à un moment où, je le rappelle quand même, la guerre frappe aux portes de l'Europe, donc qu'on négocie les salaires dans ces conditions, c'est normal, qu'on bloque la France alors que la négociation aboutit, je trouve ça moi anormal. Donc le gouvernement, lui aussi, prend ses responsabilités en débloquant, en annonçant qu'on va demander aux salariés de reprendre le travail…
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Oui, la réquisition…
ROLAND LESCURE
Puisque la négociation a abouti et donc, voilà, on a du pétrole qui commence à couler en dehors des... enfin, qui sort des raffineries d'ESSO, qui ont été débloquées, j'espère que chez TOTAL, les négociations vont se poursuivre, elles ont commencé hier…
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Alors justement, chez TOTAL, eh bien, oui, Emmanuel MACRON a dit hier soir : des négociations, enfin, ont été engagées chez TOTAL, le "enfin" a sans doute son importance, est-ce qu'on pense au gouvernement que TOTAL a un peu traîné des pieds pour ouvrir les négociations ?
ROLAND LESCURE
Moi, je ne veux pas rentrer trop dans le jugement de valeur, sur le qui, le quoi, le comment, je juge des résultats. Ce qui est vrai, il faut le reconnaître, c'est que la situation s'est suffisamment dégradée pour qu'on se retrouve avec des raffineries bloquées, et qu'objectivement, les négociations n'avaient pas encore commencé, donc qu'il faille qu'on en arrive au blocage pour commencer les négociations, c'est un peu regrettable, cela dit, j'ai quand même entendu un syndicat, toujours le même, qui nous dit : moi, je fais une grève préventive, il y a des négociations en novembre, je fais grève pour qu'elles aient lieu avant, bon, elles ont été avancées, sans doute qu'il était temps, mais enfin, on était à 3 semaines ou à 4 semaines du lancement des négociations, donc, je ne pense pas non plus que TOTAL était dans une logique de blocage. Cela dit, effectivement, face à la situation difficile, parce qu'on n'en parle pas assez, s'il y en a bien aujourd'hui qui font les frais de cette situation, ce sont les automobilistes qui, aujourd'hui, passent des heures à faire la queue pour remplir leur réservoir quand ils ont de l'essence, c'est bien ça le problème aujourd'hui, donc il faut que tout le monde fasse preuve de responsabilité. TOTAL, enfin, a lancé des négociations, tant mieux, maintenant, il faut qu'elles aboutissent, ou à défaut de ça, eh bien, il faudra que nous, on continue à prendre les nôtres.
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Est-ce que cette pénurie, le gouvernement ne pouvait pas la voir venir ou peut-être refusait-t-il de la voir venir, la semaine dernière, alors que les difficultés dans les stations-services étaient déjà flagrantes, le porte-parole du gouvernement, Olivier VÉRAN, disait : non, il n'y a pas de pénurie ?
ROLAND LESCURE
Moi, j'ai bien vu, puisque je suis alerté par les Françaises et Français qui m'écrivent, les amis, les connaissances, que la situation en fait s'est véritablement dégradée samedi dernier, jusqu'à jeudi, vendredi derniers, il y avait de l'essence dans les stations, il n'y avait pas de file, et il y a eu…
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Il y en avait déjà, pas partout, beaucoup moins, mais il y en avait déjà…
ROLAND LESCURE
Voilà, non, non, mais il y avait des blocages, il y avait des grèves, donc il y en avait évidemment un peu moins, mais, il n'y avait pas de situation aussi dramatique que celle qu'on a connue le week-end dernier. Et la phrase à laquelle vous faites référence d'Olivier VÉRAN, je pense qu'elle date de vendredi dernier. C'est vrai que la situation s'est dégradée très rapidement, en partie d'ailleurs, mais on ne peut pas leur en vouloir, parce qu'un certain nombre de gens, comme vous et moi, se sont dit : attendez, on va manquer d'essence, je vais aller faire le plein, et puis, je vais peut-être aller remplir un ou deux jerricans, c‘est humain, on peut le regretter parce que du coup, quand tout le monde fait ça, évidemment, là, on augmente les besoins, et donc on augmente les manques. Mais c'est humain ce qui s'est passé. Donc c'est vrai que ça s'est dégradé très rapidement, dès samedi, et que, du coup, eh bien, depuis, on est quoi, on est mercredi (sic), ça fait 5 jours qu'on est tous sur le pont, et je pense que la situation va commencer à se libérer dans les jours qui viennent, parce qu'on est intervenu, oui.
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Le mouvement s'étend désormais au nucléaire, 5 centrales entrent dans la grève, est-ce que cela risque de contrarier le calendrier de remise en service des centrales nucléaires qui sont actuellement très nombreuses à être en maintenance ou en réparation ?
ROLAND LESCURE
26 réacteurs sur 56, effectivement, c'est considérable…
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
C'est beaucoup…
ROLAND LESCURE
C'est peut-être même un peu trop d'ailleurs, mais, bon, voilà, on est où on est, donc il faut les maintenir. C'est extrêmement important, je disais tout à l'heure, la guerre est aux portes de l'Europe, ça fait monter le prix de l'énergie partout en Europe. Moi, ministre de l'Industrie, je m'inquiète aujourd'hui pour la situation de l'industrie française, il faut que les prix baissent, et une des manières de faire baisser les prix, c'est qu'on ait plus d'électricité, donc là encore, les négociations salariales, très bien, les négociations sur les conditions de travail, très bien, mais je souhaite que tout le monde fasse preuve de responsabilité et qu'on intègre un peu la situation d'ensemble de tous les côtés, d'ailleurs, dans la manière dont on gère le dialogue social. Il faut qu'on arrive à avoir du dialogue social apaisé en général en France, mais particulièrement quand la guerre est aux portes de l'Europe et que les prix de l'électricité et du gaz en Europe passent tous les plafonds.
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Est-ce que vous craignez aujourd'hui des conséquences de ce mouvement sur l'approvisionnement des commerces, et donc sur la disponibilité d'un certain nombre de produits, parfois peut-être même de première nécessité pour les consommateurs ?
ROLAND LESCURE
Non, à ce stade, à ce stade, on n'en est pas là, il faut tout faire d'ailleurs pour l'éviter, et c'est ça qu'on a pris nos responsabilités, non, moi, je pense qu'on va progressivement, j'espère en tout cas, retrouver une activité normale, que le gouvernement, je l'ai dit, et je le répète, prendra sa part de responsabilité, on ne va pas jouer avec l'approvisionnement des Françaises et Français, ça, ça semble totalement exclu évidemment, ça serait inacceptable, et à raison, donc, non, on va continuer à suivre la situation des négociations chez TOTAL, chez EXXON, elle a eu lieu, elle a débouché, un accord majoritaire, on débloque et on y va, quoi..
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
L'autre grand sujet de tension, et en particulier donc pour les entreprises, c'est le prix de l'électricité, est-ce que vous pouvez nous expliquer clairement et brièvement aussi, c'est l'exercice de la radio, pourquoi les prix de l'électricité pour les professionnels ont atteint des niveaux complètement fous ?
ROLAND LESCURE
Parce que le marché européen, dont on sait, nous, on le dit depuis des années, qu'il est mal organisé fait que le prix d'électricité, c'est, en gros, le prix du gaz, pourquoi, parce que le prix de l'électricité sur le marché européen, qui est un marché unique, c'est le prix de l'électricité la plus chère à l'instant T en Europe, si jamais vous vendez l'électricité 80, et que pour produire de l'électricité avec du gaz, ça vous coûte 100, eh bien, les centrales à gaz vont s'arrêter et vous n'aurez pas assez d'électricité. Donc pour qu'on ait assez d'électricité, j'allais dire, pour nourrir tout le monde, il faut que l'électricité se mette au prix du tarif le plus cher, ce qui, évidemment, a du sens dans une situation normale, n'a plus aucun sens quand le gaz est contraint, quand Vladimir POUTINE menace de couper les robinets, et que, du coup, le gaz enlève tous les plafonds, prend des prix qui n'ont plus aucun sens, et qui tire l'électricité à la hausse, donc, c'est pour ça quand on dit : on cherche à déboucler, à découpler, pardon, le gaz et l'électricité, c'est exactement pour ça, pour éviter que ce qui se passe en Ukraine, et qui a un impact direct sur le gaz, ait un impact sur l'électricité, et ça, c'est les négociations européennes qu'on est en train de finaliser.
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Est-ce que vous êtes en mesure aujourd'hui d'avoir une idée assez précise de ce qui attend les entreprises dans les prochains mois, en matière de restrictions énergétiques ?
ROLAND LESCURE
Ça, je pense qu'on va y échapper en partie, parce que tout le monde aujourd'hui est responsable, c'est vraiment le mot du matin, les Françaises et les Français aujourd'hui, je pense que c'est votre cas, c'est le mien, c'est le cas de beaucoup de gens, se demandent s'ils doivent vraiment augmenter le chauffage quand la température baisse un peu, un certain nombre d'entre eux ont sans doute baissé la température dans leurs bureaux, les entreprises elles-mêmes, et j'allais dire, presque malheureusement, parce que les prix montent très fort, ont réduit leur consommation, parfois même réduisent leur production, le sujet pour les entreprises industrielles, c'est moins : est-ce qu'on va me couper le gaz, que : est-ce que je vais pouvoir payer la facture. Moi, ce qui m'inquiète aujourd'hui dans l'industrie, c'est que les industriels font face à des hausses de prix extrêmement fortes.…
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Qui parfois les obligent à réduire leur activité, voire à l'arrêter même.
ROLAND LESCURE
Exactement, un certain nombre d'entre eux, les glaciers, les verriers, les aluminiers les aciéries ont tendance à baisser la production, et ça, notre boulot, c'est de faire en sorte que ça arrive le moins possible, parce que, derrière, évidemment, il y a la croissance économique, il y a l'emploi, donc c'est pour ça qu'on travaille au niveau européen, au niveau national, et même au niveau local, moi, j'ai demandé au Commissaire aux restructurations sur le terrain d'aider les entreprises à négocier leurs factures, à négocier leurs contrats, à nous alerter si on peut les aider, il y a des situations aujourd'hui extrêmement difficiles, on parlait des verriers, on les aide de manière à passer cette période difficile.
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Merci Roland LESCURE…
ROLAND LESCURE
Merci à vous.
FRÉDÉRIC RIVIÈRE
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 octobre 2022