Texte intégral
JEFF WITTENBERG
Bonjour Franck RIESTER, bonjour à tous…
FRANCK RIESTER
Bonjour Jeff WITTENBERG !
JEFF WITTENBERG
Colère des automobilistes qui ne trouvent plus d’essence dans la plupart des stations-service, dans certaines régions en tout cas, colère des grévistes qui dénoncent le contournement du droit de grève par les réquisitions ; on a du mal aujourd'hui à voir une éclaircie dans ce conflit des carburants. Emmanuel MACRON disait il y a quelques jours que la situation allait s'améliorer, il le disait mercredi sur France 2, la semaine prochaine. Est-ce que vous partagez cet optimisme.
FRANCK RIESTER
C'est la responsabilité, la responsabilité dans la façon dont le gouvernement aborde cette crise, la responsabilité qui doit être celle à la fois de l'entreprise TOTAL, ou ESSO, et les organisations syndicales. La Première ministre est sur le pont matin midi et soir, je dirais même aussi la nuit pour faire en sorte que cette crise cesse. Elle a veillé à ce que les organisations syndicales et l'entreprise puissent dialoguer, ça a été le cas, je pense chez TOTAL hier soir par exemple ; des accords ont été trouvés chez ESSO et donc la crise se résoudra par le dialogue et la fermeté. Le dialogue, parce que nous croyons au dialogue social, et nous croyons à la capacité des entreprises à trouver des solutions pour faire face à des, parfois, revendications légitimes des salariés face à l'augmentation du coût de la vie, et en même temps fermeté, parce qu'on ne peut pas bloquer le pays. Des revendications salariales parfois légitimes ; légitimes… qui ne doivent pas conduire à bloquer le pays parce qu'ensuite, ce sont tous nos compatriotes qui sont pénalisés.
JEFF WITTENBERG
Vous avez demandé, Bruno LE MAIRE notamment avait demandé à TOTALENERGIES d'aller plus loin dans la satisfaction des revendications des salariés. Cette nuit, on l’a entendu dans les journaux, deux syndicats, la CFDT et la CGC, ont signé un accord ; la CGT a dit « non ». TOTAL propose, on le rappelle, 7 % d'augmentation des salaires. Est-ce que TOTALENERGIES doit aller plus loin, concrètement ?
FRANCK RIESTER
Ecoutez, ce n’est pas à moi de le décider. C'est justement par la négociation, je vois qu’apparemment les choses vont dans le bon sens, effectivement vous l'avez rappelé…
JEFF WITTENBERG
C’est deux syndicats …
FRANCK RIESTER
Oui mais il y a les majoritaires…
JEFF WITTENBERG
… Les blocages aujourd'hui, ils sont faits par la CGT notamment.
FRANCK RIESTER
Oui écoutez, je vous dis : dialogue, laisser et faire confiance aux partenaires sociaux de trouver des solutions chez TOTAL ou dans d'autres entreprises – je rappelle quand même que TOTAL c'est quand même une entreprise particulière, parce que quand les Français entendent 7 % d'augmentation de salaire, ils doivent se rendre compte de ce que ça représente, c'est une augmentation très importante…
JEFF WITTENBERG
Très importante, mais les bénéfices sont très importants aussi…
FRANCK RIESTER
Oui, oui ! Bien sûr ! Bien sûr ! Mais vous savez, ces temps, il y a beaucoup d'entreprises malheureusement dans notre pays qui n'ont pas les résultats de TOTAL. Et nous appelons, nous, tous les chefs d'entreprise, quand ils le peuvent, à trouver les voies et moyens pour accompagner leurs salariés. On a mis des dispositions sur la table pour faciliter ça, je pense par exemple à la prime Macron qui permet de donner du pouvoir d'achat complémentaire à nos compatriotes. Mais toutes les entreprises ne sont pas dans la situation de TOTAL. Donc nous, nous avons une ligne de conduite : nous voulons de la négociation, et croyez-moi que le gouvernement, et la Première ministre en tête, a fait beaucoup dans l'ombre pour faire en sorte qu'il y ait cette négociation chez TOTAL par exemple hier, et ensuite nous prendrons nos responsabilités comme nous l’avons fait cette semaine, en réquisitionnant les dépôts ou les raffineries quand c'est nécessaire, parce qu'on ne peut pas laisser le pays bloqué.
JEFF WITTENBERG
Ces réquisitions, c'est Laurent BERGER – qui n'est pas le plus extrémiste des syndicalistes à vos yeux – qui disait hier qu’« elles vont dresser les gens les uns contre les autres ». Est-ce que vous jouez quand même une partie des Français contre les grévistes ? Par exemple, il y a un sondage qui montre aujourd'hui ce matin que deux tiers des Français approuvent ces réquisitions. Vous allez les poursuivre, quitte à « mettre le feu aux poudres » comme le disent certains, Sandrine ROUSSEAU par exemple ?
FRANCK RIESTER
Nous ne voulons surtout pas diviser les Français, nous voulons les rassembler. Il faut aussi comprendre qu'on doit veiller à ce que le pays ne soit pas bloqué, et donc c'est vrai que la réquisition n'est pas quelque chose d'anodin. Et c’est d'ailleurs très encadré d’une façon juridique ! Et donc nous voulons du dialogue, mais si le dialogue ne permet pas de trouver des solutions et que nous nous retrouvons à des situations comme celle-là où il y a un blocage malgré par exemple chez ESSO un accord majoritaire, nous prenons nos responsabilités…
JEFF WITTENBERG
Donc vous les assumez.
FRANCK RIESTER
Mais dialogue, fermeté : c'est la ligne qui est la nôtre au gouvernement. Quand on voit qu'un certain nombre de responsables politiques évidemment veulent attiser les divisions, veulent créer des tensions, ne veulent pas régler les problèmes des Français, veulent au contraire attiser les problèmes pour en créer davantage ; effectivement vous avez cité Sandrine ROUSSEAU qui nous dit hier qu'elle veut « changer le monde ! Que tout le pays soit bloqué ! »
JEFF WITTENBERG
Elle parle aussi, elle n'est pas la seule, de grève générale, pardon Franck RIESTER. Plusieurs syndicats – il y a la CGT mais il y a aussi FSU, FO, Solidaires – lancent une journée de grève interprofessionnelle pour mardi prochain. Il y a aussi des débrayages, vous le savez, dans d'autres secteurs que les raffineries, par exemple dans les centrales nucléaires, les transports publics pourraient rejoindre le mouvement, l'Education ; il y a quand même un climat aujourd'hui que vous ne pouvez pas ne pas voir !
FRANCK RIESTER
Mais on voit les difficultés qui sont celles de nos compatriotes. C'est pour ça qu'on a eu… on a pris des décisions en 2022 avec le projet de loi de pouvoir d'achat, le projet de loi de finances rectificative, c'est pour ça qu'on a un projet de loi de finances très ambitieux, un budget très ambitieux pour protéger nos compatriotes ! On est…
JEFF WITTENBERG
Mais la grève générale ?
FRANCK RIESTER
Attendez, la grève générale, c’est quelque chose qu'il faut regarder entreprise par entreprise, secteur par secteur ! Pourquoi je vous dis la réponse du gouvernement en termes de protection de nos compatriotes, en termes de protection du pouvoir d'achat, en termes de moyens donnés aux entreprises ? C'est que ça doit se régler entreprise par entreprise ! Eventuellement branche par branche ! Trouver les voies et moyens pour aider nos compatriotes à. faire face à cette inflation. Je rappelle : inflation qui est la plus basse de la zone euro et de l'Union européenne parce qu’on a pris un certain nombre de décisions. Et la grève générale, je vois bien que certains veulent attiser ce chiffon rouge pour créer le chaos…
JEFF WITTENBERG
Ce n’est pas simplement le chaos, c’est une demande par exemple de Philippe MARTINEZ de la tête de la CGT.
FRANCK RIESTER
Oui mais je vais vous dire : on ne réglera pas le problème de nos compatriotes par le blocage du pays. Ce n'est pas en rajoutant de la tension à la tension qu'on crée des solutions. C'est par le dialogue, par la négociation, et nous avons toujours dit que chacun doit être à la hauteur de ses responsabilités, les chefs d'entreprise comme les organisations syndicales.
JEFF WITTENBERG
C'est en tout cas dans ce contexte social pour le moins tendu, vous l'admettrez, que vous lancez le processus politique – c'était prévu, c'est le calendrier qui veut ça, mais vous admettrez que ce n'est pas forcément le moment idéal – la concertation politique des retraites. Vous avez reçu, avec la Première ministre hier, un certain nombre de présidents de groupes parlementaires, vous continuerez aujourd'hui notamment avec LFI et le Rassemblement national. Vous attendez, ne nous mentons pas, un tir de barrage sur cette réforme des retraites, avec des partis politiques enhardis par le climat actuel !
FRANCK RIESTER
Ecoutez, nous avons reçu effectivement, avec la Première ministre et Olivier DUSSOPT qui est en charge directement de la réforme, les différents groupes. Je crois que nous appelons là aussi à la responsabilité. Il y a un besoin ! Besoin d'assurer la pérennité du système de retraites, d'assurer aussi le pouvoir d'achat des retraités dans l'avenir, et il n’y a pas 50 solutions ! Si on ne veut pas créer des impôts supplémentaires, des cotisations supplémentaires, il faut travailler plus longtemps, travailler plus longtemps pour aussi permettre d'améliorer le système ! Si nous voulons que, par exemple, quand on a une carrière complète, le minimum… la rémunération de pension minimum soit à 1.100 euros plutôt que la situation aujourd'hui, nous devons trouver des voies et moyens de financer. Eh bien nous considérons que c'est en rallongeant le temps de travail, à travers le report de l'âge légal notamment, que nous y arriverons.
JEFF WITTENBERG
C'est votre philosophie. C’est la philosophie de la loi que vous voulez faire passer, mais il y a…
FRANCK RIESTER
Par la concertation, je vous rappelle qu’on est…
JEFF WITTENBERG
Il y a aussi les voies et les moyens politiques de la faire voter. Qui vous aidera ? Vous n'avez pas la majorité absolue, vous avez reçu hier le groupe Les Républicains. Est-ce que c'est leur aide que vous attendez pour faire passer très concrètement…
FRANCK RIESTER
Ecoutez, Les Républicains ont déposé au Sénat…
JEFF WITTENBERG
Le parti auquel vous apparteniez …
FRANCK RIESTER
… Par exemple depuis plusieurs années un amendement qui réforme le système de retraites et qui veut justement rallonger justement l’âge de départ légal en retraite et apporter un certain nombre d'améliorations au dispositif. Donc on compte sur ce parti, comme sur d'autres…
JEFF WITTENBERG
Donc logiquement, ils vont voter pour cette réforme, c’est ce que vous espérez ?
FRANCK RIESTER
Mais écoutez, ce n’est pas… Ce n’est pas une question partisane ! C'est aussi une question de bon sens. Il y a un moment donné, nos compatriotes savent bien que s’ils veulent que leur retraite soit assurée, que leur pouvoir d'achat soit assuré, qu'on travaille sur la question par exemple d’inégalités entre les hommes et les femmes sur les retraites, nous devons trouver des moyens complémentaires, et des moyens, ça ne peut pas être de la dette en plus, ça ne peut pas les impôts en plus, ça ne peut pas être les cotisations en plus, ça doit être : travailler plus longtemps ! Et donc nous appelons toutes les forces politiques raisonnables et responsables à nous accompagner dans cette réforme qui est importante, en la prenant avec la concertation nécessaire – vous avez vu qu'on prend le temps de rencontrer les organisations syndicales, les partis politiques et les groupes politiques, et bien sûr ensuite, il y aura un passage au Parlement et nous prendrons nos responsabilités le moment venu.
JEFF WITTENBERG
Le Parlement où vous n'avez pas de majorité absolue, et où les revers se multiplient ces derniers jours, ces dernières heures. Il y a eu avant-hier un amendement voté sur les superdividendes à l'initiative du MoDem qui n’y était pas favorable, et voilà aussi le retour de l'Exit Tax, une taxe qui va toucher les chefs d'entreprise qui délocalisent leurs activités à l'étranger, qui transfèrent plus exactement leur siège social à l'étranger, ça c’est plus compliqué ; en tout cas Emmanuel MACRON l'avait supprimée, elle est revenue. Vous ne faites plus la loi au Parlement aujourd'hui…
FRANCK RIESTER
On n’a pas de majorité absolue ; donc depuis le début du quinquennat, on discute, on échange, on construit la loi avec la majorité bien sûr, mais aussi l'opposition. Vous savez, moi je suis député depuis 2007, je sais la diversité des approches au sein du Parlement, le travail parlementaire qui permet d'améliorer la loi, et c'est le cas encore aujourd'hui ! Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement se fait battre par l'Assemblée sur un amendement ou sur un autre ! Et ce n'est pas une question de plaisir. Ce qui compte, c'est d'améliorer la situation de nos compatriotes, et donc d'avoir le meilleur budget possible. Et donc nous prenons le temps du débat et du travail parlementaire. Certains nous disent « vous passez en force ». Eh bien regardez non, on ne passe pas en force, on prend le temps du travail parlementaire.
JEFF WITTENBERG
Allez, vous êtes ministre des Relations avec le Parlement. Dernière question - réponse courte s'il vous plaît : le 49-3, on sait qu'il va – puisque le Conseil des ministres l’a autorisé – être… enfin vous allez en faire usage. Quand ? C'est la question qui se pose, sur le budget ?
FRANCK RIESTER
Notre pays a besoin d'un budget pour qu'on puisse payer les fonctionnaires, payer les services publics, et donc nous assumerons un pouvoir que nous donne la Constitution, qui est de permettre grâce au 49-3 de faire voter le budget. Mais à l'issue du débat parlementaire qui se passe de la meilleure façon possible – j’étais dans l'hémicycle hier soir, dans la nuit, il y avait un beau débat par exemple sur l'agrobashing et sur les questions de bien-être animal.
JEFF WITTENBERG
Donc ça ne …
FRANCK RIESTER
Eh bien… A l'issue du débat parlementaire, le débat parlementaire est prévu jusqu'à mercredi ; nous prendrons le temps du débat.
JEFF WITTENBERG
On vous a entendu. Merci beaucoup, Franck RIESTER…
FRANCK RIESTER
Merci beaucoup.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 17 octobre 2022