Interview de M. Gabriel Attal, ministre chargé des comptes publics, à CNews le 20 octobre 2022, sur l'utilisation du 49.3 pour le budget 2023, les difficultés d'approvisionnement des stations-service, les prix de l'énergie et la politique d'immigration.

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Média : CNews

Texte intégral

ROMAIN DESARBRES
Laurence, Gabriel ATTAL est votre invité ce matin.

LAURENCE FERRARI
Bonjour Monsieur le Ministre.

GABRIEL ATTAL
Bonjour Laurence FERRARI.

LAURENCE FERRARI
Bienvenue dans la matinale de Cnews. Il y avait peu de doutes concernant le budget 2023, hier le gouvernement a utilisé le fameux article 49.3, qui permet au gouvernement de faire passer un texte en force. C'est un aveu de faiblesse ce passage en force pour vous ?

GABRIEL ATTAL
Comme vous l'avez dit, c'était inéluctable, puisque les oppositions avaient annoncé, avant même qu'on commence la discussion du budget, que quoi qu'il y ait dans le budget, elles voteraient contre, et que donc on n'aurait pas le choix d'utiliser le 49.3. Pour autant, moi, ce que je retiens, c'est qu'il y a eu plus d'une soixantaine d'heures de débats, 10 jours de débats, 1 500 amendements examinés…

LAURENCE FERRARI
Qui ont servi à quelque chose ou à rien ?

GABRIEL ATTAL
Oui, qui ont servi, puisque le texte adopté avec le 49.3 n'est pas le même que celui qui est rentré dans les discussions.

LAURENCE FERRARI
À la marge. À la marge.

GABRIEL ATTAL
Ah non, on a retenu des amendements importants, qui étaient présentés par la majorité et par les oppositions…

LAURENCE FERRARI
Par exemple ?

GABRIEL ATTAL
… avec des mesures concrètes. Eh bien par exemple pour les familles qui travaillent, qui doivent faire garder leurs enfants, on a augmenté le plafond du crédit d'impôt garde d'enfant à 3 500 €. Une autre mesure qui était proposée par l'opposition, sur les Ticket Restaurant, on augmente la valeur faciale des Ticket Restaurant, on passe de 11,80 € à 13 €. Une autre mesure qui était proposée par les oppositions, on octroie une demi-part fiscale supplémentaire pour les veuves d'anciens combattants, c'était attendu aussi, ça permet de baisser leurs impôts. Il y a d'autres mesures comme ça qui vont nous permettre d'enrichir le texte, donc la discussion a été utile.

LAURENCE FERRARI
Ça représente quelle somme à peu près ces amendements que vous avez acceptés de l'opposition ?

GABRIEL ATTAL
Au global, l'ensemble des amendements qu'on a acceptés, c'est 700 millions d'euros de dépenses supplémentaires, la moitié des dépenses c'est pour les oppositions, la moitié pour la majorité.

LAURENCE FERRARI
Donc sur un budget total de ?

GABRIEL ATTAL
Sur un budget total de 450, 500 milliards d'euros, donc…

LAURENCE FERRARI
Voilà, donc on est d'accord que c'est Epsilon.

GABRIEL ATTAL
Mais, vous savez, on est aussi responsable avec les finances publiques et avec le budget et l'argent des Français. C'est vrai que si on écoutait les oppositions, il y aurait eu 8, 10 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Et on a une responsabilité, quand on voit ce qui se passe autour de nous, notamment au Royaume-Uni, qui a été dans un risque de crise financière, du fait d'un budget qui était je pense un peu inconsidéré, on doit être responsable avec l'argent des Français.

LAURENCE FERRARI
Sans surprise vous avez rejeté l'amendement visant à taxer les superdividendes, que pourtant vos alliés du MoDem réclamaient. Pourquoi vous l'avez rejeté ?

GABRIEL ATTAL
Parce que notre priorité, et ce qu'on cible, c'est ce que certains ont appelé les superprofits. On a trouvé un mécanisme au niveau européen, que l'on transpose au niveau français. Très concrètement, les entreprises de l'énergie qui ont fait des profits, "grâce" à l'inflation sur les prix de l'énergie, l'Etat va récupérer ces sommes pour financer le bouclier tarifaire.

LAURENCE FERRARI
Quand ? Quand et combien ?

GABRIEL ATTAL
Déjà, on a déjà commencé cette année, puisque le mécanisme européen il est inspiré du mécanisme français, et puis l'année prochaine ça va se poursuivre. C'est plusieurs dizaines de milliards d'euros. C'est ce qui finance le bouclier tarifaire. Parce que vous savez que si on ne faisait rien, l'an prochain la facture d'électricité et de gaz des Français, de tous ceux qui nous écoutent, augmenterait en moyenne de 120 %. On va la bloquer à 15 %. Ça veut dire qu'entre les 15 % et les 120 %, c'est les finances publiques qui compensent, et elles compensent comment ? Par ce qu'on récupère sur les grandes entreprises. Et donc on préfère cibler ces superprofits plutôt que les dividendes, puisque vous savez qu'il y a beaucoup de salariés aujourd'hui, y compris des salariés modestes, qui reçoivent des dividendes de leurs entreprises, parce qu'on a développé l'actionnariat salarié, la participation dans l'entreprise, et donc on ne souhaite pas évidemment les mettre à contribution.

LAURENCE FERRARI
On va continuer à parler de l'énergie dans un instant. Pas de retour de l'ISF non plus, ça, on ne touche pas à ça.

GABRIEL ATTAL
Non, ça a été examiné par le Parlement, et une majorité parlementaire a voté contre le rétablissement de l'ISF. Moi je rappelle que la politique fiscale qu'on a menée depuis 5 ans, c'est ce qui fait qu'on est redevenu le pays le plus attractif en Europe pour les investissements étrangers, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est un baromètre international indépendant. C'est grâce à ça probablement aussi qu'on a le taux de chômage le plus bas depuis 15 ans, le taux de chômage des jeunes le plus bas depuis 40 ans. Donc il faut garder cette cohérence qui permet à notre économie de se développer.

LAURENCE FERRARI
Un mot du budget de la Sécurité sociale qui doit être étudié dès aujourd'hui au Parlement. Pareil, vous allez y aller avec le 49.3 dès aujourd'hui ou même demain, c'est ça ?

GABRIEL ATTAL
Eh bien, ce que je constate, c'est que de la même manière que pour le budget de l'Etat, les oppositions expliquent que quoi qu'il arrive elles voteront contre le budget de la Sécurité sociale, mais sans même nous dire vraiment ce qui ne leur va pas dans le budget, c'est ça qui est bizarre. Pour la première fois dans l'histoire, on va dépenser plus de 100 milliards d'euros pour l'hôpital public. Je pense que tous les Français attendent qu'on renforce les moyens de l'hôpital public. On donne des moyens supplémentaires pour nos personnes âgées, avec 2 heures prises en charge par semaine en plus, d'accompagnement, de convivialité, de lien social. Avec la création de postes dans les maisons de retraite.

LAURENCE FERRARI
Donc…

GABRIEL ATTAL
Les oppositions ne nous disent pas ce qui les gêne…

LAURENCE FERRARI
Si, alors, le professeur Philippe JUVIN, par exemple, dit que vous avez bâti ce budget en partant du principe qu'il n'y a pas de Covid, dont acte.

GABRIEL ATTAL
Ah, ce n'est pas vrai, on a provisionné…

LAURENCE FERRARI
Rien pour les Covid longs, rien sur la rémunération des personnels soignants pour le week-end et la nuit. Rien sur les soins palliatifs. Rien sur les déserts médicaux.

GABRIEL ATTAL
Alors, on a provisionné plus d'un milliard d'euros justement sur le Covid, pour prévoir ces dépenses. Sur les déserts médicaux, mon collègue François BRAUN, dans ce texte, porte des mesures importantes pour assurer la présence médicale. Vous savez qu'on a notamment une mesure sur la 4e année d'internat pour les étudiants, pour renforcer la présence médicale dans ces territoires. Donc il y a des mesures. Donc je trouve ça assez curieux, moi, d'annoncer avant même la discussion, qu'on votera contre un budget. Et donc, dans ces conditions, oui on sera amené très probablement à utiliser le 49.3 sur le budget de la Sécurité sociale.

LAURENCE FERRARI
Aujourd'hui ou demain.

GABRIEL ATTAL
Ça va dépendre aussi des débats. Est-ce que, il y a une opposition, une forme de blocage systématique absolu…

LAURENCE FERRARI
Vous venez de le dire…

GABRIEL ATTAL
…des propositions ou pas.

LAURENCE FERRARI
Donc oui, vous allez utiliser le 49.3 aujourd'hui ou demain.

GABRIEL ATTAL
Si ça se confirme, c'est une possibilité importante.

LAURENCE FERRARI
Alors, parlons de l'énergie et notamment de la grève les carburants. Ça s'améliore un tout petit peu sur ce territoire-là. Les vacances de la Toussaint ne sont pas menacées ?

GABRIEL ATTAL
En tout cas, on fait tout pour que ça soit le plus simple possible pour les Français. Moi, ceux qui seront à même de dire s'il y a une amélioration ou pas, ce n'est pas moi, c'est les Français. Voilà. Ce qu'on voit, nous…

LAURENCE FERRARI
Eh bien quand même, vous devez le savoir.

GABRIEL ATTAL
Ce qu'on voit nous, au niveau national…

LAURENCE FERRARI
Vous aviez vu "pas de pénurie", vous vous étiez un peu trompés.

GABRIEL ATTAL
Non, mais ce qu'on voit au niveau national aujourd'hui, c'est qu'il y a de moins en moins de raffineries et de dépôts de carburant qui sont bloqués. Je crois qu'on est à une ou deux raffineries…

LAURENCE FERRARI
Deux raffineries, oui.

GABRIEL ATTAL
… sur sept, qui sont encore bloquées, et cinq dépôts sur 200 qui sont bloqués, parce qu'on a fait des réquisitions. Donc au niveau national on voit ça. Après, l'important, c'est que ça s'améliore à la pompe pour les Français, et vous avez encore des Français qui font la queue avec leur voiture pendant plusieurs heures pour prendre du carburant. Ça, ça va prendre encore quelques jours je pense avant de s'améliorer sensiblement.

LAURENCE FERRARI
Est-ce qu'il fallait que Patrick POUYANNE, le patron de TotalEnergies, est-ce que vous estimez que lui il l'a fait une erreur en évoquant son salaire, en disant "je suis très fatigué de la communication autour de mon salaire" ?

GABRIEL ATTAL
Moi, je ne veux pas faire du commentaire de tweet ou accabler des gens.

LAURENCE FERRARI
Non mais le porte-parole du gouvernement, Olivier VERAN, dit : attention aux messages que l'on envoie aux Français sur ce type de salaire.

GABRIEL ATTAL
Vous savez, on a eu dans l'hémicycle, sur le budget, un débat sur l'encadrement des salaires. La Nupes, La France insoumise, proposaient une forme de soviétisation de l'économie où l'Etat décidait du salaire des dirigeants d'entreprise, ce qui aurait concerné aussi les PME, les TPE dans notre pays. Nous on ne souhaite pas aller là-dedans. Les salaires des dirigeants d'entreprise, ils sont validés par les actionnaires. Première chose. Et deuxième chose, moi ce qui m'importe, si un dirigeant d'entreprise décide de s'augmenter, d'être augmenté, c'est que cette entreprise partage la valeur dans l'entreprise, qu'elle augmente aussi ses salariés, qu'elle fasse des gestes aussi pour le pouvoir d'achat des Français. En l'occurrence TOTAL, on peut juger que ce n'est pas suffisant, mais a fait la ristourne à la pompe pour 500 millions d'euros, et les Français ont vu que le carburant a baissé dans les stations. Ils ont obtenu en accord avec leurs salariés, un peu dans la douleur, pour revaloriser de 7 % les salaires dans les raffineries. Donc c'est aussi ça moi qui m'importe.

LAURENCE FERRARI
La ristourne à la pompe justement, vous l'avez prolongée, le gouvernement, jusqu'au 15 novembre. Je ne vois pas comment vous allez pouvoir l'arrêter en réalité. Il va falloir la prolonger, et la prolonger, et la prolonger.

GABRIEL ATTAL
Ça va dépendre de l'évolution du prix du pétrole. Si on et…

LAURENCE FERRARI
Ça ne va pas s'améliorer, vous le savez.

GABRIEL ATTAL
Si on voit qu'il y a une nouvelle explosion du prix du pétrole, on sera amené à prendre d'autres mesures. Simplement…

LAURENCE FERRARI
Pas que la ristourne à la pompe ?

GABRIEL ATTAL
Ça ne sera pas la ristourne, puisque la ristourne va s'arrêter, ce sera une aide ciblée…

LAURENCE FERRARI
Vous confirmez qu'elle s'arrête le 15 novembre ?

GABRIEL ATTAL
Oui, bien sûr, et ça sera une aide ciblée sur ceux qui travaillent. Ce qui s'arrête le 15 novembre c'est la partie à 30 centimes.

LAURENCE FERRARI
D'accord.

GABRIEL ATTAL
Après ça baisse et c'est jusqu'à la fin de l'année. Mais, il faut désormais aller vers des aides plus ciblées. Moi je suis là pour dire la vérité aux Français, je suis en charge des finances publiques, du budget de la France, on ne peut pas se payer une ristourne permanente, voilà, c'est une réalité. Donc on a travaillé à un dispositif ciblé, qui pourrait être activé si on avait une nouvelle augmentation du prix du carburant, qui serait ciblée sur les Français qui travaillent et qui sont obligés d'utiliser leur voiture pour aller travailler, qui ont du mal à joindre les deux bouts…

LAURENCE FERRARI
Et ceux qui recherchent un emploi et qui prennent leur voiture pour chercher un emploi…

GABRIEL ATTAL
On peut imaginer avec Pôle emploi des solutions pour ceux qui recherchent vraiment un emploi, pour les accompagner avec des aides. Mais l'aide ciblée, il faut qu'elle cible vraiment les Français qui travaillent.

LAURENCE FERRARI
Justement, le bouclier énergétique, vous en aviez parlé pour les particuliers, il est effectif dès maintenant et aussi au mois de janvier. Pour les entreprises, qu'est-ce que vous allez faire ? Il y a nombre de petites entreprises qui sont au bord de la faillite, est-ce qu'il y a un bouclier qui va être mis en place pour eux ?

GABRIEL ATTAL
Alors, il y a un bouclier pour les plus petites entreprises. Il y a 1,5 million entreprises. Si votre entreprise à moins de 10 salariés ou moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires, c'est 1,5 million d'entreprises, vous êtes éligible au bouclier tarifaire sur le prix de l'électricité, comme les Français. C'est-à-dire que cette année votre facture a été bloquée à 4 %, et l'an prochain c'est 15 % maximum au lieu de 120 %.

LAURENCE FERRARI
Et pour toutes celles…

GABRIEL ATTAL
Ensuite, vous avez celles qui sont au-dessus, et donc là on a mis en place une aide, avec un fonds à 3 milliards d'euros, pour les accompagner. Il faut se rendre sur impots.gouv.fr, où vous avez tous les détails. Et là on travaille au niveau européen pour renforcer cette aide, puisque vous savez qu'il y a des règles européennes, pour ne pas que les aides soient qualifiées d'aides d'Etat, aux entreprises, pour renforcer le dispositif. Comme on fait le mécanisme que j'expliquais tout à l'heure, on va mettre à contribution les dits superprofits, on va pouvoir accompagner encore davantage ces entreprises. Moi je veux vraiment m'adresser à ceux qui nous écoutent, qui ont une entreprise, une PME, une entreprise de taille intermédiaire, qui se disent : « je ne sais pas comment je vais passer l'année prochaine, avec des prévisions de prix l'électricité aussi hautes ». Et je veux leur dire qu'on travaille vraiment d'arrache-pied, à un mécanisme qui permettra de les soutenir et de leur permettre de tenir l'année prochaine. C'est une question de jours avant qu'il soit présenté.

LAURENCE FERRARI
Et de visibilité aussi, au-delà de l'année prochaine, une visibilité sur les prochaines années, parce que toutes les embauches, toute sa stratégie dépend de cette visibilité.

GABRIEL ATTAL
Bien sûr, mais vous savez que le coeur de notre mobilisation, c'est aussi tout le travail qu'on mène au niveau européen, pour faire baisser le prix de l'électricité sur le marché européen. Il y a notamment un combat…

LAURENCE FERRARI
Et le décorréler du prix du gaz.

GABRIEL ATTAL
Voilà, le combat qu'on porte de décorréler le prix de l'électricité du prix du gaz, de plafonner le prix au niveau européen, c'est ça qui nous permettrait vraiment de tenir. Et il y a une réunion importante qui se tient aujourd'hui et demain, puisqu'il y a un Conseil européen qui se tient, auquel participe le président de la République, pour continuer à avancer sur ce sujet.

LAURENCE FERRARI
En revanche, le Conseil prévu avec l'Allemagne a été reporté. Il y a de l'eau dans le gaz entre la France et l'Allemagne sur ce sujet-là, particulièrement ?

GABRIEL ATTAL
Non…Il y a des débats…

LAURENCE FERRARI
Eh bien, il a été reporté.

GABRIEL ATTAL
Non mais il y a des débats, c'est une certitude, on peut avoir des désaccords sur certains points, on peut avoir parfois en plein bras de fer sur certains sujets, c'est sain aussi, évidemment, et c'est ce qui se passe dans une communauté politique comme l'Union européenne. Mais je ne crois pas que ça va au-delà de ça.

LAURENCE FERRARI
Le quoi qu'il en coûte, j'y reviens, parce que les Français ils ont vu qu'il était possible pendant toute la période Covid. On a sauvé les entreprises. Pourquoi là, alors qu'elles sont de la même façon menacées dans leur survie, vous n'activeriez pas ce type de dispositif ?

GABRIEL ATTAL
Parce qu'on a changé de monde. On est passé d'un moment où il y avait une forme d'argent gratuit, puisque les taux d'intérêt auxquels on empruntait, étaient soit à zéro, soit négatifs. Ils ont remonté, et donc notre dette, nos emprunts, nous coûtent beaucoup plus cher. Et donc on doit être précautionneux avec l'argent des Français pour ces raisons-là. Par ailleurs, pendant le Covid et le quoi qu'il en coûte, toute l'économie a été fermée et mise à l'arrêt, ce qui n'est pas le cas, il y a des grandes difficultés pour beaucoup d'entreprises, mais on peut les accompagner de manière ciblée.

LAURENCE FERRARI
J'aimerais qu'on parle de la petite Lola, 12 ans, qui a été assassinée vendredi dernier. Olivier VERAN a reconnu les efforts à faire concernant l'application des obligations de quitter le territoire, puisque sa meurtrière présumée est une ressortissante algérienne de 24 ans, en situation irrégulière. Ce n'est pas la première fois que ce type de débat a lieu. Est-ce que vous pensez qu'il est indécent de l'avoir en ce moment, ou est-ce que toutes les questions doivent être posées ?

GABRIEL ATTAL
Ah, moi je pense que d'abord c'est un drame absolument bouleversant et atroce, au-delà de l'imaginable, en réalité, qui bouleverse tous les Français. Et dans ces circonstances, évidemment que toutes les questions sont légitimes, et que, en tant que membres du gouvernement, on est là pour rendre des comptes et pour répondre aux questions qui sont posées. Ce qui est indécent en revanche, c'est la récupération politique, l'instrumentalisation politique de la mémoire de cette fillette, par certaines formations politiques, notamment l'extrême droite, voilà, mais sur les questions qui sont posées, la question des OQTF ou que vous avez évoquée, ça fait des années qu'on en parle, et quand je dis des années c'est plusieurs quinquennats…

LAURENCE FERRARI
Des années qu'on est inefficace.

GABRIEL ATTAL
Mais que par ailleurs c'est un enjeu, ces difficultés, pour tous les pays européens. Parce qu'on peut délivrer des OQTF, la difficulté qu'on a c'est à expulser un certain nombre de ressortissants, notamment de pays du Maghreb, puisque les pays d'origine n'acceptent pas de les reprendre. Et on a ce problème en France, mais on a le même problème en Allemagne et dans les pays qui nous entourent.

LAURENCE FERRARI
Mais, la Première ministre était en Algérie, ça ne sert à rien tous ces voyages.

GABRIEL ATTAL
Aujourd'hui…

LAURENCE FERRARI
À rien.

GABRIEL ATTAL
Je ne dirais pas ça Laurence FERRARI, parce qu'on voit que les éloignements cette année ont augmenté par rapport à l'année dernière. Pourquoi ? Parce qu'on a pris des mesures très dures…

LAURENCE FERRARI
De combien ?

GABRIEL ATTAL
De 20 %. On a pris des mesures très dures. On a notamment réduit drastiquement le nombre de visas qu'on délivre aux ressortissants de ces pays, et on a dit à leurs dirigeants : si vous voulez qu'on donne des visas, des entrés légales à vos ressortissants, acceptez de reprendre vos ressortissants qui n'ont rien à faire en France. Et on voit qu'il commence à y avoir une amélioration de ce point de vue-là, une augmentation de 20 % des éloignements par rapport à l'année dernière. Aujourd'hui on éloigne grosso modo autant qu'au point haut du quinquennat Sarkozy. Ce n'est pas assez, il faut continuer, il faut aller plus loin. Moi j'entends des responsables politiques qui nous font des leçons sur le sujet, j'entends assez peu de propositions sur la manière dont on pourrait faire mieux. Et moi je suis très ouvert à entendre toutes les propositions, mais on voit qu'autour de nous un certain nombre de pays européens sont confrontés à la même situation. Il faut continuer là aussi une forme de bras de fer, avec des pays qui n'acceptent pas de reprendre leurs ressortissants.

LAURENCE FERRARI
Le taux d'expulsions en Allemagne est de 53 %, alors que chez nous il et entre 10 et 15 %.

GABRIEL ATTAL
C'est un peu différent, Laurence FERRARI, parce qu'en Allemagne ils ne délivrent des OQTF que quand ils sont quasiment sûrs d'expulser les personnes. En volume, c'est-à-dire en nombre de personnes expulsées…

LAURENCE FERRARI
Et donc nous on les délivre, en étant sûr qu'ils ne seront pas expulsés.

GABRIEL ATTAL
Ah ben non, nous on les délivre quand on considère qu'ils n'ont rien à faire sur notre sol, et effectivement il y en a certain qu'on n'arrive pas à expulser.

LAURENCE FERRARI
D'accord, mais nous on ne les met pas en oeuvre, voilà.

GABRIEL ATTAL
Prenez en volume, en nombre de personnes expulsées, on est grosso modo au même niveau que les Allemands. On fait 2 fois plus que les Italiens, 50 % de plus que les Espagnols, mais encore une fois je ne dis pas ça pour dire "tout fonctionne parfaitement bien", la réalité c'est qu'on n'arrive pas à expulser suffisamment, mais en tout cas ce que je dis, c'est qu'on a engagé des mesures extrêmement fortes avec les pays, et d'ailleurs ils ont réagi, vous vous souvenez assez vivement quand on a réduit le nombre de visas, pour être plus efficace en la matière.

LAURENCE FERRARI
Pourquoi est-ce qu'Emmanuel MACRON avait promis 100 % des exécutions de ces OQTF, alors, au début de son premier mandat ?

GABRIEL ATTAL
C'est notre objectif, parce que la réalité c'est que…

LAURENCE FERRARI
Mais on est tellement loin.

GABRIEL ATTAL
Nous, ce que l'on souhaite…

LAURENCE FERRARI
Il y a une telle impuissance de l'Etat, les Français la demande la fermeté de l'Etat français. Tous les jours ils la demandent.

GABRIEL ATTAL
Bien sûr, et ils ont raison de la demander. Et notre rôle c'est de la viser, et ça doit être notre objectif, et c'est ce qu'on poursuit, voilà, mais vous avez vu qu'on a renforcé nos mesures pour pousser les pays d'origine à accepter de reprendre leurs ressortissants. Cette mesure sur les visas, elle avait été mise en place car aucun des gouvernements précédents, alors même que les difficultés on les connaissait, on éloignait 20 % à l'époque du quinquennat de Nicolas SARKOZY, comme aujourd'hui, voilà. Et on cherche toujours à aller plus loin.

LAURENCE FERRARI
Plus de centres de rétention administrative. Gérald DARMANIN annonce 300 places supplémentaires à l'horizon 2026. On a le temps d'attendre jusque-là ?

GABRIEL ATTAL
Non, et puis 'ailleurs on en a créé récemment. On a créé je crois 140, un centre de 140 places à Lyon, il n'y a pas si longtemps que ça. On a augmenté par ailleurs la durée de rétention, dans les centres de rétention administrative, parce que parfois le temps…

LAURENCE FERRARI
90 jours.

GABRIEL ATTAL
Oui, parce que parfois le temps pour recevoir le laissez-passer consulaire, était tellement long, que la personne sortait du centre de rétention, donc on a augmenté ces délais-là. Par ailleurs on a un texte sur l'immigration qui arrivera dans les prochains mois et qui nous permettra aussi de prendre des mesures…

LAURENCE FERRARI
De durcir ?

GABRIEL ATTAL
Si c'est nécessaire, bien sûr, ça semble que c'est le cas, donc…

LAURENCE FERRARI
Un mot de la Syrie. Il y a eu le rapatriement cette nuit de 15 femmes et 40 enfants français, qui étaient détenus dans des camps en Syrie. Les mineurs sont remis aux services sociaux, les femmes à la justice. Il faut continuer dans cette voie-là ? Il faut rapatrier ? Il y a encore je crois 150 ressortissantes françaises là-bas.

GABRIEL ATTAL
Il faut le faire au cas par cas, et c'est ce qu'on fait. On entend souvent des associations ou des personnalités politiques qui nous disent : "rapatriez d'un coup tout le monde, et tous les ressortissants, tous ceux qui ont la nationalité française en Syrie". Nous on a fait le choix de faire du cas par cas, parce que les situations sont très différentes et parce qu'on doit être évidemment extrêmement précautionneux. Et donc vous l'avez dit, les enfants ont un suivi médico-social, et les mamans, les femmes, sont remises à la justice. Personne n'est laissé dans la nature. Voilà. Il y a évidemment un suivi qui est fait, et c'est pour ça qu'il faut le faire par étapes, et de manière ciblée.

LAURENCE FERRARI
Gabriel ATTAL était l'invité de la matinale, qui s'apprête à dégainer un autre 49.3 pour le budget de la Sécurité sociale.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 octobre 2022