Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à BFM TV le 17 octobre 2022, sur les difficultés d'approvisionnement dans les stations-service, la ristourne concernant le prix des carburants, la grève à EDF et la discussion au Parlement du budget pour 2023.

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Média : BFM TV

Texte intégral


AMANDINE ATALAYA
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Amandine ATALAYA.

AMANDINE ATALAYA
Vous êtes ministre de l'Économie et des Finances et c'est une semaine bien compliquée et lourde qui s'annonce pour vous. Il va y avoir non seulement le budget qui doit passer avec le 49-3 dans quelques heures – on va y revenir – mais d'abord on commence bien sûr avec ce blocage qui se poursuit ce matin dans plusieurs raffineries et dans plusieurs dépôts de France. Non seulement il se poursuit je disais, mais en plus la situation s'est dégradée ce week-end puisque 30% des stations-essence sont toujours en difficulté hier, dimanche, disait Élisabeth BORNE. Ça finit quand Monsieur LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
Le plus tôt possible Amandine ATALAYA.

AMANDINE ATALAYA
Ça c'est certain. C'est ce que les Français se disent mais j'imagine que vous avez des prévisions.

BRUNO LE MAIRE
C'est ce que nous souhaitons tous et qu'il y ait… Il n'y a pas de prévisions, il y a une volonté, une détermination. Il doit y avoir dès cette semaine une amélioration nette sur le front des carburants. D'abord parce que c'est insupportable pour nos compatriotes, ensuite parce que je rappelle qu'il y a des accords majoritaires qui ont été conclus chez TOTAL. Et dans une démocratie, y compris dans une démocratie sociale, ce n'est pas la minorité qui dicte sa loi à la majorité.

AMANDINE ATALAYA
Alors la CGT en effet refuse cet accord qui est pourtant un accord majoritaire. C'est acceptable pour vous ?

BRUNO LE MAIRE
C'est inacceptable et c'est illégitime.

AMANDINE ATALAYA
Et quelle conséquence en tirez-vous alors ?

BRUNO LE MAIRE
La conséquence, elle est très simple. Il faut libérer les dépôts de carburant, libérer les raffineries qui sont bloquées, utiliser les moyens de la réquisition et faire en sorte que, comme dans toute démocratie, la voix de la majorité l'emporte sur la voix de la minorité. Amandine ATALAYA, le temps de la négociation est passé. Il y a eu une négociation, il y a eu un accord.

AMANDINE ATALAYA
Ça veut dire que vous allez multiplier les réquisitions ?

BRUNO LE MAIRE
Cela veut dire qu'il faut que force reste à la voix majoritaire. Il y a eu des négociations, j'avais moi-même appelé TOTAL à faire des augmentations de salaires puisqu'ils avaient la possibilité de le faire. Mettez-vous à la place des autres syndicats qui sont majoritaires, qui l'ont emporté, qui disent : attendez, nous on voudrait revenir au travail, on a obtenu ce que nous souhaitions. Mettez-vous à la place des millions de nos compatriotes qui sont bloqués par une poignée de personnes qui ne respectent pas la voix de la majorité. Il faut que force reste à la voix majoritaire, il en va de notre démocratie sociale.

AMANDINE ATALAYA
On sent que vous avez ce matin un ton particulièrement dur, offensif.

BRUNO LE MAIRE
Non, pas dur. Non, Amandine ATALAYA.

AMANDINE ATALAYA
Vous savez que les réquisitions pour Philippe MARTINEZ de la CGT…

BRUNO LE MAIRE
Non Amandine ATALAYA, pas dur, pas offensif.

AMANDINE ATALAYA
En tout cas, selon la CGT, si vous multipliez les réquisitions, c'est selon eux une provocation. Est-ce que vous jetez de l'huile sur le feu.

BRUNO LE MAIRE
Les mots sont importants. Pas dur, pas offensif, ferme. Notre pays a besoin de fermeté et a besoin d'autorité. C'est comme cela que nous rétablirons l'ordre, qu'il y aura un retour à la normale et que nous éviterons de voir ce qui se multiplie actuellement : c'est-à-dire les incidents dans les stations-service, la colère, l'énervement de nos compatriotes. Enfin moi je veux bien qu'on passe des heures à discuter de ce que font aujourd'hui la CGT et une poignée de grévistes, je voudrais surtout qu'on ait une pensée pour les millions de nos compatriotes qui aujourd'hui se disent : on veut aller travailler, on veut déposer nos enfants à l'école, on veut pouvoir aider la personne auprès de laquelle on travaille, c'est ça qui compte.

AMANDINE ATALAYA
Pardon, mais que vous ayez une pensée pour les Français, c'est bien mais ça leur fait une belle jambe parce qu'aujourd'hui l'essence manque toujours dans les stations essence. Le président avait promis un retour à la normale cette semaine. Il n'y a pas de retour à la normale donc il s'est trompé d'une part.

BRUNO LE MAIRE
C'est bien pour cela que je vous répète que nous devons avoir une amélioration nette cette semaine, qu'elle passe par les mesures de réquisition et de retour à l'ordre dont je viens de vous parler. Je ne peux pas être plus ferme, je ne peux pas être plus clair.

AMANDINE ATALAYA
Mais vous savez que la CGT va protester. Que dites-vous à Philippe MARTINEZ ce matin ?

BRUNO LE MAIRE
Mais la CGT peut toujours protester. Je n'ai rien à dire de particulier à Philippe MARTINEZ. J'estime que les négociations ont eu lieu, j'estime que la voix de la majorité a tranché. Je vous dis comment à mon sens nous devons procéder dans les jours qui viennent : de la fermeté, de l'autorité, le retour à la normale et le respect de la voix de la majorité. Une fois que la négociation a eu lieu et que la majorité s'est prononcée, la décision de la majorité doit s'appliquer ; ça s'appelle la démocratie.

AMANDINE ATALAYA
Est-ce que, Monsieur le Ministre, les vacances de la Toussaint vont être impactées ?

BRUNO LE MAIRE
C'est tout ce que nous voulons éviter. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui je suis certain que non. J'évite de faire des promesses à la légère sur des sujets qui touchent la vie quotidienne de nos compatriotes. Ce que je peux vous dire…

AMANDINE ATALAYA
Encore une fois, le président avait promis à un retour à la normale cette semaine donc on essaye de suivre.

BRUNO LE MAIRE
Je vous dis que nous devons viser une amélioration nette cette semaine pour que nos compatriotes qui travaillent puissent travailler normalement, nos compatriotes qui doivent déposer leurs enfants à l'école puissent le faire normalement, et que ceux qui souhaitent partir en vacances à la fin de la semaine puissent le faire normalement. Un pays, la France, a droit à une vie normale. C'est ce à quoi aspirent les gens. Et cette manie systématique d'aller vers le conflit, dans la confrontation, quand il y a une justification oui, quand on demande une augmentation de salaire et qu'elle est justifiée oui, mais une fois que l'augmentation de salaire a été obtenu, comment pouvons nous comprendre qu'il y ait un blocage du pays et pas de vie normale ?

AMANDINE ATALAYA
Alors j'essaie de suivre votre logique.

BRUNO LE MAIRE
Elle est assez simple si je peux me permettre, ma logique.

AMANDINE ATALAYA
Alors pas dans les conséquences. Pourquoi est-ce que vous ne réquisitionnez pas tout de suite et pourquoi vous ne l'avez pas fait avant ?

BRUNO LE MAIRE
Ma logique, Amandine ATALAYA, est extrêmement simple. Est-ce qu'il y avait un besoin de négociations ? Oui. Est-ce qu'il fallait augmenter les salaires ? Oui, je l'avais dit à un micro d'une de vos confrères il y a quelques jours. Est-ce que la négociation a abouti ? Oui. Est-ce que par conséquent le retour à l'ordre et le retour à la normale doivent venir très vite ? Ma réponse est oui parce que la voix de la majorité s'est prononcée. Je ne peux pas être plus clair.

AMANDINE ATALAYA
Alors la question c'est est-ce que vous n'êtes pas passé complètement à côté de cette crise ? Vous-même avez-vous perçu les ferments de cette crise ? Avez-vous alerté le président à temps ?

BRUNO LE MAIRE
La responsabilité des entreprises, c'est d'engager des négociations salariales.

AMANDINE ATALAYA
Et la vôtre, c'est peut-être de les anticiper.

BRUNO LE MAIRE
La responsabilité du gouvernement, c'est de garantir le bon fonctionnement de la vie économique de la nation. C'est ma responsabilité. Donc pour le coup, je pense que nous avons fait le nécessaire. Désormais c'est autre chose qui est sur la table : la réquisition, le retour à la vie normale y compris par des moyens d'autorité dont je viens de parler.

AMANDINE ATALAYA
Mais Bruno LE MAIRE, vous auriez peut convoquer à Bercy dès le début de la crise il y a 2 semaines de ça les syndicats, le patron de TOTAL pour essayer de débloquer la situation. C'est-à-dire qu'elle s'est enlisée à un point qui est incompréhensible.

BRUNO LE MAIRE
Mais vous trouvez que ce serait normal dans une démocratie comme la démocratie française que d'avoir le ministre de l'Économie qui participe aux négociations salariales entre une entreprise privée et les syndicats ? Mais ce n'est pas du tout notre rôle.

AMANDINE ATALAYA
Mais vous pouvez donner une impulsion puisque vous dites qu'il faut une augmentation des salaires.

BRUNO LE MAIRE
Non. Je crois avoir donné l'impulsion très clairement sur RTL un matin et que, quelques heures après, il me semble que l'accord a été conclu ; donc l'impulsion nous la donnons quand il faut. Mais il faut laisser aussi aux syndicats, qui ont un rôle majeur à jouer dans notre vie sociale et dans la vie de la société française tout entière, laisser aux entreprises privées et aux dirigeants de ces entreprises privées de négocier sans que l'État s'en mêle. L'État n'a pas à se mêler de tout et de n'importe quoi matin, midi et soir. En revanche quand il faut de l'impulsion, nous l'avons donnée, et quand il faut garantir le retour à la vie économique normale, nous avons à le faire, nous le faisons et nous continuerons à le faire.

AMANDINE ATALAYA
Est-ce que Monsieur POUYANNE a bien géré cette crise, le PDG de TOTAL ? Il était aux États-Unis la semaine dernière, est-ce qu'il n'aurait pas mieux fait d'être en France d'une part ? Et est-ce que le fait qu'il se soit augmenté de 52 %, son augmentation de salaire l'an passé, ne vous choque pas ?

BRUNO LE MAIRE
Ne comptez pas sur moi pour distribuer les bons et les mauvais points aux patrons français.

AMANDINE ATALAYA
Vous distribuez des mauvais points à la CGT et donc pourquoi pas aux patrons ?

BRUNO LE MAIRE
Mais parce que ce qu'a décidé la CGT, c'est-à-dire le blocage du pays, effectivement ça mérite un mauvais point. En revanche ce n'est pas au ministre de l'Économie d'aller distribuer les bons et les mauvais points sur les dirigeants d'entreprise.

AMANDINE ATALAYA
Donc ça ne vous choque pas ? Rien dans sa gestion de la crise ne vous choque ?

BRUNO LE MAIRE
Mais je ne suis pas ici pour ajouter de l'huile sur le feu Amandine ATALAYA, je suis ici pour faire en sorte que ça aille bien pour nos compatriotes. C'est-à-dire qu'ils puissent avoir des carburants, qu'ils puissent circuler et que donc la liberté de circulation, qui est un droit fondamental, soit garantie. Pourquoi est-ce qu'ils sont aussi agacés que ça nos compatriotes ? C'est que ça les gênent dans leur vie quotidienne, c'est que ça crée de l'agacement, j'en ai parlé. Mais c'est que ça touche aussi à une liberté fondamentale qui est la liberté de se déplacer.

AMANDINE ATALAYA
Et ç'a des conséquences majeures sur l'économie du pays. C'est-à-dire qu'on entend se multiplier les témoignages d'agriculteurs qui ne peuvent plus travailler, d'infirmiers qui ne peuvent plus non plus assurer leurs rendez-vous. Est-ce que vous avez une idée du chiffrage, du coût de cette crise aujourd'hui ?

BRUNO LE MAIRE
Aujourd'hui l'impact sera réduit, il n'y a pas d'inquiétude particulière à avoir. Je vais vous dire mon inquiétude, celle qui m'occupe matin, midi et soir plutôt qu'une fois encore aller juger le patron de TOTAL, c'est de faire baisser le prix de l'énergie. C'est ça le vrai sujet stratégique pour la France.

AMANDINE ATALAYA
Ça, c'est à long terme. Mais à court terme, on est embourbé dans cette crise.

BRUNO LE MAIRE
Non mais tout de suite, tout de suite. C'est à court terme mais enfin c'est à court terme que les entreprises industrielles vont signer leurs contrats, vont signer à leurs engagements sur l'électricité. Elles voient bien que la facture est trop élevée. Dans des dizaines de milliers d'entreprises industrielles, ça peut être des boulangeries industrielles, ça peut être…

AMANDINE ATALAYA
Je voudrais qu'on reste sur cette crise précisément Monsieur LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est toujours la même crise. C'est cette crise énergétique. Dans l'immédiat la vraie difficulté, celle qui m'occupe, moi ministre de l'Economie - je ne suis pas chargé des réquisitions, je ne suis pas chargé de m'occuper de libérer les dépôts de carburant et de libérer les raffineries – je dis juste que ça doit être fait, ça doit être fait rapidement. Je suis chargé des entreprises en France, faire en sorte que ces entreprises fonctionnent bien, et je peux vous dire qu'aujourd'hui ma préoccupation numéro un c'est faire baisser dès la fin de la semaine au Conseil européen avec le président de la République, le prix de l'énergie pour que les factures soient supportables pour nos entreprises industrielles et les emplois qui vont derrière.

AMANDINE ATALAYA
À propos du coût de l'énergie supportable pour les Français, Élisabeth BORNE a annoncé hier la prolongation de la ristourne du gouvernement qui devait s'éteindre fin octobre et qui est finalement prolongée jusqu'au 15 novembre. Vous ne le souhaitiez pas, vous étiez réticent, vous disiez même la semaine dernière : elle ne sera pas prolongée. Alors j'ai alors que s'est-il passé ?

BRUNO LE MAIRE
Je vous répète ce que j'ai toujours dit, c'est qu'elle ne sera pas prolongée à partir du 1er janvier 2023.

AMANDINE ATALAYA
C'est certain ? Vous disiez pareil pour octobre.

BRUNO LE MAIRE
Qu'on la prolonge pendant 15 jours et que la Première ministre décide de la prolonger pour 15 jours parce qu'il y a eu des difficultés et il continue à y avoir des difficultés dans les stations-service, chacun peut le comprendre. Mais chacun comprendra aussi que nous ne pouvons pas conserver de manière définitive une mesure qui est une incitation à consommer du carburant donc des énergies fossiles, qui est une subvention aux énergies fossiles parce que ce serait totalement contradictoire avec notre politique de décarbonation et d'accélération de la transition énergétique. Donc je vous confirme qu'au 1er janvier il n'y aura plus de remise générale sur les carburants parce que ce serait contradictoire avec une politique à laquelle je crois profondément et sur laquelle je souhaite que mon ministère de l'Économie et des Finances accélère, qui est la transition écologique. Donc si les prix devaient s'envoler - ça peut toujours arriver - nous avons prévu en 2023 d'aider nos compatriotes qui prennent leur voiture pour aller travailler. Ça peut être des médecins, des professions libérales, avec une aide ciblée. Et ce sera une aide ciblée et rien d'autre : je suis totalement opposé, je le dis très simplement, à ce que nous maintenions définitivement une subvention à des énergies fossiles.

AMANDINE ATALAYA
A propos de ces subventions, vous avez écouté peut-être ce matin l'antenne, les Français disent : c'est très bien une ristourne, mais enfin on n'a pas d'essence alors à quoi ça sert ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, la priorité, je le redis, c'est de libérer les dépôts de carburant et les raffineries - vous avez parfaitement raison - et qu'il y ait du carburant dans les stations-service pour que nos compatriotes puissent se déplacer. C'est la priorité.

AMANDINE ATALAYA
Il y a par ailleurs une grève qui est en train aussi de s'étendre à EDF, alors même que les négociations salariales n'ont pas commencé puisqu'elles commencent demain. Comment jugez-vous cette grève ?

BRUNO LE MAIRE
D'abord je vois que le syndicat, syndicat de la branche de l'énergie, des gaziers, ont signé un accord et j'espère qu'il pourra en aller de même chez EDF. C'est vital. Et il est vital qu'EDF tienne ses engagements en matière de production électrique, ça rejoint ce que je vous disais précédemment sur la situation des entreprises industrielles. EDF a pris des engagements clairs : remettre sur le réseau électrique 45 gigawatts en décembre, 50 gigawatts en janvier. J'ai reçu la semaine dernière Jean-Bernard LEVY qui dirige encore EDF. Je l'ai rappelé à ses engagements et je lui ai dit que ces engagements devaient impérativement être tenus, et que je comptais sur les salariés d'EDF, que je comptais sur leur savoir-faire, sur les ingénieurs qui se mobilisent aujourd'hui. Je vois ce qui se passe actuellement dans les centrales nucléaires où beaucoup d'ouvriers font le maximum pour remettre sur le réseau cette puissance électrique dont nous avons impérativement besoin. EDF doit tenir ses engagements, nous y veillons et je peux vous garantir que nous regarderons de très près ce qui se passe, les décisions qui sont prises et la remise sur le réseau de la puissance électrique dont nous avons besoin.

AMANDINE ATALAYA
Parce que vous savez qu'il y aura des centrales à l'arrêt demain. Les syndicats sont irresponsables ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne parle pas des syndicats, je ne veux pas faire des procès d'intention alors que pour le moment chez EDF les choses se passent correctement. Je dis juste que des engagements ont été pris ; que l'État actionnaire, dont je suis le représentant comme ministre de l'Économie et des Finances, veillera scrupuleusement et rigoureusement à ce qu'EDF tienne ses engagements et il le fera au jour le jour, à la semaine la semaine. Parce que c'est vital pour nous pour éviter des coupures d'électricité cet hiver et c'est vital pour notre économie.

AMANDINE ATALAYA
Tout à fait mais là aussi, pour s'en sortir, est-ce que l'État actionnaire souhaite une augmentation des salaires à EDF ?

BRUNO LE MAIRE
Ce que je souhaite, c'est qu'EDF trouve le plus vite possible un accord avec ses représentants syndicaux. Et je veux redire avec beaucoup de fermeté que lorsqu'une entreprise comme EDF prend des engagements sur la production électrique de la nation, EDF doit tenir ses engagements.

AMANDINE ATALAYA
Par ailleurs, il va y avoir cette semaine l'utilisation, vous allez utiliser le 49-3 pour faire passer le budget. Quand ?

BRUNO LE MAIRE
Patience.

AMANDINE ATALAYA
Mais pourquoi entretenir un mystère ?

BRUNO LE MAIRE
Vous avez vu qu'on a eu beaucoup de patience. Ce n'est pas un mystère, c'est juste que…

AMANDINE ATALAYA
C'est demain, c'est après-demain ?

BRUNO LE MAIRE
Mais je dis depuis le début de l'examen du budget 2023 que comme c'est un des textes les plus importants que nous examinons dans l'année, c'est le budget de la nation française, il faut prendre tout le temps nécessaire. Et avec Gabriel ATTAL, le ministre des comptes publics qui est totalement mobilisé, qui fait au passage un travail exceptionnel, nous travaillons, nous sommes au banc, nous examinons les amendements et nous prenons le temps nécessaire. Donc s'il faut prendre encore une journée ou deux journées de plus, nous prendrons une journée ou deux journées de plus pour aller au bout de l'examen. Après, je vais être très clair avec vous, il reste 2 173 amendements à examiner donc ça veut dire qu'il faudrait accélérer un peu la cadence. Aujourd'hui on en examine 25 à l'heure, il faudrait en examiner 120 à l'heure pour terminer le texte dans les temps. Mais si on ne termine pas le texte dans les temps il faudra…

AMANDINE ATALAYA
Mais pourquoi avez-vous attendu en fait ? Les oppositions disent : c'est presque ignorer notre travail.

BRUNO LE MAIRE
Mais elles sont formidables les oppositions. Amandine ATALAYA, c'est les mêmes qui nous auraient accusés d'être des dictateurs si nous avions mis tout de suite le 49-3 qui maintenant, Marine LE PEN en tête, nous disent que ça ne sert à rien de discuter. Enfin, il faudrait savoir ! Nous, on a un mérite : on peut être contre ou pour notre politique : ce que je vous ai dit sur les carburants, sur l'énergie sur la transition climatique, mais on ne peut pas nous dire qu'on manque de clarté. Moi je suis pour le débat, or le débat suppose de ne pas mettre le 49-3 tout de suite.

AMANDINE ATALAYA
Vous n'êtes pas un dictateur par ailleurs, je voulais le préciser…

BRUNO LE MAIRE
Exactement et je ne compte pas le devenir.

AMANDINE ATALAYA
Donc vous allez des amendements de l'opposition.

BRUNO LE MAIRE
Donc je garderai évidemment des amendements de l'opposition. Il n'est pas question de dire… On a un bon débat à l'Assemblée nationale, il est serein et j'en remercie tous les groupes parlementaires.

AMANDINE ATALAYA
Non mais sur le fond, est-ce que vous pouvez m'en citer un ou deux ? Par exemple il y a cet amendement qui a énormément fait parler.

BRUNO LE MAIRE
Juste pour que nos compatriotes comprennent parce ce que je ne suis pas sûr qu'ils se passionnent pour le débat, le débat se passe bien, il est serein et donc nous pouvons garder un certain nombre d'amendements.

AMANDINE ATALAYA
Je pense qu'ils se passionnent notamment pour cet amendement qui a beaucoup fait parler sur les super dividendes. C'est celui qui a été le plus discuté parce que c'était inattendu.

BRUNO LE MAIRE
Je vais peut-être commencer par des amendements que nous pourrions garder.

AMANDINE ATALAYA
Alors attendez puisqu'on a commencé sur l'amendement sur les super dividendes.

BRUNO LE MAIRE
Vous voulez qu'on commence par un amendement qu'on va refuser ? Bon, commençons par les mauvaises nouvelles.

AMANDINE ATALAYA
C'est une annonce alors que vous nous faites. Il faut juste expliquer aux Français en deux mots que c'était un texte du MoDem qui a été voté par les oppositions et une partie de la majorité pour taxer, surtaxer les dividendes des grandes entreprises qui font beaucoup de profits. Donc vous nous dites : je ne vais pas garder cet amendement ; pourquoi ?

BRUNO LE MAIRE
Mais arrêtons aussi avec ces formules qui sont des supercheries. Super dividendes, superprofits, mais derrière il y a surtout la super taxation permanente. Si la France arrivait à sortir de cette idée qu'elle ira mieux en augmentant systématiquement son niveau de taxes et son niveau d'impôts, qui est déjà le plus élevé de tous les pays développés, je pense qu'on aura fait un grand progrès. Donc tout ce qui sera contraire à la politique que nous menons avec le président de la République avec beaucoup de fermeté depuis 5 ans, c'est-à-dire la stabilité fiscale ou la baisse des impôts…

AMANDINE ATALAYA
Mais Monsieur LE MAIRE, le suppléant d'Élisabeth BORNE à l'Assemblée a voté pour, 19 députés de la majorité ont voté pour. Donc ils ne comprennent rien ?

BRUNO LE MAIRE
Je suis désolé, il y a une cohérence politique et une cohérence économique et financière dont je suis le gardien comme Ministre de l'Économie et des finances, et j'essaie d'être un gardien vigilant. Notre ligne politique, celle sur laquelle nous avons été élus, celle sur laquelle le président de la République a été élu et réélu, c'est celle de la stabilité fiscale et de la baisse des impôts. Qu'est-ce que ces super dividendes ? Mais d'abord / c'est profondément injuste parce qu'on augmente le taux d'imposition des dividendes qui est aujourd'hui à 30 % à 35 % pour les personnes physiques, c'est-à-dire par exemple un salarié qui a des actions, et on ne l'augmente pas pour les personnes morales, c'est-à-dire pour des entreprises ou pour des holdings.

AMANDINE ATALAYA
Monsieur LE MAIRE, vous allez rejeter cet amendement…

BRUNO LE MAIRE
Mais bien sûr.

AMANDINE ATALAYA
Donc ce n'est pas la peine de s'y étendre. Ce qu'on veut savoir ce matin, c'est quels amendements allez-vous garder, histoire d'avancer.

BRUNO LE MAIRE
Je vais juste aller au bout de l'explication, qu'on comprenne bien que je ne balaye pas ça d'un revers de main, qu'on a réfléchi, qu'on a regardé.

AMANDINE ATALAYA
On a bien compris Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Non, je pense qu'on n'a pas bien compris.

AMANDINE ATALAYA
Alors dites-nous vraiment en deux mots pare ce que je voudrais savoir quels amendements vous gardez.

BRUNO LE MAIRE
Je tiens à expliquer pourquoi nous le rejetons. Nous le rejetons au nom de la cohérence de notre politique, stabilité fiscale.

AMANDINE ATALAYA
Oui, parce que vous ne voulez pas augmenter les taxes.

BRUNO LE MAIRE
Non, mais il y a deux autres raisons. 1/ C'est la justice. Je ne vois pas pourquoi on augmenterait l'impôt du salarié qui a des actions économes et qu'on n'augmenterait pas l'impôt de la holding ou du fonds d'investissement qui, lui, a exactement les mêmes actions et qui va les revendre. Je trouve ça profondément injuste. La deuxième raison c'est que ça ne s'applique qu'aux entreprises françaises, comme toujours, et pas aux entreprises étrangères, ça veut dire que l'investisseur français il aura davantage intérêt à acheter des actions d'AMAZON, parce qu'elles seront taxées à 30 %, plutôt que des actions de DANONE ou d'un groupe français parce qu'elles seront taxées à 35 %.

AMANDINE ATALAYA
Vous l'expliquerez à l'Assemblée à vos collègues…

BRUNO LE MAIRE
Je vais surtout l'expliquer à Marine LE PEN quand elle nous dit qu'elle est attachée à la souveraineté économique…

AMANDINE ATALAYA
Quels amendements garderez-vous, s'il vous plaît Monsieur LE MAIRE…

BRUNO LE MAIRE
Et la souveraineté industrielle, parce que si on veut la souveraineté industrielle il faut des actionnaires français qui investissent dans des entreprises françaises, donc il faut un niveau de taxation qui soit raisonnable.

AMANDINE ATALAYA
On a compris. Quels amendements garderez-vous s'il vous plaît ?

BRUNO LE MAIRE
On va garder des amendements de beaucoup d'autres groupes. Quand je vois Valérie RABAULT qui nous dit il faut - qui vient du Parti socialiste - il faut impérativement garder une TVA à 5,5 sur les masques, elle a raison, je pense qu'elle a pointé quelque chose qui est juste, ça me paraît intéressant de garder cet amendement. Quand le MoDem, et vous voyez qu'il n'y a rien contre le MoDem…

AMANDINE ATALAYA
Donc conserver celui-ci…

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr. Quand le MoDem nous dit les petites PME, il faut baisser encore leur niveau d'impôt sur les sociétés parce que elles sont confrontées à la crise énergétique, elles ne peuvent plus payer leurs factures énergétiques, ils ont fait une proposition pour relever encore les seuils – je ne vais pas rentrer trop dans la technique - c'est une très bonne idée, c'est conforme à notre politique, ça soutient les PME, ça soutien la compétitivité, ça soulage nos entrepreneurs, donc évidemment nous disons oui. Après il y en a d'autres qu'on va regarder avec bienveillance, je ne sais pas quelle sera notre décision avec la Première ministre et avec le président de la République, mais quand par exemple un député LR de Bretagne, Marc LE FUR, que je connais bien, nous dit sur les "Ticket Restaurant" ce serait intéressant de rehausser la valeur de 11 à 13 euros parce que tout coûte plus cher dans les restaurants et lorsqu'on cherche à s'alimenter, je trouve que c'est intéressant, je ne sais pas si au bout du compte on le gardera définitivement, mais moi je suis plutôt favorable, je trouve que c'est des propositions qui sont intéressantes. Qu'est-ce que ça montre Amandine ATALAYA ? Que le débat a une immense vertu, que ce débat à l'Assemblée nationale…

AMANDINE ATALAYA
Que vous essayez de ne pas braquer complètement l'Assemblée.

BRUNO LE MAIRE
Non, on essaye d'écouter mais en tenant une cohérence qui est le travail, la stabilité fiscale ou la baisse des impôts, le soutien aux entrepreneurs, et évidemment la protection de nos dépenses publiques, je rappelle que si on gardait tous les amendements aujourd'hui ce serait 8 milliards de dépenses publiques en plus, c'est-à-dire plus de déficits, et plus de dettes, ça ce n'est pas possible.

AMANDINE ATALAYA
Merci Bruno LE MAIRE. Juste, est-ce que vous y pensez le matin en mettant votre col roulé ?

BRUNO LE MAIRE
A quoi ?

AMANDINE ATALAYA
D'après vous ?

BRUNO LE MAIRE
Je n'en sais rien.

AMANDINE ATALAYA
A votre avenir ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je pense qu'on a vu ce matin à quel point il vaut mieux s'occuper du présent, et quand on fait de la politique, si on veut avoir un avenir, il vaut mieux bien gérer le présent.

AMANDINE ATALAYA
Merci Bruno LE MAIRE


source : Service d'information du Gouvernement, le 18 octobre 2022